Nous avons déjà eu l'occasion de souligner, pour le regretter, que la question du financement du RSA a largement occulté le débat de fond sur la pertinence du dispositif en termes de lutte contre la pauvreté.
Le débat autour de l'exonération des bénéficiaires du bouclier fiscal de toute contribution à l'effort de solidarité nationale n'en a pas moins été édifiant. Je viens d'écouter avec beaucoup d'intérêt l'intervention de Daniel Garrigue, qui montre bien qu'au-delà des choix partisans, des députés peuvent se retrouver sur des valeurs communes, même si, en l'occurrence, notre collègue demeure très minoritaire dans son camp.
La campagne médiatique orchestrée depuis deux ans pour présenter ce plafonnement des prélèvements comme une mesure de justice fiscale a connu ces dernières semaines de nouveaux développements.
Nous avons ainsi pu entendre, contre toute attente, le haut commissaire aux solidarités actives en défendre l'opportunité, faisant sienne l'imposture qui consiste à affirmer que ce fameux bouclier fiscal bénéficie avant tout aux ménages les plus pauvres. Seulement, ce qui est vrai pour ce qui concerne le nombre de bénéficiaires n'a plus aucun sens dès lors qu'on raisonne en volume, car il apparaît alors que 87 % des sommes que l'État restitue dans ce cadre aux contribuables, bénéficient aux 50 000 ménages les plus riches.
Ajoutons que les contribuables qui demandent à bénéficier du bouclier fiscal ne sont pas si nombreux. On peut dès lors s'interroger gravement sur la fraude : si ces riches ne demandent pas à profiter de ce dispositif, c'est bien pour ne pas exciter la curiosité des services fiscaux. Que n'utilise-t-on les moyens de technologie moderne au service de l'échographie fiscale ?
Du reste, l'expression « bouclier fiscal », métaphore militaire, ne dit rien sinon que les plus fortunés sont bien décidés à défendre leurs avantages et, vous-mêmes, bien décidés à préserver leurs intérêts.
Que cela mette en péril nos finances publiques, qu'importe à vos yeux, chers collègues de la majorité, puisque vous avez fait depuis des années de l'assèchement des finances de l'État votre credo, en poussant la logique si loin désormais que la Commission européenne elle-même a estimé – et pourtant M. Barroso n'est pas un gauchiste – que votre politique économique était « incompréhensible » ! Or le président de la Commission européenne s'exprimait ainsi après Philippe Séguin dont les propos sont comparables.
Comment ne pas partager cette incompréhension quand on sait que l'abaissement du seuil de déclenchement du bouclier fiscal décidé l'an passé, ainsi que vos diverses mesures de défiscalisation du patrimoine adoptées par la même occasion dans la fameuse loi TEPA, coûtent à la nation près de 3 milliards d'euros par an ? Trois milliards d'euros par an pour s'assurer que Johnny Halliday et les cadres de la City, chers à Mme la ministre de l'économie, reviendront ou resteront en France. C'est un peu cher payé !
Face à une mesure aussi manifestement injuste et dangereuse, qui ne présente par surcroît aucune pertinence économique, même de votre point de vue libéral, comment ne pas être troublé par le discours que persistent à tenir le Gouvernement et sa majorité, fustigeant le coût du RSA, qui ne représente pourtant que la moitié de ces 3 milliards, et voulant à tout prix épargner aux plus riches l'exercice de leur rôle de citoyens en contribuant à l'effort commun à hauteur de leurs facultés ?
Nous n'acceptons pas le principe qu'en République une caste de privilégiés puisse s'exonérer de ses devoirs, qu'un gouvernement protège des personnes qui n'ont aucun souci d'agir en citoyens, mais entendent demeurer de simples résidents exemptés de toute forme de participation à l'effort collectif et à la vie de la nation.
La proposition de plafonner les niches fiscales en lieu et place d'une contribution étendue au bénéficiaire du bouclier fiscal s'apparente à cet égard à une manoeuvre.
Nous proposons donc clairement de faire en sorte, par le biais de l'amendement n° 231 , que les bénéficiaires du bouclier fiscal participent au financement du RSA. C'est bien le moins ! Je note que, la semaine dernière, on a trouvé 3 milliards pour Dexia, c'est-à-dire deux fois ce que nécessite le financement du RSA, sans que cela n'entraîne de remarque de la part du haut-commissaire !