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Intervention de Philippe Folliot

Réunion du 13 janvier 2010 à 21h30
Délimitation des circonscriptions des députés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Folliot :

…j'ai écrit le 19 mai 2009 une lettre à caractère officiel, adressée au président de la commission de contrôle sur le redécoupage électoral, pour porter à sa connaissance, comme je l'avais fait à l'endroit de M. le préfet du Tarn dans la phase de concertation préalable, certains éléments pertinents se fondant sur des informations objectives et vérifiables.

Je ne vais pas, comme lors du débat d'octobre dernier, vous lire cette lettre, à laquelle je n'ai d'ailleurs obtenu aucune réponse. Je voudrais simplement vous assurer qu'il ne s'agissait nullement pour moi de tenter de faire pression sur la commission indépendante, mais seulement de contribuer à sa réflexion par le biais d'observations qui doivent être prises en compte avant de rendre un avis aussi important pour notre démocratie locale.

Plus précisément, j'avais fait valoir que la proposition du secrétaire d'État aux collectivités territoriales, telle qu'elle avait été transmise à la commission indépendante, « n'apparaissait pas correspondre aux logiques historiques, démocratiques, territoriales et politiques du département du Tarn et même à la méthodologie retenue par le Gouvernement. »

« Depuis 1815, soulignais-je, jamais les villes d'Albi et de Castres n'ont figuré dans une même circonscription. A fortiori, couper les communes de Castres et d'Albi en deux ou en réunir la moitié de chacune au sein d'une même circonscription constitue une option pour le moins originale qui ne s'appuie sur aucun précédent dans l'histoire de notre département ». Cela signifiait tout simplement qu'aucun impératif, aucun motif d'intérêt général ne permettait de prendre une telle décision, et ce d'autant plus qu'à quelques exceptions près, je le répète, les circonscriptions législatives du Tarn ont toujours été structurées autour de trois pôles : Nord – Albi, Carmaux et Ségala –, Sud-Est – Castres, Mazamet et Montagne – et Ouest – Gaillac, Graulhet et Lavaur.

En m'appuyant directement sur les principes essentiels qui gouvernent la matière, tels que le Conseil constitutionnel les a rappelés, je rappelais que de 1958 à 1986, les trois députés tarnais étaient élus dans cette configuration électorale. C'est une des raisons pour lesquelles la plupart des forces politiques du département étaient favorables à un retour, moyennant quelques aménagements à la marge, à une configuration qui s'appuie sur une réalité historique et qui a déjà fait ses preuves au fil de nos républiques. Qui plus est, et en l'état de données objectives, le fait que « l'argument démographique plaide également en faveur d'un tel redécoupage » est acquis. J'y reviendrai tout à l'heure.

En effet, la proposition retenue par le Gouvernement fait ressortir des différences de près de 15 000 et 20 000 habitants entre la circonscription la moins peuplée – Albi, Castres et la montagne – et les deux autres, plus peuplées – Castres-Lavaur-Mazamet et Albi-Carmaux-Graulhet –, soit un écart de respectivement 12 % et 16 %.

Cet écart va systématiquement et mécaniquement s'accentuer au fil des ans, pour passer très rapidement au-dessus de 20 %, puisque la dynamique démographique est clairement favorable au secteur Ouest, comme le montre la forte progression de la population entre 1999 et 2008 dans cette partie du département, principalement dans le secteur de Gaillac et Lavaur.

J'indiquais alors à la commission que l'un des principes législatifs du redécoupage, à savoir le rééquilibrage entre les circonscriptions d'un même département, n'était donc pas pleinement satisfait dans l'hypothèse retenue par le projet gouvernemental. À l'inverse, un retour, moyennant quelques adaptations, aux circonscriptions de 1958 et 1986 permettait de donner une légère avance démographique de 4 000 habitants à la circonscription Castres, Mazamet et Montagne sur les deux autres et de maintenir, selon toute probabilité, un écart inférieur à 20 % pour les vingt, trente voire quarante ans à venir, puisque, on le sait, le secteur Ouest notamment progresse en termes de population, de même que le secteur Nord, par rapport au secteur Est.

Obnubilé par le souci de satisfaire à des impératifs relevant de l'intérêt général et transcendant toute autre considération partisane, j'avais fait valoir que si, a priori, la loi ne retenait explicitement que les critères démographiques, il convenait toutefois de s'arrêter quelque peu aux logiques territoriales, administratives et politiques du redécoupage proposées par le Gouvernement.

