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Séance en hémicycle du 7 novembre 2011 à 21h30

Résumé de la séance

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  • APD
  • afrique
  • g20
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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2012 (nos 3775, 3805).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'aide publique au développement » (n° 3805, annexe 5, n° 3808, tome III).

En l'absence du premier orateur prévu, la parole est à Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Henriette Martinez

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de la coopération, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, mes chers collègues, je commencerai mon propos – cela ne vous étonnera pas, monsieur le ministre – en regrettant que nous n'ayons pu disposer du document de politique transversale que vendredi dernier en milieu d'après-midi.

Or la mission « Aide publique au développement », ou APD, ne comporteque trois programmes sur les vingt-six qui contribuent à cette politique publique et ne représente que 3,3 milliards d'euros sur les 10 que la France déclare au Comité d'aide au développement – le CAD – de l'Organisation de coopération et de développement économique, l'OCDE.

En conséquence, il est indispensable, pour que les commissions puissent exercer de manière effective leur contrôle, qu'elles aient connaissance de la totalité des éléments nécessaires à leur analyse, non seulement des crédits et des instruments engagés et mis en oeuvre par l'ensemble des administrations gestionnaires, mais aussi de la part considérable que tiennent certains postes hors mission, comme les écolages ou les annulations de dettes. Pour la deuxième année consécutive, cela n'a pas été possible, compte tenu de ce retard.

Nous savons depuis longtemps que, par exempl il sera difficile de tenir l'objectif de 0,7 % de notre revenu national brut, ou RNB, consacré à l'APD. La France ne cesse malgré tout de réaffirmer cet engagement. Or, la lecture du document de politique transversale fait clairement apparaître que notre effort global, malgré une comptabilisation large, stagne aujourd'hui, et même retombe : il ne sera plus que de 0,46 % de notre RNB en 2011, contre 0,5 % l'an dernier, même si, sur la base d'estimations incertaines et d'hypothèses de recettes trop optimistes, on nous dit qu'il devrait retrouver l'an prochain son niveau de 2010. Espérons-le.

Cela étant, plus que le pourcentage de l'aide, son contenu et son efficacité me paraissent déterminants, et la réalité de notre action devrait être affichée clairement.

Monsieur le ministre, si l'Afrique subsaharienne est la première des priorités de notre politique de développement, pour quelle raison n'a-t-elle reçu que 49 % de notre aide bilatérale en 2009, et seulement 46 % en 2010 ? Pour quelle raison les quatorze pays pauvres prioritaires cèdent-ils si souvent le pas dans les statistiques à un certain nombre de pays du G20 ?

Les interrogations de la représentation nationale sur la concordance entre la volonté et la réalité pourraient être levées si nous disposions de la totalité de l'information utile, et si la présentation de notre politique n'était pas faussée, je le répète, par l'agrégation de toutes les données possibles.

Pourtant, la France n'a pas à rougir de son effort. Elle reste l'un des tout premiers contributeurs mondiaux – le troisième en volume, après les États-Unis et le Royaume-Uni –, et les efforts qu'elle fournit depuis quelques années pour améliorer et rationaliser son aide, en reprenant parfois d'ailleurs des préconisations de la représentation nationale, sont importants. Elle dispose aujourd'hui, pour la conduite de sa politique, d'instruments remarquables, au premier rang desquels l'Agence française de développement, ou AFD. Elle a pris des engagements forts sous l'autorité du Président de la République, notamment en matière de santé maternelle et infantile, par exemple dans le cadre de l'initiative de Muskoka. Après avoir été à l'origine de la taxe sur les billets d'avion, notre pays poursuit son plaidoyer en faveur des financements innovants, en promouvant inlassablement l'instauration d'une taxe sur les transactions financières.

Si le sommet de Cannes n'a pas donné tous les résultats escomptés à cet égard, la présidence du G8 et du G20 aura néanmoins permis de faire avancer ce dossier essentiel, comme celui des infrastructures ou de la sécurité alimentaire, et de mettre l'APD au coeur des débats et de l'agenda international. C'est ce que la France fait aussi sur la question de l'efficacité de l'aide depuis l'adoption de la Déclaration de Paris et en perspective du prochain Forum de Busan.

Sur ces deux questions, notre pays montre qu'il est au coeur de la réflexion mondiale sur l'APD de demain. C'est d'autant plus important que les enjeux et les besoins restent considérables en dépit des avancées, parfois mitigées, des Objectifs du Millénaire pour le développement.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, je me réjouis que le budget de la mission soit maintenu, qu'il soit exonéré de de l'effort pour lutter contre le déficit, et que les engagements du triennum budgétaire soient respectés.

Les crédits de paiement de l'ensemble des trois programmes, restent stables, à 3,3 milliards d'euros, comme en 2011, conformément à ce que la loi de programmation avait prévu. Dans la conjoncture budgétaire que nous connaissons, c'est un acte que je salue. Il permettra d'honorer nos engagements auprès des institutions multilatérales, d'intervenir dans plusieurs domaines d'action prioritaires, comme la santé, l'éducation, la lutte contre le changement climatique ou les questions alimentaires, et de poursuivre notre aide aux pays en situation de crise.

Je veux enfin féliciter le Gouvernement pour sa décision de maintenir dans le programme 209 les 26 millions de crédits correspondant à la diminution de notre contribution au Fonds européen de développement – le FED – l'an prochain, diminution due à la baisse des prévisions d'engagements de la Commission européenne. Je salue aussi la décision du Gouvernement de dédier 5 % de notre contribution pour l'implication d'ONG francophones dans la mise en oeuvre des politiques du Fonds mondial de lutte contre le Sida, comme je l'avais appelé de mes voeux voilà maintenant deux ans.

Telles sont les principales observations qu'appellent la politique d'APD et les crédits prévus pour la mission dans le projet de loi de finances pour 2012, que je vous invite, mes chers collègues, à adopter, en vous remerciant de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, veuillez d'abord excuser mon retard. Je tiens à remercier Mme Martinez d'avoir accepté d'intervertir les rôles.

Après Mme la rapporteure pour avis qui vient d'y faire allusion, je tiens une fois de plus à regretter que nous n'ayons pu disposer en temps utile des documents nécessaires à l'appréciation de la véritable aide publique au développement financée par la France. Au moment où je vous parle, nous ne disposons toujours pas de la version imprimée du fameux document de politique transversale qui, seul, donne une image globale de l'APD dans ce pays. Tel était déjà le cas l'année dernière, et en dépit d'une lettre du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes du 18 juillet 2011, par laquelle celui-ci s'engageait à tout nous fournir en temps et en heure, tel est encore aujourd'hui le cas. Aussi rencontrons-nous – ainsi que Mme Martinez l'a indiqué – bien des difficultés pour avoir une vision un peu synthétique de notre aide publique au développement, sachant déjà que la mission dont nous examinons aujourd'hui les crédits ne représente qu'un bon tiers – 37 % – de l'action de l'État en matière d'aide publique au développement. Les deux tiers restants sont en effet éclatés au sein de dix-sept autres programmes tels que l'action de la France en Europe et dans le monde, la conduite des politiques sanitaires et sociales, l'enseignement technique agricole ou encore les prêts de la réserve pays émergents.

En cette fin de législature, la présentation budgétaire de la mission « Aide publique au développement » se révèle donc tardive, éclatée et incomplète, toutes caractéristiques qui ne permettent pas de porter sur elle un regard cohérent.

Dans un contexte de réduction générale des dépenses publiques, le projet de loi de finances pour 2012 préserve néanmoins – ainsi que l'a souligné Mme Martinez – la stabilité des crédits de paiements des trois programmes de la mission « Aide publique au développement », à savoir les programmes 209, 110 et 301. Les crédits de paiement demandés s'élèvent ainsi à 3,333 milliards d'euros contre 3,334 milliards l'année dernière. Stabilité donc – j'ai même cru comprendre qu'un amendement allant un peu plus dans ce sens sera proposé tout à l'heure.

Les autorisations de paiement demandées pour 2012 baissent, en revanche, très fortement puisqu'elles diminuent de 40 %, passant de 4,5 à 2,7 milliards d'euros. Cette diminution, a priori très importante, est avant tout la conséquence de la baisse de 75 % des crédits d'autorisations de paiement demandés pour l'aide multilatérale du programme 110, suite à la reconstitution antérieure des deux principaux fonds concessionnels de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. Nous assistons là en fait à un cycle. Qu'à la suite de la reconstitution des fonds les autorisations d'engagement baissent n'est pas très significatif en soi : cela ne signifie pas, en effet, que l'aide publique au développement baisse de 40 %.

La mission ainsi « sanctuarisée » en ce qui concerne le programme 110 ne retrace pas les autres catégories de crédits qui participent à cette politique, notamment les crédits budgétaires, hors budget général, nécessaires au décaissement des prêts accordés aux conditions de l'APD, et le coût budgétaire des annulations de dettes. Seule l'indemnisation des annulations de dettes supportées par l'Agence est retracée dans la mission. Les crédits manquants à la mission contribuaient à l'APD, chacun pour des montants consistants, de 100 à 625 millions d'euros selon le programme et à hauteur de 1 715 millions d'euros en 2010 au total. Je suppose que les chiffres doivent être à peu près les mêmes dans le projet de loi de finances pour 2012.

En revanche, la mission comprend des crédits qui ne participent pas à l'aide publique au développement selon le CAD, le comité d'aide au développement. Il s'agit en particulier des crédits afférents à la francophonie dans le programme 209, dès lors qu'ils ne bénéficient pas à des pays en développement inscrits sur la liste établie par l'OCDE, ou encore des dépenses d'accueil des réfugiés inscrits au programme 301 de la mission. De même, les frais d'écolage ou les crédits afférents au sarcophage de Tchernobyl comptabilisés dans la mission n'ont aucun impact sur l'aide au développement. À l'inverse, si le versement au Fonds européen de développement ou au Fonds mondial de lutte contre le sida est intégralement comptabilisé en aide publique au développement, les contributions obligatoires à l'ONU ou bien à la FAO ne le sont que partiellement.

Les crédits regroupés au sein des trois programmes de la mission « Aide publique au développement » transitent par plusieurs canaux : l'aide bilatérale, le canal européen – c'est-à-dire l'aide mise en oeuvre par la Commission européenne, avec une contribution française en forte diminution –, et l'aide multilatérale hors Union européenne, à savoir l'aide mise en oeuvre par les organisations et programmes internationaux.

Le programme 110 a pour objectif affiché de réduire la pauvreté et de participer à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Il concentre des crédits destinés aux deux cent soixante et une institutions multilatérales de développement, ainsi qu'au financement des annulations de dettes bilatérales et multilatérales.

Pour ma part, j'estime qu'en raison de la dispersion de l'aide multilatérale entre ces deux cent soixante et une banques de développement et les fonds sectoriels, ce programme manque de lisibilité et d'indicateurs de résultats. Dans la perspective du sommet de Dusan sur l'efficacité de l'aide au développement, qui doit se réunir en Corée du sud à la fin du mois, quelques éléments concrets sur les résultats de l'aide multilatérale seraient les bienvenus.

Les montants demandés en 2012 pour le programme 110 s'établissent à 627,70 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit un recul de 74 %, et à 1 191,90 millions d'euros en crédits de paiement.

Le volume d'autorisations d'engagement demandé correspond principalement à la onzième reconstitution du Fonds asiatique de développement, aux compensations des annulations de dette envers l'Association internationale de développement, guichet concessionnel de la Banque mondiale, et envers le Fonds africain de développement, dans le cadre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Je rappelle que les fortes variations des autorisations d'engagement s'expliquent par le caractère cyclique de l'abondement de ces fonds concessionnels. En effet, les fonds multilatéraux d'aide au développement sont reconstitués périodiquement et les pays contributeurs s'engagent sur une période pluriannuelle.

Ainsi, la France participe aux fonds d'aide aux pays sortant de crise, comme l'Afghanistan, le Pakistan ou la Palestine, à divers fonds de lutte conte le blanchiment des capitaux ainsi qu'aux guichets concessionnels du Fonds monétaire international, par l'intermédiaire de l'AFD, l'Agence française de développement, qui prête au FMI pour le compte de l'État français. Comme vous le constatez, tout cela est d'une simplicité extraordinaire.

Le programme 110 regroupe aussi les contributions demandées pour 2012 à quatorze fonds sectoriels dans les domaines de la santé – comme l'initiative de Facilité financière internationale pour la vaccination, menée sur le terrain par la Global Alliance for Vaccination and Immunisation, dont j'ai traité dans mon rapport d'information pour la commission de finances sur la taxe sur les billets d'avion –, ou encore de l'eau et de 1'assainissement ; les contributions pour deux fonds d'aide à la sécurité nucléaire en Ukraine pour le sarcophage de Tchernobyl ; pour les fonds additionnels relatifs au compte d'affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans la lutte contre le changement climatique ». Ce dernier compte d'affectation spéciale n'est toujours pas abondé faute de recettes et, à mon sens, bien que le département des Landes soit concerné, il ne devrait pas être inclus dans les dépenses d'aide publique au développement, tout comme, entre autre fonds, celui consacré aux technologies propres.

J'estime qu'un effort d'économie – c'est à la mode par les temps qui courent – et de clarification pourrait éviter la dispersion de l'action de l'État et l'opacité de l'action multilatérale. Il serait souhaitable que la direction générale du Trésor puisse faire plus clairement état de résultats concrets obtenus au travers de l'action de ces fonds, notamment en ce qui concerne les avoirs détournés dans les pays émergents et l'appui à la mobilisation de ressources fiscales qui sont indissociables de l'autonomie du développement dans les pays aidés – pas seulement dans les pays aidés pourrais-je ajouter puisque nous vivons en ce moment un psychodrame qui ne concerne pas un pays en voie de développement.

Vingt ans après la catastrophe de Tchernobyl, qu'en est-il de la coopération française au financement du sarcophage ? L'Ukraine a-t-elle les moyens financiers d'assurer la sécurité nucléaire de son propre pays avec l'aide rémunérée de l'expertise française en matière de sûreté nucléaire ? La question se pose toujours.

Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en voie de développement », reflète le manque de pilotage par l'État des crédits d'aide au développement et la relative autonomie de choix de l'Agence française de développement entre ses différents instruments.

La dotation de 62 millions d'euros de crédits demandée pour le fonds de solidarité prioritaire pour 2012 accuse une diminution de 20 %. Je m'interroge sur cette baisse, qui frappe des pays demandeurs comme l'Afghanistan, Haïti, le Cambodge, le Cameroun, le Laos, Madagascar, la République démocratique du Congo, le Sénégal et les territoires palestiniens. La répartition des projets par zone géographique révèle une forte et nécessaire croissance des interventions en Afrique subsaharienne et dans l'Océan indien : de 26 % en 2009, elles passent à 78 % pour le premier semestre 2011.

