Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, bien au-delà d'une simple ratification d'ordonnance, nous abordons aujourd'hui un débat qui, en concernant de manière directe la composition de notre assemblée, touche à certains des fondements de notre démocratie.
Vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, en vertu du troisième article de la Constitution, nous sommes les représentants élus du peuple, ceux – avec le Président de la République –, à travers qui s'exerce la souveraineté nationale. Députés, nous sommes élus du suffrage universel direct et, en conséquence, notre assemblée est celle où chacun de nos concitoyens doit pouvoir se sentir également représenté.
Pourtant, nous ne sommes pas élus selon un mode de scrutin proportionnel, garant d'une juste représentation de chacun des courants de pensée traversant notre société, mais suivant un mode de scrutin uninominal. Nous avons ainsi été élus dans un territoire, dans une circonscription parmi 577, et nous sommes les interlocuteurs privilégiés de la population de notre circonscription, responsables devant elle des décisions de notre assemblée tout entière. Cependant, nous ne sommes pas le porte-parole attitré d'une commune ou d'un territoire donné. Nous sommes tous, à égale hauteur, dépositaires de la souveraineté nationale.
La carte électorale est aussi l'interprète de cette grande complexité. Elle doit permettre que la désignation des membres de l'Assemblée nationale s'effectue sur des bases essentiellement démographiques, mais les contours de nos circonscriptions épousent le plus souvent ceux des cantons, de manière que chacune constitue un ensemble géographiquement ou historiquement cohérent.
Le redécoupage électoral, que certains critiquent dans son principe même, est une obligation au regard des principes posés par la Constitution, notamment celui de l'égale représentation de chacun de nos concitoyens sur les bancs de cette assemblée.
En effet, les délimitations actuelles de nos circonscriptions sont le fruit du redécoupage opéré en 1986 et reposent toujours sur les données du recensement général de 1982. Pourtant, en plus de vingt-cinq ans, notre pays a été sujet à des évolutions démographiques majeures, qui ont entraîné des disparités significatives dans le poids démographique de chaque circonscription. Ainsi, ce n'est pas simplement pour répondre à une obligation du code électoral, mais bien pour satisfaire à une exigence constitutionnelle, celle de l'égalité devant le suffrage, que la révision des délimitations des circonscriptions législatives a été entreprise. Je rappelle que le Conseil constitutionnel y a lui-même invité le Gouvernement dès 2005.
Alors, bien sûr, quel que soit le gouvernement qui y procède, le redécoupage électoral reste un exercice de haute volée, sensible, sujet aux polémiques et aux contestations de tous ordres. Le débat est d'autant plus important qu'il met en jeu, à travers la question de la carte électorale, l'impartialité de nos institutions et, par là même, la crédibilité de notre démocratie.
Or la tâche du Gouvernement ne se limitait pas à une simple mise à jour des limites territoriales des circonscriptions présentant les plus grands écarts de population. En effet, la révision constitutionnelle a été l'occasion de prévoir que les Français de l'étranger, jusqu'alors uniquement représentés au Sénat, le seraient désormais également à l'Assemblée nationale. Comment ne pas juger surprenant que ces Français, eu égard à la spécificité des enjeux auxquels ils sont confrontés et au rôle de véritables ambassadeurs de notre pays qu'ils exercent quotidiennement, ne soient pas également représentés sur les bancs de notre assemblée ?
Il a donc été nécessaire de supprimer onze circonscriptions du territoire national et d'abandonner ainsi la tradition selon laquelle un département ne pouvait être représenté par moins de deux députés.
La commission prévue à l'article 25 de la Constitution a été consultée et elle a prouvé son indépendance en rendant des avis qui s'écartaient souvent des projets retenus par le Gouvernement.
Le redécoupage des circonscriptions n'est pas une tâche facile, comme le montre l'exemple du département de la Somme où, à notre grand regret, le découpage proposé par le Gouvernement n'a pas été suivi par la commission Guéna et le Conseil d'État. On constate néanmoins que, dans ce département, la commission a respecté l'équilibre démographique. Il eût été plus judicieux de respecter les bassins de vie d'Abbeville et d'Amiens, ainsi que la géographie du littoral de la Somme, comme nous l'avions proposé.
Nous ne contestons aucunement la marge d'appréciation dont doit, dans un tel exercice, nécessairement bénéficier un gouvernement dûment élu. Il ne s'agissait d'ailleurs pas, lors de la révision constitutionnelle, d'instituer une commission dont les avis auraient force de loi et s'imposeraient ainsi à l'ensemble des autorités de l'État. Au contraire, le Gouvernement et vous, monsieur le secrétaire d'État, avez fait des choix qu'il revient à présent au législateur d'apprécier.
Dans deux cas, en Loire-Atlantique et dans le Tarn, où le Gouvernement a choisi de s'écarter des propositions de la commission Guéna, nous ne partageons pas son analyse. C'est pourquoi nous vous présenterons deux amendements proposant des découpages plus opportuns, plus conformes – nous semble-t-il – à la réalité locale.
En Loire-Atlantique, le redécoupage avait pour mission de rééquilibrer démographiquement les cinquième et sixième circonscriptions. Après redécoupage, la sixième devient la plus peuplée avec plus de 140 000 habitants selon les derniers chiffres disponibles. L'amputation dans la septième circonscription – pourtant non concernée sur le plan démographique – d'un canton, certes défavorable au député UMP, a suscité une vive incompréhension et un mécontentement des élus concernés. D'ailleurs, on remarquera que la septième circonscription passe désormais en dessous du seuil démographique départemental.
Je laisserai à mon collègue Philippe Folliot le soin de parler du Tarn, un département qui, à nos yeux, pose un véritable problème.
Globalement, monsieur le secrétaire d'État, nous approuvons et saluons la manière dont le Gouvernement et vous personnellement – au passage, je vous remercie de votre engagement – avez procédé à cette modification de la carte électorale. Cela étant, nous souhaitons que cette ratification donne au législateur l'occasion d'user de son pouvoir général d'appréciation, ainsi que le Gouvernement lui-même en a usé au cours de la procédure.
À cette réserve près, le groupe Nouveau Centre votera pour ce texte.