« En effet, écrivais-je, la constitutionnalisation du principe de décentralisation, la mise en place de politiques de plus en plus territorialisées ou encore la volonté de rapprocher le citoyen de la décision politique, ne peuvent nous laisser ignorer la nécessité d'une organisation politique et administrative cohérente des territoires, et à travers elles, la satisfaction des attentes et besoins des citoyens en termes de services publics et d'identification de leurs responsabilités politiques. » Or la proposition que le Gouvernement avait adressée à la commission « aboutit à écarteler des communes entre deux circonscriptions, comme la préfecture Albi et la sous-préfecture Castres… Comment un citoyen castrais ou albigeois pourra-t-il identifier son député alors qu'il n'est pas le même d'un côté ou de l'autre de sa rue ou de son quartier ? Si, dans les grandes villes comme Paris, Lyon ou Marseille, ou même dans les métropoles régionales comme Toulouse, cette situation est facilement compréhensible et correspond a priori aux délimitations d'arrondissements ou de quartiers traditionnels, il n'en est rien dans le partage proposé pour Albi et Castres », qui comptent moins de 50 000 habitants.

Pour conforter encore, s'il en était besoin, la rigueur de cette analyse fondée sur des données géographiques, historiques et démographiques, je rappelais que jamais, dans son histoire, la ville de Castres n'avait été coupée en deux.

« Quand bien même faudrait-il absolument procéder à cette scission, il paraîtrait plus logique de le faire en basculant les cantons Ouest et Sud dans la circonscription de Lavaur puisque le canton Ouest de Castres est issu d'une scission du canton Sud intervenue il y a une dizaine d'années. » J'y reviendrai tout à l'heure dans le détail, monsieur le secrétaire d'État.

« Quant à Albi, si, en 1986, la préfecture a été coupée en deux, cela s'est fait avec un minimum de cohérence, c'est-à-dire à partir de la démarcation de la rive Nord et Sud du Tarn. En outre, le passage de trois à quatre circonscriptions ne laissait pas d'autres possibilités que de scinder la ville préfecture ».

Après avoir mis en relief les données objectives conformes à l'intérêt général et aux principes qui gouvernent la matière, j'ai mis le doigt sur la singularité du dossier et sur une certaine dérive qui, elle, n'est plus justifiée par des éléments objectifs. Le décrochage est dès lors avéré et le projet du Gouvernement, sur lequel celui-ci s'est arc-bouté du début à la fin, comme si tout avait été figé dès l'origine – circulez, il n'y a rien à voir –, s'éloigne, si on le considère dans son ensemble, des principes qui régissent notre matière, à savoir un intérêt général démocratique bien compris reposant sur l'égalité des citoyens au regard du critère démographique et des lignes directrices posées par le Conseil constitutionnel dans le but précisément d'éviter ces risques de dérives politiciennes.

Par ailleurs, pour conforter, s'il était encore besoin, cette démonstration, j'ai appelé tout particulièrement l'attention de la Commission Guéna sur le fait que le projet du Gouvernement « ignore totalement la dimension des intercommunalités existantes… Le territoire de la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet, créée en 1999, se trouve scindé en deux ainsi que la communauté de communes de l'Albigeois, créée en 2002, devenue depuis lors communauté d'agglomération. »

« Cette orientation », écrivais-je, « va enfin à l'encontre des réformes préconisées par le rapport Balladur et envisagées par le Gouvernement afin de renforcer les pouvoirs de l'intercommunalité qui sont d'ores et déjà les lieux privilégiés des politiques en matière de transport, de logement ; de développement économique et d'aménagement du territoire. »

Ces observations s'inscrivent parfaitement dans la ligne de la poursuite de cet intérêt général démographique qui doit prendre en compte les situations de façon synthétique. En effet, les découpages ou redécoupages doivent être faits de façon cohérente et l'intercommunalité, à cet égard, a également un rôle à jouer afin d'éviter des éclatements que le citoyen ne peut comprendre et qui compliqueraient singulièrement la vie de tout un chacun à une époque où tout est mis en oeuvre pour rapprocher le citoyen des structures administratives. On songe notamment aux découpages communaux et intercommunaux, aux découpages propres aux circonscriptions législatives et sénatoriales, le tout s'inscrivant dans le cadre du département, qui reste une structure forte, elle-même inscrite dans une région. Tous ces éléments ne doit pas être perdus de vue au motif que l'on veut satisfaire des intérêts manifestement étrangers à ce qui est objectivement repérable et repéré.

Quand bien même le député n'est pas à proprement parler un élu local, mais évidemment un représentant de la nation dont la vocation première est de contribuer à la confection et au vote de la loi, il est certain – et un principe de réalisme le fait ressortir de façon éclatante – que cet élu est en contact régulier avec les exécutifs de sa circonscription, afin de les accompagner notamment dans leurs projets territoriaux, ne serait-ce que pour ce qui touche aux relations de ces exécutifs avec les services de l'État, au niveau préfectoral ou ministériel.

Aussi, et c'est la voie de la raison, car elle suit à la fois le bon sens et la nature des choses, « pour renforcer l'efficacité de la décision politique et de l'action publique, il faut donc préserver une unité territoriale, au moins au niveau communal entre le député et les autres élus », comme je l'écrivais encore au président Guéna.

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