Mais, je ne voudrais pas qu'on pense que, compte tenu de la place de cet amendement, la mesure pourrait concerner un grand nombre de départements. Nous sommes obligés de donner à cette disposition un habillage juridique pour contourner la difficulté.
Je connais bien la situation de Mayotte pour avoir présidé, avec Didier Quentin, une commission sur l'immigration clandestine sur cette île. Nous devrons d'ailleurs prochainement retourner sur place pour voir comment les choses ont évolué. Sur ce territoire, qui veut devenir un département français et qui compte actuellement un député, la population est de l'ordre de 190 000 habitants et augmente à un rythme soutenu. Mais on peut, certes, mettre en doute la fiabilité de cette statistique, car on s'aperçoit qu'une grande partie de cette population vit dans des favelas et tend à se disperser très rapidement sitôt qu'un représentant de l'ordre public apparaît.
Par ailleurs, le rapport entre le nombre de personnes inscrites sur les listes électorales et le nombre d'habitants, est de l'ordre de 30 %. Or, dans les autres départements métropolitains et même d'outre-mer – je pense par exemple à la Réunion, toute proche –, la proportion varie entre 60 et 70 %. Le problème vient du fait qu'à Mayotte, le nombre de clandestins s'élève à 40 000, 50 000 voire 60 000. Par définition, on ne peut le savoir précisément mais cela concerne, à coup sûr, plusieurs dizaines de milliers de personnes. Tous les ans, on en reconduit à Anjouan 15 000 : cela correspond à la capacité de la compagnie d'aviation privée chargée des reconductions – au passage, merci l'État français qui finance ainsi une compagnie privée ! En tout état de cause, le nombre des personnes réexpédiées est légèrement inférieur à celui de celles qui reviennent...
Pour des raisons diverses et complexes, que je ne développerai pas ici mais qui tiennent beaucoup au problème d'état civil, la situation de Mayotte est très particulière. Dans ce cas précis, on ne peut se contenter du critère démographique. Il faut pouvoir le corriger. Et pour que cela soit possible constitutionnellement, la motivation doit être suffisamment large. Nous nous sommes efforcés, avec notre amendement, de trouver une formulation qui passe la rampe du Conseil constitutionnel et qui permette de prendre en compte cette situation particulière. Cela pourrait concerner aussi la Guyane – pour d'autres raisons cependant. C'est principalement ces deux zones géographiques qui sont visées par cet amendement.
(L'amendement n° 59 est adopté.)