Vous vous répétez, monsieur Raoult.
Présentons tout d'abord rapidement le redécoupage à Marseille. Huit des seize circonscriptions des Bouches-du-Rhône sont situées dans Marseille intra muros. Pour des raisons démographiques, Marseille perd une circonscription au profit du reste du département. Le rapport de forces actuel est de six circonscriptions pour la droite et deux pour la gauche. Le projet du préfet, tel que soumis au Gouvernement, consistait – d'après, nous a-t-il dit – la feuille de route qu'il avait reçue – à faire coïncider le plus possible les secteurs municipaux et les circonscriptions législatives : Marseille est composée de huit secteurs municipaux, qui regroupent chacun deux arrondissements.
Il était clair que dans « le plus possible » du préfet, il y avait déjà un exercice non dénué d'arrière-pensées partisanes. Il s'agissait néanmoins d'un bel habillage qui préservait les apparences.
Le 20 février, le préfet transmet son projet au Gouvernement : depuis, plus de son ni d'image ! D'un découpage partisan, celui du préfet, on est littéralement passé, avec le Gouvernement, à un tripatouillage.
Pour donner un point de repère démocratique, je tiens à vous rappeler que, si le rapport de forces entre la droite et la gauche à Marseille est de l'ordre de cinquante-cinquante, en sièges de députés il est de six pour deux en faveur de la droite. La tendance, constatée aux élections municipales, conduirait à un rapport de force de quatre sièges pour la droite contre trois pour la gauche, puisqu'une circonscription disparaît.
Le projet soumis par le Gouvernement tend à concentrer, de la façon la plus amicale, les électeurs de gauche dans deux circonscriptions, afin d'obtenir un rapport de forces de cinq contre deux. Ce résultat est le fruit d'un véritable tour de passe-passe commis au mépris de la cohérence territoriale. En effet, peut-on justifier que les limites d'une circonscription coupent un quartier en deux, voire une cité en deux ? Le bâtiment A votera dans une circonscription et le B dans une autre ! Je ne suis pas certaine que ce genre d'exercice réconcilie les Français avec la politique et nous crédibilise.
Effectuer des délimitations arbitraires pourrait se comprendre si les circonscriptions étaient d'égal poids démographique. Or tel n'est pas le cas puisque, à Marseille, l'amplitude démographique entre deux circonscriptions dépasse 17 000 habitants. La cohérence territoriale, c'est d'inscrire la circonscription dans le secteur municipal, qui est l'unité de gestion urbaine de proximité, comme l'avait expliqué le préfet. Ajouter, sans autre explication, plus de 10 000 habitants en provenance d'un autre secteur municipal, précisément du XIIe arrondissement, secteur évidemment détenu par la droite, n'a qu'un objectif partisan, puisque, de l'autre côté, on détricote savamment, bureau de vote par bureau de vote, canton et secteur municipal.
Votre redécoupage des circonscriptions ne prend pas en compte les évolutions démographiques prévisibles puisqu'il conduit, à Marseille, à construire deux circonscriptions dont la population dépasse la moyenne départementale, et cinq où elle lui est inférieure. Comme par hasard, mes chers collègues, les deux circonscriptions en question sont de gauche. Il est même fort possible que la candidate ou le candidat de gauche passe dès le premier tour. Dans ces conditions, pourquoi se plaindre ? Parce que ces deux circonscriptions, qui recouvrent l'essentiel des quartiers nord, sont à la fois ceux dans lesquels la dynamique démographique est la plus forte, recensement à l'appui, et ceux dont les réserves foncières permettront d'accueillir de nouveaux habitants. Dans moins de dix ans, la plus peuplée de ces deux circonscriptions dépassera de plus de 20 % la moyenne de la population départementale. L'ignorance du dynamisme démographique est délibérée puisqu'elle a pour seul objectif de concentrer les électeurs de gauche dans deux circonscriptions et de construire par ailleurs des circonscriptions qui penchent naturellement à droite.
Pour le redécoupage de la circonscription dans laquelle j'ai encore l'honneur d'être élue, l'arrière-pensée, ou plutôt l'objectif, est double : dans un premier temps, gagner une circonscription à la gauche et, dans un second, se donner les moyens de faire tomber à droite le secteur municipal qui couvrira le quart de la superficie et de la population marseillaise, secteur déterminant pour gagner la mairie en 2014.
Je déplore également que votre découpage aboutisse à ce que les deux seules députées sortantes, sur seize élus, s'affrontent sur le même territoire. Cela fera arithmétiquement une élue de moins dans l'hémicycle. Sans faire du féminisme primaire, je n'ai pas le sentiment que les femmes soient si nombreuses à l'Assemblée nationale : c'est bien de faire de grands discours sur la parité, il serait mieux de nous respecter davantage.
Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi ne pas avoir suivi l'avis du préfet ? Que s'est-il passé entre-temps ? Peut-être ne le saurons-nous jamais, à moins que nous ne le sachions que trop !
J'ajoute que l'engagement et la force, voire l'émotion, dont témoignent sur tous les bancs les collègues qui se sont exprimés depuis quelques jours, ne sont pas ceux d'un syndicat de pieds écrasés, mais expriment, pour certains d'entre eux, toute une vie d'engagement au service de l'intérêt général.
Ce projet est injuste et biaisé. Nous le rejetterons. Monsieur le secrétaire d'État, un homme averti en vaut deux : pour être un homme d'expérience, vous savez bien que le peuple souverain a toujours su sanctionner massivement celles et ceux qui tentaient de bafouer ses choix par tous moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)