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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 12 mars 2009 à 15h00
Protection de la création sur internet — Reprise de la discussion, amendements 445 394 419

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Sans doute pouvons-nous, au-delà des clivages partisans, nous accorder sur cet amendement. Au risque de nous répéter, nous avons déploré que votre projet ne prévoie pas la rémunération des artistes, alors même que vous prétendez parler en leur nom – tout au moins en celui de 10 000 signataires – et que vous dites les aimer. Mais vous ne pouvez témoigner de la sincérité de vos affirmations que par des actes. Comment pouvez-vous, madame la ministre, défendre un texte presque exclusivement répressif au nom de la création sans même prévoir de nouvelles rémunérations pour les artistes ?

Vous êtes pourtant bien placée pour savoir que l'immense majorité des artistes sous contrat – ne parlons pas de ceux qui ne trouvent pas de producteur sous prétexte que leur création ne serait pas rentable – ne vivent pas de leurs oeuvres, en raison de la part exorbitante des recettes d'exploitation que s'octroient les sociétés de répartition des droits et les majors.

Cette situation contredit les mots de Hermann von Keyserling qui, dans son Analyse spectrale de l'Europe, décrivait les Français comme « le peuple européen de la culture par excellence ». Ainsi, l'exception culturelle française que vous brandissez comme un étendard – encore pourrait-on dire qu'il existe une exception culturelle française comme il existe des exceptions culturelles allemande ou italienne, chacune ayant ses caractéristiques propres –, est en passe de n'être rien de plus qu'une économie de la culture régie par des principes mercantiles.

C'est pourquoi, madame la ministre, nous avons souhaité, sur tous les bancs de cette assemblée, vous soumettre cet amendement afin que vous vous saisissiez de l'occasion pour prévoir, au bénéfice des artistes interprètes, une rémunération attachée à leur personne, du fait de l'utilisation de l'impact commercial de leur interprétation comme outil de vente d'espaces publicitaires en ligne. Il ne s'agit pas ici de légitimer la pratique du téléchargement illicite, mais bien de combler l'insuffisance du montant de la rémunération aujourd'hui perçue par les artistes interprètes du fait de l'utilisation licite de leurs prestations en ligne, par rapport au volume total des recettes perçues.

Les artistes ne perçoivent actuellement de rémunération que sur le prix de vente des enregistrements. Or de nouveaux modèles économiques d'exploitation ont émergé ces dernières années, qui s'appuient sur la commercialisation d'espaces publicitaires. Aucune part de ces rémunérations publicitaires n'est reversée aux artistes interprètes. La juste rémunération consisterait en une rémunération sur la publicité parallèle à la mise à disposition des oeuvres. Cette rémunération serait reversée par les bénéficiaires des ressources publicitaires à la SPRD représentative des artistes en cause, qui la répartirait au vu des déclarations faites par l'exploitant des contenus protégés.

Nous sommes bien conscients que cette proposition n'offre pas de solution miracle à la faiblesse de la rémunération des artistes, mais elle constitue une piste de réflexion sur laquelle nous souhaiterions entendre votre avis, madame la ministre ; à défaut, vous apporteriez la preuve du peu de cas que vous faites des créateurs, que vous prétendez défendre.

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