Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contrôle par les assemblées parlementaires du pouvoir de nomination du Président de la République a sans doute constitué l'une des avancées essentielles de la révision constitutionnelle votée voici maintenant plus d'un an par le Congrès.
Par le passé, en effet, les nominations à la tête des grandes entreprises publiques ou des autorités administratives indépendantes étaient systématiquement suspectées, et parfois à juste titre, d'être des nominations de complaisance, voire de connivence, les résultats de marchés passés dans l'obscurité des coulisses du pouvoir. Désormais, et en vertu de la nouvelle rédaction de l'article 13 de la Constitution, les personnes pressenties pour exercer une fonction déterminante, soit pour la garantie des libertés publiques, soit pour la vie économique et sociale de la nation, sont tenues de présenter leur projet devant les commissions permanentes compétentes des deux assemblées.
Nous-mêmes, parlementaires, n'aurons pas seulement à nous prononcer sur la compétence du candidat pressenti et sur la pertinence de son projet. Nous disposerons également de la possibilité d'opposer, à la majorité des trois cinquièmes, notre veto à une nomination proposée par le Président de la République.
Si l'ambition de voir le Parlement plus étroitement associé aux nominations décidées par celui-ci nous a tous rassemblés lors des débats préalables à la révision constitutionnelle, tel n'a pas été le cas du seuil de voix au-delà duquel les commissions permanentes sont en mesure d'opposer leur veto à une nomination.
Certains ont ainsi mis en avant le caractère prétendument inatteignable de la barre des trois cinquièmes des voix, compte tenu notamment de la discipline de vote que l'on a coutume d'observer dans nos assemblées.
Je veux dire ici que la discipline de vote ne sera pas de mise au sein du groupe Nouveau Centre, et j'espère que tout le monde s'appliquera cette obligation éthique. Car ces nominations ne relèvent pas d'un choix politique, mais d'un choix personnel de chacun des parlementaires. On peut avoir une autre conception du mandat parlementaire, et penser qu'on est soumis à son parti. Ce n'est en tout cas pas la règle qu'appliquera le Nouveau Centre. Et je suis sûr que, dans la majorité, chacun saura faire de même.
S'il est préférable qu'il en soit ainsi, c'est aussi parce qu'il faut que l'on applique les mêmes règles de vote au Sénat. Vous avez abordé ce sujet, monsieur le ministre. Pour nous, cela exclut toute possibilité de vote par procuration, lequel encouragerait, là encore, une discipline de vote qui n'a pas lieu d'être dans cette affaire.
Pour notre part nous pensons que ce serait prendre un risque non négligeable que d'offrir à l'opposition, quelle qu'elle soit, le pouvoir de bloquer à elle seule toute une série de nominations et de paralyser par ricochet plusieurs institutions ou entreprises publiques que nous nous accordons pourtant à reconnaître comme essentielles pour la garantie des droits et libertés, ou pour la vie économique et sociale de la nation.
J'ajouterai également que l'état actuel des textes laisse ouverte la possibilité que soit rendu un avis défavorable à la majorité simple, sans pour autant que les commissions soient en mesure d'opposer leur veto. Très franchement, si un tel vote ne lierait certes pas le pouvoir exécutif, il n'en demeure pas moins qu'il fragiliserait considérablement la nomination envisagée par le Président de la République. J'observe d'ailleurs, chers collègues, que lorsque les commissions des affaires économiques ont, en décembre dernier, rendu un avis défavorable pour la nomination du président du Haut Conseil des biotechnologies, l'exécutif, le Président de la République, a alors proposé un nouveau candidat, et ce alors qu'il n'y était nullement tenu.
Vous pouvez railler, monsieur de Rugy, le fait que la nomination – supposée – de M. Proglio à la tête d'EDF va être soumise au Parlement, alors que ce n'est nullement une obligation. Mais, dans votre démonstration, j'ai entendu exactement l'inverse. Parce que, après tout, le Gouvernement pouvait retarder la présentation de ce projet de loi et nommer le président d'EDF sans nous consulter.