Les subventions de l'AFD pour les autres secteurs, éducation, santé, eau, environnement, développement rural, n'ont atteint que 211 millions d'euros en 2010, mais, en juillet 2011, elles s'élevaient seulement à 55 millions d'euros alors que l'urgence des besoins en matière de santé maternelle et infantile ou d'aide alimentaire est plus que jamais sensible.

Le montant des dons-projets demandés pour 2012 n'est pas encore renseigné dans le projet de loi de finances. Je souligne que le triplement de l'effet de levier des prêts de l'AFD entre 2006 et 2011, qui passe de 3,7 à 18 au Maroc, de 2,6 à 5 au Kenya ou de 3,7 à 44 en République dominicaine, et augmente d'autant plus que les ressources du pays sont faibles, n'est pas un critère d'efficacité de l'aide au développement mais simplement de l'augmentation de l'encours des prêts.

Je remarque que l'aide publique au développement nette générée par l'activité bancaire de l'AFD a bondi de 312 millions d'euros à 2,5 milliards d'euros de 2000 à 2010 en raison d'un politique de prêts trop audacieuse, qui conduit l'AFD, soumise à la réglementation bancaire, et donc aux accords de Bâle III, à réclamer plus de fonds propres. Même si je salue la formalisation du contrat d'objectifs et de moyens, celui n'est toujours pas signé par les autorités de tutelle de L'AFD. Il ne faudrait pas que l'Agence française de développement privilégie son savoir-faire et son expertise bancaire, qui sont incontestables, sur sa mission d'aide au développement. Ce danger était réel lorsque nous avons choisi cette agence comme principal instrument de l'aide publique au développement : j'ai le sentiment qu'elle ne résiste pas à ses propres tropismes.

Sur le programme 301, qui finance des aides au retour et des accords bilatéraux pour 28 millions d'euros de crédits, je n'ai pas de remarques nouvelles

Pour conclure, je crains que le modèle économique du financement budgétaire de l'aide au développement, avec son objectif trop ambitieux d'atteindre 0,7 % du revenu national brut, ne soit aujourd'hui dépassé compte tenu de la conjoncture budgétaire, et qu'il ne soit voué au changement et aux révisions que commandent le pragmatisme et l'honnêteté. La Grande-Bretagne a atteint, comme la Suède et les Pays-Bas, un montant supérieur à 0,50 % d'aide publique au développement, tout en resserrant drastiquement la liste des pays aidés, alors que, pour prendre un exemple, nous finançons encore sur le programme 209 un programme d'échange d'étudiants chinois qui viennent en France perfectionner leur formation de juges. Un vrai besoin existe sans doute en la matière mais je ne suis pas certain que cela relève de l'aide publique au développement. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

L'Union européenne, fut certes le berceau de l'aide au développement – aujourd'hui, elle représente 30 % du PIB mondial et fournit 60 % de l'APD mondiale. Mais, selon les estimations du ministère des affaires étrangères, en 2050, le Brésil, l'Inde et la Chine atteindront 36 % du PIB mondial contre 15 % pour L'Union européenne. La roue tourne ! Désormais, si nous sommes prêteurs vis-à-vis de la Chine par l'intermédiaire de l'AFD, nous la sollicitons pour aider le Fonds européen de stabilité financière. Trêve d'ironie. D'une manière générale, certains pays devront demain consentir des efforts. Ils ne le font pas aujourd'hui, ce qui ne les empêche pas d'avoir le verbe haut sur d'autres sujets. Il nous faudra aussi sans doute trouver d'autres formes de financement que les crédits et dotations budgétaires.

La taxe sur les billets d'avion, dont je regrette qu'elle n'ait pas encore convaincu nos partenaires européens est une piste prometteuse mais encore insuffisamment exploitée. Il faut encore que nous fassions un effort pour qu'elle soit mise en place. L'autre objectif prioritaire, alors que la France assure dans les conditions que nous connaissons la présidence du G8 et du G20, consiste à mieux réguler le commerce mondial des produits agricoles au profit des pays qui sont parmi les plus demandeurs, car seule cette politique peut leur assurer des ressources propres et renforcer la résilience si fragile des économies en voie de développement dans un contexte d'instabilité accrue.

Je termine en vous confirmant que la commission des finances a adopté les crédits de cette mission et qu'elle vous recommande de faire de même.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues monsieur le rapporteur spécial et madame la rapporteure pour avis ont excellemment présenté les travaux de leurs commissions respectives.

Pour le groupe du Nouveau Centre – mais je sais qu'il s'agit d'un souci partagé – cette mission budgétaire est essentielle. À l'heure où la crise économique menace en divers points du globe, les acquis de plusieurs années d'efforts et de solidarité envers les pays les moins développés doivent être maintenus. Dans un contexte budgétaire que nous connaissons tous, je veux au nom de mon groupe saluer le maintien du niveau des crédits de paiement de la mission pour 2012. Bien qu'ils n'augmentent pas, ils se stabilisent à 3,33 milliards d'euros, conformément à ce qu'avait prévu la loi de programmation des finances publiques. Cette stabilisation devrait permettre à la France d'honorer ses engagements plusieurs institutions et fonds multilatéraux sur le financement d'actions prioritaires dans plusieurs domaines comme la santé, la lutte contre le changement climatique, les questions alimentaires ou l'aide aux pays sortant de la crise.

Le projet de budget traduit ainsi une nouvelle fois la priorité que la France a toujours accordée a sa politique d'aide au développement – elle est l'un des premiers contributeurs de la communauté internationale. À ce titre le programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » demeure, avec une prévision d'un peu plus de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 2,1 milliards d'euros en crédits de paiement, le plus élevé de la mission. Cependant, malgré les promesses et les engagements réitérés d'atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2015, nous restons sous les 0,5 %. Des efforts restent à faire tant en France qu'au niveau de la communauté internationale. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je sais que vous partager ce souci avec le Président de la République. Je rappelle tout de même que les objectifs du troisième millénaire sont de porter le montant de l'aide au développement à 100 milliards de dollars par an. Nous en sommes loin !

Pourtant, cette somme représente moins de 10 % de l'effort financier de 1 000 milliards consacré chaque année à l'armement. Cette comparaison ne me paraît pas inutile ; elle nous rappelle que l'aide au développement doit rester une priorité.

À ce propos, je tiens à saluer l'action que le Gouvernement mène, au niveau international et européen, sous l'impulsion du Président de la République, en faveur de la création de nouveaux instruments, notamment la taxe sur les billets d'avion et, surtout, la taxe sur les transactions financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

C'est vrai, mon cher collègue. Mais il est bon que la continuité de cette action soit assurée et que la France soit toujours en première ligne lorsqu'il s'agit de créer des instruments novateurs et de trouver des ressources nouvelles.

Je veux notamment saluer l'engagement personnel de Mme Martinez, qui préside un groupe de notre assemblée spécifiquement consacré à l'aide au développement et qui est particulièrement investie, comme un certain nombre d'entre nous, dans le réseau parlementaire de la Banque mondiale, réseau qui tente de contribuer à améliorer l'efficacité de nos actions en faveur des pays en voie de développement.

S'agissant du Fonds mondial contre le sida, un certain nombre d'associations doivent être aidées.

Je rejoins les interrogations du rapporteur spécial sur la lisibilité de l'aide publique au développement, qui mériterait un peu de clarté.

À l'occasion de cette discussion budgétaire, qui sera sans doute la dernière de la législature, je souhaite également émettre quelques voeux. Tout d'abord, les actions des collectivités territoriales en matière d'aide au développement, qui relèvent de ce que l'on appelle la coopération décentralisée, mériteraient d'être mieux coordonnées avec celles de l'État, afin d'être plus efficaces.

Par ailleurs, je veux rappeler l'exigence de traçabilité des aides. Nous savons en effet que, dans un certain nombre de pays, qui ont été cités par les rapporteurs – la Palestine, l'Afghanistan –, beaucoup d'argent est détourné. Pour avoir eu l'honneur d'être le rapporteur des projets de loi anticorruption et antiblanchiment au sein de cette assemblée, je plaide pour qu'au niveau européen au moins, une institution soit chargée de veiller à la traçabilité de l'aide publique au développement, afin, là encore, d'améliorer son efficacité.

Enfin, je me félicite – je sais que la France y est pour quelque chose – que la Commission européenne encourage la conclusion de chartes éthiques entre les grandes sociétés multinationales et les pays d'Afrique ; les richesses extraites du sous-sol africain qui, jusqu'à présent étaient partagées entre des dirigeants peu recommandables et des multinationales, doivent en effet profiter aux populations.

C'est sur cette note d'espoir que je terminerai mon propos. Le groupe Nouveau Centre votera les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure pour avis, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, nous pouvons être fiers des engagements pris par le Président de la République et le Gouvernement. Le montant de l'aide publique au développement est en effet maintenu, malgré les crises qui affectent de nombreux pays, en Europe et dans le monde, notamment la France. Notre pays maintient ainsi le cap de sa politique et ne relâche pas son effort budgétaire, en dépit des fortes contraintes qui pèsent sur ses finances publiques.

Si vous vous engagez, monsieur le ministre, c'est tout d'abord en faveur du respect de la dignité de tous les humains qui peuplent notre planète et de la lutte contre la pauvreté dans le monde, face aux crises qui se succèdent : crises alimentaires, sanitaires, financières, énergétiques. Plus que jamais, la France doit accompagner les pays en grande difficulté. Notre engagement est juste, si nous voulons contribuer à rendre notre monde plus équitable et plus sûr.

Du reste, les Français nous suivent dans cette voie, comme l'atteste un récent sondage IFOP pour l'Agence française de développement, qui permet de mesurer l'adhésion de nos concitoyens à la politique d'aide de la France, « en particulier dans sa dimension de lutte contre la pauvreté ». Si l'Afrique subsaharienne demeure leur priorité, ils souhaitent néanmoins que nous renforcions notre partenariat avec les pays d'Afrique du Nord. Or, ces aspirations correspondent très largement aux priorités que s'est fixé notre pays dans le document cadre de coopération au développement adopté en novembre 2010.

La France, qui se situe au troisième rang mondial des pays donateurs, est un acteur majeur de l'aide publique au développement. Si celle-ci reste complexe à présenter, c'est, ainsi que Mme Martinez l'a indiqué dans son excellent rapport, parce qu'elle passe nécessairement par des canaux très divers. Toutefois, notre dispositif de coopération a considérablement évolué ces dernières années. Le document cadre, qui formalise ses objectifs et sa stratégie à moyen terme, est désormais la référence unique de l'ensemble des acteurs de la coopération.

Sur le plan géographique, il définit deux régions prioritaires – l'Afrique subsaharienne et le bassin méditerranéen –, cette action devant être complétée par des interventions dans les pays en crise et dans les pays émergents. Les ressources budgétaires se répartissent donc de la manière suivante. S'agissant de l'Afrique subsaharienne, 60 % de l'effort financier de l'État doivent être alloués à l'ensemble de la zone et 50 % des subventions être dirigés vers 14 pays pauvres prioritaires ; les pays méditerranéens doivent se voir accorder 20 % de l'effort budgétaire et les pays émergents 10 % de ce même effort ; enfin 10 % des subventions doivent être consacrés aux pays en crise.

Quant aux cinq secteurs prioritaires, ils recouvrent largement les Objectifs du Millénaire pour le Développement : santé, éducation et formation professionnelle, agriculture et sécurité alimentaire, développement durable, soutien à la croissance.

Par ailleurs, le contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et l'Agence française de développement a conforté la tutelle stratégique de l'État et renforcé les missions de cette agence en coordination avec les ambassades.

S'agissant de l'Afrique, l'appui au développement économique va au-delà de l'aide publique ; il porte sur le financement pérenne des politiques des États africains en faveur du soutien de la croissance économique, y compris des entreprises locales privées. Il s'agit d'accompagner les PME locales génératrices d'emploi. Le groupe AFD, notamment sa filiale PROPARCO, mobilise les investisseurs, y compris africains. L'innovation et la diversification des outils – fonds de garantie et fonds d'investissement – ont un effet de levier important. L'évaluation à moyen terme de ce nouvel outil sera certainement très instructive.

L'année 2011 fut marquée par la présidence française du G8 et du G20. La France y a défendu des mécanismes nécessaires au développement de nos partenaires africains en particulier. Comment ne pas parler, à ce sujet, du G8 et du partenariat de Deauville, fondé avec les pays méditerranéens ? Il s'agit d'apporter un soutien financier aux pays engagés dans une transition démocratique : Égypte et Tunisie. Ont été annoncés sur le long terme 40 milliards de dollars, et pour la France, 2,7 milliards d'euros sur trois ans.

Enfin, grâce à notre Président, les travaux du G20 s'articulent autour des problématiques du développement. La France s'engage sur quatre thèmes essentiels pour nos partenaires africains : infrastructures, sécurité alimentaire, croissance et mobilisation des ressources domestiques. L'objectif est la croissance des investissements étrangers dans une Afrique qui aura renforcé ses capacités et amélioré l'environnement des affaires ainsi que les instruments financiers. La volonté et l'engagement de notre Président pour un réel codéveloppement et le renforcement des capacités du continent africain permettront la mobilisation de nouveaux financements.

Entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale, les actions engagées sont très importantes. En ce qui concerne le programme 209, l'AFD reste l'opérateur principal. Mais je veux aussi mentionner la réforme de l'Association France Volontaires – anciennement Association française des volontaires du progrès –, qui se développe réellement, avec pour objectif de tripler le nombre des volontaires sur cinq ans. Cette association est un témoin important de la présence française dans la politique de développement. De même, les moyens du programme ESTHER pour la santé sexuelle et reproductive et la santé maternelle et infantile méritent une attention toute particulière.

Par ailleurs, vous me permettrez d'insister sur la mise en place du Fonds de solidarité prioritaire contre les violences faites aux femmes, avec un engagement de 1,5 million d'euros sur trois ans, dont l'évaluation est attendue.

Nous le savons tous, parmi les objectifs du millénaire pour le développement, le programme en faveur de l'égalité des sexes et de l'autonomie des femmes a besoin de nouveaux engagements des États. Nous devons le répéter, l'égal accès à l'éducation et à l'autonomie est un facteur essentiel du développement. Il est essentiel que nous soyons vigilants sur ces points dans le cadre de notre partenariat avec l'ensemble des pays, qu'il s'agisse des pays les moins avancés ou des pays en transition démocratique qui ont élu une assemblée constituante.

Soulignons aussi l'importance de l'aide multilatérale. Ainsi, pour la corne de l'Afrique, notre aide bilatérale est complétée par 30 millions du Fonds européen de développement. Votre action, monsieur le ministre, a permis une meilleure coordination de nos actions et de celles du FED et un vrai partenariat. Notre participation au FED reste proche de 20 %.

