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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 14 octobre 2009 à 15h00
Délimitation des circonscriptions des députés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Mes chers collègues, le projet d'ordonnance qui nous est soumis revêt une importance particulière, non parce qu'il concerne l'élection des députés que nous sommes mais parce qu'il touche au suffrage universel direct et à l'expression du souverain que sont le peuple et la nation que nous représentons ici.

Ce projet a suscité nombre de commentaires et de critiques. Je formulerai trois observations de caractère général qui ont des effets pratiques et précis.

Ma première observation concerne la critique du travail préalable accompli par la commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution, commission chargée de veiller au respect du principe d'égalité devant le suffrage.

Les doutes exprimés sur cette commission auraient pu et dû être levés par une pratique ouverte de la démocratie. Lors de la discussion du texte habilitant le Gouvernement à procéder par ordonnance, le groupe socialiste avait demandé que l'opposition parlementaire soit pleinement associée à la désignation des personnalités qualifiées. Cette demande a été refusée et le Conseil constitutionnel a estimé que l'indépendance interdisait « que les partis ou groupements politiques soient directement ou indirectement représentés au sein de la commission ».

Au contraire, l'acceptation d'un pluralisme d'idées politiques au sein même de la commission aurait eu pour effet de diminuer, non l'indépendance mais la suspicion normale que peut susciter un travail qui, de tout temps, n'a jamais été considéré comme innocent.

Ma deuxième observation porte sur la méthode même de la délimitation.

La loi d'habilitation prévoit d'établir une nouvelle délimitation « sur des bases essentiellement démographiques », avec un écart maximal de 20 % entre la population d'une circonscription et la population moyenne des circonscriptions du département. C'est l'article 25 de la Constitution qui renvoie à la loi la création de ladite commission indépendante, laquelle donne ce fameux avis public sur les projets et propositions de loi délimitant les circonscriptions.

Ni la Constitution ni une loi organique n'ont prévu de procéder régulièrement à une révision de la taille et de la limite des circonscriptions. Cela est dommageable non seulement sur le plan du principe mais aussi sur celui des habitudes démocratiques et des règles à appliquer pour le faire. La Grande-Bretagne a une habitude vieille de plus de soixante ans en la matière.

Pour ne prendre que le critère de la taille retenu par nos voisins, je souligne que celui-ci a fait l'objet d'une définition stable et appliquée depuis plus de vingt ans.

Ainsi, l'électorat de chaque circonscription doit être aussi proche que possible du quotient électoral, obtenu en divisant le nombre d'électeurs inscrits dans la partie du royaume concernée par le nombre de circonscriptions qu'elle contient à la date de publication de l'ouverture de la procédure de révision. Il est prévu que 90 % des circonscriptions ne doivent pas avoir un nombre d'électeurs inscrits s'écartant de plus de 10 % du quotient électoral.

J'ai pris le temps de regarder ce que donnait le projet dans la région des Pays de la Loire en évitant de prendre comme exemple la circonscription dont je suis l'élue, afin d'échapper aux foudres du secrétaire d'État pour cause de possible conflit d'intérêts. L'écart démographique entre la plus petite et la plus grande circonscription situées dans des départements mitoyens est de 48 %. Très concrètement cela signifie que la voix d'un habitant de la plus petite circonscription vaut une fois et demie celle de la plus grande qui est voisine.

Il ne s'agit pas seulement d'un écart résultant d'une diversité nationale mais aussi d'un écart infrarégional. La seule logique départementale devrait peut-être être progressivement abandonnée au profit d'une logique régionale, ce qui limiterait davantage les écarts.

On peut penser que la pratique d'une révision périodique exercée à échéance régulière, selon des critères resserrant les écarts départementaux dans une même région, serait aussi de nature à assurer un exercice plus paisible et consensuel. La révision des tailles et limites des circonscriptions est importante en démocratie et elle doit rester habituelle.

Ma troisième observation porte sur les « chimères biscornues », comme les surnomme l'auteur de L'Atlas historique des circonscriptions électorales françaises paru il y a une quinzaine d'années.

Je fais ici référence aux circonscriptions dont la taille et la forme sont étonnantes, aux circonscriptions pour lesquelles l'association ou le détachement de langues de territoire ne sont pas évidents, celles où éclate une ville ou un territoire a priori homogènes, celles qui font l'objet de critiques fortes et souvent crédibles, celles où n'existe pas de découpage apaisant.

S'il est normal que la loi prévoit que l'on puisse déroger aux règles posées, les propositions y dérogeant devraient prendre en considération les inconvénients et la rupture des liens locaux qui peuvent résulter des modifications qu'elles préconisent ou réalisent. Les avantages et les inconvénients en résultant devraient être clairement formalisés et tracés. Une telle transparence, identique à celle pratiquée outre-Manche, serait de nature à apaiser les suspicions et à rendre plus légitimes les propositions même lorsqu'elles dérogent au bon sens.

Ainsi, avec un vrai pluralisme, une pratique plus habituelle et des critères visant à plus d'égalité et une réelle transparence, un tel projet serait moins sujet à interrogations et plus digne d'une démocratie parlementaire que nous nous enorgueillissons d'être. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

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