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Intervention de Philippe Folliot

Réunion du 13 janvier 2010 à 21h30
Délimitation des circonscriptions des députés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Folliot :

Je suis libre de m'exprimer et d'interpeller le Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État. En tout état de cause, votre silence en dit long sur vos intentions. Où est la revalorisation du Parlement à laquelle vous vous dites si attaché si, dès qu'il s'agit de passer aux travaux pratiques, vous la niez purement et simplement en nous retirant de fait tout droit d'amender un texte ? C'est à se demander à quoi a servi la réforme constitutionnelle !

Le groupe Nouveau centre dispose encore d'un temps de parole de quatre heures et treize minutes. Je ne l'utiliserai certainement pas dans sa totalité, mais, compte tenu de votre silence – vous aviez du reste adopté la même attitude lors de la première lecture –, je développerai mes arguments en détail.

Pour commencer, je dresserai un constat, en insistant – mes collègues voudront bien m'en excuser –, sur le redécoupage du département du Tarn, exemple emblématique de ce qu'il ne faut pas faire dans la mesure où il n'obéit à aucune logique territoriale, historique, économique ou sociale. Je me livrerai ensuite à une analyse juridique détaillée, en citant force exemples, afin de vous démontrer l'incohérence de certaines dispositions de l'ordonnance. Par ailleurs, je dénoncerai un certain nombre d'erreurs et de mensonges contenus dans le rapport rédigé sur la base d'éléments et de propositions transmis par le Gouvernement : l'Assemblée nationale ne saurait se prononcer de manière sereine et juste en s'appuyant sur des informations erronées. Enfin, monsieur le secrétaire d'État, je vous poserai des questions précises, qui appelleront des réponses tout aussi précises.

Il importe de partir de la réalité géographique et historique du département du Tarn, car toute vie démocratique, quelle qu'elle soit, s'inscrit dans une histoire, des traditions, des coutumes qui façonnent les éléments structurants de la nation, qu'il s'agisse de l'État, des régions, des départements, des communes ou des intercommunalités appelées à se développer de plus en plus.

Sur un plan géographique et historique, le Tarn se compose de trois pôles. Le pôle Est, dit « la montagne », s'étend sur les contreforts sud du Massif Central ; l'activité principale y est une agriculture de moyenne montagne, en butte à des difficultés spécifiques ; il vient compléter harmonieusement l'entité sud-tarnaise, autour de l'agglomération de Castres-Mazamet, naguère berceau de l'industrie textile tarnaise et aujourd'hui en proie à des difficultés chroniques de reconversion industrielle. À l'inverse, le secteur des plaines et coteaux de l'Ouest, constitué par l'entité Gaillac-Graulhet-Lavaur et naturellement tourné vers la métropole toulousaine, bénéficie de ce fait d'une croissance démographique constante et soutenue, à l'exception du canton de Graulhet, qui a perdu un peu de sa population depuis 1999. Enfin, le pôle Nord, Albi-Carmaux-Ségala, longtemps structuré autour des houillères de Carmaux, des aciéries du Saut du Tarn et de la Verrerie ouvrière d'Albi, a été marqué par les luttes ouvrières qui ont jalonné son histoire.

À quelques exceptions près, les circonscriptions législatives du Tarn ont toujours été structurées autour de ces trois pôles : nord, Albi-Carmaux-Ségala, sud-est, Castres-Mazamet-montagne, et ouest, Gaillac-Graulhet-Lavaur.

Cette réalité géographique se double d'une réalité historique. Je pense aux grandes figures politiques tarnaises, de gauche comme de droite : Jean Jaurès, élu de la circonscription ouvrière d'Albi-Carmaux, le baron Reil Soult et, plus récemment, Jacques Limouzy, pour le pôle sud-est, Castres-Mazamet-Montagne, et Georges Spénale élu du secteur ouest.

