Il n'est probablement pas nécessaire d'augmenter massivement le prix des cigarettes, favorisant les achats transfrontaliers que nous avons vécus antérieurement.
Faut-il s'interdire pour autant toutes propositions, même partielles, qui s'inscriraient dans une perspective d'avenir et qui anticiperaient les mesures structurelles décidées après la crise ? Nous ne le pensons pas.
Faut-il poser l'éternelle question de la maîtrise comptable ou de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé ? À coup sûr, on ne doit pas envisager une maîtrise comptable, injuste et inefficace. Dans le passé des mesures ont été prises par des gouvernements de droite comme de gauche dans un esprit purement comptable : elles ont été contournées. Elles sont ressenties par le corps médical comme une punition générale et par les patients comme une limitation de l'accès aux soins. Elles ont abouti à des résultats inverses de l'objectif fixé.
Seule une maîtrise médicalisée des dépenses de santé est juste et nécessaire. C'est le choix que vous avez fait, fondé sur les avis de la Haute autorité de santé, qu'il s'agisse des ententes préalables ou de taux de remboursement des médicaments. Il n'est, en effet, pas logique de rembourser des médicaments à efficacité très variable de la même façon.
Par ailleurs, c'est sur la base d'études des missions de service public que doit s'effectuer, à mon avis, une convergence public-privé réclamée par certains à grand renfort de pages publicitaires dans les quotidiens, pour gagner des parts de marché dans ce qui n'est ni un commerce ni une pratique clientéliste.
Si le Gouvernement a décidé de reporter à 2018 la convergence tarifaire, c'est la conséquence directe de l'absence d'études de valorisation précises et transparentes des missions incontestables qu'assurent les hôpitaux publics. La Cour des comptes vient de le confirmer.
Il ne s'agit pas de rester immobile ou de consacrer un avantage acquis, mais de reconnaître avec objectivité les contraintes du service public et de les évaluer avec précision. Ce sont les hôpitaux publics qui assument, de jour comme de nuit, la permanence des soins sur l'ensemble du territoire. Ce sont eux qui prennent en charge les pathologies les plus lourdes et les moins rentables. Ce sont eux qui assurent 85 % des urgences et qui ont en charge l'enseignement et la recherche médicales. Ce sont les hôpitaux qui garantissent l'égal accès aux soins des Français, comme l'a souligné le Haut conseil de l'assurance maladie. Ce sont eux enfin que vous avez logiquement sollicités lors de pandémie grippale.
L'évaluation de ces contraintes donnera peut-être des résultats surprenants, en justifiant des moyens supplémentaires pour les hôpitaux publics, en fonction des pathologies qu'ils assument.
Vous avez envisagé une convergence sur certains GHS, en particulier sur la chirurgie ambulatoire. Je souhaiterais qu'on essaye d'évaluer les coûts des pathologies les plus lourdes, comme les accidents vasculaires cérébraux, et la charge supportée par ces hôpitaux. Il se trouve des situations où la rentabilité est faible et la prise en charge très lourde.
L'autre danger d'une approche comptable est de confondre l'outil et le but et de segmenter la prise en charge de la santé.
La T2A, c'est un outil, ce n'est pas un but. Le but est l'efficacité pour le malade et l'octroi de moyens là où l'activité le réclame.
La loi HPST est un outil. Le but, c'est de décloisonner les services entre eux, les hôpitaux entre eux, la ville et l'hospitalier, pour rendre notre service public plus efficace pour nos malades.
Segmenter les pathologies ou les malades, c'est prendre le risque d'oublier que le malade est un tout et que la santé publique doit être prise en charge globalement de façon équilibrée sur l'ensemble du territoire.
Le malade, quels que soient sa condition, la gravité de sa pathologie et l'endroit où il se trouve, doit être protégé par un bouclier sanitaire qui couvre tout le territoire. C'est tout l'intérêt des communautés hospitalières de territoire, que vous avez voulues dans la loi HPST et qui porteront, j'en suis sûr, leurs fruits.
Je sais que vous avez fait de l'accès aux soins pour tous votre priorité et que la loi HPST et les agences régionales de santé mises en place devront répondre à cet objectif.
Demain, nous devrons aller plus loin et évaluer avec précision la contrainte du service public, de la permanence des soins et de la prise en charge des urgences. Il faudra réduire les inégalités entre les hôpitaux, comme l'a montré la chambre régionale des comptes et éviter que certains établissements publics ou privés ne choisissent que des pathologies légères et rentables, laissant à certains hôpitaux publics la seule charge des pathologies lourdes et peu rentables.
Je pense que, paradoxalement, l'exigence de transparence et de qualité est un facteur d'économies. Rien n'est plus cher qu'un acte inutile,…