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Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 16 février 2010 à 15h00
Modification de la procédure de huis clos devant la cour d'assises des mineurs — Discussion d'une proposition de loi

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, cher François Baroin, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de saluer, au nom du Gouvernement, l'initiative prise par MM. François Baroin et Jack Lang. Le consensus exigeant qui a présidé à vos travaux renforce l'importance et l'intérêt de la démarche de modernisation dans laquelle vous vous êtes engagés. Je salue également l'implication de la commission des lois dans l'important travail collectif, notamment d'auditions, et plus généralement l'intérêt que l'ensemble des députés ici présents porte à cette démarche.

En droit pénal, comme dans toutes les branches du droit, toute règle de procédure porte une certaine vision du procès, une certaine conception de la justice, une certaine idée de la société. Le huis clos a longtemps été la règle en cour d'assises des mineurs. Cette règle répond à un besoin de protection, en raison de la vulnérabilité supposée des parties au procès et de la nature des faits en cause. Elle correspond aussi à une volonté de discrétion sur des affaires particulièrement douloureuses.

Aujourd'hui, les évolutions de la société nous conduisent à en reconsidérer la portée. Le secret qui entoure les procès concernant les mineurs n'est pas toujours compris dans une société où la transparence est devenue une exigence démocratique. La publicité est inséparable des règles du procès équitable, au sens de la convention européenne des droits de l'homme, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur. Les Français attendent du procès qu'il joue tout son rôle pédagogique, en portant son intervention et son action à la connaissance du public, y compris par la voie des médias.

Le besoin de protection d'un mis en cause mineur au moment des faits n'est plus compris dans les cas où les personnes concernées sont devenues majeures au jour du procès. Aujourd'hui, le huis clos est de droit dès lors que l'accusé était mineur au moment des faits. Cette règle n'est pas adaptée aux affaires pour lesquelles l'intérêt de la société commande un procès pédagogique et une sanction exemplaire. Des exemples particulièrement dramatiques ont été cités. L'ensemble des intérêts en cause doit être pris en compte. Une partie doit pouvoir réclamer la publicité des débats.

Je ne reprendrai pas le mécanisme que le rapporteur a fort bien développé à l'instant ; il me paraît parfaitement cohérent et équilibré. Une telle mesure est à la fois réaliste et protectrice des victimes : réaliste, parce qu'elle permettra une application au cas par cas de la règle de publicité de l'audience, et donc de la visibilité du procès ; protectrice des victimes, car, en confiant la décision au juge, elle empêche que l'organisation du procès ne dépende du seul droit de l'accusé.

Ces règles ont donc vocation à s'appliquer à la cour d'assises des mineurs et au tribunal des enfants. L'amendement à ce propos me paraît légitime. En adaptant la règle de publicité des débats, la proposition de loi s'inscrit dans le strict respect du principe de spécificité du statut pénal des mineurs. Le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises la valeur constitutionnelle de ce principe.

La spécificité des règles de publicité de la justice des mineurs demeure. S'agissant des mineurs au moment des faits et au jour du procès, la règle demeure celle du huis clos. Peu importe que ces cas soient nombreux ou pas, c'est une question de principe. Dans le cas des mineurs au moment des faits devenus majeurs au jour du procès, il reviendra in fine au juge de choisir entre publicité et publicité restreinte. Là non plus, je ne reprends pas l'explication fort claire que vous avez donnée, monsieur le rapporteur, sur les conditions dans lesquelles s'exercera ce choix.

Une protection renforcée de l'identité des mineurs est le corollaire de l'assouplissement des règles de publicité. La publicité des débats n'implique pas le droit de divulguer dans la presse l'identité des mineurs en cause. Il est logique que la protection de l'anonymat soit renforcée, dans le respect des principes de la justice des mineurs. Là aussi, vous avez rappelé les sanctions prévues le cas échéant.

Mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi repose sur un juste équilibre entre transparence du procès et respect de la spécificité du statut pénal des mineurs. Elle s'inscrit en parfaite cohérence avec les réformes qui moderniseront notre justice pénale. Notre responsabilité est de construire ensemble une justice moderne, à l'écoute du justiciable, proche de ses attentes et de ses préoccupations, respectueuse des grands principes du droit. La route est longue, mais la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en pose un des jalons. Je vous remercie de cette initiative que le Gouvernement soutient. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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