Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà un sujet difficile pour tous.
Au moment où le président Obama fait preuve de courage et de détermination pour mettre en place un système de santé accessible et abordable pour tous les Américains, nous nous apprêtons à débattre d'un texte qui continue de détricoter notre modèle de protection sociale, véritable pilier du pacte social et républicain.
La contradiction qui existe entre les annonces du Président de la République et la réalité de la politique fiscale menée depuis 2007 ne peut plus être éludée, L'avis rendu par la commission des finances est d'ailleurs la meilleure illustration de cette prise de conscience générale.
Le déficit record que nous atteindrons cette année est à l'origine d'un malaise palpable tant sur nos bancs que sur ceux de la majorité. Alors que nous traversons une crise sans précédent, dont nous anticipons déjà les conséquences sociales, force est de constater, hélas ! l'absence totale de réforme structurelle du financement du système de santé. Au moment où, du fait de la baisse de la masse salariale, les ressources de la sécurité sociale s'effondrent, il faut envisager une autre politique en matière de recettes. Nous savons tous que ce seront nos enfants et nos petits-enfants paieront nos dépenses d'aujourd'hui.
En outre, Mme Touraine l'a fort bien montré hier, le Gouvernement met d'abord à contribution les familles qui, pour des raisons financières, sont dans l'obligation de sacrifier leur santé. Comment peut-on décemment justifier auprès d'elles la taxation des indemnités liées aux accidents du travail, l'augmentation du forfait hospitalier ou le déremboursement à 15 % de certains médicaments dont le service médical rendu est jugé faible, mais qui continuent d'être largement prescrits et sont parfois remplacés, quand leur prix augmente, par un produit identique qui, lui, est remboursé ? C'est le cas du Zolam, que l'on prescrit à la place du Maalox… Il est vrai que c'est un pansement gastrique ! À l'instar de mes collègues de l'opposition, mais également – c'est la nouveauté de cette mandature – de certains députés de la majorité, je regrette les limites de ce texte sur le plan économique.
L'accès de tous à des soins de qualité n'est-il pas l'objectif central annoncé ou plutôt martelé par le Gouvernement à l'occasion de l'examen de la récente loi Hôpital, patients, santé et territoires ? Dans quelles conditions sera-t-il garanti et quelles priorités a-t-on dégagées ? En fait, le texte ne règle ni le problème des dépassements d'honoraires ni celui du secteur optionnel ni celui du refus de soins : en matière de dépenses, votre politique frappe les plus fragiles.
Ainsi, l'hôpital public, qui assure la permanence des soins sur tout le territoire, qui est sollicité pour affronter la pandémie grippale et qui prend en charge les pathologies les plus complexes et les moins rentables, pâtit d'un déficit structurel. Alors qu'il continue de garantir l'égal accès des Français aux soins, il est la victime directe de la tarification telle qu'elle est désormais appliquée.
La loi HPST, qui prévoit de mieux répondre aux besoins, définira le mode de coopération entre l'hôpital et les établissements de santé privés, qui assurent des missions de service public. C'est là que la convergence sanitaire devrait prendre tout son sens. L'accréditation, qui tient compte de la sécurité et de la qualité des soins, devrait permettre de prendre des décisions d'avenir. Je rappelle au Gouvernement que 182 blocs sont menacés de fermeture, que certaines localités n'ont plus d'offre publique de santé et que les patients sont confrontés de fait à d'intolérables pressions financières. Des centaines de structures hospitalières sont démantelées. Désormais, les deux tiers de la chirurgie sont assurés par le secteur privé.
La qualité de l'accès aux soins impose une grande vigilance sur le tarif des honoraires et l'organisation de parcours de soins encadrés sur les lieux chirurgicaux. Mais que restera-t-il de ces mesures lorsqu'elles seront appliquées ? Passons sous silence l'absence de politique de santé publique, pourtant essentielle, la part croissante laissée aux complémentaires pour rembourser le ticket modérateur et le recours à l'assurance privée pour les retraites ; reste qu'il n'y aura pas de politique efficace sans contractualisation et si le Gouvernement ne renoue pas un vrai partenariat avec les médecins, acteurs de santé essentiels pour la maîtrise médicalisée des dépenses.
Nous ne pouvons pas sacrifier à la logique libérale l'indispensable réforme structurelle du financement de notre système de santé, qui est notre bien commun. Le nier serait ignorer les leçons de la crise qui trouve son origine dans la dérégulation. Ce serait aussi nous y enfoncer durablement, en mettant en péril la cohésion sociale et le pacte républicain.