Sous-amendements associés : 1145 1470
Déposé le 28 mai 2008 par : M. Charié.
Après l'article L. 422-3 du code de la consommation, est inséré un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III - L'ACTION DE GROUPE
« Section 1
Champ d'application et recevabilité de l'action de groupe
« Art. L. 423-1. - L'action de groupe a pour objet la réparation forfaitaire des préjudices matériels subis par des consommateurs, personnes physiques, soit du fait de la violation par un professionnel de ses obligations contractuelles ou légales relatives à la vente d'un produit ou à la fourniture d'un service ou des règles relatives aux pratiques commerciales, soit du fait de l'exercice d'une pratique anticoncurrentielle telle que définie aux articles L. 420-1 à L. 420-5 du code de commerce et aux articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne.
« Les associations de consommateurs, agréées sur le plan national en application de l'article L. 411-1, peuvent seules exercer l'action de groupe.
« Art. L. 423-2. - À peine d'irrecevabilité de l'action, l'association doit rapporter la preuve :
« 1° de l'existence d'un groupe identifiable et significatif de consommateurs, personnes physiques, lésés par les pratiques d'un même professionnel ;
« 2° de l'existence de préjudices matériels ayant pour origine des situations de droit ou de fait identiques ou similaires ;
« 3° du caractère vraisemblable du lien de causalité entre les préjudices allégués et les pratiques énoncées à l'article L. 423-1.
« Section 2
Procédure
« Art. L. 423-3. - Lorsqu'il déclare le professionnel responsable, le juge statue sur les indemnités individuelles forfaitaires destinées à réparer les préjudices, mises à la charge du professionnel, ainsi que sur les modalités du règlement de ces sommes aux consommateurs lésés.
« Il détermine, dans les limites fixées par voie réglementaire, le délai pendant lequel les consommateurs peuvent demander réparation au professionnel.
« Il ordonne, aux frais du professionnel, la diffusion, par tous moyens appropriés, du jugement afin de permettre aux consommateurs lésés d'en avoir connaissance.
« Art. L. 423-4. - Au terme du délai prévu à l'article L. 423-3, le juge constate le règlement intégral par le professionnel des préjudices subis par les consommateurs et prononce la clôture de la procédure d'action de groupe.
« Art. L. 423-5. - La décision statuant définitivement sur l'action de groupe a autorité de chose jugée à l'égard des parties et des consommateurs déclarés.
« Les consommateurs qui ont obtenu une réparation dans le cadre de l'action de groupe conservent leur droit d'agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices non couverts par cette procédure.
« Art. L. 423-6. - La procédure judiciaire interrompt les délais de prescription des actions de droit commun jusqu'à la date du jugement de clôture.
« À compter de l'acte introductif d'instance et jusqu'au jugement de clôture de l'action de groupe, seul le ministère public peut mettre en mouvement l'action publique en vue de poursuivre des faits procédant de la même cause et ayant un même objet. La prescription de l'action publique est suspendue durant ce délai. »
Le bilan tiré de l'exercice du droit d'action en représentation conjointe (5 actions recensées depuis 1992, c'est à dire en 16 ans !) conduit à conclure à l'inexistence, à ce jour, d'une forme d'action collective permettant la prise en charge effective des intérêts individuels des consommateurs, lorsque ceux-ci sont victimes de pratiques illicites ou abusives. Par ailleurs, eu égard au faible montant d'un grand nombre de litiges de la consommation, les consommateurs renoncent le plus souvent à toute action individuelle.
Or, les litiges de la consommation constituent, par excellence, le domaine des contentieux de masse. La croissance de la demande en produits et en services, le développement de l'offre à travers celui des nouvelles technologies, comme la téléphonie mobile, internet ou les cartes de crédit, ont complexifié et multiplié les contrats de consommation et techniques de vente, et exigent des moyens de résolution des litiges proportionnés et efficaces.
Compte tenu de l'ampleur des pratiques en cause et de la multiplicité du nombre de victimes, la somme totale des préjudices individuels peut être considérable. Il y a donc bien une demande insatisfaite de droit à raison de la lourdeur et du coût des procédures judiciaires traditionnelles.
A cet égard, dans le domaine de la téléphonie mobile, l'absence d'indemnisation de dizaines de milliers de consommateurs directement victimes de pratiques tarifaires concertées de la part des trois opérateurs se partageant le marché, causant incontestablement à chacun un préjudice certain et chiffrable, alors que ces pratiques sont condamnées au regard des règles de concurrence (amende de 534 millions d'euros prononcée par le Conseil de la concurrence ; décision confirmée en appel) est parfaitement édifiante.
L'introduction, en droit français, d'une action de groupe, entendue comme une forme d'action en réparation est donc pleinement justifiée.
C'est d'ailleurs la voie recommandée tant dans le rapport Attali que dans les premières orientations, rendues publiques, retenues par la Commission Coulon concernant la dépénalisation du droit des affaires, dont le rapport a été remis à la Garde des sceaux.
Par ailleurs, la mise enoeuvre d'une procédure d'action de groupe au plan communautaire fera prochainement l'objet d'une initiative de la Commission européenne. En effet, l'existence d'une procédure de ce type est de nature à donner confiance au consommateur européen dans le marché intérieur et par conséquent l'inciter à faire pleinement jouer la concurrence entre les professionnels d'un même secteur quel que soit son lieu d'implantation au sein de l'Union.
Néanmoins, il convient d'encadrer strictement l'action de groupe afin de prévenir les dérives constatées Outre-Atlantique et ne pas bouleverser les règles processuelles existantes, ni les grands principes généraux de notre droit.
C'est pourquoi, il doit être proposé un système équilibré, répondant aux attentes fortes des consommateurs et à la nécessaire sécurité juridique et économique à laquelle aspirent légitimement les entreprises.
Ces gages sont donnés par cet amendement, en ce qui concerne l'intérêt et la qualité pour agir reconnus aux seules associations de consommateurs agréées au plan national et la limitation à la réparation des seuls préjudices matériels subis par les consommateurs (à l'exclusion des préjudices moraux et corporels).
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