Cela ne veut pas dire que la gauche aurait été, en y procédant, plus juste que la droite. Cela veut simplement dire qu'elle a eu le mérite de résister à la tentation de ne pas l'être.
Je ne vous accuse pas, monsieur le secrétaire d'État, d'avoir voulu défavoriser l'opposition ; je suggère simplement que vous avez voulu favoriser la majorité, ce qui, vous en conviendrez, revient au même. L'UMP est, en effet, le seul parti qui tire son épingle du jeu.
Il est regrettable que notre République ne soit pas capable, à l'instar d'autres démocraties européennes comme la Grande-Bretagne ou l'Allemagne, de procéder à un découpage incontesté et incontestable, élaboré par une commission réellement indépendante. Nous pouvons le regretter, mais la réalité est bien là : le découpage proposé ne peut pas ne pas être considéré comme présentant de très nombreux défauts sur le plan politique, sur le plan de l'équité et sur le plan de la continuité territoriale.
Comme l'ont fait les orateurs précédents, j'évoquerai plus particulièrement mon département, la Nièvre, auquel je suis tout particulièrement attaché, comme vous pouvez l'imaginer.
En faisant passer le nombre de ses députés de trois à deux, vous allez affaiblir la représentation de la ruralité qui a pourtant bien besoin d'être défendue, surtout dans le contexte actuel, marqué par la crise agricole, les fermetures en série de classes et de services publics et la réduction des moyens des collectivités locales. Nous n'étions pas trop de trois dans notre département pour nous joindre aux députés issus de zones rurales, premières victimes du redécoupage, afin de tenter de faire entendre la voix de ces départements, qui ont aussi à faire valoir un principe d'égalité des droits.
Surtout, ce découpage ne correspond ni à la réalité des territoires, ni aux souhaits des élus locaux.
Compte tenu de la configuration de notre département – près des deux tiers de la population sont concentrés le long de la Loire –, l'exercice relevait certes de la gageure. Mais on pouvait au moins espérer que le redécoupage repose sur des principes incontestables. De ce point de vue, nous ne pouvons être satisfaits.
Lorsque vous avez consulté le groupe socialiste, nous vous avons fait connaître notre opposition à la suppression d'une circonscription et nous avons précisé que si le redécoupage devait tout de même être opéré selon un axe nord-sud, nous tenions à ce que l'intégrité de l'agglomération de Nevers soit préservée. Or, contre l'avis des élus et du président de la communauté d'agglomération de Nevers, l'un de ses cantons a été retiré de la première circonscription pour être rattaché à la seconde. Cette décision n'est pas acceptable : elle va à l'encontre du bon sens, elle est contestée par tous les élus. Il importe de la reconsidérer, ne serait-ce que pour des raisons juridiques.
Ce redécoupage remet d'abord en question la cohérence administrative des circonscriptions. Il a été admis à de nombreuses reprises qu'une telle cohérence devait être préservée. Le Gouvernement lui-même n'a pas hésité à revenir sur certains éléments du découpage proposé par la commission Guéna, au motif que des arrondissements ou ensembles de communes devaient être maintenus au sein de la même circonscription.
Un tel argument aurait pu prévaloir pour ce qui concerne Nevers, dont les cantons appartiennent en totalité à la première circonscription. Toutefois, le canton de Guérigny, qui fait partie de la communauté d'agglomération, a été écarté alors que vous avez demandé que les cantons de certaines villes moyennes, éclatés entre différentes circonscriptions, puissent faire partie d'une même circonscription afin de garantir leur unité. Pourquoi cette logique n'a-t-elle pas été étendue aux communautés d'agglomération qui disposent d'importantes ressources, de compétences propres et qui font l'objet d'une intégration plus poussée ?
Le découpage retenu remet également en cause la cohérence géographique. Le nord de la circonscription n'est rattaché à l'agglomération de Nevers que par un tout petit canton, celui de Pougues, ce qui aboutit à un découpage en L, sans cohérence ni cohésion.
Enfin, vous avez admis que le caractère urbain ou rural d'une circonscription pouvait justifier une exception à la règle de la parité démographique. C'est ainsi que pour préserver la cohérence rurale des deuxième et quatrième circonscriptions de Saône-et-Loire, vous êtes allé à l'encontre de l'avis de la commission Guéna. En toute logique, on aurait pu concevoir que le principe de la cohérence urbaine soit appliqué à la Nièvre et que le canton de Guérigny soit maintenu dans la première circonscription.
Votre choix a fait l'unanimité contre lui, qu'il s'agisse des parlementaires ou des élus locaux. Il y a quinze jours, les maires réunis à l'initiative du conseiller général du canton de Guérigny ont ainsi demandé, à l'unanimité, la réintroduction du canton dans cette circonscription.
Pourquoi donc l'en avoir retiré ? Si c'est parce que c'est le canton de la Nièvre qui vote le plus à gauche, ce motif me semble difficilement recevable. Je ne suis pas certain, en effet, que cela entraîne une modification en profondeur des équilibres politiques.