Et nous apprécions de discuter de ces sujets avec vous.
Quelle voie suivre ? L'autorégulation ? Le recours au juge ? À une autorité administrative indépendante ? Vous avez choisi cette dernière solution, que nous désapprouvons totalement. S'il ne s'agissait que de réguler ou de définir des normes pour faire progresser le débat sur l'Internet, pourquoi pas ; sous la conduite de Lionel Jospin, nous avions ainsi créé le forum des droits sur l'Internet. Les questions, en ce domaine, évoluent avec les technologies et s'avèrent épineuses au plan juridique. Créer des espaces de débat pour élaborer des normes, pourquoi pas ; mais quand il s'agit d'écrire la loi ou de l'appliquer, les choses sont bien différentes : la première mission incombe au Parlement et la seconde aux juges.
Or il s'agit ici de sanctions qui portent sur des questions qui n'ont rien de mineur. Nous pouvons concevoir que des autorités administratives prennent des sanctions s'agissant de questions de vie quotidienne relativement peu importantes : il s'agirait simplement de trouver des voies de recours devant les tribunaux. En l'occurrence, les sanctions prévues mettent en jeu des libertés fondamentales : liberté de communiquer, liberté de s'exprimer, droit au travail, droit à l'éducation – les réflexions du Parlement européen à cet égard sont fondatrices. Et lorsque des questions aussi fondamentales que ces libertés et leur exercice réel sur Internet et grâce à Internet sont en jeu, les sanctions doivent relever, non d'une autorité administrative, mais du juge.
Lors de votre audition devant la commission des affaires sociales et culturelles, madame la ministre, vous avez avancé l'argument d'un risque d'engorgement des tribunaux. Vous avez reconnu par là même que c'est une surveillance et une répression massive que vous envisagez. Je comprends dès lors un peu mieux votre envie de disposer d'une sorte de cour spéciale chargée d'appliquer cette loi très contestable sur le fond.
Voilà pourquoi l'article 2 représente pour nous un monstre juridique. Il repose sur une erreur quant aux principes mêmes de la régulation d'Internet et met en place un dispositif contraire à l'État de droit : absence de procédure contradictoire dès la première recommandation, non-application de la présomption d'innocence et difficultés d'imputation de la responsabilité du délit, nous y reviendrons à travers nos amendements.
Confier la tâche de décider des sanctions à quelqu'un d'autre qu'un juge, exerçant ses fonctions dans le cadre légitime des tribunaux de la République, nous paraît profondément contestable.
Nous voterons donc contre l'article 2.