Dans la plupart des démocraties, les parlements répartissent les responsabilités en leur sein de façon proportionnelle, ou du moins de façon à garantir un certain partage des fonctions. C'est vrai notamment de celles qui concourent à l'élaboration de la loi et au contrôle de l'action du Gouvernement. Telle n'est pas la tradition dans notre assemblée, et je crois que la France ne s'honore pas en faisant si peu démocratiquement exception.
Je voudrais signaler une curiosité de notre mode d'organisation. Pour l'élection des vice-présidents de l'Assemblée nationale, la tradition veut que l'on respecte une certaine proportionnalité. Leurs fonctions sont pourtant neutres par nature. Comme le rappelait tout à l'heure le président Accoyer, la présidence de séance n'est jamais mise en cause : quel que soit le groupe auquel appartient celui qui l'exerce, il conduit les débats en toute neutralité. Or, si le principe de proportionnalité est accepté pour cette fonction neutre, il ne l'est pas pour les fonctions qui participent de façon bien plus effective au processus législatif – je veux parler des présidences des commissions, le rôle des bureaux de ces dernières demeurant très virtuel. J'ajoute que l'on retrouve une certaine proportionnalité dans la répartition des postes de questeurs, chargés de gérer l'Assemblée nationale, même si cette proportionnalité est nécessairement imparfaite du fait qu'elle joue sur trois postes seulement.
Nous avons voulu augmenter le nombre de commissions pour deux raisons : parce que certaines d'entre elles étaient surchargées de travail, mais aussi pour permettre une meilleure répartition des rôles et des responsabilités au sein de l'Assemblée. C'est ce qu'a voulu le Président de la République lorsque, avant même que notre règlement le prévoie, il a souhaité que la présidence de la commission des finances, poste de contrôle important s'il en est, revienne à l'opposition. Dans cette même logique, nous vous proposons, par l'amendement n° 170 , que la présidence de l'une des commissions permanentes revienne à l'un des groupes minoritaires – comme nous avons abaissé le seuil nécessaire pour constituer un groupe, il est en effet possible que, sous les prochaines législatures, il y ait plusieurs groupes minoritaires.
Quelle que soit la configuration politique, il n'est pas normal qu'un seul groupe politique puisse monopoliser les présidences de commission, à rebours de ce qui se pratique à l'étranger. Si d'aventure, demain, aucun groupe n'était majoritaire à lui seul – le cas s'est déjà présenté dans l'histoire de la Ve République –, ses membres pourraient malgré tout, à la faveur de majorités relatives, présider l'ensemble des commissions permanentes à l'exception de la commission des finances, soit sept commissions sur huit, alors même qu'il compterait moins d'un député sur deux !
Pour préserver un certain équilibre, il serait souhaitable que, conformément à ce qui se passe dans d'autres parlements, conformément à ce que nous avons voté en révisant la Constitution, et conformément à la parole donnée, lors des débats portant sur cette révision, par un certain nombre de responsables politiques de notre assemblée, une autre commission, sans qu'il soit besoin de la désigner par avance, soit présidée par un député d'un groupe minoritaire. C'est ce que nous pratiquons déjà pour les postes de vice-président et de questeur ; il n'y a aucune raison de refuser d'étendre ce principe, sauf à vouloir faire preuve d'une volonté d'hégémonie.