En Afrique, la situation démographique des prochaines années appelle une attention toute particulière de la part des pays développés, car il faudra relever les défis alimentaires. environnementaux et sanitaires.

Le G20 s'est réuni, sous la présidence française, les 3 et 4 novembre 2011 à Cannes. Au-delà de la crise financière, le développement des pays pauvres est désormais placé au coeur des priorités des États et des organisations membres du G20. Les chefs d'État et de gouvernement ont réaffirmé que le développement des pays les plus vulnérables est un élément fondamental pour relancer l'économie globale. Les pays émergents s'engagent aux côtés des plus grandes économies de la planète en faveur de la lutte contre la pauvreté.

La présidence française du G20 a été une force de proposition sur quatre thèmes essentiels : la sécurité alimentaire – je pense en particulier à la création de réserves alimentaires d'urgence –, la construction d'infrastructures régionales – notamment l'identification de onze projets exemplaires –, le renforcement de la dimension sociale de la mondialisation et le financement du développement. Le Président de la République a obtenu, au sein du G20, un consensus autour de l'urgence de trouver de nouvelles sources de financement pour le développement, en complément de l'aide publique traditionnelle. De plus en plus de pays se rallient ainsi à l'idée de mettre en place une taxe sur les transactions financières au profit du développement.

Les avancées de ce G20 ont été également obtenues, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, grâce à l'engagement militant des ONG et des organisations internationales.

À Cannes, les pays du G20 se sont mis d'accord sur la nécessité de redynamiser la croissance mondiale et de bâtir une mondialisation à visage humain, au service des peuples. Ce processus de concertation et cette volonté commune devraient nous permettre d'offrir aux générations futures un monde plus équitable.

Ainsi que vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, c'est la mobilisation de tous qui poussera un groupe de pays pionniers, dont la France, à avoir l'audace de lancer la taxe sur les transactions financières. Notre pays est déjà à l'origine d'UNITAID et de la taxe sur les billets d'avion, dont, tous, nous saluons les résultats aujourd'hui. Cette nouvelle contribution sur les activités financières sera utile pour l'avenir du monde.

Bien entendu, mes collègues de l'UMP et moi-même, nous voterons le budget de l'aide publique au développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen du budget de la mission d'aide publique au développement creuse encore plus, que ce soit en commission ou en séance publique, le fossé entre, d'une part, les informations et les documents d'origine gouvernementale, très lacunaires et transmis tardivement, et d'autre part, les efforts faits par notre assemblée et sa commission, afin de procéder à une analyse claire du budget qui nous est communiqué.

Tout d'abord, comme le souligne Mme Martinez dans son rapport, nous ne disposons pas, en particulier au moment de l'examen en commission, des documents budgétaires qui nous permettraient d'avoir une vision d'ensemble. Cette situation, ressentie par la représentation nationale comme une forme de mépris de la part de l'administration gouvernementale, met en évidence que le Parlement aura à effectuer un véritable travail de reconquête, dans l'esprit de la Constitution, lors de la prochaine législature.

Nous ne débattons aujourd'hui, au titre de la mission, que sur un tiers des crédits déclarés au CAD de l'OCDE, soit 3,3 milliards d'euros pour l'année. Il est difficile de voter sur une ligne budgétaire ne permettant pas à notre assemblée de disposer d'une vision politique réelle et globale. En tout état de cause, nous sommes loin des objectifs fixés à 0,7 % du produit intérieur brut : avec 0,5 % environ, nous nous situons 30 % en dessous de cet objectif.

Par ailleurs, les perspectives annoncées pour le développement – réduction de la pauvreté, éducation élémentaire pour tous, lutte contre les épidémies et contre la mortalité infantile – sont parfois oubliées. Ainsi, que vient faire l'utilisation de ces crédits de solidarité pour la réalisation de certains projets économiques qu'il est, certes, judicieux d'accompagner, mais dans un autre cadre lié aux missions économiques à l'étranger ?

Enfin, comment expliquer que des pays du G20 bénéficient de l'aide publique au développement au détriment de l'aide qui devrait aller, par exemple, aux pays de l'Afrique subsaharienne, pour lesquels nous pouvons faire beaucoup plus ? Nous sommes devant un ensemble de crédits dont l'engagement manque de lisibilité car, si les montants versés ne nous sont que partiellement connus, nous ignorons tout des transferts réels ! Quels moyens avons-nous de contrôler l'exécution des crédits de la République française par les États bénéficiaires, surtout quand il s'agit de régimes autoritaires, dont l'opacité est la principale caractéristique ? De plus, je rappelle que nous suivons aujourd'hui moins de 3,5 milliards d'euros sur les dix milliards déclarés.

Dans ce contexte maussade, je me dois tout de même de relever un aspect positif : la France a, pour le moment, échappé à la tentation de réduire sa contribution brute, et reste dans les premiers rangs mondiaux, cette contribution échappant au coup de rabot qui a frappé le MAE.

Je ne voudrais pas non plus oublier de souligner la qualité du travail effectué par notre rapporteure, qui a rédigé son rapport avec beaucoup de rigueur. Hélas, la valeur de notre collègue ne peut faire oublier le manque d'information dont nous souffrons et l'opacité des crédits que nous avons à voter ou à rejeter. Si, en commission, nous pouvons apprécier la qualité du rapport présenté et du débat, au final, c'est la politique gouvernementale qu'il nous revient d'apprécier.

Je voudrais, pour terminer, faire un constat et une suggestion. Le constat, c'est que nous avons besoin, de façon urgente, d'un mécanisme indépendant qui aille le plus loin possible pour s'assurer de la bonne exécution de crédits que nous ne contrôlons pas et dont, hélas, nous ignorons tout de l'utilisation qui en est faite. La suggestion consiste à mobiliser fortement la Cour des comptes qui, j'en suis sûr, se pencherait utilement sur l'aide publique au développement afin que, dans l'avenir, nous soyons bien mieux éclairés et puissions avoir un débat sur des engagements crédibles et vérifiés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sur une planète accablée depuis 2008 par la crise du capitalisme financier, l'aide publique au développement est, plus que jamais, nécessaire pour promouvoir la réduction des inégalités Nord-Sud et le droit au développement des peuples.

Selon la Banque mondiale, 1,2 milliard de personnes vivent sous le seuil de l'extrême pauvreté. Les épidémies comme le sida ou le paludisme font toujours plus de ravages dans les pays en développement et la sécurité alimentaire de milliards d'individus reste très fragile, comme nous l'a montré la terrible famine qui sévit actuellement dans la corne de l'Afrique.

L'aide publique au développement n'est pas un geste de charité des pays les plus riches. Elle est la compensation, largement insuffisante, d'un système économique international fondamentalement injuste et inégalitaire. L'aide publique, aussi indispensable qu'elle soit, ne peut donc pas se substituer à l'absolue nécessité d'inverser le cours d'une mondialisation guidée aveuglément par la doctrine néolibérale.

Les résultats mitigés obtenus par la présidence française du G8 et du G20 démontrent l'absence de volonté de réforme des pays les plus riches. La régulation financière n'a pas progressé d'un iota, pas plus que la taxation des transactions financières et la mise au pas du libre-échangisme, notamment pour les produits agricoles.

Dans ce contexte, les pays en développement sont frappés par une triple peine. Premièrement, ils ont été les premiers à subir la brutalité des remèdes néolibéraux, sous la forme des plans d'ajustement du FMI : réduction du rôle de l'État, privatisation des services publics, développement des inégalités. Deuxièmement, ils sont désormais les premières victimes du chaos causé par le modèle ultralibéral, à travers le ralentissement économique mondial. Troisièmement, enfin, ils subissent le tarissement de l'aide au développement, car face à la crise, les pays développés font assaut d'égoïsme et l'aide publique sert de variable d'ajustement.

En conséquence, 18 milliards de dollars manquent à l'appel sur les 50 milliards d'aide promis par les États du G8 en 2005. Impossible, dans ces circonstances, d'espérer atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement fixés par l'ONU, pour diminuer l'extrême pauvreté de moitié d'ici à 2015 et améliorer l'accès des plus pauvres à la santé, à l'éducation et aux services publics.

Contrairement à ce que prétend le chef de l'État, l'aide publique au développement accordée par la France n'est plus à la hauteur. Son volume stagne à 3,3 milliards d'euros et ne représente que 0,45 % du PIB, loin de l'objectif des 0,7 % du PIB fixé par les Nations unies. Les ONG s'alarment de plus en plus du tarissement des subventions, qui empêche de nombreux projets de développement de voir le jour.

Quand la France se décidera-t-elle à respecter ses engagements ? Le diable se niche dans les détails. Comme chaque année, un examen approfondi du budget de la mission « Aide publique au développement » nous amène à relativiser encore plus l'effort français. Près de la moitié du budget est, en réalité, constituée de prêts ou d'annulation de dettes. En quoi les annulations de dette sont-elles une aide au développement ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Asensi

Dans la plupart des cas, les pays emprunteurs ont déjà remboursé plusieurs fois le montant de ces prêts et, par le service de la dette, ont encore enrichi nos économies développées. Par ailleurs, combien de remises de dettes ont été accordées par les pays riches à des régimes autoritaires, qui ont détourné l'argent pour leur profit et celui de certaines multinationales, sans en faire profiter leur population ?

Il s'agit, ni plus ni moins, de manipulations comptables visant à gonfler les statistiques de l'aide française, qui avoisine en réalité 0,3 % de notre PIB. La faiblesse du volume de l'aide publique française est un premier motif interdisant aux députés du groupe GDR d'adopter les crédits budgétaires pour 2012.

La manière dont cette aide est utilisée est un deuxième motif de désapprobation. Je déplore que l'aide publique se réoriente progressivement vers le soutien aux pays émergents et intermédiaires comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, parfois peu respectueux des normes sociales et environnementales. Que la France se préoccupe de son rayonnement économique international et conforte ses échanges avec les pays en forte croissance, c'est tout à fait naturel et indispensable pour favoriser l'emploi dans notre pays. Mais est-il besoin pour cela d'instrumentaliser l'aide publique au développement ?

On constate que la Chine est le quatrième bénéficiaire de l'aide bilatérale française entre 2007 et 2009, avec 167 millions d'euros. C'est totalement incohérent, à l'heure où ce pays vole au secours de la zone euro ! A contrario, la France a réagi très timidement au moment où éclatait la famine en Somalie, en ne décaissant que 15 millions d'euros. Notre pays a montré plus d'empressement à débloquer des milliards d'euros pour renflouer les banques en perdition après la crise financière !

Le budget de l'aide publique au développement ne trompe personne. La France se sert de l'APD pour poursuivre ses propres intérêts, qu'ils soient économiques, géostratégiques ou militaires. Depuis l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, la France s'est réorientée vers une aide « qui rapporte », comme le disait un ancien ministre de la coopération. À cet égard, la politique de l'Agence française de développement est édifiante. Son directeur, ancien acteur des privatisations d'entreprises publiques en Afrique, a fixé à cet organisme un objectif de rentabilité. Les prêts représentent 87 % de ses engagements, ce qui a permis à l'AFD de dégager un excédent de près de 220 millions d'euros. La France utilise ainsi la pauvreté pour engranger des profits !

Dans un certain nombre de pays, notamment en Afrique subsaharienne, l'aide publique au développement est un instrument de domination économique et politique. Elle sert à maintenir le pré carré de la France, quitte à fermer les yeux sur certaines violations des droits de l'homme et sur la corruption. Les malversations des réseaux de la Françafrique, régulièrement dénoncées par les ONG, alimentent plus que jamais l'actualité politique. Que sont devenues les promesses du candidat Sarkozy qui, en 2007, disait vouloir le démantèlement de la Françafrique ?

Les millions d'euros déversés en aide bilatérale à des régimes dictatoriaux amis, comme le Cameroun ou le Congo-Brazzaville, n'honorent pas notre pays. Quelles en sont les contreparties ? Même si elle s'en défend, la France conditionne officieusement une partie de son aide à l'obtention de contrats juteux pour des multinationales françaises. Les multiples retours financiers vers notre pays sont répréhensibles éthiquement et légalement. À nos yeux, ce pan de l'aide publique au développement est inacceptable.

Le Gouvernement, en favorisant les intérêts d'une poignée de multinationales et de réseaux occultes, ne défend aucunement l'intérêt de la France. Notre véritable intérêt est de promouvoir un développement équilibré de la planète. Comment imaginer que notre pays pourra rester à l'abri des chamboulements du monde ? Comment croire que nous pourrons être épargnés par la hausse des violences liées à la pauvreté et aux inégalités ? Comment penser que nous resterons à l'écart des puissants flux migratoires qui en résultent ?

Notre richesse ne pourra guère s'asseoir plus longtemps sur la misère d'autres peuples. La mondialisation néolibérale, dont la crise des dettes publiques est la dernière arme, ne peut se poursuivre, sauf à ce que nous prenions le risque de conduire notre planète au bord du précipice. Les députés communistes, républicains, citoyens du Parti de gauche, défendent une tout autre vision de la coopération internationale et de la promotion d'un développement respectueux de critères sociaux et environnementaux.

Pour cela, nous devons mettre fin à la politique du laisser-faire des institutions internationales, à commencer par le FMI et l'OMC. Nous devons interdire purement et simplement les transactions dans les paradis fiscaux. Nous devons aller au-delà de l'aide publique au développement, outil structurellement dépendant du bon vouloir des États, en instaurant enfin une taxe sur les transactions financières. Les députés de notre groupe parlementaire portent depuis très longtemps cette juste revendication des ONG du développement et du mouvement altermondialiste.

Une taxe sur la finance au taux de 0,05 % pourrait générer jusqu'à 400 milliards de dollars par an – or, on sait que 25 milliards de dollars suffiraient, selon la FAO, pour éradiquer la faim sur la planète. Le Président de la République avait fait de cette taxe un objectif phare de la présidence française du G8-G20. Je dois dire que, pour l'instant, les efforts déployés ont engendré des résultats décevants. Si les déclarations en faveur de cette taxation des transactions financières se multiplient lors des sommets internationaux, nous nous désolons de constater que cette idée n'avance qu'à petits pas.

Il y a pourtant urgence. L'heure n'est plus à la réflexion, mais à l'action. Les grandes puissances ont une dette envers les pays en développement. Une dette historique, une dette économique, une dette politique et, ajouterai-je, une dette morale. Il est grand temps de la solder.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Christ

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en abordant la discussion sur la mission budgétaire consacrée à l'aide publique au développement, nous allons mesurer l'engagement de la France en faveur des pays les moins avancés de la planète et évaluer ses outils d'influence.

À l'heure où la crise économique menace les pays les plus fragiles, les montants versés aux pays en développement n'ont jamais été aussi élevés. L'aide publique au développement mondiale pour 2010 s'est établie à 147,2 milliards de dollars en versements nets, soit 0,32 % du RNB des pays membres du Comité d'aide au développement de l'OCDE, contre 0,25 % en 2004.

