…voici que le pouvoir central tente de compenser ses lacunes électorales parisiennes par l'utilisation peu scrupuleuse de ciseaux bien dirigés.
Ce manque de considération pour les élus de l'opposition dans le redécoupage ne concerne pas que Paris. Mes collègues du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ont déjà eu l'occasion de dénoncer à maintes reprises les exactions commises sur les nouvelles cartes électorales des départements du Tarn, de l'Hérault, de la Somme ou encore de la Seine-Maritime. Vos manipulations grossières font jaser les rédactions parisiennes, celles de la presse quotidienne régionale mais aussi de la presse internationale. Le Soir, en Belgique, parle de « chiquenaude d'avance », Mediapart de « jeu de bonneteau gigantesque ». Jamais, en tout cas, on n'évoque la « transparence », « l'égalité de traitement » ou encore une « commission indépendante », ces termes si nobles dont vous avez usé et abusé mardi soir.
Vous avez également invité les députés à ne pas « discuter du tracé de telle ou telle circonscription surtout s'il s'agit de leur propre secteur d'élection ». Les élus, de droite comme de gauche me semble-t-il, n'aiment rien moins qu'être invités au silence. Cela s'est vérifié en commission des lois la semaine dernière, cela se vérifie encore, depuis trois jours maintenant, dans cet hémicycle. Vous avez sans doute raison quant à la nécessité pour les députés d'oublier la circonscription dont ils sont l'élu. Nous ne sommes pas, j'en conviens, propriétaires de nos circonscriptions, bien que le travail de terrain qu'il effectue régulièrement pendant des années – serrer des mains, s'occuper des gens, tenir sa permanence – compte dans la vie d'un élu. Vous me voyez donc étonnée de l'attitude que vous avez adoptée ces derniers mois en souhaitant recevoir nombre de représentants de la nation pour que certains puissent négocier les contours de leur future terre d'élection.
Pour ma part, je n'aborderai pas les contours des circonscriptions de l'Est parisien où je suis élue, me bornant à des considérations d'ensemble concernant le département-capitale.
Je regrette que la nécessité d'obéir à de grands principes d'équité n'ait été appliquée que lorsque cela vous arrangeait. Je reprends ici les mots de Frédéric Salmon, l'auteur, abondamment cité ces derniers jours, de l'Atlas électoral de la France, pour illustrer mon propos. M. Salmon, pourtant loin d'être systématiquement opposé à vos propositions, débute son étude du cas parisien par les mots suivants : « Ce qu'on n'aurait osé imaginé, il l'a fait. Il a fait la circonscription à laquelle personne n'osait croire à Paris rive gauche, celle pour sauver le 5e arrondissement, dont le total des 5e, 6e et 7e était trop élevé en population et qu'il a dû évider par le sud… Il l'a fait rive droite, ce que personne ne croyait plus qu'aucun ministre, en pays civilisé, en vieille démocratie, oserait faire avec le 17e arrondissement. » Il y avait sans doute quelques soldats de l'UMP parisienne – ils ne sont pas présents aujourd'hui – à sauver. Les voilà soulagés !
Le bilan est éloquent : sur trois disparitions de circonscriptions, deux concernent l'opposition et une seule la majorité.