À l'arrivée, vous vous retrouvez avec un nouveau projet de loi, dit « HADOPI 2 », totalement bancal. D'un côté, le dispositif initial a été conservé, d'où l'affaire des agents assermentés ayant des prérogatives de police judiciaire a été conservé. D'un autre côté, vous avez récupéré le délit de contrefaçon, sanctionné de 300 000 euros d'amende et de trois ans de prison, qui existait déjà dans le code pénal.
Dans la hâte – en quinze jours, le projet de loi devait être rédigé puis soumis au Conseil d'État –, vous avez assimilé de manière abusive et scandaleuse la contrefaçon et le téléchargement illégal, notamment le téléchargement illégal sans but lucratif.
Résultat : une confusion totale, un système bancal et des ruptures d'égalité en conséquence. Madame la garde des sceaux, si vous aviez eu plus de temps, il eût fallu, pour plus de cohérence, créer une nouvelle incrimination.
Ce texte crée une rupture d'égalité paradoxale : l'auteur d'un délit de contrefaçon ordinaire aura droit à une juridiction ordinaire collégiale c'est-à-dire composée d'un président et de deux assesseurs ; l'auteur d'un délit de contrefaçon commis sur un service de communication au public en ligne aura droit à une ordonnance pénale et à un juge unique.
L'autre rupture d'égalité – sur laquelle nous reviendrons – porte sur la question des dommages et intérêts. Je persiste et je signe : si vous ne voulez pas créer une rupture d'égalité, vous êtes inévitablement obligée d'étendre à toutes les victimes, la possibilité de demander en même temps une sanction pénale et des dommages et intérêts. Par exemple, les victimes de pratiques commerciales prohibées vont se tourner vers vous et vous demander : madame la garde des sceaux, pourquoi est-ce que je ne pourrais pas obtenir des dommages et intérêts en même temps que la sanction pénale, comme dans le cas de droits d'auteur ?