La France est parmi les tout premiers contributeurs de l'aide publique au développement en volume et, selon l'OCDE, elle se place au troisième rang, derrière les États-Unis, comme l'a d'ailleurs indiqué notre rapporteure pour avis dans son excellent rapport.

Il apparaît que notre APD bénéficie, dans un contexte budgétaire contraint, d'un traitement relativement privilégié. Cet effort financier souffre moins que d'autres secteurs de l'action gouvernementale des réductions prévues pour l'an prochain dans le cadre du plan de stabilité. En effet, les crédits de la mission « Aide publique au développement » resteront stables sur la période 2011-2013 en demeurant à leur niveau de 2010. Globalement, les autorisations d'engagement des trois programmes de la mission représentent 2,72 milliards d'euros, les crédits de paiement se montant à 3,33 milliards.

Par ailleurs, l'aide publique au développement de la France va très au-delà de cette seule mission, puisqu'il s'agit d'une politique transversale qui regroupe aussi bien des crédits du budget général, présentés sur d'autres missions, que l'action de l'Agence française de développement, des annulations de dettes et la mobilisation de fonds européens. Pour mémoire, rappelons que la France a déclaré au Comité d'aide au développement de l'OCDE quelque 10 milliards d'euros à ce titre pour 2012. La France peut donc se prévaloir de soutenir sans conteste la comparaison avec la plupart des membres du CAD.

Cela étant, il ne me paraît pas désobligeant de mettre quelques bémols au sujet de notre APD. J'ai, en effet, le souci de la critique constructive.

Malgré une tendance au rééquilibrage des crédits vers les actions bilatérales, la complexité du système donne le sentiment d'une APD en déséquilibre, avec pour conséquence la perte de marge de manoeuvre, de l'influence et de la visibilité de notre politique. Cette analyse trouve d'ailleurs toute sa résonance dans le récent rapport d'information de la commission des affaires étrangères relatif au bilatéralisme et au multilatéralisme rédigé par nos collègues Jean-Paul Bacquet et Nicole Ameline. Parmi ses recommandations, la mission préconise l'amélioration de la lisibilité de notre aide et la simplification de son architecture institutionnelle pour un meilleur pilotage politique, une meilleure coordination, plus de cohérence, ainsi qu'une clarification des responsabilités. Ces remarques récurrentes émanent d'ailleurs d'observateurs qualifiés, en premier lieu du CAD de l'OCDE.

Puisque l'occasion m'en est donnée – et je le dis en toute amitié –, permettez-moi d'évoquer un autre point qui me tient à coeur et que nous partageons très largement. Il paraît essentiel que le Parlement soit associé plus en amont à cette politique publique, lors de l'adoption et de la révision des politiques sectorielles et des stratégies. D'ailleurs, si j'ai bonne mémoire, le Président de la République avait lui-même invité, dans son discours du Cap, à une plus grande implication du Parlement sur ces questions.

En effet, une meilleure implication du Parlement permettrait à celui-ci de mieux exercer son rôle et de contribuer plus efficacement à l'action du Gouvernement en rendant sa politique plus lisible et mieux légitimée.

Dans cette perspective d'une meilleure cohérence du système, je souhaiterais également appeler à une réflexion de fond sur nos mécanismes de financement, qui gagneraient à être mieux définis en rapport avec nos priorités géographiques et sectorielles. Il est vrai que des orientations opportunes ont été prises récemment, mais la question de la prise en compte réelle de l'Afrique subsaharienne comme première priorité reste malgré tout posée. Aussi, restons attentifs à ne pas délaisser les États les plus pauvres au profit des pays solvables, c'est-à-dire émergents, en privilégiant les outils de prêt aux dons.

Cependant, ce budget, malgré les imperfections que je viens d'évoquer, devrait nous permettre de respecter les engagements financiers pris auprès de plusieurs institutions et fonds multilatéraux et de financer les engagements pris par la France dans plusieurs domaines d'action prioritaires. Par conséquent, et compte tenu du niveau de son aide et de son implication dans les thématiques les plus contemporaines, la France garde tous ses atouts pour continuer de figurer parmi les leaders de l'APD dans le monde et d'occuper une place d'acteur incontesté de la solidarité internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Bousquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les priorités qu'affiche la France en matière d'aide publique au développement sont bien connues du fait qu'elles ont été formulées dans un document-cadre. Nous souscrivons tout particulièrement à l'engagement maintes fois réitéré de lutter contre la pauvreté dans les pays en développement, ce qui nous a conduits à nous engager dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement.

Pour autant, monsieur le ministre, il y a loin de ces engagements aux moyens mis en oeuvre pour les atteindre. Tout d'abord, la priorité affichée aux secteurs sociaux dans les pays pauvres ne se traduit pas dans l'effort budgétaire français. Que voyons-nous en effet dans le budget à cet égard ? Un fort développement des prêts octroyés aux pays émergents, avec pour corollaire, bien évidemment, un désengagement du financement de projets bilatéraux sur dons.

On privilégie donc les prêts à des pays solvables, et non aux pays les moins avancés qui, selon nos engagements, devraient pourtant être prioritaires. C'est ainsi que l'aide française est de moins en moins adaptée aux besoins de ces pays pauvres. Les chiffres le traduisent d'ailleurs parfaitement, puisque la part des dons affectés aux Objectifs du Millénaire pour le développement dans les pays les plus pauvres, qui sont pour nous prioritaires, est passée de 80 % en 2010 à 50 %.

Ce décalage entre affichage et réalité budgétaire est, hélas, illustré par le fait que les quatorze pays prioritaires du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement sont en queue de peloton dans l'aide bilatérale effective de la France. Pourtant, quand l'aide est réellement mise au service du développement, les exemples de réalisations efficaces ne manquent pas, qu'il s'agisse de la scolarisation massive en Afrique, des services de santé intégrés permettant tout à la fois l'accès aux organismes de planification familiale et la prévention du SIDA, ou encore de la généralisation des vaccinations.

Monsieur le ministre, la France s'est engagée à de multiples reprises en faveur de la santé mondiale, partant de cette terrible réalité des pays pauvres qui veut que la grossesse représente encore un risque majeur pour la santé des jeunes filles et des femmes en âge de procréer. Aujourd'hui, il reste seulement quatre ans avant l'échéance fixée par la communauté internationale pour atteindre les huit Objectifs du Millénaire pour le Développement. Or nous savons que l'aide publique au développement en matière de santé est cruciale pour la réalisation des objectifs quatre, cinq et six, alors que les femmes pauvres des pays en développement, tout particulièrement en Afrique subsaharienne, continuent à payer le prix fort des mesures d'austérité des pays donateurs, qui, s'agissant de l'aide publique destinée à la santé, n'en affectent que 3 % à 5 % à la santé sexuelle et reproductive, comme c'est d'ailleurs le cas pour l'aide française.

Certes, le Président de la République a pris des engagements en faveur de la réduction de la mortalité maternelle et infantile à Muskoka en 2010. Pour autant, chez certains de nos partenaires en Afrique subsaharienne ou dans la région Caraïbe, les nouveaux cas d'infection par le SIDA touchent de trois à huit fois plus de jeunes filles que de garçons du même âge.

Mon interrogation est triple. D'abord, que fait concrètement la France concernant la prévention du SIDA chez les jeunes filles ? Ensuite, le Fonds mondial est-il le meilleur instrument pour protéger les jeunes filles, vulnérables à tous les abus et violences qui les exposent au SIDA ? Enfin, les engagements de Muskoka correspondent-ils vraiment à des crédits additionnels ?

Par ailleurs, alors que la Terre atteint 7 milliards d'habitants, 1,2 milliard de jeunes vont bientôt fonder leur propre famille. Leurs choix en matière de procréation seront déterminants pour l'avenir de notre planète, compte tenu du lien systémique qui existe entre réchauffement climatique, population et pauvreté.

C'est pourquoi je vous interroge, monsieur le ministre, sur la manière dont la France aborde cette question, du fait de l'urgence qu'il y a à apporter une forte contribution financière aux programmes de planning familial, tout particulièrement en Afrique subsaharienne, où les familles comptent de sept à dix enfants.

Monsieur le ministre, le G20 n'est pas allé très loin sur une taxation des transactions financières. Pour autant, si celle-ci se met en place, même partiellement, en 2012, pouvez-vous nous confirmer qu'il est toujours envisagé de l'affecter aux trois domaines clés de notre futur que sont l'aide au développement, la lutte contre la pauvreté et le changement climatique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Janquin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'an dernier déjà notre rapporteure pour avis, Mme Martinez, avait assorti son rapport d'un avertissement cinglant relatif à l'information que le Gouvernement doit au Parlement, en notant qu'on ne pouvait délibérer que sur 35 % des crédits, dans l'attente des documents de politique transversale si tardifs et qui seuls permettent d'avoir une vue d'ensemble. Elle n'a malheureusement pas été entendue.

Cela est tout à fait insupportable. À l'égard de la rapporteure, dont chacun, en commission, loue la compétence, la hauteur de vues et la sincérité, le Gouvernement témoigne d'une incroyable inélégance – et encore, le mot est faible. Au-delà, c'est à l'égard des membres de la commission des affaires étrangères que vous marquez de la désinvolture, et plus largement la représentation nationale que vous tenez dans une forme de mépris en ne lui permettant pas d'exercer ses missions constitutionnelles. Enfin, au-delà du Parlement, ce sont tous les acteurs de l'aide publique au développement qui sont traités avec condescendance.

Comment avez-vous pu dire le 12 avril 2011, monsieur le ministre chargé de la coopération, qu'il convenait d'injecter « une dose de lisibilité et de visibilité pour tous dans la coopération française » ? Vous nous jouez du Pagnol, avec l'accent de Raimu – ou celui de Charles Pasqua, réputé connaisseur de ces questions : un petit tiers de visibilité et deux grands tiers d'invisibilité ! (Sourires.)

Pour exister, la lisibilité doit être totale. La sincérité d'un budget se mesure, non pas à la partie, mais au tout. On ne me fera pas croire que les moyens des ministères concernés, notamment ceux du ministère des affaires étrangères, ne permettent pas de faire face aux obligations. Ou alors ce serait accréditer la tribune, cosignée par MM. Védrine et Juppé, sur la situation des crédits du ministère ! Il est vrai qu'elle fut signée avant que M. Juppé en redevînt le titulaire…

Si les moyens sont là, vous n'empêcherez pas la suspicion d'une dissimulation, surtout s'agissant d'une politique qui a toujours été, à tort ou raison – chacun jugera – d'une réputation sulfureuse. Vraiment, il est temps, et plus que temps, que cela change. La manière dont ces crédits sont présentés – et sans doute votés – justifierait la censure constitutionnelle.

En ce qui concerne ce qui a été porté en temps utile à la connaissance de la représentation nationale, j'ai tout de même quelques questions à vous poser.

À la suite du rapport Camdessus de 2003, Financer l'eau pour tous, la France s'est engagée au titre de l'aide bilatérale, passant de 104 millions en 2001 à 559 millions en 2009. Mais force est de constater que la part des dons est passée de 48 % à 11 %, ce qui veut dire que le financement est essentiellement constitué de prêts, surtout en milieu urbain et dans des États solvables. Or les Objectifs du Millénaire pour le Développement insistaient sur les besoins de l'Afrique subsaharienne. Mme Martinez a bien tenté de me rassurer en précisant que c'est l'Afrique subsaharienne qui bénéficie le plus de dons ; soit. Mais comme les quatorze pays les moins avancés sont délaissés – l'aide globale privilégiant davantage les pays à revenu intermédiaire –, le compte n'y est quand même pas.

D'ailleurs, le choix préférentiel accordé aux pays à revenu intermédiaire pose un problème de définition : l'aide apportée aux entreprises françaises pour leur permettre d'exporter n'a rien d'inavouable. Doit-on pour autant la vêtir de lin blanc et la qualifier d'aide publique développement ?

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Ce n'est pas le cas, hélas !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Janquin

C'est une question que je me pose, ainsi que bon nombre d'observateurs.

Les autres pays européens – Royaume Uni, Allemagne – font le contraire : ils sont davantage donateurs que prêteurs. Comment, dans un continent dont l'explosion démographique est attendue et qui vit une très grave crise de l'eau, peut-on justifier l'exception française ?

Ma dernière question portera sur les financements innovants, déjà évoqués par Danielle Bousquet, et leur destination. Je pense en particulier à la taxe sur les transactions financières.

Mme Martinez a convenu de ce que, pas plus que moi, elle ne sait aujourd'hui ce qui en résultera. Mais elle m'a assuré que le Président de la République et le Gouvernement lui paraissaient bien rester dans la définition initiale. Suis-je fidèle à vos propos, madame la rapporteure pour avis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Janquin

Comme Diogène naguère, avec sa lanterne, cherchait un homme, tout le monde aujourd'hui essaye de trouver des financements innovants (Sourires.), ou, plus exactement, de se les approprier – les États européens, pour combler leurs déficits et l'Europe elle-même pour résister à la crise et favoriser le retour à la croissance par des programmes de recherche ou de grands travaux, parfaitement souhaitables au demeurant.

L'âpreté à se partager cette manne me semble devoir être considérable. Or ces financements innovants ont été expressément prévus d'abord pour financer les urgences sociales et environnementales mondiales, ensuite pour s'ajouter aux financements existants. Pouvez-vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, m'assurer que le Gouvernement a bien l'intention de rester dans l'épure ? À quoi est-il vraiment résolu en ce qui concerne ces dispositions de financement innovant ? J'attends votre réponse avec gourmandise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

Permettez-moi de trouver excellente l'initiative – une première sous cette législature – qui consiste à réunir les responsables de deux ministères qualifiés pour traiter de la coopération : le ministre chargé de la coopération et le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur. Je précise d'emblée que, si j'ai des critiques à formuler, votre action personnelle n'est pas en cause.

Nos deux rapporteurs et la plupart des collègues qui sont intervenus ont fort bien dit ce qu'il fallait sur ce budget de fin de législature. C'est pourquoi vous me pardonnerez de n'y rien ajouter, mais de tenter de formuler quelques souhaits dans la perspective du deuxième semestre 2012 – vous voyez ce que je veux dire : on ne sait jamais… Ces quelques souhaits concernent les relations entre notre pays et l'Afrique subsaharienne. Sous l'actuelle présidence, la France a poursuivi voire a accentué une politique africaine où se mêle sans cohérence l'aide au développement, l'exploitation des ressources minières et énergétiques, le soutien aux régimes autoritaires, la problématique des droits de l'homme, la reconnaissance des élections truquées, des interventions militaires parfois intempestives.