Cette réalité forte explique que, de 1958 à 1986, le département du Tarn ait compté trois circonscriptions, qui s'inscrivaient parfaitement dans le schéma qui vient d'être évoqué. Il y avait une parfaite adéquation entre la réalité géographique, historique et démographique d'une part, la réalité électorale d'autre part. De ce fait, le département du Tarn pouvait être considéré comme exemplaire par rapport aux règles et principes présidant au découpage électoral dans une vie démocratique moderne, équilibrée et sereine.

Il est vrai que le département du Tarn, en l'état des dispositions de la loi n° 86-1197 du 24 novembre 1986, est passé de trois à quatre circonscriptions, ce nouveau découpage reposant sur un recensement de 1982. Comme chacun le sait – ce point étant source de nombreux débats –, un redécoupage des circonscriptions est actuellement en cours d'élaboration, avec un projet de loi dans la préparation duquel, monsieur le secrétaire d'État, vous avez joué un rôle central.

Le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs souligné, dans ses observations du 15 mai 2003 et du 7 juillet 2005, relatives respectivement aux élections législatives de 2002 et aux échéances de 2007, l'importance et la nécessité de procéder, au regard du principe fondamental d'égalité du suffrage, à un remodelage des circonscriptions législatives. Il estimait notamment que des disparités importantes de représentation, résultant du découpage actuel, adopté en 1986 sur le fondement du recensement général de 1982, étaient « peu compatibles avec les dispositions combinées de l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et des articles 2 et 24 de la Constitution », alors même que deux recensements généraux de population étaient intervenus en 1990 et 1999. Alerte réitérée en mai 2008 à l'occasion des observations relatives aux élections législatives de 2007 : le Conseil jugeait alors impératif de procéder à un redécoupage. C'est alors que le Gouvernement a décidé de procéder à un ajustement de la carte des circonscriptions législatives.

Par ailleurs, l'article 24 de la Constitution, tel qu'il résulte de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, de modernisation des institutions de la Ve République, a limité le nombre de députés à 577, c'est-à-dire au niveau arrêté en 1985. Cela étant, une procédure spécifique existe aujourd'hui, ce qui n'était le cas ni en 1958 ni en 1986 : l'article 25 de la Constitution, entré en vigueur dans les conditions fixées par les lois organiques nécessaires à son application – article 46-1 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 – précise dans son premier alinéa, qu'« une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leurs indemnités, les conditions d'éligibilité, le régime des inégalités et des incompatibilités ». Et le deuxième alinéa ajoute que cette même loi organique « fixe également les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu'au renouvellement général ou partiel de l'assemblée à laquelle ils appartenaient ou leur remplacement temporaire en cas d'acceptation par eux de fonctions gouvernementales ». Le troisième alinéa enfin dispose qu'« une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi, délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs ».

Le Parlement a habilité le Gouvernement à procéder par la loi n° 2009-39 du 13 janvier 2009 relative à la commission sus-évoquée. Cette commission indépendante, chargée par la Constitution de donner un avis, notamment sur les projets de texte et propositions de lois délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés, a été installée par le Premier Ministre le 22 avril 2009. Présidée par M. Yves Guéna, elle est composée de personnalités éminentes, à l'autorité irréprochable : des professeurs, une présidente de section au Conseil d'État, un conseiller à la Cour de cassation et un conseiller maître à la Cour des comptes.

Saisie le 30 avril 2009 du projet d'ordonnance portant redécoupage des élections législatives pour l'élection des députés, la commission dite Guéna a accompli un travail extrêmement important et sérieux, puisqu'elle a tenu vingt-trois réunions en formation plénière dans le délai étroit de deux mois que la Constitution lui avait ouvert pour statuer.

Le cadre juridique des travaux de la commission a été fixé par la Constitution, par la loi organique du 13 avril 2009 et par la loi de la même date, respectivement éclairées par les décisions n° 2009-572 et n° 2009-573 DC, rendues le 8 janvier 2009 par le Conseil constitutionnel.

Comme en 1986, le découpage électoral provient d'une initiative du Gouvernement, sur une invite de plus en plus pressante du Conseil constitutionnel.

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