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Intervention de François Loncle

Réunion du 7 novembre 2011 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2012 — Aide publique au développement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Loncle :

Permettez-moi de trouver excellente l'initiative – une première sous cette législature – qui consiste à réunir les responsables de deux ministères qualifiés pour traiter de la coopération : le ministre chargé de la coopération et le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur. Je précise d'emblée que, si j'ai des critiques à formuler, votre action personnelle n'est pas en cause.

Nos deux rapporteurs et la plupart des collègues qui sont intervenus ont fort bien dit ce qu'il fallait sur ce budget de fin de législature. C'est pourquoi vous me pardonnerez de n'y rien ajouter, mais de tenter de formuler quelques souhaits dans la perspective du deuxième semestre 2012 – vous voyez ce que je veux dire : on ne sait jamais… Ces quelques souhaits concernent les relations entre notre pays et l'Afrique subsaharienne. Sous l'actuelle présidence, la France a poursuivi voire a accentué une politique africaine où se mêle sans cohérence l'aide au développement, l'exploitation des ressources minières et énergétiques, le soutien aux régimes autoritaires, la problématique des droits de l'homme, la reconnaissance des élections truquées, des interventions militaires parfois intempestives.

En même temps, la France se désintéresse de plus en plus de l'Afrique. Elle réduit ses programmes d'aide ou, en tout cas, les externalise, les privatise, les multilatéralise. La relation franco-africaine s'étiole. Une sorte de désamour s'est installée : d'un côté, la France semble s'éloigner, se replier ; de l'autre, l'Afrique éprouve du dépit, de la déception devant ce qu'elle perçoit comme un abandon.

La politique africaine de la France manque cruellement de cohérence, de lisibilité, de prospective. Pourtant, l'Afrique est le continent avec lequel la France a le plus en commun : la proximité géographique, l'héritage historique, la langue, le métissage des cultures et des peuples, des liens personnels étroits.

Il ne suffit pas de proclamer la rupture avec le passé, il faut la traduire dans les faits, les pratiques, les institutions. Une nouvelle politique africaine doit viser à établir une relation fondée sur l'égalité et le partenariat, qui concilie, d'un côté, la défense des intérêts français, notamment en ce qui concerne les approvisionnements énergétiques et en matières premières, et, de l'autre, le développement des pays africains.

Pour rendre lisible et visible la politique africaine de la France, il faut qu'elle s'incarne en un responsable clairement identifié et que s'éloignent véritablement les conseillers occultes, les officines. Il faut qu'elle perdure dans des structures stables, qu'elle soit publiquement approuvée et évaluée. Par conséquent, elle doit être soumise au contrôle du Parlement, qui est actuellement tout à fait insuffisant.

Ce contrôle parlementaire doit s'exercer de différentes manières. Premièrement, le ministre concerné aura l'obligation d'exposer chaque année les objectifs, les modalités et les résultats de la politique africaine de la France. Cette présentation sera suivie d'un débat en séance publique et sanctionnée par un vote.

Deuxièmement, le Parlement doit être davantage impliqué dans la gestion des affaires de défense. Il doit être informé des accords de défense et de coopération militaire conclus entre la France et les États africains ; il en examine le contenu et les ratifie. De la même manière, son accord – préalable de préférence – doit être requis pour toute intervention militaire. Il doit aussi être informé de la situation des bases militaires françaises.

Troisièmement, il convient d'instituer une commission interparlementaire composée de représentants de l'Assemblée nationale et du Parlement panafricain. Se réunissant à intervalles réguliers et susceptible d'être ouverte à des syndicalistes, des intellectuels et des acteurs de la société civile, cette commission est destinée à déterminer les attentes des uns et des autres et à formuler des propositions.

Sur le plan politique, la France doit apporter un soutien actif aux efforts de démocratisation, sans chercher toutefois à imposer un modèle souvent inapproprié. C'est à l'Afrique elle-même et à l'Union africaine en particulier de trouver les voies menant à la démocratie.

La nouvelle politique africaine de la France doit se fixer des priorités visant à établir une relation équilibrée, confiante et stable. Il s'agit de contribuer à instaurer un partenariat économique, à améliorer l'état sanitaire des populations africaines, à encadrer les flux migratoires, à favoriser la formation scolaire, universitaire et professionnelle, à intensifier les échanges culturels.

Loin de toute charité condescendante, l'aide au développement doit devenir l'un des axes principaux de la diplomatie française, avec pour ambition clairement affichée de favoriser le passage en Afrique d'une économie de captation, de prédation, de rente minière, pétrolière ou agricole, à une économie de production.

Les pays africains sont devenus des acteurs à part entière des relations internationales et des échanges mondiaux. Le commerce sino-africain représente déjà le double du commerce franco-africain. La France doit réagir d'urgence et inverser la tendance prise depuis plus d'une décennie, en augmentant le nombre de ses missions économiques qui a été imprudemment réduit, en amplifiant ses échanges avec le continent africain, en incitant ses entreprises à s'implanter sur le marché subsaharien en pleine expansion – je sais que vous vous y employez, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur –, en accroissant les investissements directs qui ne représentent que 4 % des investissements étrangers.

Il faut stopper le déclin de la présence culturelle française en Afrique, car le continent africain constitue une zone d'influence primordiale pour la France. L'action de la France doit principalement s'exercer sur place. Ainsi, le budget de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger doit être augmenté de façon substantielle afin de renforcer cet outil d'excellence qui gère en Afrique subsaharienne 105 lycées accueillant 34 000 élèves.

Une nouvelle Afrique émerge ; elle mérite une nouvelle politique. Que la France secoue enfin les pesanteurs du passé et se projette dans l'avenir, en établissant avec le continent africain des rapports de partenariat, de confiance, de fraternité. Il est temps, mes chers collègues, que la France mobilise ses partenaires européens qui le souhaitent pour s'engager résolument en faveur de l'Afrique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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