En même temps, la France se désintéresse de plus en plus de l'Afrique. Elle réduit ses programmes d'aide ou, en tout cas, les externalise, les privatise, les multilatéralise. La relation franco-africaine s'étiole. Une sorte de désamour s'est installée : d'un côté, la France semble s'éloigner, se replier ; de l'autre, l'Afrique éprouve du dépit, de la déception devant ce qu'elle perçoit comme un abandon.

La politique africaine de la France manque cruellement de cohérence, de lisibilité, de prospective. Pourtant, l'Afrique est le continent avec lequel la France a le plus en commun : la proximité géographique, l'héritage historique, la langue, le métissage des cultures et des peuples, des liens personnels étroits.

Il ne suffit pas de proclamer la rupture avec le passé, il faut la traduire dans les faits, les pratiques, les institutions. Une nouvelle politique africaine doit viser à établir une relation fondée sur l'égalité et le partenariat, qui concilie, d'un côté, la défense des intérêts français, notamment en ce qui concerne les approvisionnements énergétiques et en matières premières, et, de l'autre, le développement des pays africains.

Pour rendre lisible et visible la politique africaine de la France, il faut qu'elle s'incarne en un responsable clairement identifié et que s'éloignent véritablement les conseillers occultes, les officines. Il faut qu'elle perdure dans des structures stables, qu'elle soit publiquement approuvée et évaluée. Par conséquent, elle doit être soumise au contrôle du Parlement, qui est actuellement tout à fait insuffisant.

Ce contrôle parlementaire doit s'exercer de différentes manières. Premièrement, le ministre concerné aura l'obligation d'exposer chaque année les objectifs, les modalités et les résultats de la politique africaine de la France. Cette présentation sera suivie d'un débat en séance publique et sanctionnée par un vote.

Deuxièmement, le Parlement doit être davantage impliqué dans la gestion des affaires de défense. Il doit être informé des accords de défense et de coopération militaire conclus entre la France et les États africains ; il en examine le contenu et les ratifie. De la même manière, son accord – préalable de préférence – doit être requis pour toute intervention militaire. Il doit aussi être informé de la situation des bases militaires françaises.

Troisièmement, il convient d'instituer une commission interparlementaire composée de représentants de l'Assemblée nationale et du Parlement panafricain. Se réunissant à intervalles réguliers et susceptible d'être ouverte à des syndicalistes, des intellectuels et des acteurs de la société civile, cette commission est destinée à déterminer les attentes des uns et des autres et à formuler des propositions.

Sur le plan politique, la France doit apporter un soutien actif aux efforts de démocratisation, sans chercher toutefois à imposer un modèle souvent inapproprié. C'est à l'Afrique elle-même et à l'Union africaine en particulier de trouver les voies menant à la démocratie.

La nouvelle politique africaine de la France doit se fixer des priorités visant à établir une relation équilibrée, confiante et stable. Il s'agit de contribuer à instaurer un partenariat économique, à améliorer l'état sanitaire des populations africaines, à encadrer les flux migratoires, à favoriser la formation scolaire, universitaire et professionnelle, à intensifier les échanges culturels.

Loin de toute charité condescendante, l'aide au développement doit devenir l'un des axes principaux de la diplomatie française, avec pour ambition clairement affichée de favoriser le passage en Afrique d'une économie de captation, de prédation, de rente minière, pétrolière ou agricole, à une économie de production.

Les pays africains sont devenus des acteurs à part entière des relations internationales et des échanges mondiaux. Le commerce sino-africain représente déjà le double du commerce franco-africain. La France doit réagir d'urgence et inverser la tendance prise depuis plus d'une décennie, en augmentant le nombre de ses missions économiques qui a été imprudemment réduit, en amplifiant ses échanges avec le continent africain, en incitant ses entreprises à s'implanter sur le marché subsaharien en pleine expansion – je sais que vous vous y employez, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur –, en accroissant les investissements directs qui ne représentent que 4 % des investissements étrangers.

Il faut stopper le déclin de la présence culturelle française en Afrique, car le continent africain constitue une zone d'influence primordiale pour la France. L'action de la France doit principalement s'exercer sur place. Ainsi, le budget de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger doit être augmenté de façon substantielle afin de renforcer cet outil d'excellence qui gère en Afrique subsaharienne 105 lycées accueillant 34 000 élèves.

Une nouvelle Afrique émerge ; elle mérite une nouvelle politique. Que la France secoue enfin les pesanteurs du passé et se projette dans l'avenir, en établissant avec le continent africain des rapports de partenariat, de confiance, de fraternité. Il est temps, mes chers collègues, que la France mobilise ses partenaires européens qui le souhaitent pour s'engager résolument en faveur de l'Afrique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter ce soir, avec mon collègue Henri de Raincourt, le budget de la mission « Aide publique au développement », et plus particulièrement, s'agissant du ministère dont j'ai la responsabilité, celui du programme 110 « Aide économique et financière au développement ».

Je sais, surtout aujourd'hui, quelle est la valeur de l'effort budgétaire que nous sollicitons auprès de vous. Je sais le prix de chaque euro public, à l'heure où la France doit passer au crible l'ensemble de ses dépenses pour économiser et pour équilibrer ses finances publiques à l'horizon 2016, comme l'a expliqué le Premier ministre aujourd'hui même.

Je sais aussi combien vous êtes conscients de l'importance de la politique d'aide publique au développement et combien vous êtes attentifs à ses évolutions et à ses résultats. À l'heure des grands choix budgétaires, l'efficacité de nos politiques n'est plus un luxe mais une exigence. Vos débats en commission le prouvent, comme la qualité de vos rapports, que j'ai lus avec attention.

Je voudrais vous répondre en vous faisant part de mon analyse sur l'action de la France en faveur de l'aide au développement.

D'abord, je vous indiquerai combien notre action en faveur du développement est significative, malgré la crise et malgré l'indispensable consolidation de nos finances publiques.

Ensuite, à l'heure où les écarts de richesse et de puissance ne cessent de se creuser parmi les pays en développement, j'insisterai sur la façon dont nous abordons la question de la différenciation de notre aide en fonction des différents pays bénéficiaires. Je sais qu'elle vous préoccupe tout particulièrement depuis quelques années.

Dans un troisième temps, je soulignerai les efforts de cohérence et de transparence que nous avons engagés cette année – même s'ils sont incomplets – pour justifier l'importance des crédits mobilisés et en accroître l'efficacité.

Enfin, je vous informerai des actions concrètes que ces crédits nous ont permis de lancer en 2011, notamment dans le cadre du G8 de Deauville puis du G20, la semaine dernière à Cannes.

En premier lieu, mesdames et messieurs les députés, nous devons être collectivement fiers de l'effort financier de la France en faveur de l'aide au développement. Malgré la crise, les crédits ont non seulement été maintenus, mais ils ont continué leur progression régulière depuis 2005, conformément à nos engagements. Notre pays est ainsi, en 2010, le troisième bailleur mondial, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni.

Pour la première fois de notre histoire, notre aide publique au développement a dépassé le seuil des 10 milliards d'euros, pour atteindre 10,85 milliards d'euros. Nous avons atteint le pourcentage de 0,5 % du revenu national brut, en ligne avec nos prévisions et nos engagements européens.

Cette croissance de notre APD porte exclusivement sur l'aide bilatérale, qui a augmenté de près de 840 millions d'euros en 2010 par rapport à 2009, principalement grâce aux prêts concessionnels de l'Agence française de développement et à nos dons bilatéraux. Un rééquilibrage s'imposait, il était souhaité par cette assemblée et il a été réalisé. Jean-Louis Christ l'a évoqué tout à l'heure, faisant référence à l'excellent rapport de Jean-Paul Bacquet et Nicole Ameline.

Pour 2011, notre APD devrait être très proche du niveau prévu par le document de politique transversale de l'année dernière, avec une part d'APD représentant 0,46 % du revenu national brut, en légère baisse en raison du report à 2012, compte tenu de la situation politique dans ce pays, de prêts d'ajustement structurel au profit du Liban.

Mais, dès 2012, nous devrions atteindre de nouveau un ratio d'APD de 0,5 % du revenu national brut. Nous sommes les seuls, avec le Royaume-Uni, au sein du G7 à atteindre un tel niveau.

L'annulation de la dette de la Côte d'Ivoire, tant attendue par nos partenaires, devrait avoir lieu en 2012, redonnant des marges de manoeuvre significatives à notre coopération dans ce pays prioritaire. Au passage et malgré toute l'amitié que je lui porte, je dirai à François Loncle que ceux qui ont reconnu des élections truquées, ce n'est pas nous, mais l'Internationale socialiste et son président qui vient de démissionner.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

En quoi une annulation de dette contribue-t-elle au développement ? demandiez-vous, monsieur Asensi. Demandez-le donc au gouvernement ivoirien, il va vous expliquer : c'est une charge financière extrêmement lourde qui lui est ainsi retirée. C'est du vrai argent, permettez-moi de vous le dire, de l'argent apporté par le contribuable français et auquel nous renonçons.

Notre effort d'APD en 2012 est fondé sur des bases solides, puisque les crédits budgétaires de la mission APD sont stabilisés à un niveau de 3,34 milliards d'euros par an, soit 10 milliards d'euros au total sur le triennum budgétaire. S'agissant du programme 110 « Aide économique et financière au développement », les crédits de paiement resteront ainsi à leur niveau de l'an passé ; seules les autorisations d'engagement varieront en fonction des reconstitutions triennales des fonds multilatéraux.

Je remercie tous les orateurs qui ont bien voulu le reconnaître, à commencer par M. Emmanuelli, mais aussi M. Hunault, Mme Bourragué, M. Christ et d'autres.

Venons-en à l'efficacité de ces fonds. Il en va en matière d'APD comme en matière commerciale : il faut cesser la naïveté. À cet égard, monsieur Janquin et monsieur Asensi, je vais vous dire ma façon de voir les choses. Il ne s'agit pas d'être moins généreux, vous l'aurez compris, ce n'est pas notre philosophie ; il s'agit d'adapter notre générosité à la réalité du monde qui nous entoure. En ce début du XXIe siècle où la puissance est en train de basculer, personne ne comprendrait que nous, Français, continuions à accorder les mêmes libéralités, qu'il s'agisse de préférences tarifaires ou de financements d'aide publique au développement, à des économies émergentes en forte croissance comme le Brésil ou la Chine, et à des pays pauvres comme Haïti, le Burkina Faso et le Bangladesh.

C'est sous l'impulsion de la France que le chantier de la révision des critères d'accès au système des préférences généralisées a enfin été lancé au niveau européen. Notre politique européenne de préférences commerciales doit être un vecteur de réduction des inégalités et d'insertion de ces pays dans le commerce, pas un outil pour subventionner des importations turques, chinoises ou brésiliennes.

Nous n'avons pas attendu pour remettre de l'ordre et de l'équité dans notre aide publique bilatérale au développement. Plusieurs orateurs ont évoqué la question que j'ai moi-même soulevée dès l'année dernière au sein de mon ministère : l'aide publique au développement à la Chine – le banquier de la planète qui détient notamment des créances à l'égard de l'Europe – pose problème. Nous sommes en train de le régler.

Désormais, les nouveaux prêts d'APD que nous faisons à la Chine à travers l'Agence française de développement ne coûteront plus un centime au contribuable français. Ce que l'on appelle le « coût État », c'est-à-dire l'effort budgétaire consenti par l'État, sera concentré dans les pays prioritaires d'Afrique subsaharienne. Au dernier orateur, j'indique que la part de l'effort financier de l'État consacrée aux grands pays émergents a été limitée à 7 % en 2010, alors que le nouveau contrat d'objectifs et de moyens liant l'État à l'AFD pour 2011-2013 prévoit un plafond de 10 %.

Ce recentrage de notre aide est dicté par le bon sens et je suis convaincu, à titre personnel, qu'il mérite d'être poursuivi ; je suis heureux de voir qu'il recueille l'assentiment des députés sur tous les bancs. Générosité ne peut pas dire naïveté. De même, à l'heure de la rigueur budgétaire et des déficits commerciaux records, on ne peut plus se permettre de faire de l'aide publique au développement sans penser commerce extérieur ; je m'inscris en faux, sur ce point, contre certains orateurs, dont M. Asensi.

La France est pratiquement la championne du monde du déliement de son aide, c'est-à-dire des aides accordées sans contrepartie directe pour ses entreprises. Notre aide bilatérale est déliée à 87 % depuis 2006, contre 75 % pour l'Allemagne, 71 % pour l'Espagne, 69 % pour les États-Unis et seulement 63 % pour l'Italie. Voilà, monsieur Janquin, quels sont les chiffres : ils sont exactement à l'opposé de la réalité que vous prétendiez dénoncer tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Je ne me résous pas à ce que la France soit plus vertueuse que les autres et ne retire pour seule récompense de sa bonne conduite que la satisfaction morale d'aider les pays pauvres, alors que d'autres le font sans sacrifier leurs atouts commerciaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Janquin

Vous nous parlez de morale ! Est-ce M. de Raincourt qui nous parlera de commerce extérieur ?

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

J'ai donc demandé à l'inspection générale des finances de me rendre, pour le courant du mois de février prochain, un rapport, dont je ne manquerai pas de partager avec vous les conclusions, sur ce sujet : que peut-on dire aujourd'hui des retombées de l'aide française pour l'emploi en France ? Quelles pistes pour augmenter ces retombées dans le respect de nos engagements internationaux ? Ce sont des questions parfaitement licites, normales, que nous devons nous poser à l'heure où nous économisons chacun de nos euros.

Nous nous posons les mêmes à propos de nos financements d'aide liée. La France fait beaucoup d'études en amont, dans le cadre du Fonds d'études et d'aide au secteur privé, le FASEP, mais ces financements n'ont de sens que s'ils servent de tremplin à nos entreprises pour remporter des grands contrats d'équipement ; il n'y a aucune honte à cela, et ce n'est pas là servir les multinationales, c'est servir l'emploi en France. La France mérite mieux que de devenir un simple guichet d'aide ou un grand bureau d'études gratuit pour des firmes étrangères. Sur cette question aussi, nous sommes mobilisés. Ce n'est peut-être pas le coeur de notre sujet, mais cela vous montre la cohérence de ce que doit être une politique d'aide au développement, avec les crédits FASEP, et une politique de commerce extérieure, à l'heure où nous avons besoin de rétablir l'équilibre de nos comptes.

On ne peut plus, aujourd'hui, prétendre avoir tout et le contraire de tout. Quand on s'appelle la Chine, qu'on a une croissance de 10 % par an, une part dominante dans le commerce international, des réserves de change de 3 200 milliards de dollars, un nouveau statut de bailleur de fonds en Afrique et de créancier en Europe, on ne peut plus demander à bénéficier de prêts, voire de dons, des pays occidentaux endettés. Ces crédits doivent être réservés aux pays qui en ont réellement besoin.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Les jours de ce système sont comptés, la Chine n'est pas le Togo.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Nous sommes effectivement d'accord, monsieur Janquin, et je vous remercie de votre soutien. M. Emmanuelli avait d'ailleurs dit la même chose, et je souscris pleinement à ses propos.

