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Intervention de François Asensi

Réunion du 14 octobre 2009 à 15h00
Délimitation des circonscriptions des députés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

…ces départements urbains étant les terres d'élection de nombreux élus communistes. Un électeur communiste n'aurait-il pas le droit à la même représentation qu'un autre électeur français ?

Ces inégalités sont le fruit de votre entêtement à maintenir un mode de calcul par tranche qui s'écarte d'un découpage proportionnel. Vous n'avez apporté à mes yeux aucune justification convaincante sur ce choix, pas plus que la commission Guéna qui l'a validé. Cette commission, chargée de contrôler les ordonnances vous a reproché ces écarts importants entre les circonscriptions, qui laissent planer le doute sur la neutralité du Gouvernement. Des écarts de plus ou moins 17 % par rapport à la moyenne départementale demeurent.

Je ne peux que déplorer le fait que vous ayez délibérément choisi de vous asseoir sur les recommandations de la commission Guéna, pourtant modérées. Ces entorses au principe d'égalité deviendront rapidement des entorses au droit au regard de la règle des 20 % d'écart avec la moyenne départementale. Il faudra bientôt à nouveau redécouper les circonscriptions puisque vous contreviendrez à la loi et que le Conseil constitutionnel vous fera des observations. Le travail sera ainsi à remettre sur l'ouvrage dans un bref délai compte tenu des évolutions démographiques.

J'en viens aux circonscriptions d'outre-mer, où une même inégalité a prévalu dans la répartition des sièges de députés.

En dépit de la faible population de certaines collectivités d'outre-mer, collectivités auxquelles nous sommes attachés, vous avez créé trois circonscriptions. Aucune logique juridique ou démographique ne vous y obligeait. De nouveau, vous avez été attiré par les sirènes d'une représentation territoriale et non démographique du mandat de député.

Ce détournement a également fait l'objet d'une réserve de la part du Conseil constitutionnel, qui a souligné que rien n'obligeait à ce que chaque collectivité ait en propre une circonscription.

Si à la rigueur, pour des raisons d'éloignement géographique, nous pouvons convenir que Saint-Pierre-et-Miquelon, avec 6 125 habitants, et Wallis-et-Futuna, avec 13 484 habitants, disposent d'un député, il en va différemment de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Ces 43 518 habitants, jusqu'à présent rattachés à la proche Guadeloupe auront le privilège d'une représentation proportionnellement trois fois plus importante que les autres citoyens. Monsieur le secrétaire d'État, qu'est-ce qui justifie cette volonté d'accorder un siège de député à ce paradis du tourisme de luxe au régime fiscal dérogatoire ?

Je suis, comme beaucoup sur ces bancs, très attaché à ce que les collectivités d'outre-mer disposent d'une plus grande reconnaissance de notre République, mais je crois que la cuisine électorale à laquelle nous assistons dessert profondément cet objectif.

Autre choix qui n'a rien de technique et qui est tout à fait politique : l'instauration de sièges de députés pour les Français établis hors de France.

Ces onze sièges de député crées pour cette nouvelle catégorie de citoyens sont autant de sièges supprimés dans les départements lésés par votre réforme. En effet, vous avez décidé de maintenir le nombre de 577 députés. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui avait conduit le comité Balladur à écarter l'idée d'une représentation des Français de l'étranger à l'Assemblée nationale, avis que vous n'avez pas suivi.

Il ne faut voir là que la traduction d'une promesse électorale de Nicolas Sarkozy, qui s'était rallié en 2007 à cette mesure dans le but de mobiliser l'électorat des expatriés, structurellement acquis à la droite. Ces circonscriptions ont en effet repris les délimitations en vigueur pour l'élection des sénateurs de l'étranger. Faut-il rappeler que ces délimitations accordent neuf sièges de sénateurs à l'UMP, contre trois au parti socialiste ? Nous ne sommes pas loin d'un matelas électoral qui pourrait faire pencher la balance en cas de scrutin serré.

Je m'inquiète du manque de sécurité juridique de cette réforme, dont les bases démographiques sont incertaines, fluctuantes selon les sources.

Le chiffre de onze députés a été entériné par le Conseil constitutionnel, en fonction de la population actuellement inscrite sur les listes consulaires, mais que ferez-vous si le nombre de Français vivant à l'étranger augmente plus rapidement que la démographie métropolitaine ? Que ferez-vous si cette réforme incite de nombreux compatriotes à s'immatriculer auprès des consulats ? Faudra-t-il procéder à un nouveau redécoupage, en accordant de nouveaux sièges ?

Je ne puis pour ma part accepter que nos élections nationales désignent leur vainqueur par le truchement d'une surreprésentation des compatriotes de l'étranger, comme on peut le constater en Italie.

Cette réforme ressemble donc beaucoup à une bombe à retardement.

De plus, votre entêtement à refuser une représentation à la proportionnelle confine à l'irrationnel.

Le comité Balladur, avant d'exclure une représentation des expatriés à l'Assemblée, estimait que, s'il fallait assurer l'élection de députés des Français de l'étranger à l'Assemblée nationale, cela ne pourrait se concevoir que par le biais d'un scrutin de liste. Toutes les organisations de Français de l'étranger, y compris celles de droite, ont plaidé pour un scrutin de liste à la proportionnelle. Il aurait permis une juste représentation des courants politiques et aurait été adapté à l'échelle internationale de ce vote.

Le choix d'un scrutin majoritaire uninominal n'a en effet aucun sens. Comment imaginer que le lien personnel de l'électeur à son député puisse exister sur une circonscription de la taille de l'Amérique du Sud ?

Au final, dans l'ordonnance que vous nous proposez à ratification, la taille des circonscriptions cache des écarts inacceptables de moins 31 % à plus 44 % par rapport à la moyenne, bien au-delà des plus ou moins 20 % autorisés.

Permettez-moi de dire un mot sur le principe même de la représentation des Français établis à l'étranger à l'Assemblée nationale.

Il est légitime que les Français expatriés, qui demeurent attachés à leur pays et y conservent des liens familiaux, soient associés à la conduite du pays. C'est ainsi que les procédures de vote pour les Français établis à l'étranger ont été considérablement assouplies et leur permettent désormais de s'exprimer dans la majorité des élections. Je m'en félicite, mais l'instauration de onze représentants des Français de l'étranger à l'Assemblée nationale, en plus des douze sénateurs qui représentent également cette population, et non les collectivités territoriales, n'accorde-t-elle pas un double poids à ces citoyens ?

Au regard de notre histoire politique et constitutionnelle, et de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, un élément est indétachable de cette qualité de citoyen : la contribution à l'impôt. Est-il alors nécessaire d'accorder une circonscription, la sixième, à nos compatriotes vivant au Liechtenstein et en Suisse pour fuir l'impôt ?

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