Que cherche à faire le projet de loi sinon à saucissonner l'individu, qui ne serait pas le même avant et après vingt heures ?
Avant vingt heures, en tant que téléspectateur d'une chaîne du service public, je serais un consommateur dont le marché se plaît à satisfaire les désirs. Et comme, de plus, je serais un consommateur imbécile, je céderais à toutes les tentations de la publicité. Après vingt heures, je serais un citoyen que Sarko éduque et surveille ! Je n'ai absolument pas envie d'être saucissonné de cette manière et il me paraît absurde de considérer que ce qui est bien avant vingt heures serait catastrophique après, ou vice-versa.
L'amendement n° 608 est évidemment un amendement de repli puisqu'il vise, en reculant l'application de la mesure au 1er septembre 2001, à prendre du temps. Nous ne sommes pas plus intelligents que les Britanniques et la BBC, qui ont considéré qu'il fallait prendre le temps nécessaire pour se forger une vision globale, ou que la commission Copé, qui voulait se donner un an de réflexion. Ce dossier est beaucoup trop complexe pour être réglé en cinq minutes !
En outre, les affirmations du rapporteur relatives à la publicité sont étonnantes ! Il convient tout d'abord de se rappeler que la part de la publicité en France est beaucoup moins importante que dans tous les autres pays européens. Ensuite, contrairement à ce qu'on pense ordinairement, les parts de la publicité dans la presse et la télévision sont quasiment identiques : entre 3,7 et 4 milliards d'euros, le WEB pesant 1,8 milliard. La radio arrive, quant à elle, nettement derrière, avec quelque 1,5 milliard d'euros. Or le rapporteur connaît trop bien ce dossier pour ignorer que la baisse de la publicité touche aujourd'hui principalement la presse, notamment la presse magazine, où la chute est catastrophique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le président Sarkozy s'apprête à prendre des décisions aussi mauvaises pour la presse que celles qu'il voudrait nous faire adopter aujourd'hui sur l'audiovisuel.
Tel est le cadre dans lequel on décide de supprimer la publicité du service public, tout en affirmant qu'elle se répartira de façon intelligente entre la presse, la TNT, la radio et les autres formes de télévision. S'il se trouve dans l'hémicycle un publicitaire, un directeur commercial ou un ancien directeur de marketing, il lui sera facile de nous dire qu'il existe des formes différentes de publicité et que, notamment, la publicité de notoriété n'est pas la même que la publicité d'affichage.
Il est donc évident que la publicité du service public ne pourra pas se reporter sur la presse quotidienne et ne le fera que très rarement sur la presse hebdomadaire ou sur la presse magazine. Dès lors, comment vous croire, mon cher rapporteur, lorsque vous prétendez que cette mesure sauvera à la fois la télévision de service public et la presse ? Ce serait vraiment merveilleux ! De fait, on condamne l'une et l'autre !
Du reste, avez-vous jamais rencontré une entreprise qui, voyant disparaître un tiers de ses recettes, penserait que tout va bien pour elle ou qui se contenterait de promesses de subventions non encore affectées et ce pour un temps indéterminé ? D'autant qu'avant vingt heures, nous assisterons à un véritable dumping publicitaire : TF1, en effet, qui n'est pas plus bête que les autres chaînes, baissera de moitié ses tarifs pour les augmenter du double après vingt heures.