Je veux maintenant souligner les efforts de transparence et de lisibilité engagés dans la gestion et l'évaluation de notre aide. Vous le savez, le document-cadre de coopération au développement que nous avons conçu ensemble en 2010, fixe désormais des orientations géographiques et sectorielles claires pour notre aide publique au développement.

Quatre partenariats y sont mis en avant : celui avec l'Afrique subsaharienne pour la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement ; celui avec la Méditerranée, dans une perspective de convergence avec l'Europe ; celui avec les pays émergents ; celui, enfin, avec les pays en crise pour en renforcer la stabilité. Ces partenariats différenciés impliquent des choix financiers explicites qui nous lient, en particulier une affectation d'au moins 60 % de l'effort financier de l'État à l'Afrique subsaharienne. Les cinq secteurs d'emploi ont été mentionnés : santé ; éducation ; formation professionnelle ; agriculture et sécurité alimentaire ; développement durable et soutien à la croissance.

Tirant les conséquences de cette stratégie, nous sommes allés le plus loin possible en matière de transparence, en ajoutant dans le document de politique transversale, le DPT que vous avez récemment reçu, des données rétrospectives nouvelles et, surtout, des données prévisionnelles. J'ai entendu les critiques formulées sur tous les bancs à propos du retard avec lequel ce document vous a été remis.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Je le regrette, et je vous prie d'accepter les excuses du Gouvernement sur ce point. Sachez que le recueil de l'ensemble des informations sur autant de domaines techniques était une première. Il a exigé un travail considérable, et il a ensuite fallu vérifier chacun des chiffres. Cela explique que les services ont effectivement pris du retard. J'espère que nous serons plus efficaces l'an prochain.

Ce travail montre que les priorités fixées par le Gouvernement ont été strictement respectées. La France consacre près de 1,5 milliard d'euros en dons bilatéraux aux pays d'Afrique subsaharienne, qui demeurent la principale région d'intervention de l'Agence française de développement. Par ailleurs, la région Méditerranée et Moyen-Orient conserve un poids important puisqu'elle représente 18 % de l'effort financier de l'État en 2010, résultat proche de la cible des 20 % fixée par le document-cadre de coopération au développement. Autre résultat mesuré, et non des moindres, l'aide distribuée par les institutions financières internationales est également conforme à nos priorités : près de 50 % des engagements de l'AID, l'Association internationale de développement, fonds concessionnel de la Banque Mondiale, sont orientés vers l'Afrique subsaharienne, et cette part représente près de 75 % des engagements concessionnels du FMI.

Je veux, pour conclure, vous convaincre que le Gouvernement fait le meilleur usage des crédits qui vous sont demandés pour accroître l'influence de notre pays.

Avec la présidence française du G8 et du G20, l'année 2011 l'atteste, je crois, avec éclat. La France a beaucoup oeuvré pour renforcer l'implication de la communauté internationale dans l'aide aux pays les plus pauvres, conformément à nos priorités.

Au sommet de Deauville, les 26 et 27 mai derniers, un travail considérable a été accompli, et le G8 a exprimé son soutien aux transitions démocratiques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Le Président de la République a lancé le Partenariat de Deauville avec les pays arabes en transition démocratique, en mobilisant fortement toutes les institutions financières internationales.

Ce partenariat de long terme repose à la fois sur un pilier politique, visant à promouvoir les réformes de gouvernance, et sur un pilier économique, en vue d'une croissance soutenable et inclusive. Le pilier économique du partenariat a été lancé officiellement par les ministres des finances à Marseille, le 10 septembre dernier. Quatre pays en transition étaient présents : la Tunisie, l'Égypte, le Maroc et la Jordanie. L'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït et la Turquie étaient également représentés, ainsi que les principales institutions multilatérales, dont les trois principaux fonds arabes. La France a alors obtenu des institutions financières internationales qu'elles apportent une réponse coordonnée aux pays en transition, à hauteur de 38 milliards de dollars sur la période 2011-2013, ce qui est une somme considérable.

Le Partenariat de Deauville a également soutenu une approche ambitieuse en matière d'intégration commerciale et appelé à une extension rapide du mandat géographique de la BERD à la région.

J'ajoute que, en complément au Partenariat de Deauville, l'Union européenne a décidé, sur la proposition de la France, d'ouvrir ses accords commerciaux aux pays en transition. Tout cela est cohérent, et nous avançons.

Par ailleurs, la France a redoublé d'efforts pour que les questions de développement prennent toute leur place, pour la première fois, à l'agenda du G20, lors du sommet Cannes. Je laisserai Henri de Raincourt y revenir plus longuement pour vous exposer en détail les très bons résultats obtenus, notamment sur deux sujets : les problèmes de sécurité alimentaire et le financement des infrastructures, en particulier en Afrique.

J'insiste, en revanche, sur la question du financement du développement. Pour la première fois, en effet, le G20 a débattu de cette question et le Président de la République, qui avait invité Bill Gates à présenter un très intéressant rapport sur ce sujet, a obtenu des avancées très significatives. Le G20 a d'abord insisté sur la mobilisation des ressources nationales des pays en développement. Pour y parvenir, il a notamment demandé aux entreprises multinationales d'améliorer la transparence, en particulier dans le domaine des industries extractives, et s'est engagé à contribuer à réduire le coût moyen des transferts des migrants, pour dégager davantage de fonds. Par ailleurs, la partie « B20 » du sommet de Cannes, avec les entreprises qui y étaient représentées, a fait un énorme travail en matière de lutte contre la corruption ; je le dis pour répondre à l'un des orateurs de tout à l'heure. Nous avançons rapidement sur ce sujet.

Rarement une idée aura autant progressé au cours d'une année que cette idée de taxe sur les transactions financières.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

On doit beaucoup, soyons honnêtes, au Président de la République, qui a beaucoup fait pour la promouvoir et la faire adopter par un certain nombre de ses homologues. Même le Président des États-Unis a donné quelques signes encourageants à cet égard.

Les chefs d'État et de gouvernement ont discuté d'un menu de financements innovants, tels que les garanties d'achats futurs, l'émission d'obligations pour les diasporas, la taxation des soutes des navires et des avions, ou la taxation des tabacs, mais je crois qu'Henri de Raincourt y reviendra.

J'appelle enfin votre attention sur le fait que, pour la première fois, le principe d'une taxe a été officiellement acté dans le communiqué du G20. Les choses ont donc bel et bien progressé !

À Cannes, outre la France, la Commission européenne, l'Allemagne, l'Espagne, l'Argentine, l'Union africaine, l'Éthiopie, l'Afrique du Sud, le Secrétaire général des Nations unies et le Brésil ont exprimé leur intérêt pour une telle taxe.

Nous attendons maintenant – c'est la prochaine étape – que la Commission européenne propose une directive instaurant un « système commun de taxe sur les transactions financières ». C'est le document juridique sur lequel nous pourrons nous appuyer pour avancer encore.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Mesdames et messieurs les députés, j'espère vous avoir convaincus de l'engagement sans faille du Gouvernement en faveur du développement, en cohérence avec nos objectifs de politique étrangère et de croissance économique, en cohérence avec nos priorités géographiques également.

Je tiens à remercier tous les orateurs qui ont bien voulu contribuer à la qualité de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je veux tout d'abord remercier l'ensemble de ceux qui ont accepté de venir ce soir échanger avec nous sur un volet extrêmement important – quoique ce ne soit pas forcément le plus médiatique – de la politique de notre pays : l'aide publique au développement.

Je remercie plus précisément les commissions qui traitent de ces questions et les rapporteurs pour leur intérêt et leur assiduité ; ils nous accompagnent tout au long de l'année et nous font des propositions. Plus généralement, nos relations sont marquées par une grande confiance et une grande transparence.

Je suis donc désolé d'entendre des parlementaires dire – mais, s'ils le disent, c'est qu'ils le ressentent – que le Gouvernement chercherait à ne pas donner l'ensemble des informations que la représentation parlementaire est en droit de demander sur tel ou tel aspect de cette politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Janquin

C'est en tout cas l'impression que le Gouvernement donne !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Pour ma part, j'ai au contraire le sentiment que, depuis quelques mois, depuis quelques années, des efforts ont été fournis pour que le Parlement soit associé le plus étroitement possible à la politique du développement.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

J'en veux pour preuve l'élaboration du document-cadre et la mission d'évaluation confiée à Mme Martinez.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Je ne reviens pas sur le retard avec lequel le document de politique transversale vous a été transmis et sur les excuses qui vous ont été présentées.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

C'est fait, monsieur Bataille !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Je tiens simplement à vous dire – mais cela n'est pas de nature à vous mettre du baume au coeur – que, lors de mon audition par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, j'avais dit que les éléments seraient transmis le vendredi. Ils l'ont été le jour dit ; partageons donc ensemble ces petites satisfactions.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Vous voulez dire vendredi prochain, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Non, vendredi dernier, monsieur le député !

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Je veux simplement revenir sur quelques points, mon ami Pierre Lellouche ayant déjà traité de très nombreux sujets.

Je n'ai pas grand-chose à ajouter à propos de la trajectoire de l'aide publique au développement. Elle se déroule très exactement comme cela a été prévu et annoncé l'année dernière dans les documents auxquels vous faites référence et que vous aviez reçus avec retard. Dans son rapport, M. Emmanuelli a fait état de ces chiffres. L'aide publique au développement s'établit, à ce stade, à 0,46 % ; nous la ferons remonter l'année prochaine à 0,50 %. La France tient à préserver et à maintenir l'engagement que, il faut le souligner, elle a pris avant les crises auxquelles elle doit faire face depuis plusieurs années. Qu'elle parvienne à cet objectif un an plus tôt ou un an plus tard, elle ne renonce pas à consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l'aide publique au développement. Je souhaite que cet engagement très fort de l'État soit commun à tous les bancs. Quels que soient les gouvernements qui se succèdent à la tête de notre pays, ils partagent cette même ambition : nous le devons aux pays les plus pauvres.

J'aborderai maintenant les grandes masses du programme 209. Je signale que 60 % des 10 milliards d'euros de l'APD correspondent à de l'aide bilatérale. Nous nous employons à augmenter cette proportion, comme le Parlement nous l'a demandé à plusieurs reprises. Nous entendons parvenir à 65 % à la fin du triennum budgétaire sur lequel tout notre engagement est calé, c'est-à-dire la période 2011, 2012 et 2013. Plusieurs d'entre vous l'ont noté – ce dont je les remercie –, le Gouvernement français est au rendez-vous pour ces trois années : le niveau budgétaire est maintenu et le coup de rabot n'est pas passé.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Je ne suis peut-être pas très doué, monsieur Loncle, mais je suis franc : jusqu'à maintenant, le coup de rabot n'est pas passé. Nous allons nous battre tous ensemble pour essayer de faire en sorte que le deuxième coup de rabot épargne le programme 209. Nous pouvons conjuguer nos efforts pour qu'il en soit ainsi.

Par ailleurs, la contribution que nous apportons au Fonds européen de développement, le FED, a diminué de 26 millions d'euros. Nous avons obtenu l'autorisation de conserver ces 26 millions d'euros pour faire face aux dépenses liées à l'aide publique au développement, qui, ainsi, a été en quelque sorte sanctuarisée.

Je viens de parler du FED, qui représente 800 millions d'euros. J'évoquerai maintenant plus particulièrement le Fonds mondial de lutte contre le sida et la santé pour tenter de répondre à la question posée une fois encore sur ce sujet par Mme Bousquet.

Madame la députée, à la suite des engagements de Muskoka qui visaient à consacrer 500 millions d'euros supplémentaires pendant la période 2011-2015 à la santé des mères et des enfants, la France a demandé au Fonds mondial d'identifier les programmes et les projets qui concernent plus spécifiquement la population vulnérable que constituent les jeunes filles et les jeunes mères.

Ainsi, 46 % des programmes du Fonds mondial leur sont consacrés. Dans le cadre des engagements pris par le Président de la République, un fonds de solidarité prioritaire a été mis en oeuvre avec les quatre principales agences des Nations unies impliquées dans les questions de santé des femmes et des enfants – l'OMS, l'UNICEF, l'ONU Femmes et le Fonds des Nations unies pour la population. Ce sont 19 millions d'euros qui, pendant cinq ans, seront consacrés à la mise en oeuvre des programmes destinés en priorité à ce que l'on appelle la santé reproductive, qui comprend la planification familiale et la protection contre les infections sexuellement transmissibles, notamment le sida. Les jeunes filles constituent à l'évidence le groupe le plus exposé et le plus vulnérable.

Au mois de février dernier, je suis allé à Ouagadougou annoncer que cette enveloppe de 100 millions d'euros serait consacrée en priorité à cette action et bénéficierait principalement aux pays de l'Afrique de l'Ouest francophones.

En outre, au travers d'UNITAID, la France promeut l'accessibilité des moyens contraceptifs pour ces populations vulnérables.

Cela a été dit et les chiffres le prouvent, 60 % de notre aide publique au développement sont réservés à l'Afrique subsaharienne et 50 % de nos subventions sont fléchées vers les quatorze pays les plus fragiles. J'ai entendu des commentaires qui mettaient en doute l'exactitude ou l'efficacité de ce fait. C'est pourtant la réalité.

La concentration géographique est très importante : 60 % de l'APD va à l'Afrique subsaharienne, 20 % aux pays de la Méditerranée, 10 % aux pays émergents et 10 % aux pays en sortie de crise. Certains font hélas partie de la catégorie « pays en sortie de crise » depuis longtemps. Je pense par exemple à la Palestine et à l'Afghanistan, où notre contribution est de l'ordre de 35 millions d'euros par an. Au moment où notre présence militaire s'amenuise pour tendre vers zéro d'ici à 2014, on nous demande d'augmenter d'autant notre appui en matière civile. Nous travaillons sur cette question.

Je ne reviendrai pas sur le débat déjà ancien et bien légitime sur les prêts consentis à des pays émergents. Pierre Lellouche l'a fort bien évoqué. Nous considérons que ce qui est fait est positif pour la France, pour sa politique de rayonnement et d'influence, mais on peut avoir une opinion contraire et nous pouvons en discuter. Le Gouvernement français considère que, au-delà des prêts, les discussions avec la Chine et le Brésil offrent des occasions d'échanges sur des grandes problématiques planétaires. Cela nous permet de cheminer avec eux et de les convaincre que l'aide publique au développement ne concerne pas seulement les pays dits riches, mais aussi les pays émergents. Nous sommes tous sur le même bateau et nous avons tous la volonté de favoriser le développement des pays qui en ont le plus besoin pour des raisons évidentes liées à la démographie. Ainsi, l'Afrique connaît aujourd'hui des taux de croissance de l'ordre de 5 à 6 %. Nous avons tous intérêt à ce qu'un développement endogène s'accentue en Afrique, car la population doit y augmenter dans des proportions considérables. Si nous ne sommes pas capables de faire en sorte que des progrès substantiels soient accomplis en matière de croissance, d'emploi et de développement, nous irons au-devant de déconvenues et le réveil sera particulièrement douloureux.

En la matière, il est très important que nous partagions les mêmes objectifs avec les pays émergents. Le G 20 peut permettre de discuter de ces questions, comme cela a été le cas cette année.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

La France a voulu participer au mouvement du monde que représentent les printemps arabes. La France veut aussi être plus présente encore lorsque des transitions démocratiques positives s'opèrent en Afrique.

Au sujet des printemps arabes, nous avons évoqué le Partenariat de Deauville, qui représente 80 milliards de dollars pour la Tunisie, l'Égypte, le Maroc et la Jordanie. La France doit y contribuer à hauteur de 2,7 milliards d'euros d'ici à 2013, sous forme de prêts consentis par l'Agence française de développement.

En ce qui concerne les transitions démocratiques africaines, nous avons engagé des efforts substantiels avec la Guinée Conakry, tout dernièrement avec le Niger et dans des proportions très importantes avec la Côte d'Ivoire. Ainsi, 3,5 milliards d'euros sont mobilisés pour la Côte d'Ivoire : 2 milliards d'euros au titre d'un contrat de désendettement et de développement, 1 milliard d'euros au titre d'annulation de dettes et 400 millions d'euros au titre d'un engagement exceptionnel. De la sorte, la Côte d'Ivoire reprendra sa marche en avant.

J'évoquerai maintenant le G20. Le G20 Développement est un élément très important du G20 global, non seulement parce qu'il s'est réuni pour la première fois, mais aussi parce qu'il a obtenu des résultats conformes à ses attentes.

À la suite du sommet de Séoul, la France avait considéré souhaitable de retenir pour sa présidence quelques-uns des sujets abordés en matière de développement : la sécurité alimentaire, les infrastructures, le socle de protection sociale et les financements innovants.

Je ne reviens pas sur la sécurité alimentaire, bien des choses ayant déjà été dites. Pour les infrastructures, nous voulions – et c'est exactement ce qui a été acté par les chefs d'État et de gouvernement – que soit publiée une liste de onze projets régionaux sensibles, dont cinq en Afrique, témoignant des progrès accomplis en matière d'infrastructures.

En matière de normes sociales, les pays adhérents de l'Organisation internationale du travail, l'OIT, doivent respecter ses règles de base. C'est le moins que l'on puisse faire.

Il a beaucoup été question aussi des financements innovants. Des doutes se sont exprimés à cet égard, et je voudrais vous faire part de mon sentiment. Il est vrai que nous partons de loin. Nous en parlons depuis longtemps et la taxe Tobin a été imaginée il y a déjà des années. Les pères sont nombreux à se pencher sur les fonds baptismaux. Mais là n'est pas le problème et nous ne cherchons à en tirer aucune gloriole.

La seule chose qui nous préoccupe est que l'aide publique au développement à l'échelon mondial représente 129 milliards d'euros par an et qu'il nous faut en trouver 100 de plus, hors nécessités liées au changement climatique. Or, pour des raisons budgétaires évidentes, nous ne pourrons les trouver qu'avec des financements innovants. Ceux-ci existent et sont efficaces. Nous avons cité notamment les taxes sur les avions. Il existe également la taxe sur les transactions financières qui est également efficace. D'ailleurs des pays l'ont déjà instaurée. Le président de la République avait confié à M. Bill Gates le soin de présenter un rapport au G20.

On peut considérer le verre à moitié vide ou à moitié plein. Moi, je le considère plus qu'à moitié plein : c'est la première fois que l'on voit figurer dans le communiqué officiel d'un sommet de chefs d'États, en toutes lettres, la taxe sur les transactions financières. C'est quelque chose de très important. Il reste à voir les modalités, par qui elle sera gérée et comment elle sera affectée, et nous aurons pour cela de grands débats.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Il ne faut pas trop sourire de ces questions, car l'enjeu est essentiel pour toute politique de développement pour les décennies qui viennent.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Nous serions donc bien inspirés de conjuguer nos efforts pour que la plus grande part du produit de cette taxe soit effectivement affectée à la politique du développement.

Nous sommes déterminés à la lancer l'année prochaine au sein d'un groupe pionnier. Nous savons pertinemment que tout le monde ne sera pas au rendez-vous, mais nous savons aussi que le mouvement se prouve en marchant. Sans doute sera-t-il en outre difficile aux gouvernements qui ne l'accepteraient pas d'expliquer à leurs opinions publiques qu'ils ne peuvent pas financer davantage l'aide publique au développement, voire qu'ils doivent la réduire, et que, dans le même temps, un des secteurs qui a le plus profité de la mondialisation est exonéré de contribuer financièrement à cette politique. Le vent souffle donc dans le bon sens et notre détermination est extrêmement forte.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

C'est notamment pourquoi je ne partage guère la vision pessimiste qu'a François Loncle de la façon dont la politique de la France est perçue en Afrique. Certes, mon expérience est moindre que la sienne, mais au fil de mes déplacements, je m'aperçois qu'il y a une grande demande de France,…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

…non seulement dans l'Afrique francophone, mais bien au-delà. C'est extrêmement rassurant et encourageant.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Je crois que cela signifie que, contrairement à ce que j'ai entendu tout à l'heure, la politique africaine que la France conduit aujourd'hui et dont les grandes lignes ont au fond été déterminées par le discours du Président de la République au Cap en février 2008 ne correspond plus à l'image que l'on continue encore à véhiculer ici ou là.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Grand discours, tant mieux, parce que l'Afrique le mérite !

Pas d'ingérence, mais pas d'indifférence, les discussions doivent être menées avec un grand respect, dans un rapport d'égal à égal. C'est exactement ce qui se fait, y compris dans les discussions sur les accords de défense actuellement en cours entre le Gouvernement français et un certain nombre de pays.

Nous considérons que la voix de l'Afrique est de plus en plus forte et qu'elle le sera à l'avenir. En raison même des chiffres que j'ai donnés en matière démographique mais aussi de croissance, elle est déjà respectée. Jean Ping, président de la Commission de l'Union africaine nous le dit souvent, elle veut régler elle-même ses problèmes.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Nous sommes pleinement d'accord pour que les organisations régionales soient les plus fortes possible. Si les Africains ont besoin de nous, nous sommes là, au nom de l'histoire, de la culture et de l'amitié. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe UMP, la parole est à M. André Schneider.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Malgré un contexte budgétaire contraint, les crédits de cette mission resteront stables lors de la période 2011-2013.

Dans les deux minutes dont je dispose, je m'attarderai essentiellement sur le programme 209, « Solidarité à l'égard des pays en développement », et plus particulièrement sur la coopération communautaire. L'action 7 de ce programme participe au financement du Fonds européen de développement, instrument de la coopération entre l'Union européenne et le groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique – ACP.

L'Union européenne et les ACP entretiennent des relations privilégiées qui remontent aux origines de l'Union. La France a fait le choix d'inscrire sa politique d'aide au développement dans un cadre européen et a toujours oeuvré pour l'affirmation de cette compétence de l'Union. Le quart de son aide publique transite par le canal européen.

Ainsi, ce budget hisse la France au deuxième rang des contributeurs du Fonds européen de développement, notre pays restant, il faut le noter, l'un des premiers contributeurs mondiaux.

La Commission européenne ayant diminué ses prévisions d'engagement pour le FED, la France devra verser 797 millions d'euros à ce fonds, soit 26 millions de moins que l'année dernière. Le Gouvernement a cependant souhaité les maintenir dans ce programme. Cette somme sera notamment affectée à des projets mis en oeuvre par l'UNICEF et à l'organisation du sommet de la Francophonie, l'année prochaine à Kinshasa. Ainsi, notre pays continue à contribuer de façon décisive à l'essor d'une politique européenne d'aide au développement cohérente et audacieuse.

Néanmoins la France doit presser l'Union européenne et ses membres d'aboutir à un véritable accord avec la zone Afrique, tout en tenant compte des spécificités africaines, que vous avez merveilleusement épousées.

Par ailleurs, certains pays francophones, tel le Burundi, devraient être incorporés aux pays prioritaires du FED et il serait intéressant de revoir les critères du comité interministériel de la coopération internationale et du développement.

Monsieur le ministre, la France est souvent le moteur de l'aide publique au développement. Il faudrait donner un nouvel élan à l'action de l'Union européenne, donc du FED, et booster cet organisme. Comment pensez-vous pouvoir agir en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Vous avez parfaitement défini la façon dont fonctionne le Fonds européen de développement et je souhaite donc simplement vous expliquer comment nous travaillons aujourd'hui avec l'Union européenne.

Je suis en relation constante avec le commissaire européen au développement, Andris Piebalgs. M. Emmanuelli a considéré tout à l'heure que la politique de développement était quelque chose d'extrêmement compliqué, avec de très nombreux intervenants et de fréquentes imbrications, et que cette complexité allait grandissant quand on passait à l'échelon européen. Nous essayons donc de faire, avec le commissairePiebalgs, un travail en commun de telle sorte que l'on puisse clarifier les choses. Nous nous rendons ensemble dans un pays, nous y accomplissons une mission commune et nous voyons, en fonction des projets, qui est chef de file et qui est accompagnateur.

Sur ces questions très importantes pour nous, nous avons eu des échanges avec nos homologues du Royaume-Uni et d'Allemagne. Nous comptons beaucoup sur des stratégies européennes régionales comme il commence à en exister, qui seraient bâties en commun et dans lesquelles chacun se retrouverait et saurait ce qu'il a à faire. Ce serait sans doute, en ces temps de disette budgétaire, un moyen d'être plus efficace et de mieux utiliser les fonds publics.

Nous voudrions aussi simplifier les procédures qui sont souvent extrêmement lourdes. Le délai qui s'écoule entre le moment où l'on identifie un programme ou un projet est celui où il se déroule est souvent trop long alors que l'urgence n'attend pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Pour que chacun puisse en connaître, je rappelle que, dans le débat budgétaire, le collègue qui pose la question dispose de deux minutes seulement.

La parole est à M. Bertrand Pancher.

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

L'aide publique au développement répond à un impératif de solidarité, de justice, d'humanité et de dignité. La paix et la sécurité mondiale sont menacées par la misère, les inégalités, les pandémies, le réchauffement climatique.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, le 13 octobre dernier, vous nous avez présenté les résultats du baromètre AFD-IFOP consacré aux Français et à l'aide publique au développement. En dépit de la crise, les Français approuvent massivement notre aide aux pays en développement et ils veulent qu'elle se renforce : la générosité est une valeur française, nous devons nous en réjouir.

Nos actions vont dans le bon sens mais ne suffisent jamais. Nous devons accroître cette coopération, mieux la structurer. L'aide publique au développement doit pouvoir s'appuyer davantage sur les acteurs locaux pour des projets de proximité, accessibles dans les contrées les plus reculées. Faisons attention aux gros projets qui ne voient jamais le jour et privilégions chaque fois que possible les projets plus locaux.

Dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, les collectivités locales peuvent affecter jusqu'à 1 % de leur budget à des actions de solidarité internationale aux côtés des agences de l'eau qui y consacrent elles-mêmes près de 20 millions d'euros chaque année. L'effet multiplicateur est considérable. J'avais déposé un amendement au projet de loi de finances 2012 pour que le même dispositif s'applique dans le domaine des déchets. Malgré un vote unanime de la commission du développement durable, il est tombé sous le coup de l'article 40 et les délais ont été trop courts pour que je trouve une autre formulation.

Comment pourrions-nous travailler ensemble dans ce domaine et dans d'autres ? Ils sont nombreux. Je pense par exemple à la taxe sur l'électricité et à la redevance transport.

D'autres propositions sont envisageables : promouvoir davantage les partenariats public-privé pour démultiplier l'impact de l'aide publique au développement, instaurer de nouveaux financements innovants, moderniser les outils, notamment en augmentant l'aide au commerce local, conditionner la fiscalité des fondations aux actions dans ce domaine.

Nous devons également renforcer la transparence et la concertation des parties prenantes autour de ces politiques d'aide au développement. Pourquoi ne pas organiser un débat annuel sur la politique de coopération de la France dans un forum multipartite Parlement, ONG, collectivités locales, où nous pourrions échanger sur nos orientations ?

Les pistes ne manquent pas, n'ayons pas peur, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, de continuer à encourager l'audace et la générosité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Oui, l'audace et la générosité !

Sur le principe, je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous proposez. Nous avons pris, le 21 octobre dernier dans le cadre du G20 Développement, l'initiative de réunir environ 700 personnes au centre de conférences de la rue de la Convention, où nous avons discuté de tous les sujets qui ont été abordés lors du G20 des 3 et 4 novembre.

Voilà déjà quelques années que je suis un adepte de la coopération décentralisée et que je suis persuadé de ses bienfaits. Je le disais à l'instant à M. Schneider, elle permet d'agir vite, sans beaucoup d'intermédiaires, et efficacement. Ce sont des aides visibles et économes des deniers publics. Je me réjouis donc que les pouvoirs publics français aient compris tout ce que peut apporter la coopération décentralisée, à laquelle une dizaine de millions d'euros sont consacrés.

Vous avez fait par ailleurs référence à la taxe sur les déchets, que vous avez rapprochée de la loi Santini-Oudin. Nous en avons parlé la semaine dernière au forum de l'eau à Bamako et je pense que ce sujet mérite qu'on y travaille. J'ose d'ailleurs dire dans cette enceinte, au risque de provoquer des réactions, qu'on ne peut quand même pas créer des taxes tous les jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

C'est pourtant la journée pour cela, monsieur le ministre. (Sourires.)

Nous en venons aux questions du groupe SRC.

La parole est à M. Philippe Tourtelier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les réflexions sur les rapports entre notre aide au développement et les questions climatiques ont montré qu'un des moyens les plus efficaces pour la réussite des politiques d'adaptation au changement climatique et son atténuation était l'aide aux acteurs qui mettent en oeuvre ces politiques, en particulier les femmes, notamment dans les secteurs géographiques prioritaires de l'aide française au développement, car elles sont responsables de la sécurité alimentaire, des corvées d'eau et d'énergie, trois secteurs sur lesquels le réchauffement climatique aura un impact direct.

Les femmes sont les premières victimes des sécheresses et des fortes précipitations qui réduisent leur temps disponible pour avoir une activité rémunératrice, recevoir une éducation et se préoccuper de leur santé. Elles sont ensuite, comme le rappelle le document-cadre d'avril 2011, des actrices incontestables pour la concrétisation de politiques durables d'aide au développement dans un contexte de réchauffement climatique.

C'est encore plus vrai pour les jeunes filles. Prendre en compte les générations futures, c'est s'occuper dès maintenant des jeunes filles : mariées très jeunes, avant dix-huit ans pour 38 % d'entre elles et même avant quinze ans pour 15 % d'entre elles, elles ont, si elles n'en meurent pas, un grand nombre d'enfants, ce qui ne leur permet pas de suivre une scolarité ou d'avoir une activité économique, facteur d'autonomie.

Au-delà de la nécessité d'actions plus en profondeur et dans la durée sur le droit des femmes, il faut, dans l'immédiat, cibler prioritairement des actions sur ces jeunes filles, en leur donnant les moyens de s'éduquer, ce qui passe par leur capacité de contrôler leur fécondité, grâce à l'accès facilité à des moyens de contraception.

Conscient de l'importance de cette approche « genre » – selon le vocabulaire employé désormais à l'international – dans l'aide au développement, le ministère des affaires étrangères a élaboré en 2007 un document d'orientation stratégique, où figure, entre autres, cette recommandation : « intégrer le genre dans le pilotage et la programmation : traçabilité du genre dans les dépenses françaises d'APD ».

Cette traçabilité étant complètement absente du bleu « Aide publique au développement », comme probablement du document transversal « Politique en faveur du développement » dont, vendredi dernier, nous n'avions encore que le sommaire, et même si M. le ministre a déjà donné quelques éléments de réponse, je me demande si la France a en fait abandonné cette approche « genre » de son aide au développement qu'elle préconisait en 2007 et qui apparaît encore dans l'annexe 2 du document-cadre d'avril 2011. Si la réponse est non, ce que j'ai cru comprendre – mais j'aimerais que ce soit précisé – dans quel document peut-on trouver la traçabilité du genre, non seulement dans le domaine santé reproductive, que vous avez évoqué, mais de façon transversale, dans les domaines éducation, économie, changement climatique ? Bref, dans quel document peut-on trouver cette traçabilité préconisée à juste titre en 2007 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Monsieur le député, je vais vous répondre rapidement, car, vous l'avez reconnu vous-même, j'avais un peu anticipé la nature de votre question.

Nous connaissons tous très bien, ici, le rôle absolument fondamental des femmes dans la société africaine. Nous savons la situation qui leur est faite, ainsi qu'aux jeunes filles. Je ne reviens donc pas sur ce que j'ai répondu tout à l'heure à Mme Bousquet.

Je dois à la vérité de dire qu'il n'existe pas de document reprenant en tant que tel l'ensemble de toutes les politiques menées et dans lesquelles un chapitre est toujours consacré aux femmes et aux jeunes filles. Mais sans doute pourrions-nous tâcher de les faire mieux ressortir, de les mettre en exergue dans tous ces documents, et je vous remercie de cette suggestion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

La France s'est engagée, lors du sommet de Copenhague, en décembre 2009, à soutenir la lutte contre le changement climatique dans les pays du Sud. Les pays du Nord se sont engagés à apporter de nouvelles ressources financières à court terme d'environ 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012 – il s'agit du Fast start – et à créer un Fonds vert pour le climat qui devrait mobiliser 100 milliards par an à partir de 2020.

La France a souhaité concentrer son action dans ce cadre sur la mise en oeuvre rapide de mesures destinées à réduire les émissions provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts. Il s'agit ici de soutenir le mécanisme onusien REDD+.

Ce mécanisme a émergé lors de la conférence climatique internationale de Bali en 2007. Depuis, chaque sommet s'est penché sur le sujet, essayant d'affiner au maximum ce que ce mécanisme pourrait recouvrir : quel mode de financement, quels pays bénéficiaires.

Des projets pilotes ont été lancés après la conférence d'Oslo qui s'est tenue en mai 2010. La France, quant à elle, s'est fortement impliquée dans la définition du cadre de mise en oeuvre rapide des mesures REDD. Le pays a participé activement à la conférence d'Oslo, en mai 2010, qui a lancé les projets pilotes en Indonésie, dans le bassin du Congo et en Amazonie.

Le bleu budgétaire qui nous a été communiqué fait état de cette implication de la France. Il indique en effet qu'elle participera à hauteur de 150 millions d'euros, pour la période 2011-2012, au 1,25 milliard promis.

Le bleu budgétaire indique également que la France apportera 30 millions d'euros sur la période 2011-2012 fléchés sur les actions REDD+ en bilatéral ; 30 millions qui proviendraient de la vente des crédits carbone. Le budget consacré à cet engagement en faveur des forêts devait également provenir de cette source de financement l'an dernier.

Or nous savons, compte tenu des conditions du marché particulièrement difficile, que la France ne vendra probablement pas ces crédits carbone. Pour pallier ce problème de financement, vous indiquez vouloir recourir à l'APD, ce qui contredit l'engagement de la France et les paroles rassurantes de Serge Lepeltier, reçu la semaine dernière en audition devant la commission du développement durable. Faut-il rappeler que votre engagement international était effectivement de ne pas puiser dans les caisses de l'APD ?

L'aide que vous vous êtes engagé à apporter aux pays du sud dans la lutte contre le changement climatique doit être, je le rappelle, additionnelle. Cette aide en dessous de l'engagement pris à Copenhague et réitéré à Cancún, apparaît donc très incertaine.

Monsieur le ministre, comment nous assurer que l'engagement REDD sera additionnel, effectivement décaissé sous forme de dons et efficace sur le plan de la lutte contre le réchauffement climatique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Monsieur Chanteguet, vous l'avez rappelé, la France s'est engagée à Copenhague en faveur de la forêt à hauteur de 252 millions d'euros entre 2010 et 2012 ; 102 millions correspondent à des instruments existants : AFD – l'Agence française de développement – et contribution au Fonds français pour l'environnement mondial ; 150 millions doivent être financés par la vente des droits d'émissions de carbone attribuée à la France – mais cela ne marche pas pour le moment, d'après ce que je crois savoir – à travers un compte d'affectation spéciale, dans lequel les dépenses ne peuvent avoir lieu que si les recettes des ventes sont perçues. Donc, si les recettes ne sont pas perçues, CQFD.

Ces 150 millions figurent dans la mission budgétaire « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique » et dans les programmes 781 et 782.

Pour les 102 millions provenant des sources traditionnelles, les projets sont identifiés et ont été présentés.

Pour les 150 millions, aucune vente de droits d'émission n'a eu lieu. Pour maintenir notre engagement, 30 millions ont été versés en 2011 au Fonds pour l'environnement mondial à partir du redéploiement de crédits disponibles du FED et 45 millions ont été inscrits sur les crédits du programme 110.

Je vous confirme, monsieur le député, que nous souhaitons maintenir notre effort l'an prochain. Mais nous sommes confrontés à une grande incertitude sur les ventes de droits carbone.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous en venons à une question du groupe Nouveau Centre.

La parole est à M. Michel Hunault.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, on ne peut pas évoquer l'aide publique au développement sans évoquer l'extraordinaire engagement et le dévouement de milliers de jeunes Français qui, à travers les ONG et les associations, s'investissent dans l'aide au développement, notamment dans les pays les plus pauvres.

Ma question est simple et ne se chiffre pas forcément en milliers d'euros. Comment peut-on prendre en compte et favoriser l'engagement de ces milliers de jeunes Français qui se dévouent à travers la vie associative et les ONG ?

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé de la coopération

Monsieur Hunault, le volontariat est un programme très important par son volume, mais aussi par le symbole qu'il représente et par son efficacité. Nous y sommes, les uns et les autres, très attachés.

Dans le programme 209, que j'ai défendu, 21,5 millions d'euros sont prévus à ce titre pour 2012. L'État apporte son soutien aux volontaires du progrès.

Il y a deux jours, j'ai rencontré M. Le Bret, qui est notre ambassadeur en Haïti. Il m'a fait part de la très grande efficacité des volontaires sur le terrain dans ce pays où tant de malheurs se sont abattus ces derniers temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous en avons terminé avec les questions.

La parole est à M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Je m'associe aux propos de M. Hunault sur le travail fait par les jeunes. Je viens de faire réaliser dans mon département une étude pour savoir quels étaient les desiderata de la jeunesse, dont on connaît la frilosité vis-à-vis de l'engagement politique et public. Je peux vous confirmer que le souhait qui ressort en premier est celui de pouvoir s'engager dans une oeuvre de coopération.

Mais, si j'ai pris la parole, c'est surtout pour vous dire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que je ne partage pas tout à fait votre enthousiasme à propos de la taxe sur les mouvements financiers. J'ai entendu dire ce soir que nous la devions au Président de la République. Permettez-moi de vous rappeler qu'il s'agit d'une proposition de résolution déposée par le groupe socialiste, qui a été votée ensuite, c'est vrai, à l'unanimité. Elle a été déposée simultanément au Bundestag, mais la CDU n'en a pas voulu. Je veux bien que Mme Merkel dise à la sortie du G20 qu'elle est pour la taxation des transactions financières, mais il y a un petit problème : son parti n'en veut pas ! M. Cameron n'en veut pas non plus, pas plus que – si j'ai bien compris – M. Obama. Voilà pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je ne partage pas votre optimisme quant à la mise en place rapide de ce type de financement. Il faudra d'abord, me semble-t-il, qu'il y ait d'importants bouleversements politiques.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Je vais répondre également au nom de M. de Raincourt.

Monsieur Emmanuelli, sans crier victoire, nous avons constaté une véritable évolution dans cette affaire de taxation des transactions financières. Elle est due en grande partie à la crise économique et au besoin de développement, comme l'a dit tout à l'heure Henri de Raincourt. Elle est due également, pour une large part, à l'activisme de notre diplomatie et du Président de la République. Ne pas le reconnaître ne serait pas conforme à la réalité.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Ce n'est pas encore gagné, mais, pour la première fois, le sommet de Cannes prévoit en toutes lettres la reconnaissance d'un financement innovant par le biais d'une taxation sur les transactions financières. C'est une révolution sur le plan de la finance internationale.

Photo de Jean-Christophe Lagarde

J'appelle les crédits de la mission « Aide publique au développement », inscrits à l'état B.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Sur ces crédits, je suis saisi d'un amendement, n° 447 , du Gouvernement.

La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

Cet amendement vise à majorer de 21,8 millions d'euros le montant des autorisations d'engagement du programme « Aide économique et financière au développement » de la mission « Aide publique au développement » au titre de l'augmentation de la compensation des annulations de la dette multilatérale des pays pauvres très endettés envers le Fonds africain de développement – le FAD.

Lors du sommet du G8 de Gleneagles en juillet 2005, il a été décidé d'annuler la dette des pays pauvres très endettés envers le FAD. La France s'est engagée à compenser le coût de cette annulation auprès de la Banque africaine de développement, afin de maintenir la capacité d'intervention de celle-ci dans les pays pauvres.

La loi de finances pour 2011 a donné une visibilité sur dix ans au FAD en prévoyant à ce titre un montant d'autorisations d'engagement de 116,5 millions d'euros visant à couvrir la période 2016 à 2021.

Le FAD ayant demandé que, chaque année, la France s'engage au titre d'une année supplémentaire, le projet de loi de finances pour 2012 prévoit un nouvel engagement pour l'année 2022. Or le FAD souhaite désormais que l'engagement en 2012 soit porté jusqu'en 2023.

Il est, en conséquence, proposé de relever de 21,8 millions d'euros le montant des autorisations d'engagement ouvertes à ce titre en loi de finances pour 2012, qui s'établira ainsi à 50,3 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 447 .

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

La commission n'a pas examiné cet amendement, puisqu'il vient d'être déposé. Je pense que, si cet amendement avait été déposé en temps utile, il aurait été adopté, car, si j'ai bien compris, il s'agit de réparer une omission ou une erreur technique.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

De répondre à un souhait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme Henriette Martinez, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Henriette Martinez

La commission n'a pas non plus examiné cet amendement. À titre personnel, je tiens à dire que j'y suis très favorable. Ce ne sont pas toutes les missions qui bénéficient d'une hausse de leurs crédits par le biais d'un amendement gouvernemental. C'est même plutôt l'inverse que nous constatons en cette période. Je m'en réjouis d'autant plus que l'amendement va dans le sens des engagements pris par la communauté internationale lors du sommet du G8 à Gleneagles, et dans le sens de l'engagement pris par la France en 1999 d'annuler la dette des pays pauvres très endettés. Je signalerai, à cet égard –pour répondre à l'un de nos collègues –, que l'annulation de la dette envers ces pays pauvres très endettés est tout de même un gain. En effet, soit ils ne remboursent plus cette somme, soit ils décident de poursuivre leur remboursement, moyennant quoi la France, dans le cadre du contrat de désendettement et de développement leur renvoie la somme remboursée par le biais de contrats de développement et de lutte contre la pauvreté. Le désendettement contribue, en conséquence, à la lutte contre la pauvreté et à l'assainissement des comptes publics. Il me semble donc que la France est engagée, à titre bilatéral, dans une bonne politique. Il est bien qu'elle procède conformément au sommet de Gleneagles et aux engagements pris par la communauté pour le désengagement de ces pays pauvres, auprès des institutions financières internationales dont le FAD, guichet concessionnel du Groupe de la Banque africaine de développement, fait partie.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Janquin

Nous pouvons convenir, avec Mme la rapporteure pour avis, de la justesse de la proposition qui nous est faite. Nous devrons tout de même nous donner rendez-vous en 2023 pour vérifier l'exécution de cet engagement.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi cette mesure est-elle présentée dans un amendement, alors qu'elle aurait dû figurer dans le projet de loi de finances relatif à l'aide publique au développement ?

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé du commerce extérieur

La demande du FAD est arrivée après le dépôt du projet de loi de finances. Voilà pourquoi nous sommes contraints de vous soumettre cette modification technique.

(L'amendement n° 447 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je mets aux voix les crédits de la mission « Aide publique au développement » inscrits à l'état B, modifiés par l'amendement n° 447 .

(Les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi modifiés, sont adoptés.)

Photo de Jean-Christophe Lagarde

Je mets aux voix les crédits du compte d'affectation spéciale « Engagement en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique » inscrits à l'état D.

(Les crédits du compte d'affectation spécial « Engagement en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique » sont adoptés.)

Photo de Jean-Christophe Lagarde

Je mets aux voix les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » inscrits à l'état D.

(Les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous avons terminé l'examen des crédits relatifs à l'aide publique au développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Prochaine séance, mardi 8 novembre 2011 à neuf heures trente :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2012 :

Action extérieure de l'État.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 8 novembre 2011, à zéro heure cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron