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Séance en hémicycle du 7 novembre 2011 à 16h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2012. (nos 3775, 3805)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement en application de l'article 58, alinéa 1, du règlement de notre assemblée.

Le Premier ministre a annoncé ce midi un nouveau plan d'austérité qui concernera sans nul doute le ministère de la culture. Or nous sommes ici rassemblés, comme si rien ne s'était passé, pour voter un budget dont on sait d'ores et déjà qu'il est caduc. C'est le Premier ministre lui-même qui l'a dit à tous les Français et Françaises.

Nous avions déjà dénoncé cette mascarade lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette situation n'est pas acceptable. Vous voulez nous faire plancher sur un texte dépassé.

Pour ce qui est de la culture, il y avait pourtant matière à débattre. Je m'apprêtais à dénoncer l'atteinte au pluralisme et à la démocratie que constitue la réforme des aides à la presse. Je m'apprêtais à réitérer mon soutien aux salariés des journaux menacés de fermeture. Je m'apprêtais à demander que l'on rapproche RFI de Radio France, France 24 de France Télévisions et que l'on rende sa liberté à TV5.

Mais la farce a assez duré. Il faut suspendre la séance et l'examen du budget dans son ensemble jusqu'à ce que soit présenté un texte sur une base réelle.

Aussi, au nom des députés communistes, républicains et citoyens, j'annonce que je ne prendrai pas part à ce débat, ni au vote, et j'appelle mes collègues à faire de même, afin d'assumer nos responsabilités face à nos compatriotes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous abordons l'examen des crédits relatifs aux médias, au livre et aux industries culturelles (no 3805, annexe 29, no 3806, tomes VI et VII, no 3808, tome VIII).

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ce dernier budget de la législature j'ai rédigé mon dixième rapport spécial sur les médias. Permettez-moi de renvoyer à mon rapport écrit pour le détail des données budgétaires et de réserver l'essentiel de mon intervention à l'analyse des réformes conduites pendant cette législature et aux questions que la législature nouvelle devra s'appliquer à régler.

Le financement des médias prévu dans le projet de loi de finances pour 2012 répond très précisément aux besoins du secteur pour trois raisons principales.

D'abord, l'augmentation de 2,1 % de la contribution à l'audiovisuel public rapportera 68 millions d'euros supplémentaires, passant de 3,222 milliards d'euros à 3,290 milliards d'euros.

Ensuite, le montant de certaines dépenses arrivant à leur terme s'élève à 187,6 millions d'euros : 105 millions pour la télévision numérique terrestre ; 39,3 millions pour les industries culturelles, avec la réalisation de la « carte musique jeune » et le transfert au Centre national du cinéma du financement d'organismes liés au cinéma ; 31,7 millions d'euros pour la presse qui est sortie comme prévu du plan triennal ; 11,6 millions d'euros pour la fin des investissements de constitution de l'Audiovisuel extérieur de la France.

En conséquence, il est possible de réduire de 11,41 % le montant de financement couvert par les crédits de paiement qui passent de 1,454 milliard d'euros à 1,288 milliard d'euros, soit une diminution de 166 millions d'euros.

Dans le domaine des médias, la législature 2007-2012 a été marquée par une volonté réformatrice sans précédent, bénéficiant de financements eux-mêmes exceptionnels. Jamais, peut-être, une législature n'aura réformé à ce point en profondeur et de façon concertée tous les secteurs des médias : audiovisuel hexagonal, audiovisuel extérieur, presse.

La réforme de France Télévisions a largement modifié le régime économique et l'organisation de la télévision publique : suppression progressive de la publicité ; constitution d'une entreprise unique regroupant les différentes antennes ; nouvelle ambition éditoriale ; mise en place d'un média global visant à adapter l'offre du service public télévisuel aux nouveaux modes de consommation et de diffusion numérique multisupports.

La réforme de l'audiovisuel extérieur a permis la création de la société holding Audiovisuel extérieur de la France qui détient désormais 100 % du capital de RFI et de France 24 ainsi que 49 % du capital de TV5 Monde – entreprise multilatérale comme chacun sait. Ce regroupement au sein d'un même ensemble des voix et de la vision de la France doit lui permettre de mieux rayonner encore à l'international.

Le basculement à la diffusion tout numérique sera achevé dans quelques jours, le 30 novembre, et la diffusion analogique cédera la place à la diffusion numérique sur l'ensemble du territoire. Je souhaite tout particulièrement saluer l'action résolue des pouvoirs publics et du GIP France Télé Numérique, présidé par notre ancien collègue Louis de Broissia, qui a permis un passage très réussi au tout numérique dans le délai record de deux ans.

N'oublions pas que la TNT permet aussi des économies appréciables de coût de diffusion – pardon de souligner ce point en qualité de membre de la commission des finances – surtout à la sortie d'une période de double diffusion.

Autre moment important de réforme, les états généraux de la presse écrite ont impulsé une dynamique majeure et probablement salvatrice pour le secteur. En permettant de poser un diagnostic partagé des problèmes structurels et conjoncturels de la presse, puis d'élaborer ensemble des remèdes, les états généraux ont favorisé l'émergence d'une vision partagée de l'avenir de la filière et de la manière de prendre les décisions attendues depuis longtemps.

Outre des mesures d'urgence – la revalorisation des dispositifs de soutien, le report du volet tarifaire des accords entre la presse et La Poste ou l'aide exceptionnelle aux diffuseurs – les pouvoirs publics ont pu mener une action résolue visant à refondre leur soutien pour favoriser l'émergence de la presse de demain.

C'est ainsi qu'ils ont soutenu le développement numérique de la presse, avec des aides dédiées telles que la mise en place du fonds d'aide au développement des services presse en ligne et la consécration du statut d'éditeur de presse en ligne.

Ils ont aussi encouragé la réforme de la distribution de la presse. Tout en préservant les principes essentiels de la loi Bichet de 1947, la loi du 21 juillet 2011 a créé l'Autorité de régulation de la distribution de la presse, au côté du Conseil supérieur des messageries de presse, lui-même rénové, permettant ainsi au secteur de disposer enfin des outils de décision – le mot n'est pas trop fort – pour mener à bien les réformes plus nécessaires que jamais.

Les pouvoirs publics ont aussi pris des mesures fortes en faveur de la diffusion. Le soutien massif au portage a permis de rééquilibrer les modes de distribution à l'instar de ce qui existe dans de nombreux autres pays. Mieux, du fait de la crise, cette aide au portage a aussi servi de ballon d'oxygène à de nombreux titres. Le soutien indispensable aux diffuseurs de presse leur a permis de survivre un peu moins mal en attendant que la profession puisse améliorer leur rémunération grâce, notamment, à la restructuration du niveau 2.

La réforme de la presse a amorcé celle de la gouvernance des aides. Elle a formalisé les nouvelles relations entre l'État et les professionnels, basée sur une logique de responsabilité qui va être plus clairement précisée. Elle a aussi encouragé les jeunes à lire la presse de manière régulière.

De plus, jamais une législature n'aura permis un financement aussi élevé de tous les secteurs des médias. Le financement de France Télévisions a été consolidé. Assuré à 85 % par l'État-actionnaire, ce financement a été dynamisé. La redevance est pérennisée grâce aux 100 millions d'euros d'économies réalisées chaque année sur les coûts de collecte, et elle est indexée, sous son nouveau nom de « contribution à l'audiovisuel public ».

Qu'il s'agisse du plan triennal pour la presse, de l'Audiovisuel extérieur de la France ou de la télévision numérique pour tous, ces financements exceptionnels ont apporté l'investissement initial nécessaire, ce qui permet désormais de dégager des économies.

Ceux qui seraient inquiets peuvent se rassurer : le travail ne manquera pas au cours de la prochaine législature ! Il va falloir tout simplement continuer à inventer un nouvel écosystème des médias à l'ère numérique. Vaste programme !

En matière d'aides à la presse, il faudra envisager de nouvelles étapes après la phase actuelle de ciblage plus précis et de contractualisation que je viens de décrire.

L'obtention d'un taux réduit de TVA de 2,1 % pour la presse en ligne n'a pas seulement pour objectif de rétablir une égalité de traitement avec la presse imprimée. Il s'agit avant tout de rendre abordable la presse en ligne à un plus large public, en réduisant son coût. Cette réduction du prix est particulièrement nécessaire face à la concurrence des contenus gratuits qui caractérise internet.

Le rééquilibrage des aides directes devra comporter une réduction de celles concernant la distribution et l'offre, et une augmentation de celles concernant la demande, notamment en matière de nouveaux contenus éditoriaux. Nous avons encore du chemin à faire sur ce plan.

Il faudra se poser la question de savoir si le soutien à la presse ne peut pas revêtir d'autres formes que les crédits budgétaires qui s'élèvent à 425 millions d'euros pour 2012. En effet, il existe des solutions qui accroissent l'indépendance de la presse par rapport au financement de l'État.

On pourrait imaginer que ce soutien de l'État passe par une baisse importante de la TVA sur la publicité, de façon à accroître les recettes des entreprises de presse sur cette ressource essentielle.

Pour être plus neutre – vis-à-vis de médias qui ont plus ou moins de publicité – l'État pourrait aussi choisir de supprimer la TVA sur la presse, imprimée comme en ligne. C'est la situation qui prévaut en Grande-Bretagne, où la TVA est au taux 0 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

… et de la transformation des 425 millions d'euros d'aides directes en d'autres formes d'aides à la presse. Ce n'est pas le principe d'une aide qui est en cause, mais il s'agit d'imaginer les moyens de rendre cette aide plus efficace – un objectif que nous ne pouvons que partager.

La distribution numérique sur tablette – ou moyen assimilé – est sûrement l'avenir de la presse écrite, étant donné que l'impression et la distribution représentent 60 % du coût d'un journal.

Les progrès considérables d'internet haut débit en France et du confort de lecture procuré par les terminaux avec notamment l'arrivée de la tablette tactile, vont inévitablement conduire à se poser une question stratégique sur l'emploi des 425 millions d'euros d'aide directe de l'État à la presse.

Est-il plus efficace de continuer à améliorer la gestion des aides actuelles – ce qui est nécessaire dans l'attente d'autres solutions – ou de placer cet argent sur la généralisation de la réception des contenus presse sur tablette ou autre terminal ? Il faudra se poser cette question qui peut paraître provocatrice pour le moment.

Cette économie d'une majorité des coûts de production de l'information écrite pourrait permettre d'abaisser le prix payé par le lecteur et donc de rendre plus effective l'accessibilité de tous à l'information de presse, ce qui est le but de l'intervention des pouvoirs publics. N'oublions pas qu'actuellement, la presse quotidienne française est l'une des plus chères du monde.

En matière de distribution de la presse, les états généraux ont créé les conditions propices pour mener à bien plusieurs chantiers : la réduction des frais généraux qui pénalisent le niveau 1, la mutualisation entre la presse quotidienne nationale et la presse quotidienne régionale pour optimiser le niveau 2 et l'amélioration de la rémunération des diffuseurs au niveau 3.

Il demeure une course de vitesse entre, d'un côté, la réalisation d'économies grâce aux réformes et, de l'autre côté, la baisse des ventes qui absorbe l'essentiel de ces économies. Pour faire face à cette baisse des volumes, il faudra mutualiser les moyens et redéfinir à terme la chaîne de valeur en faveur du niveau 3, les diffuseurs, qui sont le maillon vital d'accès aux lecteurs.

La plupart des règles régissant notre audiovisuel national sont à redéfinir face aux mutations numériques que la généralisation de la télévision connectée ne manquera pas d'accélérer.

Les nouveaux téléviseurs vont permettre d'accéder directement à internet, rendant encore plus aiguë la concurrence entre les types de consommation télévisuelle, « linéarisée » ou « délinéarisée ».

On peut s'interroger, en France comme partout dans le monde, sur l'avenir du modèle classique de chaîne de télévision. Quel rôle éditorial auront les chaînes de télévision classiques si le « télénaute » consomme à l'unité des contenus qu'il recherche à la carte sur internet ?

Quelle fonction d'intermédiaire pour ces chaînes alors que les géants de l'internet, comme Google, Apple, Facebook et autres, alors que les producteurs de programmes, les fabricants de téléviseurs et les fournisseurs d'accès à l'internet organisent déjà leur court-circuitage en proposant directement des contenus audiovisuels au télénaute ?

S'agissant de la TNT, il faudra consolider les rares nouveaux entrants restants que sont les groupes NextRadioTV et NRJ. Les capacités du marché publicitaire et le risque de disperser les moyens de financement actuels incitent à ne créer que quelques nouvelles chaînes de vrai complément et surtout pas de nouvelles chaînes « mini-généralistes ».

Il est à craindre que les décisions sur la radio numérique terrestre et la télévision mobile personnelle ne continuent de se heurter à l'absence de modèle économique justifiant d'investir dans de nouveaux réseaux au moment où la France doit massivement investir pour le très haut débit.

La convergence numérique, qui prend un nouvel essor avec l'arrivée de la télévision connectée, posera encore plus fortement la question de la régulation future.

Se pose d'abord la question des objectifs de l'intervention de l'État. L'un des objectifs majeurs de l'État est d'assurer le pluralisme dans les médias et la liberté d'expression de toutes les sensibilités. Il faudra trancher la question du niveau auquel il est encore utile, dans le monde foisonnant du numérique, que l'État apporte un financement pour assurer le pluralisme des sources d'information.

Se pose ensuite la question des règles applicables. Il va nous falloir renoncer à un certain nombre de nos lignes Maginot et redéfinir les règles applicables pour atteindre les objectifs que la France veut faire valoir dans le monde numérique. Il en est ainsi des actuelles règles anti-concentration et des obligations de production audiovisuelle. Il faudra aussi se demander comment maintenir certaines interdictions qui doivent être respectées par la télévision classique alors qu'elles ne s'appliquent pas à la télévision connectée et aux SMAD.

Pour maintenir les investissements nécessaires dans la création, les diffuseurs auront besoin de disposer plus largement des droits de diffusion sur tous les supports. L'absence, pour les sociétés audiovisuelles françaises, de propriété des droits aboutit au paradoxe suivant : les sociétés de production françaises se vendent à des sociétés étrangères alors que ce sont les sociétés audiovisuelles françaises qui financent les productions.

Alors que les chaînes de télévision traditionnelles entrent dans une ère d'incertitude avec la télévision connectée et la délinéarisation des contenus, il faut faire financer par tous les utilisateurs de contenus la production dont le financement repose actuellement sur les obligations et les taxes supportées par les seules chaînes de télévision historiques.

Enfin, la nouvelle régulation devra combiner les différents outils de la régulation, de la co-régulation et de l'auto-régulation à l'oeuvre sur l'internet. Dans ce cadre devra être examinée la question d'un éventuel regroupement des autorités de régulation.

Personne n'en a jamais douté, mais il y a du pain sur la planche pour la prochaine législature! Comme au long de la présente législature, il faudra une volonté réformatrice permanente des pouvoirs publics et de la profession pour continuer d'inventer l'écosystème des médias de l'ère numérique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation pour l'audiovisuel et les avances à l'audiovisuel public.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je le dis sans détour : le bilan des réformes de l'audiovisuel public est globalement affligeant.

S'agissant de France Télévisions, la suppression de la publicité n'a eu aucun effet bénéfique, bien au contraire. L'impact sur l'audience, sur les programmes, sur le rajeunissement du public est nul, sinon très négatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Le seul effet positif était, jusqu'à présent, l'avancement des horaires des programmes de soirée ; or ils commencent de plus en plus tard, malgré la charte adoptée par France Télévisions. Ne disposant que d'un temps limité, je ne vous abreuverai pas de chiffres, mais vous les trouverez dans mon rapport.

Comme la plupart des Français, monsieur le ministre, je suis déçue par notre télévision publique et son évolution. Les médias de tous bords ont fait une analyse critique des grilles ; je n'y reviendrai pas.

J'avais souligné dans mon précédent rapport que, comme toutes les télévisions publiques européennes, France Télévisions se devait de prévoir une chaîne dédiée aux enfants ; ce devait être le rôle de France 4. J'étais soutenue par les députés de l'UMP. Las, rien n'a changé et la moyenne d'âge des téléspectateurs de France 4, qui cible les jeunes, est maintenant de quarante-quatre ans. Comment expliquer, monsieur le ministre, que le nouveau contrat d'objectifs et de moyens soit passé à côté de cette belle ambition qui aurait vraiment permis de rajeunir l'audience et de donner une identité forte au service public ?

Le nouveau financement, qui devait renforcer le groupe, se traduit au contraire par un recul inquiétant de son indépendance financière, comme en témoignent – nous le verrons peut-être tout à l'heure – les initiatives de nos collègues Patrice Martin-Lalande et Gilles Carrez et le débat que nous avons désormais chaque année sur la réduction que doit subir la dotation budgétaire de France Télévisions. Si nos collègues de la commission des finances cherchent désespérément à dégager des ressources pour l'État, je leur suggère bien volontiers de revenir sur la suppression de la publicité, en faveur de laquelle ils ont voté, plutôt que de mettre le service public dans l'incapacité d'accomplir sa mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Je leur rappelle également que la suppression de la publicité est en partie financée par un creusement du déficit et que la taxe télécoms mise en place est une véritable bombe à retardement pour les finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Il y a, comme vous le savez, de très fortes chances que l'Union européenne nous oblige à rembourser plus d'un milliard d'euros aux opérateurs de télécoms. Expliquons cela très clairement aux Français et demandons-leur s'ils sont vraiment satisfaits, dans ces conditions, de la suppression de la publicité.

Compte tenu de tous ces éléments, que vous n'ignorez d'ailleurs pas, je vous le demande également, monsieur le ministre : dressez-vous toujours un bilan positif de la suppression de la publicité et, si c'est le cas, sur quels critères ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

La suppression de la publicité est plébiscitée par les Français !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

S'agissant de l'Audiovisuel extérieur de la France, sur le fond, j'ai, comme M. Mathus, fait part de mes interrogations sur deux points : le projet de fusion entre France 24 et RFI, et l'avenir de TV5 Monde au sein de l'AEF. J'ai beaucoup été vilipendée pour cela, mais peut-être est-ce là le sort des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Il me semble, monsieur Herbillon, que vous n'êtes pas rapporteur, mais peut-être me trompé-je.

J'ai préconisé une réflexion sur un rapprochement avec France Télévisions. M. de Pouzilhac affirme que ce rapprochement n'a aucun sens. Il me semble au contraire que les synergies pourraient être substantielles, et d'autres députés de toutes tendances partagent ce point de vue. Je rappelle que le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions réaffirme comme priorité le renforcement de son rôle à l'international.

M. Rémy Pflimlin avait souligné, devant la mission d'information sur l'AEF, le rôle capital de France Télévisions en Algérie et en Tunisie, notamment pendant le printemps arabe. M. de Pouzilhac, entendu jeudi dernier par la mission, a affirmé, lui, qu'il n'y avait, dans les études d'audience dont il dispose, aucune trace de France Télévisions dans ces pays. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, lequel des deux ne dit pas la vérité ?

Au-delà des scandales à répétition qui, hélas, ont plus fait parler d'eux que les succès d'audience de France 24, je pense que nous ne pouvons plus tolérer, en tant que représentants de la Nation, l'absence illégale de contrat d'objectifs et de moyens et le tissu de mensonges que constituent la communication de la direction sur la situation financière et les résultats de l'entreprise. Je ne donnerai pas une liste exhaustive des justifications avancées successivement par la direction pour expliquer l'absence de COM, mais ce fut d'abord l'intégration difficile des sociétés de l'AEF, puis la nécessité d'un retour préalable à l'équilibre de RFI, puis le statut particulier de TV5, etc.

En 2011, il est apparu que la direction avait en réalité menti sur les perspectives financières de l'AEF, obligeant l'État, qui lui avait accordé une confiance aveugle et des crédits, à demander à l'Inspection générale des finances de l'éclairer. Dans une interview récemment accordée aux Échos en réponse à mon rapport qu'il conteste en se fondant, soit dit en passant, sur des chiffres qui n'y figurent pas, M. de Pouzilhac fait valoir qu'en 2009 et 2010, toutes les sociétés de l'audiovisuel extérieur ont été à l'équilibre financier et le seront encore en 2011, et ce sans que l'État ait ajouté un centime. Cette communication vous paraît-elle honnête, monsieur le ministre, alors que l'équilibre financier, vous le savez comme moi, n'aurait pas été atteint sans une augmentation très forte des crédits publics ?

Surtout, monsieur le ministre, je souhaite insister sur le fait que, lors de son audition, M. de Pouzilhac s'est lui-même mis en cause, en indiquant que l'IGF l'accusait de truquer certains chiffres. Le rapport publié aujourd'hui par celle-ci fait également état de graves irrégularités : l'absence de transmission de certains contrats au contrôle général économique et financier ; l'absence de mise en concurrence de prestataires préalablement à l'attribution de certains marchés pourtant soumis à obligation de mise en concurrence ; l'absence de contrat à l'appui de prestations ayant fait l'objet de paiements.

Je ne demande pas, comme d'aucuns l'ont prétendu pour faire un mot, la tête de M. de Pouzilhac. En tant que députée, pour le service public et pour l'image de la France, je souhaite, comme vous, je le sais, monsieur le ministre, que l'AEF bénéficie de ce qu'il y a de mieux en termes de pilotage. Je vous demande donc de me dire si, compte tenu de ces éléments, vous réaffirmez votre entière confiance à M. Alain de Pouzilhac. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Michel Françaix, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation pour la presse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

Monsieur le président, monsieur le ministre, alors que l'État consacre 1,2 milliard d'euros au soutien à la presse, et après trois ans d'un effort financier important, que constate-t-on ? La question n'est pas de savoir si l'on donne plus, mais si l'on donne mieux.

Force est de constater que la diffusion des titres les plus aidés est en recul et que l'avenir de plusieurs titres – La Tribune, France Soir, L'Indépendant, Midi libre, Centre Presse, Paris Normandie et même la presse gratuite du groupe Comareg –, comme celui de Presstalis, n'apparaît plus assuré.

La situation des diffuseurs, dont l'amélioration était l'un des objectifs principaux, n'a jamais été aussi mauvaise. Le réseau des points de vente, dont on annonçait le développement, n'a jamais été aussi mauvais.

Si cette situation résulte en partie de la crise économique et du développement d'internet, je reste convaincu qu'elle serait meilleure si les crédits consacrés à la presse avaient été mieux ciblés. Partant d'un bon diagnostic, on a appliqué un mauvais traitement ou, à tout le moins, fait un très mauvais dosage, car les aides sont tellement intégrées au modèle économique qu'augmenter les aides a souvent été aggraver la maladie.

Je vous suggère, monsieur le ministre, de changer de schéma.

Le Président de la République, lors des États généraux de la presse écrite, a fait du développement de la presse sur le numérique une priorité. Mais peut-on parler de priorité alors que l'aide à la presse en ligne n'atteint pas vingt millions d'euros sur près de 1,2 milliard d'euros d'aides et que la presse en ligne est toujours pénalisée par un taux de TVA de 19,6 % ? Le Président avait très justement présenté le portage comme l'avenir de la distribution de la presse. Comment expliquer alors que ce soit l'aide au portage qui serve de variable d'ajustement en 2012, passant de 68 à 45 millions d'euros alors qu'on continue de financer l'aide postale à la hauteur de plus de 200 millions d'euros ? Je rappelle pour mémoire que près de la moitié de l'avantage tarifaire postal demeure attribuée à des titres de presse récréative, dont 20 % pour huit magazines consacrés à la télévision. À eux seuls, ils bénéficient de 53 millions d'euros d'avantage tarifaire, soit un montant largement supérieur aux aides à la modernisation. L'an dernier, j'ai eu l'occasion de montrer le scandale qu'a constitué le mauvais calibrage du plan de soutien au portage, et c'est au moment où nos remarques ont été prises en compte, au moment où le portage décolle et a besoin d'être accompagné que l'effort est réduit ! C'est incompréhensible.

Une autre priorité affichée était de cibler davantage l'effort financier sur les titres d'information politique générale. Or que voit-on ? La presse magazine obtient 35 % des aides, et la presse quotidienne nationale 15 %. Il vaut mieux s'appeler Voici et appartenir à la presse récréative que s'appeler Libé, La Croix ou L'Humanité !

Alors que les constats alarmants sur l'inefficacité globale du système et, singulièrement, sur son absence de ciblage établis par le rapport Cardoso appelaient une action de grande ampleur, la réforme des aides à la presse ne porte que sur quelque trente millions d'euros d'aides, alors que leur montant total est de plus d'un milliard, et se limite à une mesure cosmétique. La montagne a accouché d'une souris !

Des mesures d'amélioration de la gouvernance des aides sont annoncées, dont on peut tout de même satisfaire, non sans s'étonner que « procéder à des évaluations régulières de l'efficacité et de la pertinence des aides » et rendre publics les montants attribués à chaque bénéficiaire n'aille pas de soi depuis longtemps. Ah, secret des affaires, quand tu nous tiens !

Avec les mêmes aides, nous pouvons faire mieux, monsieur le ministre. Oui, la presse nationale mérite plus que 15 % des aides. Oui, il faut faire davantage pour la formation des journalistes. Oui, la presse numérique doit être aidée davantage. Oui, l'amélioration des contenus doit être prise en compte dans les aides. Oui, le portage, oui, les journaux qui ont un code déontologique ou une charte, malgré l'échec de la commission Frappat, méritent une aide plus importante. Oui, le système coopératif doit être préservé, car, sachez-le bien, c'est la seule justification des aides à la presse magazine : pourquoi ces aides seraient-elles attribuées au profit d'un lecteur qui ne serait plus un lecteur citoyen mais un lecteur consommateur ? Aider tout le monde, c'est n'aider personne. Les aides sont justes quand elles sont inégalitaires.

J'en viens à la réforme de la gouvernance de l'AFP.

S'agissant de la clarification des relations financières entre l'État et l'agence, il s'agit de sécuriser juridiquement et financièrement celle-ci.

Le conseil d'administration doit évoluer pour sortir du tête-à-tête entre le PDG et les syndicats.

S'il est clairement souhaitable que la part des représentants des clients soit réduite, il n'est pas souhaitable que le rapport évolue nettement en faveur des représentants de l'État.

Je suis également favorable à un allongement de la durée des mandats des membres du conseil supérieur, du conseil d'administration et du président-directeur général. L'AFP a besoin de stabilité.

On peut considérer que la réflexion n'est pas suffisamment mûre pour une réforme de statut. Cependant, un éventuel projet de réforme du statut, si tant est que son utilité et sa nécessité soient clairement démontrées, ne doit pas être partisan mais doit résulter d'un compromis entre toutes les forces politiques de la nation, comme le statut de 1957 qui avait rassemblé François Mitterrand, alors ministre de la communication, Jacques Chaban-Delmas et Jean Marin, représentant du mouvement gaulliste.

À l'heure d'Internet, il est difficile d'être une agence car Internet n'a pas besoin de validation et l'on se demande parfois si les Français demandent une validation des informations qu'ils reçoivent.

L'AFP ne doit pas être une officine de communiqués, comme le souhaitait M. Lefebvre. L'AFP n'est pas la voix officielle de la France mais l'une des voix par lesquelles la France peut faire entendre ses valeurs au-delà de ses frontières. L'AFP n'est pas seulement un regard économique, c'est un regard alternatif par rapport aux autres agences.

Monsieur le ministre, l'indépendance est la conjugaison de la transparence et de l'autonomie. Nous avons, tous ensemble, du travail à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l'action audiovisuelle extérieure.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, balayer en cinq minutes le bilan d'une législature pour l'AEF est un exercice assez sportif mais je vais m'y essayer.

Au terme de cette législature, on reste frappé par le considérable gâchis que constitue la gestion de l'Audiovisuel extérieur de la France au cours de ces dernières années.

Il est vrai que France 24 était mal née dès 2003, lorsque le Président de la République de l'époque fit le choix pour le moins incongru de refuser toutes les préconisations des parlementaires et des professionnels en créant un attelage improbable entre France Télévisions et TF1 pour complaire au groupe Bouygues.

Malheureusement, la suite ne fut pas plus convaincante. La création ex nihilo d'une chaîne d'information en continu à vocation internationale, au moment même où le pouvoir refusait la création de la chaîne TNT « tout info » du service public, fut une erreur de conception et de calendrier. L'heure n'était d'ailleurs déjà sans doute plus à l'émergence d'un format de breaking news, à l'instar de CNN ou d'Al Jazeera.

Le rapport Benamou en 2007, partant d'une idée simple et somme toute peu contestable, le rapprochement de tous les outils internationaux de l'audiovisuel extérieur, devait aboutir à une série d'erreurs d'appréciation et de maladresses qui n'ont fait qu'aggraver la situation.

Le choix des dirigeants, répondant à des critères partisans et circonstanciels, achevait de compromettre cet édifice.

Dans quel pays peut-on ainsi confier le destin de l'audiovisuel extérieur à un publicitaire dont la seule compétence éminente dans le domaine était sa connivence forte avec le chef de l'État de l'époque, en le doublant d'une directrice générale elle-même compagne du ministre des affaires étrangères ?

Avec la démission de Jean Lesieur, il y a quinze jours, considéré pourtant comme le plus proche des soutiens du PDG, France 24 aura connu cinq directeurs de l'information en quatre ans !

Le rapport de l'Inspection générale des finances remis au Premier ministre apporte un éclairage assez cru sur les conséquences du pilotage à la godille de l'AEF et souligne notamment des versements exceptionnels de l'État à hauteur de 100 millions d'euros sur la période 2009-2011 et l'incapacité à alimenter les ressources propres prévues par les budgets successifs. L'IGF dénonce de manière pudique une « zone d'incertitude budgétaire » pour 2011-2013 de 55 millions d'euros. On note, par ailleurs, que 10 millions d'euros ont été consacrés à des indemnisations de cadres supérieurs de France 24, pour l'essentiel, compte tenu du turn over effréné qui a sévi dans cette entreprise. Et je ne parle pas des opérations acrobatiques mentionnées tout à l'heure par Martine Martinel…

Aujourd'hui, en l'absence de toute perspective éditoriale compréhensible et lisible, la fusion de RFI et France 24 semble être le seul but, tournant même à l'obsession, du Gouvernement et de la direction de l'AEF.

Au final, le gâchis est spectaculaire et le fiasco total.

Je veux passer en revue très rapidement les trois piliers de l'AEF.

D'abord, France 24. Si le lancement du canal en langue arabe a été une heureuse initiative et une belle opportunité de calendrier avec le déclenchement du printemps arabe, il n'en reste pas moins que l'on peine à voir la trace de l'influence de France 24 à l'échelle internationale.

Très mal distribuée, absente de continents entiers, la chaîne n'a pas, à ce jour, trouvé son identité. Les succès d'audience revendiqués à grands sons de clairons par la direction de l'AEF relèvent d'une politique de communication certes audacieuse mais sans fondement. Tous les indicateurs confirment au contraire le caractère confidentiel de la chaîne.

L'IGF s'interroge d'ailleurs dans son rapport sur la nécessité de persister dans une politique coûteuse d'amélioration de la distribution de la chaîne, considérant qu'il n'est plus temps et que le canal Internet est désormais prédominant.

Ensuite, RFI. Marque reconnue, la radio généraliste bénéficie d'un crédit considérable en Afrique et dans d'autres parties du monde. Elle fait partie du tout petit nombre de radios internationales reconnues à l'échelle de la planète, aux côtés notamment de BBC World Service et de Voice of America.

RFI a été éprouvée par le plus grand conflit de l'histoire de l'audiovisuel public et, affaiblie par un plan de sauvegarde de l'emploi qui a éliminé un quart de ses effectifs, elle a été ramenée à un format critique pour le nombre de langues quand on la compare à ses concurrents. La perspective de la fusion revient pour elle à dilapider son crédit et sa notoriété pour une aventure incertaine.

Si des synergies, voire des fusions, sont possibles, en particulier au niveau des fonctions supports, fusionner les rédactions d'une radio généraliste et d'une télévision d'info en continu n'a guère de sens.

Enfin, TV5 Monde, qui est l'oubliée de l'AEF. Il n'y a aujourd'hui d'intérêt ni pour TV5 Monde ni pour l'AEF à ce que TV5 Monde soit dans ce dispositif.

Par contre, il est singulier que TV5 Monde soit coupée de France Télévisions, qui fournit pourtant 40 % de ses programmes, quand tous les partenaires francophones sont présents dans TV5 Monde par le biais de leurs télévisions publiques nationales.

Au-delà des errements du pilotage de l'AEF, au-delà des fautes commises dans la mobilisation des personnels, au-delà des dérapages budgétaires, il manque d'abord à l'AEF une vision, un cap éditorial, une cohérence des contenus lui apportant le crédit qui lui fait défaut aujourd'hui malgré l'excellent travail effectué au quotidien par les équipes de RFI et de France 24.

La construction même de l'édifice AEF mérite d'être repensée et rééquilibrée. L'AEF n'a pas d'avenir dans sa formule actuelle et la fusion de RFI et France 24, marginalisant encore plus TV5 Monde, sans synergies avec les considérables ressources de l'audiovisuel public, ne peut déboucher que sur un échec.

C'est à ces questions que nous réfléchissons dans la mission conjointe de la commission des affaires culturelles et de la commission des affaires étrangères qui déposera ses conclusions dans quelques semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Durand

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'évoquerai pas tous les sujets de ce vaste budget, déjà soigneusement analysé par mes collègues qui m'ont précédé à cette tribune.

Je concentrerai mon intervention sur deux sujets : la presse écrite et l'audiovisuel public, son contenu et son financement au travers de la redevance.

Après une année 2010 marquée par un vaste débat sur l'opportunité de procéder à la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions en journée, l'année 2011 s'est concentrée sur de nouveaux enjeux.

Le premier de ces enjeux est la survie de la presse écrite dans notre pays.

Les crédits destinés à la presse en 2012 tiennent compte de la fin de l'effort exceptionnel de l'État mis en place, pour trois ans, à la suite des états généraux de la presse.

2012 sera l'année de la mise en oeuvre de la réforme des aides directes à la presse. Il s'agira ainsi de faire fructifier les bénéfices générés par les états généraux de la presse, selon trois principes directeurs : le renforcement de la gouvernance, l'évaluation et la transparence.

La presse française traverse une zone de turbulences où elle joue sa survie.

De plus, l'évolution qui était déjà en cours aux États-Unis, avec le choix fait par certains quotidiens d'un transfert sur le numérique, se produit désormais chez nous, avec l'exemple de France Soir.

Pour le Nouveau Centre, face aux deux scénarios qui s'annoncent, soit une réinvention de l'imprimé en complémentarité avec les applications numériques, soit un transfert des contenus et moyens sur les médias numériques, la préférence va au maintien d'une presse écrite forte, pluraliste et indépendante.

Cela peut passer par des mesures que certains considéreront peut-être comme drastiques. Pourquoi ne pas réinsérer le pluralisme, par exemple, en imposant des seuils anti-concentration très élevés dans les médias ?

Cela fait longtemps que le centre a proposé une loi anti-concentration interdisant aux groupes vivant des commandes publiques de posséder des parts prépondérantes dans des entreprises de médias.

Il est du rôle de l'État d'accompagner les mutations de ce secteur et de soutenir une presse pluraliste, dans le cadre d'une gouvernance rénovée.

Je voudrais maintenant évoquer le sujet de l'audiovisuel public. Nous avions obtenu, l'an dernier, en particulier grâce au travail de notre collègue sénatrice du Nouveau Centre Catherine Morin-Desailly, que la publicité diurne sur France Télévisions soit supprimée à partir du 1er janvier 2016.

Aujourd'hui, le secteur de l'audiovisuel public est inquiet par rapport à son financement, qui est double – redevance et publicité. Je rappelle que la redevance audio-visuelle, indexée sur le coût de la vie, est toujours inférieure à la moyenne.

Dans le but d'élargir l'assiette du prélèvement de la redevance, le Nouveau Centre avait, par la voix de mon collègue Jean Dionis du Séjour, proposé en 2008 une extension de la redevance, en assujettissant les abonnés triple play qui ont un écran sans tuner, c'est-à-dire grosso modo un écran d'ordinateur, qui aujourd'hui ne paient pas de redevance, à une taxe qui serait fixée à la moitié du montant de la redevance.

Cette disposition concernant tout écran capable de recevoir la télévision est déjà inscrite dans le code général des impôts, mais non appliquée.

L'autre question qui se pose aujourd'hui est celle du contenu des programmes sur l'audiovisuel public.

Je vous rappelle que la suppression de la publicité après vingt heures s'était accompagnée d'une refonte du cahier des charges prônant un nouvel engagement culturel.

Or, depuis plusieurs mois, nous pointons le manque de lisibilité des politiques de programmation entre les chaînes, les remplacements rapides des directeurs et surtout l'affadissement des programmes.

Il manque une ligne claire : où va le service public ?

Des émissions de télé-réalité ont-elles leur place sur un service public censé en faire plus pour la culture ?

Nous sommes convaincus, au Nouveau Centre, que la télévision de service public, libérée des contraintes liées à la publicité, peut se défaire aussi des contraintes du marketing, de l'audimat et du jeunisme.

Rémy Pflimlin, le 31 août, a promis de « créer du lien » et de « l'imaginaire collectif ». Les parlementaires attendent effectivement qu'il tienne ses promesses.

Un mot pour finir sur l'avenir de la politique culturelle. Le développement d'Internet, sa démocratisation, associés à la dématérialisation des contenus et des produits culturels, transforment le rapport qu'entretiennent les publics à la culture.

Pour le Nouveau Centre, le rôle de l'État doit être d'encourager de nouveaux liens entre productions matérielles et immatérielles, de faciliter l'émergence de nouveaux modèles économiques, de réguler les flux financiers entre producteurs de contenus et fournisseurs d'accès, ainsi que de protéger les auteurs et les ayants droit.

Il s'agit de permettre à la culture de se réapproprier les techniques nouvelles qui risquent de la mettre en péril, et surtout de faciliter l'accès du plus grand nombre aux contenus culturels, en particulier dans les structures scolaires.

C'est à cette condition que la culture et les médias seront des vecteurs de partage et d'échange. C'est dans cet esprit que le groupe Nouveau Centre entend apporter son soutien à ce projet de budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Notre rendez-vous de cet après midi est prospectif mais cela ne nous interdit pas d'envisager 2012, malgré les contraintes budgétaires, avec un optimisme que l'on a peu retrouvé dans les propos de plusieurs de nos rapporteurs, que j'ai trouvés un peu sévères,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

…mais c'est la règle de ce jeu.

Nous travaillons sur 2012 dans un climat de réformes voulues par le Président de la République. La révolution copernicienne demandée à notre audiovisuel public n'était pas mince puisqu'il s'est agi de transformer un groupe multiforme en une entreprise unique, de conjuguer les forces de chacune des chaînes et de mettre enfin en commun des fonctions partagées et optimisées, ce que nous appelions de nos voeux. Engagée par l'équipe de Patrick de Carolis, cette réforme est poursuivie sereinement avec celle de Rémy Pfimlin mais la mise en commun des forces et des moyens n'est pas encore aboutie, la clarification de l'identité de chaque chaîne ayant besoin d'être poursuivie.

Mais il n'empêche, le fameux « virage éditorial » qui permet d'offrir une offre culturelle plus forte a été négocié. Non seulement l'offre culturelle est élargie, mais encore cet élargissement bénéficie à la création d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises.

Il ressort des différents rapports comme des discussions que nous avons eues au sein de la commission des affaires culturelles qu'il reste à mieux définir le statut même de France 3 qui affronte le bouleversement du paysage audiovisuel. Peut-elle demeurer cette chaîne un peu hybride entre ses fonctions nationales et son exigence régionale ? Sur ce point, on peut considérer que la réforme n'a pas encore porté tous ses fruits.

Et que dire de France 4 dont on se souvient qu'elle devait être une chaîne culturelle, ludique, innovante ? Certes, on nous dit qu'elle a progressé en audience mais à un rythme équivalent à celui d'une chaîne de la TNT, sans que l'on parvienne à définir le vrai rôle qu'elle est destinée à jouer dans l'entreprise France Télévisions. On est là dans le temps des recadrages ; ils sont nécessaires et l'équipe dirigeante de France Télévisions en a conscience.

Un mot des audiences. Elles ont fléchi, la belle affaire ! Nous sommes passés de six à dix-huit chaînes, comment n'y aurait-il pas une érosion au bénéfice des nouvelles venues, au sein desquelles les premières à s'en réjouir peuvent être nos chaînes parlementaires qui ont vu leur audience croître formidablement, nous nous en réjouissons.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

L'audiovisuel public, toutes chaînes confondues, c'est encore près de 31 % de parts d'audience. C'est donc une véritable task force culturelle qui, même assiégée et c'est normal, résiste bien et peut s'offrir le luxe, n'étant plus soumise à une contrainte publicitaire permanente, de proposer des soirées innovantes, surprenantes sans quête permanente d'audimat. Et cette task force sert la création puisque le groupe représente à lui seul 52 % de la commande de fictions.

Un dernier mot sur la publicité : monsieur le ministre, je vous crois comme nous défenseur de l'idée selon laquelle le maintien de la publicité de jour doit s'envisager pour toujours – avec ce que ce mot peut avoir d'aléatoire en politique – et ne pas être soumis à la menace d'une épée que nos collègues sénateurs ont un peu imprudemment placée au-dessus de la tête de l'audiovisuel public à l'horizon 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Vous pouvez compter sur notre soutien pour obtenir cette sorte d'éternité de la loi, quitte, s'il le faut, à enfourcher une monture législative.

Plus complexe à traiter pour nous tous est la situation de l'audiovisuel extérieur et j'ai bien entendu ce qu'a dit à cet égard notre excellent collègue Didier Mathus. Dire que la situation est complexe est une litote. La France ne peut se passer d'un outil ambitieux de transmission de son regard, de sa parole, de sa vision sur l'actualité du monde.

Nous arrivons fin 2011 avec plus d'interrogations que de certitudes car des questions essentielles se posent encore, notamment sur l'organisation et sur la gouvernance du pôle AEF dans son ensemble. Je me garderai de tenter d'y répondre ici car je veux respecter le calendrier des travaux de notre mission d'information qui prévoit que Didier Mathus et moi-même présenterons à la fin du mois des préconisations au nom de la commission des affaires culturelles.

Mais je dois quand même dire dès maintenant la nécessité d'apaiser le débat, de repenser l'organisation, en remettant en perspective des chaînes comme TV5, comme Euronews, pourquoi pas comme Arte, dont on peut attendre d'autres missions que celles qu'elle exerce fort bien pour le moment, et comme le pôle international de France Télévisions. C'est à cela que notre mission s'attache.

Quelques réflexions sur le passage à la TNT et sur l'offre nouvelle qui est proposée à tous les Français. Pourquoi bouder notre plaisir ? À la fin de cet automne, comme l'engagement en avait été pris, l'ensemble du territoire sera passé à la TV tout numérique et le soutien de l'État aura été sans faille pour éviter qu'il y ait des naufragés du numérique. Le Gouvernement aura ainsi investi près de 300 millions d'euros sur trois ans pour s'assurer de la pleine réussite de ce projet, faisant porter l'effort sur l'accompagnement des catégories sociales les plus fragiles et des foyers résidant dans des zones non couvertes. Ce succès du déploiement de la TNT s'appuie sur des acteurs qui ont oeuvré de façon remarquable. Ils en sont remerciés par l'accueil que les téléspectateurs français ont réservé à cette montée en puissance de l'offre télévisuelle gratuite.

En matière de presse écrite, j'entends bien ce que dit notre rapporteur et spécialiste, Michel Françaix. Mais peut-on reprocher à l'État, au terme d'états généraux qui lui ont permis d'entendre les revendications de la profession, de répondre à celles qui ont porté sur le déploiement des aides ? Peut-on réellement penser que la situation est si manichéenne que l'État s'engagerait à soutenir une presse en difficulté sans tenir compte d'une situation nouvelle exceptionnelle crée par la lecture des journaux virtuels ? Que l'exemple du gratuit Paru Vendu, qui n'a pas été capable de s'adapter, nous serve de révélateur et alimente une réflexion à long terme : que sera la presse à l'horizon 2020 ? Qui lira quoi ? Sur quel support ? C'est cela la prospective !

La dernière observation que je formulerai au nom de notre groupe s'adressera au rapporteur spécial et au rapporteur général de la commission des finances. Confrontés aux difficultés financières du moment, tous deux incitent à l'économie et à la solidarité. Je veux leur dire au nom de notre groupe combien nous respectons leur difficile travail. Je veux aussi leur dire, au nom de notre groupe mais aussi de la commission des affaires culturelles, combien nous apprécions leur volonté de dialogue.

Mais je veux aussi leur redire pourquoi nous pensons qu'il est difficile de demander des efforts complémentaires à France Télévisions. Cela tient à deux raisons essentielles. La première est que France Télévisions sort d'une période dure de réforme profonde, avec un remodelage complet, peut-être sans précédent, du périmètre audiovisuel national et mondial. Elle a donc besoin d'un signal fort de son actionnaire unique qui ne peut pas lui demander de faire sans cesse plus d'efforts tout en restant plus performant. La seconde raison tient à des considérations de calendrier institutionnel. Voilà une entreprise désormais unique, qui prépare longuement, sérieusement, un contrat d'objectifs et de moyens (COM), qui y travaille notamment avec la représentation nationale, qui le fait adouber ici et au Sénat. Et voici que, quelques semaines seulement après qu'il a été soumis au conseil d'administration de France Télévisions, nous le remettrions en cause…

Alors, monsieur le rapporteur spécial, si vous devez solliciter la solidarité de France Télévisions, faites-le, dans des proportions qui ne remettent pas en cause l'équilibre de ce COM.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Je veux enfin rappeler que le secteur audiovisuel dans son ensemble est soumis à trois bouleversements fondamentaux : mutations technologiques très rapides, évolution de la demande des consommateurs et concentration du secteur. Ces évolutions déséquilibrent les modèles économiques des acteurs de l'image.

Nous devons trouver de nouveaux équilibres ; faire en sorte que les acteurs plus petits puissent continuer à vivre face aux plus grands ; éviter une hausse des prix des droits ; valoriser notre formidable patrimoine audiovisuel ; continuer à moderniser nos équipements. Nous savons que vous y oeuvrez, monsieur le ministre, c'est ce qui autorise le groupe UMP à voter les crédits que vous nous présentez. (Applaudissements sur de nombreux bancs).

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

La discussion de ce dernier projet de loi de finances de la législature est pour nous, au-delà de l'analyse des crédits des médias pour 2012, l'occasion rêvée de revenir sur la politique menée ces cinq dernières années par le Gouvernement en ce domaine. Car l'heure du bilan approche et, en matière de politique audiovisuelle, en ce qui concerne tant la loi de 2008 créant Audiovisuel extérieur de la France que celle de 2009 visant à réformer France Télévisions, le constat est édifiant.

Est-il nécessaire d'en rajouter sur AEF ? Les rapports de nos collègues Martine Martinel et Didier Mathus sont éloquents. Au-delà des rallonges budgétaires généreusement octroyées année après année – jusqu'à 100 millions d'euros découvre-t-on aujourd'hui – le spectacle ridicule résultant de problèmes récurrents de gouvernance auquel nous assistons depuis des mois se suffit sans doute à lui-même. Ce feuilleton pourrait être risible si pendant ce temps M. de Pouzilhac n'avait pas mis un coup d'accélérateur aux réformes contestables qu'il a engagées à la hussarde.

Nous regrettons ainsi tout particulièrement que, contrairement aux recommandations faites par la mission parlementaire sur AEF, aucun moratoire sur les décisions en cours n'ait été décidé. Pire, la démission récente de Jean Lesieur, quatrième rédacteur en chef depuis 2008, illustre parfaitement le malaise interne. La fusion se fait dans les pires conditions pour les salariés de RFI, dont le déménagement est volontairement précipité, comme pour ceux de France 24.

Malgré les démissions à répétition et le vote récent d'une motion de défiance, seul M. de Pouzilhac pense encore qu'il faut maintenir le cap. Cette obstination est d'autant plus inquiétante que le rayonnement international de la France est en jeu.

Nous considérons de fait qu'il faut revenir sur cette fusion et étudier avec intérêt l'idée d'un adossement partiel ou total d'AEF à France Télévisions afin de donner une perspective dynamique à France 24 et à RFI.

Nous tenons également à rappeler notre attachement à la place singulière qu'occupe TV5 Monde. Son rôle particulier au service de la francophonie doit être plus que jamais sanctuarisé.

En ce qui concerne France Télévisions la situation est elle aussi préoccupante. J'ai déjà eu l'occasion de dire au sein de la commission des affaires culturelles que nous considérons le COM 2011-2015 comme insincère car fondé sur des prévisions de recettes publicitaires volontairement et artificiellement gonflées, ce qui mettra, de fait, le service public en difficultés à très court terme.

Ajoutons à cela le mauvais coup qui se prépare visant à systématiquement « raboter » les surplus et les recettes publicitaires dynamiques du groupe et nous avons tous les ingrédients d'une catastrophe annoncée. En écoutant à l'instant Christian Kert, je me demandais s'il y aurait une majorité dans cet hémicycle pour voter les mauvais amendements de nos collègues Carrez et Martin-Lalande…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Avec la suppression de la publicité en soirée, France Télévisions a déjà vu ses marges de manoeuvre restreintes. Il n'est pas de bonne politique de soumettre le groupe à cette pression supplémentaire.

En outre, dans le rapport que l'État actionnaire entretient avec France Télévisions, il aurait été tout à fait possible d'assurer un fléchage intelligent d'un éventuel surplus, pour l'affecter, par exemple, au développement du numérique. En effet, dans le COM – le contrat d'objectifs et de moyens – établi pour la période 2011-2015, les sommes mobilisées en sa faveur sont largement insuffisantes, compte tenu, non seulement de l'enjeu, mais aussi du retard accumulé par France Télévisions, notamment en matière de télévision de rattrapage. Aucune décision n'est malheureusement envisagée en ce sens.

Et pourtant, l'audiovisuel public devrait pouvoir disposer des ressources nécessaires pour affronter la concurrence de la TNT, qui représente 38 % de l'audience, et de celle d'internet. Alors que les opérateurs privés tels que Canal +, TF1 et M6 s'arment pour résister à Google TV, Apple TV ou Netflix, l'audiovisuel public, l'arme au pied, en est réduit pour sa part à constater, semaine après semaine, sa baisse d'audience et son manque de marge de manoeuvre.

Cette fragilisation du service public de l'audiovisuel par le Gouvernement n'est pas nouvelle tant, répétons-le, la mise sous double dépendance politique et budgétaire de France Télévisions a d'ores et déjà été un obstacle à son repositionnement et à sa dynamisation ces dernières années. La capacité du Gouvernement à systématiquement prendre les mauvaises directions nous inquiète fortement.

J'en veux pour preuve le lancement, le 18 octobre dernier, sans aucune réflexion stratégique sur la place du service public au sein d'un paysage audiovisuel en plein bouleversement, d'un appel d'offres pour six nouvelles chaînes de la TNT. Celui-ci intervient dans un contexte de crise économique et financière qui ne peut que contribuer à la morosité du marché publicitaire.

Cette initiative inopinée vise sans doute à faire oublier un échec gouvernemental, un de plus : la condamnation par Bruxelles comme non conforme aux règles communautaires, de l'attribution, à la veille de l'élection présidentielle de 2007, de nouvelles chaînes dites "bonus" à TF1, M6 et Canal +, que notre groupe avait d'ailleurs combattue à l'époque.

Cette décision intervient dans un contexte tendu, où Canal + a d'ores et déjà annoncé son intention d'installer, sur la nouvelle fréquence que pourrait lui attribuer le CSA, une chaîne gratuite, ce que ses concurrents les plus directs ont vécu comme une provocation, amenant même le Gouvernement à envisager de faire un arrêté dit « technique » conditionnant la création de nouvelles chaînes à la généralisation d'une nouvelle norme de compression plus performante, afin de repousser ainsi l'échéance d'un an, voire de deux.

On connaît la suite.

Cette stratégie d'empêchement aura été de courte durée puisque Canal + a finalement racheté Direct Star et Direct 8 au groupe Bolloré, bouleversant ainsi le paysage audiovisuel français.

Le lancement de ces six chaînes constitue-t-il donc une séance de rattrapage devant le CSA pour ceux qui s'estiment dépossédés de leurs chaînes bonus ? Si l'arrivée de six nouvelles chaînes gratuites constitue une bonne nouvelle pour le téléspectateur, les conditions précipitées de leur lancement sont évidemment suspectes d'arrière-pensées électorales. N'eût-il pas été plutôt utile de prendre un peu de temps et de définir en amont les perspectives poursuivies ? Rappelons ainsi que la TNT avait pour objectif initial de créer une diversité de chaînes et d'acteurs.

Or on assiste, au fil des ans, à sa colonisation rampante par les chaînes historiques privées, et ceux que l'on appelait les nouveaux entrants sont aujourd'hui réduits à peau de chagrin. De fait, le moment aurait pu être opportunément choisi pour se poser la question de l'éventuelle création de nouvelles obligations pour les chaînes rachetées par ces grands groupes privés déjà en place.

Dans une période préélectorale, par ailleurs faite d'incertitudes sur les normes techniques et sur la conjoncture économique et, qui plus est, de grande incertitude sur les recompositions à l'oeuvre au sein du secteur, il faut créer un réel cadre de réflexion, associant tous les acteurs concernés, afin d'élaborer une politique globale et, surtout, cohérente.

Cela est d'autant plus nécessaire que l'avenir du financement de la création dans notre pays reste incertain. Je rappelle que, dans le domaine de l'audiovisuel et du cinéma, le financement des oeuvres repose sur deux piliers essentiels : d'une part, un dispositif fiscal, des prélèvements étant réalisés sur les recettes des diffuseurs et affectés à un compte de soutien géré par le CNC – le Centre national du cinéma et de l'image animée ; d'autre part, un dispositif réglementaire comportant des obligations de financement et de diffusion à la charge des chaînes de télévision.

Or le contexte difficile que nous venons d'évoquer et alors même que nous assistons à la multiplication des écrans et au développement de la télévision connectée qui amène les acteurs dits over the top, comme Apple ou Google, à s'organiser, vous venez d'ouvrir un nouveau front. En effet, le plafonnement global des ressources du CNC introduit par le Gouvernement à hauteur de 700 millions d'euros au bénéfice du budget de l'État – pour le surplus de 70 millions d'euros – comporte, je le répète une nouvelle fois ici, un fort risque de déstabilisation de tout notre système d'aides au cinéma et à la production audiovisuelle par les autorités communautaires. Quand l'édifice global tangue à cause d'un pilier mal arrimé, il est préférable de consolider le deuxième pilier plutôt que de le fragiliser à son tour en espérant que, par chance, il ne s'effondrera pas.

De la même manière, en continuant à financer, à hauteur de 11 millions d'euros en 2012, la HADOPI qui ne rapporte pas un euro à la création, et faute de réfléchir à de nouveaux modes de rémunération du droit d'auteur à l'ère numérique, vous vous entêtez à passer à côté des vrais enjeux. Nous aurons attendu vainement le leurre appelé HADOPI 3, censé apporter des solutions nouvelles.

Par contre, tant en ce qui concerne la HADOPI et sa désormais célèbre Emma Leprince que la carte Musique jeune, que personne ne veut acquérir, mais à laquelle vous vous accrochez comme un naufragé à son radeau, les dépenses affectées à des campagnes de communication désespérées connaissent une croissance exponentielle. Les montants ainsi engagés pourraient sans nul doute être bien plus utilement dépensés. Mais on connaît la grande disponibilité de l'actuel gouvernement pour remplir les carnets de commandes des agences de communication comme des instituts de sondage.

Cette fragilisation s'est aussi récemment traduite par l'annonce précipitée de la création d'un Centre national de la musique. Son éventuel financement sur des fonds précédemment dévolus au CNC n'a fait que nous inquiéter un peu plus. Il est en effet toujours de mauvaise politique de déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Loin de donner des perspectives, de proposer une vision, d'aider les acteurs du secteur à mieux s'organiser et à anticiper les évolutions à venir, le Gouvernement navigue à vue, en prenant des décisions dont le seul objectif est d'obtenir des résultats à très court terme. Il faut avouer que le terme approche à grands pas…

Nous connaissons malheureusement d'ores et déjà les conséquences de ces choix décidés à la va-vite : j'en veux pour preuve la bombe à retardement budgétaire – déjà évoquée par Martine Martinel – constituée par la taxe télécoms, créée précipitamment par le Gouvernement pour compenser le manque à gagner publicitaire de France Télévisions.

La procédure engagée à Bruxelles conduira très certainement la France à devoir rembourser plus de un milliard d'euros fin 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Avant de conclure, comment ne pas remercier Michel Françaix pour son rapport dynamique qui a, entre autres choses, bien mis en perspective les enjeux de la presse face à la révolution numérique. Je regrette vivement que n'ait pas été adopté l'amendement dont il était le premier cosignataire – Patrice Martin-Lalande ayant déposé un amendement comparable, comme quoi notre collègue ne dépose pas que de mauvais amendements ! – pour aligner le taux de la TVA sur la presse en ligne sur celui de la presse papier, soit à hauteur de 2,1 %. Les explications de la ministre du budget, Mme Valérie Pécresse, mériteraient d'ailleurs d'être relues tant elles sont savoureuses, si l'avenir de la presse dans notre pays n'était pas aussi sombre. Je laisserai à mon collègue Marcel Rogemont le soin de revenir plus longuement sur les questions relatives à la presse.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Mes chers collègues, je ne vous surprendrai pas en vous confirmant que si le suffrage universel nous en offre l'opportunité dans six mois, nous aurons à coeur de revenir sur les mauvaises lois de 2008 et de 2009.

Naturellement, il s'agira d'abord pour nous de modifier très rapidement le mode de nomination des trois présidents de l'audiovisuel public. Mais au-delà, il n'est que temps de reconstruire dans notre pays une politique audiovisuelle cohérente et ambitieuse où pluralisme, indépendance et diversité culturelle ne seront pas de vains mots. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget dédié en 2012 aux médias, au livre, aux industries culturelles et à l'ensemble de l'audiovisuel public est un budget qui a du sens, car il s'inscrit durant ce quinquennat dans une démarche constante de soutien à tous ces secteurs, qui sont aujourd'hui en pleine mutation, afin de les aider à se réformer et se moderniser. Je tiens à saluer la volonté de l'État de poursuivre cet effort l'an prochain, malgré les difficultés budgétaires actuelles.

Cela est vrai pour la presse. Même si, l'an prochain, les crédits dédiés à celle-ci baisseront, après trois années d'un effort budgétaire exceptionnel dans la foulée des états généraux de la presse, il n'en demeure pas moins que le montant des aides restera à un niveau historiquement élevé.

C'est d'ailleurs un effort absolument vital si l'on veut préserver le pluralisme, car, malgré un soutien budgétaire sans précédent, la presse souffre. Le défi que revêt pour elle l'avènement du numérique est en particulier considérable. Je souhaite à nouveau vous indiquer, monsieur le ministre, notre volonté de faire progresser, malgré les obstacles du droit européen, la question de l'application du taux de TVA réduit à la presse en ligne, à l'instar de ce qui existe pour la presse papier.

Je tiens également à saluer une série d'initiatives qui seront mises en place l'an prochain, je pense particulièrement au Fonds stratégique pour le développement de la presse et à la Conférence nationale des éditeurs de presse. En revanche, je regrette la réduction, l'an prochain, de l'aide au portage, une mesure qui devrait, au contraire, être développée dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Pour ce qui est de la politique en faveur du livre, nous connaissons, monsieur le ministre, votre volonté de poursuivre une politique ambitieuse en faveur de ce secteur. Mais je partage votre préoccupation quant aux risques qu'encourent les librairies face au développement du livre numérique, des liseuses et autres tablettes numériques. Il faut d'ores et déjà travailler et réfléchir avec les professionnels du secteur aux mesures d'adaptation nécessaires pour sauvegarder les réseaux de librairies indépendantes et les librairies de quartier.

J'en viens, monsieur le ministre, à la question de l'audiovisuel public. Je commencerai tout d'abord par un motif de satisfaction. Il s'agit du succès de l'opération de basculement au tout numérique. C'était une opération complexe et lourde à mener pour laquelle les pouvoirs publics ont consacré des moyens importants, notamment pour aider les publics les plus fragiles à ce saut technologique. Le passage à la TNT a été une grande réussite et il convient de s'en réjouir.

Concernant France Télévisions, je tiens à souligner que le groupe a besoin avant tout, aujourd'hui, de stabilité et de visibilité pour mettre en oeuvre l'ensemble des missions de service public qui lui sont attribuées.

Pour cela, je crois qu'il faut, d'une part, cesser de remettre systématiquement en cause, comme le font certains dans l'opposition, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques après vingt heures. C'est une mesure appréciée des Français et je m'étonne que l'opposition, qui a été durant des années le chantre de cette suppression, la pourfende désormais.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Oui, c'est faux ! Nous n'avons jamais dit cela ! Ce n'est pas parce que vous répétez des choses fausses qu'elles sont vraies !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

La stabilité et la visibilité pour France Télévisions, c'est, d'autre part, monsieur le ministre, le respect du contrat d'objectifs et de moyens 2011-2015 que l'État vient de signer avec France Télévisions, avec un niveau de ressources qui correspond aux obligations imposées aux chaînes de service public.

Le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions a fait l'objet de longues négociations. Il vient à peine d'être approuvé par notre commission et par le conseil d'administration de l'entreprise. Je le dis à nos collègues de la commission des finances, France Télévisions n'est pas un opérateur culturel comme un autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

C'est une entreprise confrontée à une âpre concurrence dans un environnement en mutation forte. C'est une entreprise confrontée à la mise en oeuvre d'une réforme interne ambitieuse. Je pense que nous ne pouvons pas remettre en cause ses ressources sans réajuster ses objectifs, sauf à mettre en cause le principe même du contrat d'objectifs et de moyens dont l'encre est à peine sèche.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Concernant l'audiovisuel extérieur de la France, même si une grande partie de la réforme lancée en 2008 a été menée à bien et a porté ses fruits, il n'en demeure pas moins que, pour achever cette réforme, bien des sujets doivent encore être réglés, chers collègues rapporteurs, dans un climat désormais plus apaisé.

Je pense à la nécessité d'aboutir, enfin, à la concrétisation du contrat d'objectifs et de moyens…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

…à la fusion de RFI et de France 24 ou aux synergies à développer entre l'Audiovisuel extérieur de la France et TV5 Monde. Je m'étonne du rapport à charge, du rapport au vitriol et des conclusions définitives de nos collègues rapporteurs, Martine Martinel et Didier Mathus (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), alors qu'une mission d'information conjointe à nos deux commissions n'a pas encore terminé ses travaux…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Cela fait quatre mois sans qu'il ne se passe rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

…et que cette mission me paraît être l'instance idoine pour faire des propositions utiles, si possible consensuelles, afin de constituer le véritable pôle de l'Audiovisuel extérieur de la France que nous souhaitons tous sur tous les bancs de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, tout d'abord, à saluer les excellents rapports de mes excellents collègues, en l'occurrence Michel Françaix et Martine Martinel.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

On croirait que c'est M. Herbillon qui parle ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Tout à fait ! Sans reprendre l'ensemble des éléments qu'ils ont porté à notre connaissance, je voudrais vous faire part de mes inquiétudes sur un certain nombre de sujets. « Jamais autant d'argent n'avait été consacré à la presse », voici les termes de vos propos, monsieur le ministre, s'agissant du bilan des états généraux de la presse. Mais, alors qu'elle n'a jamais bénéficié d'autant d'argent public, la presse ne s'est jamais portée aussi mal ! On peut s'interroger sur le bilan des états généraux de la presse, je pourrais même parler, puisqu'il y a tant d'argent, des « états généreux de la presse ». Considérant le secteur, aujourd'hui, qu'en est-il ? Le désenchantement est au rendez-vous, comme le montre la situation de nombreux quotidiens. Entre 2008 et 2010, les quotidiens français ont vu leurs effectifs diminuer de 6 %, soit 1 500 postes en moins. À eux seuls, les quotidiens régionaux ont perdu 1 000 CDI en trois ans. Parmi les titres les plus touchés, Le Monde et Le Figaro ont mis en place des plans de départs volontaires en 2008 portant respectivement sur 130 et soixante et onze salariés. La presse se trouve donc dans une situation dramatique. Peut-on s'interroger alors sur cet argent ? Michel Françaix appelait de ses voeux que l'on dépense mieux, puisqu'il y a davantage d'argent. Le ciblage des aides devrait être au rendez-vous. Que penser, par exemple, d'une presse magazine récréative qui bénéficie de 35 % de l'effort public quand la presse quotidienne nationale d'information politique générale ne profite que de 15 % du total de la contribution publique ? Que penser, Michel Françaix le rappelait, des 53 millions d'avantage tarifaire postal dont bénéficient les magazines télévisés, alors que le total des aides à la modernisation sociale de la presse représente 50 millions d'euros ? Que penser aussi des aides directes attribuées à La Poste pour distribuer de façon quasi exclusive la presse magazine et professionnelle ? Que penser, enfin, de la diminution des crédits en faveur du portage – 68 millions l'an passé, 45 millions cette année – en dépit de sa faiblesse structurelle ? Le portage était pourtant et devrait toujours être une priorité. Alors pourquoi baisser les crédits ? Je rappelle que le portage ne représente que 19 % de la distribution de la presse quotidienne dans notre pays, alors qu'il atteint 88 % de la distribution des quotidiens aux Pays-Bas, 60 % en Allemagne et 50 % aux États-Unis ? Que de désillusions ! Est-ce cela une réforme de « grande ampleur » ? Qu'en est-il du ciblage des aides à la presse sur les titres qui en ont le plus besoin, cette presse qui s'adresse au lecteur citoyen et non au lecteur consommateur ? Si l'on veut préparer l'avenir, que penser, à l'ère numérique, de la part des aides à l'investissement qui n'atteint pas un quart des aides ? Que penser d'une presse d'information politique et générale en ligne qui se voit appliquer un taux de TVA de 19,6 % alors que le magazine Voici bénéficie du taux super réduit de 2,1 % ? Pour relever les défis de demain, la presse a besoin des aides publiques correspondant au service public rendu. Elles doivent donc être ciblées et conditionnées à l'engagement des éditeurs sur une stratégie globale et pluriannuelle de redressement et d'adaptation, assortie d'engagements volontaires qui marquent l'utilité d'un service public de la presse.

À l'heure des contraintes budgétaires, une transparence dans l'attribution des fonds publics est indispensable. Nous avons besoin d'une politique transparente, responsable et mieux ciblée surtout dans cette période de désenchantement.

Le dépôt, à la sauvette, sans aucune concertation, d'un texte visant à réformer le statut de l'Agence France-Presse et le fait de laisser les salariés, les techniciens et les journalistes dans l'incertitude nourrissent le désenchantement. Oui, face au risque de contentieux communautaire, la question du financement de l'Agence France-Presse doit être réglée. Il s'agit d'identifier, là aussi, plus clairement la mission d'intérêt général de l'Agence, afin de justifier le versement de crédits publics. Nous attendons, monsieur le ministre, des actes, tant les termes de la réforme et son calendrier sont imprécis. Action, transparence, clarté nous intéressent !

Je pense aussi à la TVA à taux réduit sur l'ensemble des biens culturels, que le Président de la République et vous appelez de vos voeux. Vous avez d'ailleurs missionné M. Jacques Toubon pour suivre les démarches européennes que le Gouvernement peut entreprendre. Mais, voilà que Mme Valérie Pécresse remet en cause votre volontarisme et vos engagements ! Elle a, en effet, laissé entendre que la presse en ligne n'était qu'un service et non une information utile à la nation. Ces contradictions nous interpellent. Nous appelons de nos voeux une position : la vôtre ! Comment définissez-vous un bien culturel ? Qu'est devenu le principe de neutralité fiscale ? Le Gouvernement souhaite-t-il favoriser le développement de la presse en ligne ? Quelles actions entendez-vous entreprendre à Bruxelles ? Le législateur sait parfois passer outre l'obstacle communautaire. Je pense au livre numérique. Pourquoi ne pas faire preuve d'un même volontarisme ? Est-on d'ailleurs assuré de l'applicabilité d'une fiscalité réduite sur le livre numérique à compter du 1er janvier prochain ? Il semblerait, en effet, que la quasi-totalité des États membres – Allemagne et pays Scandinaves en tête – soient défavorables au passage à une TVA à 5,5 % pour le livre numérique. Or, face à la concurrence des grands agrégateurs de contenus comme Apple, qui procèdent à des taxations substantielles sur les transactions, – près de 30 % – il est indispensable que notre législation soit appliquée et que l'État tienne sa parole, qu'il nous rassure et qu'il rassure la chaîne du livre. En effet, en l'absence de négociations concluantes, la France s'expose à une mise en demeure de la part de Bruxelles si elle décide d'appliquer la baisse de la TVA début 2012. Qui paierait, dans ce cas, le remboursement du différentiel de TVA ? Nous en parlions tout à l'heure, s'agissant de France Télévisions. Cela incomberait-il aux éditeurs ? Je m'interroge sur la situation du livre, après l'adoption, le 21 octobre dernier, de l'amendement n° 431 . Le plafonnement de la taxe affectée au Centre national du Livre aboutit, en fait, à un détournement du fondement même de la taxe. C'est un peu comme si vous mettiez en place un impôt sur une politique fructueuse qui a donné des résultats sensibles sur la chaîne du livre. Les incertitudes du budget commandent ce type de décision. Elles commandent une improvisation, donc une inconséquence, car elles mettent en cause un dispositif fructueux. Pourtant, le livre se trouve, aujourd'hui, dans une situation paradoxale et dangereuse. Que penser, par exemple, des accords signés par Flammarion avec Amazon et Apple, des accords passés par La Martinière ou Hachette Livre avec Google ? Les détails de ces accords ne nous sont pas fournis, mais on peut constater que plusieurs éditeurs ont mis fin à leur poursuite contre Google pour contrefaçon. Dans quelles conditions ? Nous l'ignorons ! Que penser de ces mêmes géants de l'internet basés au Luxembourg et qui bénéficient d'une exonération de TVA pour la vente des livres numériques en France ? Si la situation est appelée à changer en 2015 sur l'internet, trois ans pour le livre deviennent une éternité. Que penser encore d'Amazon qui se veut désormais éditeur ? La société publiera, en effet, cet automne, aux États-Unis, 122 livres en version papier et en version électronique. Celle-ci pourrait, à terme, transformer le marché du livre, comme l'a fait Apple, via Itunes, l'Ipod et l'Iphone, pour la musique ? Que penser d'Amazon, toujours, qui, avec ses e-book disponibles sur sa liseuse Kindle,affiche un « prix conseillé de l'éditeur », puis « le prix Kindle », constituant là une violation flagrante de l'esprit de la loi sur le prix unique du livre ? Enfin, que penser de la situation des libraires qui voient leurs éditeurs s'allier avec les géants de l'internet ? Les initiatives de ces libraires se multiplient et on ne peut que les féliciter. Mais les librairies de quartier, les plus vulnérables, ne sont-elles pas dépassées par cette situation ? Une pétition lancée par Bibliosurf, librairie en ligne de polars, pointe ainsi les difficultés à survivre face aux multinationales. Le premier grief vise le nouvel algorithme de Google, « Google Panda », conçu pour donner des résultats plus pertinents aux recherches et qui a fait tomber le trafic de Bibliosurf de plus de 40 % en septembre. Je citerai un autre grief : l'inégalité fiscale entre les acteurs. Car, on le voit, ce sont bien, aujourd'hui, les nouvelles méthodes des géants de l'internet, de même que les inégalités fiscales, qui font courir de sérieux dangers au secteur du livre. Nous appelons votre attention sur ce point, monsieur le ministre, mais je pense que vous le savez. Nous attendons, de votre part, action et diligence sur un secteur dont la survie est loin d'être assurée. Les incertitudes, oui c'est bien là le fil conducteur de notre difficulté à voter vos crédits, dont on se demande ce qu'ils sont, puisque sans cesse remis en cause.

Concernant France Télévisions et l'amendement qui plafonne ses recettes, je reprendrai, car je les accepte, les propos de Michel Herbillon : « un contrat, c'est un contrat ». Or, si on le remet immédiatement en cause, ce n'est plus un contrat. Le contrat lie l'État et France Télévisions qui, pour mener sa mission, doit avoir l'assurance d'obtenir des crédits de l'État, sans qu'ils soient sans cesse redéfinis. Ainsi, les réformes qui ont touché l'audiovisuel public n'ont-elles, comme conséquence, qu'une plus grande incertitude sur le fonctionnement de l'entreprise France Télévisions, ce qui est bien dommage. La compensation de la suppression de la publicité en journée pèse sur les financements publics et le moratoire jusqu'à fin 2015, voté dans la loi de finances de 2011, maintient France Télévisions et sa régie publicitaire dans une situation d'incertitude totale, s'agissant de leur avenir et du modèle économique. N'est-il pas opportun, considérant les difficultés budgétaires, de revenir sur cette incertitude et d'en finir avec la volonté de supprimer totalement la publicité sur France Télévisions ? Je veux dire à mon collègue Michel Herbillon que nous avons sans cesse, en tant que socialistes, demandé à ce qu'il y ait une chaîne jeunesse sans publicité, parce qu'il nous paraît fondamental que les enfants puissent regarder la télévision sans être des objets de consommation. C'est là que se pose le vrai problème.

L'absence de visibilité sur le financement de l'audiovisuel n'est pas sérieuse. Je fais partie de la mission sur l'audiovisuel extérieur de l'État. De 1987 à 1997, nous avons eu près de dix-neuf rapports sur l'audiovisuel extérieur de l'État, qui n'ont abouti à rien. En 2002, les conclusions d'une mission parlementaire ont été mises sous le boisseau et on a créé une société en lien avec TF1 et France Télévisions. Cette société n'a rien donné. TF1 a revendu ses parts en 2008, opération financière extrêmement juteuse, sur de l'argent public. Il y a de quoi s'interroger.

Bref, se pose vraiment aujourd'hui la question de la simplification de l'audiovisuel extérieur de l'État. Je propose que France 24 soit adossée à France Télévisions et RFI à Radio France. Arrêtons le massacre, arrêtons ces décisions qui n'entraînent qu'incertitude et désenchantement. C'est donc bien à une rationalisation de l'audiovisuel extérieur de l'État que vont mes voeux, et je souhaite qu'ils soient pris en compte. France Télévisions développe un service international. La France a-t-elle les moyens de financer à la fois France 24 et le secteur international de France Télévisions ? M. Réveillon nous a expliqué toute l'utilité de son travail sur France Télévisions. Une bonne partie de l'information de France 24 vient des bases de données de France Télévisions.

C'est une vraie question et l'on pourrait engager une vraie réforme. J'espère qu'à la fin de la mission, nous parviendrons à une telle conclusion.

Je ne reprends pas les propos de Patrick Bloche sur le CNC. La remarque que je faisais pour le centre national du livre vaut pour le CNC. Il ne faut pas qu'après avoir pris en compte des dépenses budgétaires qui étaient du ressort du budget général, il en vienne à financer le budget général. Il y a là un vrai problème.

La faillite du budget de la France ne doit pas avoir pour conséquence la destruction de ce qui a permis à notre pays d'avoir une politique culturelle forte, et c'est pourquoi nous serons attentifs au débat. Nous préparons un autre avenir pour la presse, le livre, le CNC, France Télévisions, l'audiovisuel extérieur de l'État. Bref, nous voulons redonner un avenir à ce secteur, le réenchanter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du caractère très complet et très précis des rapports de Martine Martinel, Patrice Martin-Lalande, Michel Françaix et Didier Mathus, qui viennent de nous être présentés, et des excellentes interventions des orateurs du groupe socialiste qui m'ont précédée à la tribune, je comptais concentrer mes cinq minutes de temps de parole à l'intenable injonction paradoxale à laquelle est soumis le groupe France Télévisions.

C'est ce que je ferai pour l'essentiel, monsieur le ministre, avec cependant un point supplémentaire qui m'est dicté par l'actualité, une actualité que personne ne pouvait anticiper, mais que personne ne peut non plus éluder, parce qu'elle concerne un fondement de notre démocratie : la liberté d'expression, la liberté de la presse. Je veux parler de la situation dramatique de Charlie Hebdo, victime d'un incendie criminel il y a moins d'une semaine, dans la nuit de mardi à mercredi, incendie qui a ravagé l'outil de travail de la rédaction de l'hebdomadaire et qui s'est par ailleurs accompagné d'une attaque contre son site internet puis contre celui du quotidien qui, avec honneur et courage, avait choisi d'héberger sa rédaction : Libération.

Je suis convaincue qu'il y a une unanimité sur tous nos bancs pour condamner ces attaques et exprimer notre soutien à Charlie Hebdo, mais, dans la vie publique, comme en poésie, il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. Or, aux termes de notre constitution et de notre règlement, nul autre que vous ne peut en cet instant transformer en preuve les déclarations d'amour à la liberté de création, à la liberté d'expression et à la liberté de conscience qui s'entendent ici ou là.

Je vous le demande donc solennellement au nom de tous les députés présents, en tout cas de tous les députés socialistes, proposez un amendement au programme 180 relatif aux aides à la presse pour venir très rapidement en aide financièrement à Charlie Hebdo. Il n'y a que vous qui puissiez le faire et je suis convaincu que tout le monde ici vous suivra. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J'en viens à ce que je caractérise comme une intenable injonction paradoxale pour France Télévisions.

Martine Martinel le décrit fort bien dans son rapport, Patrick Bloche et Marcel Rogemont sont revenus sur ce point, ce que certains demandent à France Télévisions est intenable ou, plus exactement, ce n'est tenable qu'au détriment de la quantité et de la qualité des missions de service public qu'assume France Télévisions.

Réduire à la fois la ressource publique et le bénéfice des recettes publicitaires du groupe, c'est renoncer au rôle central que joue France Télévisions dans le soutien à la création et à la production audiovisuelles en France.

Que l'on me comprenne bien, je ne parle pas seulement du produit fini diffusé sur France Télévisions, que l'on peut plus ou moins apprécier selon ses goûts, même si ce qui est diffusé actuellement, déclinaison de décisions prises il y a bien longtemps avec une autre gouvernance, me paraît de très grande qualité. Je parle du risque que certains de nos collègues font prendre à tout un secteur de l'économie.

Patrick Bloche a parlé du CNC et du plafonnement qui aura des conséquences très graves. Pour France Télévisions, le contrat d'objectifs et de moyens pour 2012 prévoit 420 millions d'euros pour la création audiovisuelle et 60 millions pour la création cinématographique. France Télévisions, c'est 54 % de la production audiovisuelle nationale, 48 % pour le documentaire, 42 % pour l'animation, 55 % pour le spectacle vivant. Veut-on vraiment déstabiliser un secteur fragile dans lequel la France marque pourtant des points à l'échelle internationale ? Alors même que M. Martin-Lalande vient encore de souligner les enjeux du numérique, veut-on stopper l'effort considérable de comblement du retard accompli dans ce domaine stratégique par le groupe France Télévisions ? Ou est-ce l'engagement légitime pris en matière d'accessibilité des programmes aux personnes aveugles ou mal voyantes que certains sont prêts à sacrifier ?

Je rappelle que la ressource publique allouée à France Télévisions pour 2012 comme pour les exercices suivants couverts par le nouveau contrat d'objectifs et de moyens a été calculée dans un contexte un peu moins sinistré, pour ne pas dire sur des bases insincères, et que, même dans ce contexte plus favorable, la dotation était proportionnellement moins élevée que celle allouée à d'autres acteurs de l'audiovisuel public comme Radio France ou ARTE.

Aujourd'hui, on révise partout à la baisse les perspectives de croissance et de développement. Nous ne vous demandons pas d'augmenter la dotation publique à France Télévisions, nous vous demandons tout simplement de laisser au groupe le bénéfice d'un très hypothétique excédent publicitaire, dont la répartition par objectif inscrit dans le contrat d'objectifs et de moyens pourrait être négociée entre l'État et le groupe, et de renoncer en tout état de cause à la perspective d'une disparition totale de ressources publicitaires en 2016.

Les députés du groupe SRC attendent un engagement clair de l'autorité de tutelle que vous représentez, monsieur le ministre. Ce sont donc deux engagements que nous attendons de vous ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, mesdames, messieurs, je réponds tout de suite à Mme Mazetier, que je suis tout à fait ouvert à toutes les procédures permettant de venir au secours de Charlie Hebdo. Que ses journalistes viennent me voir, je les attends. Je leur ai laissé des messages, ils ne m'ont pas répondu. Ils savent qu'ils seront très bien reçus dans ce ministère. Comme beaucoup d'entre vous, au cours mon adolescence et de ma jeunesse, lire Hara-Kiri puis Charlie Hebdo m'apportait espoirs et amusement.

Le projet de budget pour 2012 pour les médias, le livre et les industries culturelles que j'ai le plaisir de vous présenter se veut réaliste et à même d'accompagner les objectifs du secteur.

Après l'effort budgétaire exceptionnel pour le passage au tout numérique réalisé en 2010 et 2011, les crédits destinés aux médias, au livre et aux industries culturelles sont stables, à 4,6 milliards d'euros. Il s'agit ainsi d'accompagner plusieurs chantiers majeurs, comme la réforme des aides à la presse, les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et d'ARTE-France, ou encore la réforme de l'audiovisuel extérieur de la France.

Le budget pour 2012 clôt une période de cinq années au cours desquelles les efforts réalisés par l'État pour accompagner et moderniser ces secteurs ont été particulièrement importants. Ainsi, entre 2007 et 2012, les crédits ont progressé d'un milliard d'euros, et l'effort cumulé de l'État s'est élevé à près de 4 milliards d'euros. Nous avons pu ainsi nous consacrer au lancement et à la poursuite de ces grands chantiers que représentent le passage à la télévision tout numérique, les états généraux de la presse, la réforme de l'audiovisuel extérieur de la France ou la réforme du modèle économique de France Télévisions. Comme vous l'avez souligné, chers Patrice Martin-Lalande et Christian Kert, jamais un Gouvernement, jamais une majorité n'aura autant réformé et accompagné financièrement le secteur des médias au cours d'une législature.

Avant de répondre aux questions soulevées par les rapporteurs et les intervenants, je voudrais préciser que, dans le cadre des efforts supplémentaires annoncés par le Premier ministre ce matin, le secteur devra prendre part aux efforts, mais je veillerai à ce que les conséquences en soient maîtrisées.

En ce qui concerne la presse, nous accompagnons étroitement en 2012 les mutations du secteur, afin de préserver et de favoriser son pluralisme, dans le cadre d'une gouvernance rénovée. Cette réforme de la gouvernance est indispensable pour consolider l'investissement réalisé par l'État en faveur de la presse depuis 2009.

En 2012, nous consacrons 390 millions d'euros aux aides à la presse. Le plan exceptionnel mis en oeuvre à l'issue des états généraux de la presse touche à sa fin : les crédits de soutien à la presse inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 amorcent donc une baisse, qui est, rétablissons la vérité des chiffres, de l'ordre de 7 %. Je me suis particulièrement mobilisé pour que ces crédits soient maintenus à un niveau acceptable pour tous. Ils demeurent ainsi à un niveau historiquement élevé, nettement supérieur, de plus de 40 %, aux crédits alloués avant mon arrivée à cette politique publique. Je me suis par ailleurs engagé auprès des éditeurs de presse à rester vigilant sur les impacts de ces évolutions.

Vous avez plus particulièrement évoqué, cher Michel Herbillon, cher Marcel Rogement, la baisse des aides au portage. Cette évolution tient compte du développement même du dispositif, qui concerne désormais plus de 25 % des ventes totales, et elle s'accompagne d'une modification de la répartition entre aide au stock et aide au flux, conformément aux souhaits des éditeurs.

S'agissant des états généraux de la presse, qui ont été évoqués par Patrice Martin-Lalande, Michel Herbillon et Marcel Rogemont, il m'apparaît que le premier bilan qui peut aujourd'hui en être tiré est particulièrement positif.

Tous les engagements de l'État ont été tenus. Entre 2009 et 2011, plus de 580 millions d'euros de crédits complémentaires ont été consacrés à la presse. Cet effort s'est traduit par une hausse de plus de 60 % des crédits. Les mesures prises par l'État ont permis à la presse française de préserver ses équilibres économiques, alors qu'elle était confrontée à la plus grave crise depuis l'après-guerre, et d'accélérer sa reconversion vers un modèle économique équilibré tenant compte des enjeux du numérique. Ces efforts, cher Michel Françaix, n'ont pas été menés seulement en direction de la presse people et récréative !

En matière de portage, nous tenons nos objectifs en termes de développement d'une offre structurante. Ainsi, le nombre d'exemplaires portés a progressé de 50 millions en trois ans, pour atteindre 850 millions en 2010. Aujourd'hui, le portage à domicile représente plus du quart des ventes totales de la presse, contre 21 % en 2005.

La réforme du réseau de la vente au numéro se poursuit, avec comme objectif, à terme, de parvenir à une revalorisation de la rémunération des diffuseurs de presse et à une amélioration des conditions d'exercice de leur profession autour d'une régulation professionnelle modernisée.

L'évolution des conditions d'exercice des métiers de la vente et la rupture des équilibres historiques de la distribution de la presse justifiaient une adaptation urgente du cadre de régulation générale du secteur, ce qui a été fait en juillet dernier dans le cadre de la réforme de la loi Bichet. Cette réforme historique, dont nous ne nous sommes approchés qu'en tremblant, s'appuie sur un renouvellement en profondeur du Conseil supérieur des messageries de presse et de ses missions, ainsi que sur la création de l'Autorité de régulation indépendante de la distribution.

L'engagement en faveur d'un environnement industriel compétitif se poursuit. L'objectif fixé à l'issue des états généraux était de réduire de 40 % les coûts de production de la presse parisienne et de conclure un nouveau contrat social entre partenaires. Un accord a donc été signé en octobre 2009 entre le Syndicat de la presse quotidienne nationale, les représentants de la presse gratuite et plusieurs syndicats professionnels. Cet accord redéfinit l'organisation quotidienne du travail dans les centres d'impression et prévoit un soutien à la reconversion professionnelle, auquel l'État participe d'une manière particulièrement significative.

Par ailleurs, la politique de conquête de nouveaux lecteurs initiée dans le cadre des états généraux de la presse est un vrai succès. L'opération d'abonnement « Mon journal offert » a ainsi permis d'amener, en deux ans, plus de 560 000 jeunes à la lecture de la presse quotidienne d'information générale, soit plus de 5 % des 18-24 ans. L'objectif d'abonner gratuitement 200 000 jeunes par an a été largement dépassé. Ce succès laisse présager un fort potentiel pour les projets de diversification des marques de la presse quotidienne, notamment sur des offres mobiles, domaine de prédilection de la jeunesse.

Enfin, s'agissant plus particulièrement du défi du numérique, question qui vous tient très à coeur, cher Michel Herbillon, sachez que l'État entend bien qu'il soit relevé. Nous soutenons ainsi le développement de nouvelles pratiques professionnelles et de nouveaux modèles économiques adaptés à l'ère du numérique.

La loi de juin 2009 qui encadre la rémunération des journalistes dans le cadre de la réutilisation plurimédias des contenus rédactionnels a été la première réalisation du plan d'action des états généraux de la presse. Je préciserai, pour répondre à Michel Françaix, que la sécurisation de la rémunération des journalistes est un axe majeur de la politique que nous menons en faveur de la valorisation des pratiques professionnelles. Cette politique s'accompagne d'un effort inédit en faveur de la formation professionnelle des équipes rédactionnelles et de l'adaptation de leurs pratiques au nouvel environnement économique. Un engagement de développement de l'emploi et des compétences a notamment été conclu le 30 juin 2009 entre l'État et les partenaires sociaux pour une durée de trois ans. Il a permis d'engager plus de 7 000 actions de formation.

S'agissant de l'adaptation de la presse à l'ère numérique, la création d'un statut d'éditeur de presse en ligne, assorti d'un régime de responsabilité adapté, a ouvert la voie à une harmonisation des aides publiques à la presse, permettant à la presse en ligne de bénéficier d'un soutien identique.

Plus d'un an après sa création, le Fonds d'aide au développement des services de presse en ligne a instruit 210 dossiers, pour des aides annuelles de plus de 15 millions d'euros. Si le fonds accompagne toutes les familles de presse en ligne, il se consacre beaucoup à la migration de la presse papier vers le numérique. Le nombre de nouveaux acteurs du Web qui bénéficient du fonds progresse régulièrement, pour représenter aujourd'hui 20 % des aides.

Ce fonds, s'il reste modeste au regard des efforts consacrés à la distribution de la presse papier, est à l'image du poids économique du numérique dans l'exploitation actuelle de la presse écrite. D'autres dispositifs, comme ceux sur lesquels nous sommes en train de travailler avec les éditeurs dans le cadre des investissements d'avenir, devraient compléter cet arsenal. II s'agit ainsi d'engager une dynamique de co-investissement dans les nouveaux modèles de distribution numérique de la presse.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

À la suite des états généraux de la presse, la gouvernance des aides va être profondément rénovée. C'est une réflexion que j'ai souhaité mener en lien étroit avec la profession et qui sera mise en oeuvre à partir du 1er janvier 2012. À cet égard, je tiens à rendre de nouveau hommage au rapport Cardoso.

Cette réflexion a pour objectif une gouvernance des aides à la presse écrite plus efficace pour les éditeurs tout en restant fidèle à ses principes fondamentaux : la défense du pluralisme, l'indépendance des entreprises de presse et des rédactions, la neutralité, la liberté du commerce et de l'industrie. Elle repose sur trois piliers.

Le premier, c'est la création d'une conférence annuelle des éditeurs de presse, composée des représentants de toutes les familles de la presse et de l'État ainsi que de personnalités qualifiées. Elle a vocation à constituer un lieu de débat et de réflexion sur les orientations stratégiques qui doivent guider, dans un souci d'efficacité et d'efficience accrues, l'évolution du dispositif d'aide à la presse. Elle s'appuiera notamment sur des évaluations régulières de l'efficacité des aides.

Dans un souci accru de transparence, l'état annuel des montants attribués et leur ventilation par bénéficiaire seront rendus publics, dans le respect de la confidentialité des affaires.

Deuxième pilier : la création d'un fonds stratégique pour le développement de la presse. Ce fonds résulte de la fusion des deux principaux fonds d'aide aux projets industriels – Fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne – et numériques – Fonds d'aide au développement des services de presse en ligne. Il s'agit d'adopter une démarche globale dans le cadre de la convergence multimédias et de donner une plus grande lisibilité aux aides.

Enfin, troisième pilier : la mise en oeuvre d'un principe de contractualisation des aides, dans un souci de plus grande efficacité. Ce principe sera posé pour les titres les plus dépendants des aides publiques. Une convention-cadre de trois ans sera conclue, qui permettra aux entreprises de préciser leur stratégie de développement. Les objectifs attendus seront ainsi mieux appréciés pour optimiser l'aide accordée.

Dans un objectif qualitatif, des bonifications pourront par ailleurs être accordées, dans le cadre du nouveau fonds stratégique, aux entreprises qui auront fait un effort en matière de développement durable, de respect des normes de qualité, de développement de la formation permanente et de responsabilité sociale.

Enfin, en réponse à Michel Françaix, Marcel Rogemont et Christian Kert, qui ont posé à juste titre la question du ciblage des aides, je voudrais dire que ce dernier, singulièrement pour la presse d'information politique et générale, est un principe directeur de l'intervention publique.

S'agissant des relations financières entre l'État et l'Agence France-Presse, question qu'ont tout aussi légitimement posée Michel Françaix et Marcel Rogemont, je répondrai qu'une clarification est nécessaire, compte tenu du risque que la nature de ces relations fait peser sur l'avenir économique et financier de l'agence.

C'était l'un des objets de la proposition de loi relative à la gouvernance de l'Agence France-Presse, déposée en mai par le sénateur Jacques Legendre. Ce projet ayant suscité de vives réactions de la part des représentants des personnels de l'agence, le président de l'AFP a annoncé qu'une large concertation avec le personnel serait organisée sur la voie retenue pour sécuriser la situation financière et l'indépendance de l'agence.

Pour sa part, le conseil d'administration a souhaité, en septembre, que toutes les démarches nécessaires soient engagées dans les meilleurs délais afin de sécuriser les ressources publiques dans le cadre de ses missions d'intérêt général.

La direction de l'AFP et l'État examinent donc actuellement d'autres voies de réforme, notamment l'hypothèse d'une modification a minima de la loi de 1957, légitime au regard des règles constitutionnelles sur l'indépendance des médias et cohérente face aux attentes des salariés de l'agence.

Dernier sujet relatif à la presse, sur lequel vous m'avez pratiquement tous interrogé, et plus particulièrement Michel Herbillon et Marcel Rogemont : l'extension du taux super-réduit de TVA à 2,1 % aux services de presse en ligne. J'y suis bien entendu favorable. À l'heure où son équation économique se cherche encore, la presse en ligne s'accommode difficilement d'une fiscalité alourdie par rapport à la presse papier. Cette fiscalité affecte directement les perspectives de croissance d'un secteur qui a connu plus de bouleversements en un an que dans les dix dernières années, notamment avec l'arrivée des tablettes, comme vous l'avez bien souligné, cher Patrice Martin-Lalande.

Aussi, je ne ménage pas mes efforts pour obtenir au niveau européen une révision de la fiscalité appliquée aux services de presse en ligne, et je constate à ce titre des avancées, tant parmi nos partenaires européens – l'Espagne s'est ralliée à notre position – qu'au sein de la Commission et du Parlement européen.

S'agissant de l'audiovisuel, la législature a été, comme l'ont souligné M. Martin-Lalande et M. Kert, particulièrement riche en grandes réformes, qu'il s'agisse du passage à la télévision tout numérique, des nouvelles stratégies mises en place par France Télévisions et Arte, ou encore de la réforme de l'audiovisuel extérieur de la France.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Nous avons ainsi accompagné une évolution du paysage audiovisuel marquée par les défis technologiques et économiques.

La France a tout d'abord relevé avec succès, chacun d'entre vous l'a remarqué, le défi du passage à la télévision tout numérique, avec l'extinction définitive de la diffusion en mode analogique le 30 novembre 2011.

Le passage au numérique a permis d'accroître l'offre de six à vingt-neuf chaînes de télévision nationale, avec une meilleure qualité de son et d'image, d'introduire la haute définition sur la télévision hertzienne, et de donner accès à des services innovants et interactifs, comme la télévision de rattrapage et la vidéo à la demande. Il a également permis le lancement d'une quarantaine de chaînes locales, permettant à notre pays de rattraper son relatif retard dans ce domaine. Fin 2011, plus de 97 % de la population française sera couverte par la TNT, dépassant la couverture minimale de 95 % fixée par le cadre législatif.

Le succès de l'opération est dû à la qualité de l'accompagnement mis en place par l'État et à l'excellent travail mené par France Télé Numérique. Au total, 160 millions d'euros y ont été consacrés. Dans l'ensemble, aucune difficulté substantielle n'a été rencontrée et les opérations de passage à la télévision tout numérique ont donné de nombreux motifs de satisfaction. C'est une véritable révolution, qui s'est passée en douceur, et il faut en féliciter au premier chef nos concitoyens, qui ont accepté et accompagné cette révolution avec un sens de la modernité et de la nouveauté tout à fait exceptionnel.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

On ne le rappelle pas assez.

La nécessaire évolution du paysage audiovisuel face aux défis technologiques ne s'arrête évidemment pas là. Ainsi, début octobre, d'importantes décisions pour préparer l'avenir ont été prises sur ma proposition par le Gouvernement : l'abrogation du dispositif des canaux compensatoires, le lancement d'un appel à candidature pour de nouvelles chaînes, et la préparation, à plus long terme, à un changement de norme de diffusion de la télévision. Ainsi, de nouvelles chaînes seront prochainement lancées, que les Français pourront recevoir avec leur équipement actuel.

L'enjeu est de donner une orientation claire à l'avenir de la télévision numérique terrestre : celle d'une télévision gratuite, pour tous les Français. Ces valeurs ont fait le succès du passage à la télévision numérique terrestre, dont nous pouvons tous être légitimement fiers.

La clarification opérée est d'autant plus importante que le paysage audiovisuel traverse de profonds bouleversements, caractérisés par une logique de concentration et de renforcement des groupes existants, dans la perspective d'une possible révolution des usages des Français, avec l'essor attendu, et parfois redouté, des télévisions connectées. Il était donc important d'envoyer aux acteurs un message clair sur les règles du jeu, condition nécessaire pour qu'ils puissent bâtir leur stratégie et développer leur offre auprès de nos concitoyens.

Il nous est également apparu essentiel d'apporter une certaine sécurité juridique dans la reconfiguration du paysage audiovisuel. Le principe de la défense du pluralisme et de la diversité des contenus reste pour moi cardinal. Il n'est donc pas question de revenir prochainement sur l'encadrement et la limitation de la concentration dans le paysage audiovisuel.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Notre réflexion porte davantage aujourd'hui – je vous réponds sur ce point, monsieur Kert –, sur les moyens de lui apporter une certaine stabilité sans entraver le développement d'offres nouvelles. Les bouleversements que traverse le paysage audiovisuel rendent d'autant plus centrales les missions assumées par le service public, dans un paysage qui s'atomise et où la logique qui prévaut n'est plus celle de la rareté de l'offre de programmes mais, au contraire, celle de l'hyperchoix.

S'agissant du service public audiovisuel, je souhaite aborder en premier lieu France Télévisions. À cet égard, les questions soulevées par Mme Sandrine Mazetier m'ont interpellé.

Les objectifs fixés à France Télévisions dans le projet de contrat d'objectifs et de moyens pour 2011-2015 sont ambitieux : fédérer tous les publics en bénéficiant de la complémentarité des antennes du bouquet France Télévisions, et investir massivement dans la création originale, la seule qui soit à même d'exister et de rassembler dans un univers où l'offre de programmes s'est considérablement démultipliée. Ces objectifs ne sauraient être remis en cause au motif des audiences de quelques programmes, sur lesquels tous les commentateurs portent leur attention sans même relever les succès importants enregistrés par le groupe, notamment en termes d'informations, de fictions ou de sports, voire d'ambitions.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Afin de permettre à France Télévisions de remplir ces objectifs, le projet de contrat d'objectifs et de moyens prévoit une croissance de la ressource publique de 2,2 % par an en moyenne. Cette progression reflète l'engagement fort de l'État pour accompagner dans la durée la mise en oeuvre d'une stratégie visant à fédérer tous les publics et orientée prioritairement vers la création audiovisuelle et cinématographique. France Télévisions investira ainsi chaque année un minimum de 420 millions d'euros dans les oeuvres audiovisuelles dites patrimoniales – fiction, documentaire, animation, spectacle vivant – et 60 millions d'euros dans le cinéma.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Cela apparaît d'autant plus important à la lumière de l'excellent rapport de la mission Chevalier sur la défense de la fiction française. Il fait vraiment le point sur une question qui était très angoissante, celle du déclin de la fiction française, et ses conclusions ont été intégralement reprises par France Télévisions. Priorité est également donnée aux dépenses pour les programmes, qui croîtront de 2,8 % par an, soit plus rapidement que les ressources. Les objectifs sont ainsi définis, monsieur Durand.

Je souhaite également appeler votre attention sur la rigueur qui a été la nôtre dans l'élaboration du contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions, négocié depuis février dernier et sur lequel les commissions ont rendu un avis favorable il y a seulement quelques jours. Les objectifs de recettes publicitaires de France Télévisions sont réalistes, tout en restant incitatifs. La période instable de 2008-2010, marquée par la crise et le bouleversement du marché publicitaire, rendait très difficile la prévision des revenus publicitaires. Cette époque est aujourd'hui derrière nous. Le montant de la dotation prévue pour France Télévisions en 2012 repose donc sur des hypothèses robustes. Je tiens à dissiper l'idée selon laquelle ce groupe bénéficierait d'un traitement particulier, d'un financement public supérieur en 2009 et 2010 à ce que nécessiterait l'exercice de ses missions de service public en raison de recettes publicitaires supérieures aux attentes. Lors de ces deux exercices, la dotation publique a été réduite à juste proportion, compte tenu des écarts de recettes publicitaires, pour permettre d'accélérer le retour à l'équilibre sans dérapage sur les charges. Les excédents publicitaires ont pour l'essentiel été soit repris par l'État, soit destinés à effacer le déficit de France Télévisions, soit enfin consacrés à des investissements non prévus initialement, tels que la diffusion en outre-mer.

Une réduction de la dotation publique en 2012 à France Télévisions ne serait neutre ni pour son équilibre financier, ni pour ses engagements en matière de création. Si elle était trop importante, elle ne rendrait pas justice aux efforts et à l'exemplarité que l'on attend de la part du groupe ; je pense en particulier aux économies liées à la mise en place de l'entreprise unique et à la rationalisation de l'outil de production, notamment pour les émissions de plateau aujourd'hui confiées à des sociétés indépendantes.

Mais je sais la volonté de la commission des finances de prévoir une réduction de ce budget en 2012. Ce sujet doit être examiné au vu des efforts exceptionnels qui vont être demandés non seulement à France Télévisions mais au secteur dans son ensemble, dans le cadre du plan d'économies annoncé ce matin par le Premier ministre, et seulement dans ce cadre. Je serai attentif, comme vous tous je le crois, à ne pas remettre en question les orientations et les engagements du contrat d'objectifs et de moyens.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Madame Martinel, je vous précise que France 4 est bien la chaîne de France Télévisions dont la part d'audience progresse le plus chez les quinze à trente-quatre ans : plus 40 % en 2010, confirmant ainsi son orientation vers les jeunes. Et puis si beaucoup de ses téléspectateurs ont quarante-quatre ans, cet âge est encore la jeunesse.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Si, cela peut quelquefois être encore l'enfance. (Sourires.)

S'agissant enfin du contentieux en cours relatif à la taxe sur les opérateurs de communication électronique, à propos duquel, madame Martinel et vous, Patrick Bloche, m'avez interrogé, je rappelle que, quelle que soit l'issue de ce contentieux, la taxe n'est pas affectée au financement de France Télévisions mais au budget général de l'État. Il importe ainsi d'autant plus de bien cerner les enjeux que la Commission européenne a clairement validé, il y a plus d'un an, le dispositif de financement du groupe.

Je souhaite dire un mot d'Arte France, dont le projet de contrat d'objectifs et de moyens en cours de finalisation pour la période 2012-2016 incarne l'ambition de relance de la chaîne culturelle franco-allemande. Il fixe comme objectif principal la reconquête de son public, avec la mise en place d'une nouvelle grille de programmes, notamment l'après-midi, et le développement résolu de son offre numérique. Afin d'accompagner cette politique, le Gouvernement a décidé d'une hausse exceptionnelle de sa dotation publique, qui s'élèvera donc à 270 millions d'euros. Alors que la chaîne connaît depuis quelques années une lente érosion de ses audiences, cet effort financier marque l'attachement de l'État au modèle singulier de télévision qu'elle représente, et déjà, cette reprise en main porte ses fruits.

Avec les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et d'Arte, la télévision publique est désormais en ordre de bataille pour la diffusion tout en numérique et dispose des moyens d'affirmer sa spécificité et son exemplarité, plus que jamais nécessaires dans un univers audiovisuel en extension qui s'adapte à la nouvelle donne technologique.

Dernier sujet audiovisuel : la réforme de l'audiovisuel extérieur de la France, sujet que vous avez abordé, madame Martinel, messieurs Kert, Bloche, Rogemont, Herbillon, Martin-Lalande, et même monsieur Mathus qui, regrettant de n'avoir que cinq minutes, en a donc fait une présentation rock'n'roll, ce qui est évidemment normal pour l'homme qui a su si bien chanter Le twist du Père Noël. (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

On nous cache tout, on nous dit rien ! (Mêmes mouvements.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Ce sont pourtant deux genres différents, monsieur Mathus ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

En effet, monsieur le député, mais, vous savez, les voies artistiques mènent à tout,…

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

…j'en sais quelque chose. (Sourires.)

La réforme de l'audiovisuel extérieur, lancée en 2008, est en voie d'achèvement. De nombreuses étapes ont été franchies ces cinq dernières années. Le groupe AEF a été créé. La montée en puissance de France 24, distribuée mondialement depuis 2010, est, quoiqu'on en dise, indéniable. Ainsi, mi-2011, elle était reçue par 160 millions de foyers dans le monde. Ce n'est peut-être pas encore assez, mais c'est la preuve d'un progrès constant. France 24 est par ailleurs diffusée vingt-quatre heures sur vingt-quatre en langue arabe depuis octobre 2010, et elle enregistre les résultats exceptionnels que l'on sait sur la zone Maghreb, tel le pic de fréquentation atteint lors des événements de Tunisie, d'Égypte et de Libye.

Je n'ignore pas les troubles qui ont traversé l'AEF, d'autant plus que j'ai oeuvré à leur résolution et que mon bureau même s'est transformé à certains moments en un champ de bataille… Mais je n'ai pas de doute sur l'achèvement en 2012 de la réforme voulue par le Président de la République en 2008. Les différents chantiers restants avancent en effet de façon satisfaisante : 2012 sera ainsi marquée par le rapprochement physique de France 24 et de RFI, par l'accomplissement du plan stratégique 2009-2012 de TV5 Monde, par le développement de la distribution mondiale de France 24 et par la diffusion multilingue de RFI sur tous les supports. De plus et surtout, les négociations du contrat d'objectifs et de moyens vont reprendre de manière active dans les jours qui viennent après, je le sais, un laps de temps trop long, mais dont nous sommes maintenant sortis, avec comme but impératif un aboutissement début 2012.

Au sujet de la politique du livre et de la lecture sur laquelle vous m'avez interrogé, monsieur Marcel Rogemont, je tiens à rappeler que les crédits consacrés au livre et à la lecture en 2012 ne baissent pas par rapport à 2011 : ils sont au contraire consolidés à hauteur de 263 millions d'euros, augmentant même de 4 %, afin d'assurer l'avancement du chantier du quadrilatère Richelieu. Il s'agit ainsi de poursuivre dans de bonnes conditions nos grands objectifs : accompagner les mutations liées au numérique, tant pour la structuration de la filière économique du livre que pour l'adaptation des bibliothèques aux nouveaux usages en matière de lecture, et assurer les missions de valorisation et de diffusion du patrimoine écrit.

S'agissant plus particulièrement de la numérisation des oeuvres, je voudrais souligner que la politique engagée par la Bibliothèque nationale de France depuis 2007 a conduit à la numérisation de plus de 36 millions de pages ; elle a mobilisé près de 30 millions d'euros. Cette politique de numérisation des collections de la BNF va connaître un formidable coup d'accélérateur dans le cadre des investissements d'avenir puisqu'elle propose de lancer, en partenariat avec des acteurs privés, une douzaine de programmes de numérisation concernant aussi bien le livre ancien que les disques 78 tours. Le coût global de ces programmes de numérisation est estimé à 150 millions d'euros, soit l'équivalent de plus de vingt années de numérisation au rythme actuel.

Enfin, permettez-moi de rappeler que, au-delà des soutiens apportés par l'État et le Centre national du livre aux librairies, le label de librairie indépendante de référence ouvre la possibilité d'une exonération de fiscalité locale. Près des deux tiers des librairies qui ont obtenu un label bénéficient en 2011 d'une telle exonération.

Dernier sujet que vous avez souhaité aborder, monsieur Patrick Bloch, monsieur Marcel Rogemont : le financement du Centre national de la cinématographie et de l'image animée.

Tout d'abord, je vous rappelle que la réforme du financement du CNC mise en oeuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 représente un véritable point d'équilibre entre trois objectifs : sécuriser le financement du CNC, lui garantir les moyens de mener à bien ses missions et contribuer à l'effort d'un milliard d'euros d'économies annoncé par le Premier ministre le 24 août dernier. Le produit de l'ensemble des taxes alimentant le CNC est calibré à hauteur de 770 millions d'euros, dont 700 millions bénéficieront au CNC ; les 70 millions restants seront versés au budget général, dans le cadre de la contribution au milliard d'euros d'économies. Avec 700 millions d'euros, le CNC bénéficiera bien des moyens nécessaires à la réalisation de ses missions, qu'il s'agisse des soutiens automatiques et sélectifs, du plan de numérisation des salles, mais aussi des nouvelles missions qui lui ont été progressivement confiées depuis 2008 : le financement des cinémathèques, de la FEMIS, une des meilleures écoles de cinéma du monde, etc.

Je vous remercie pour votre attention.

Photo de Jean-Christophe Lagarde

J'appelle les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », inscrits à l'état B.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Sur ces crédits, je suis saisi d'un amendement n° 362 , présenté par M. Gilles Carrez à titre personnel.

La parole est donc à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Comme vous venez de l'indiquer à l'instant, monsieur le ministre, M. le Premier ministre a été conduit à annoncer ce matin un plan d'économies supplémentaires de 500 millions d'euros. Ce plan vient s'ajouter aux milliards d'euros d'économies que nous sommes en train de répartir dans le cadre de l'examen des différents budgets.

Cette répartition se fait entre l'État, les collectivités locales et les opérateurs de l'État ; Le seul opérateur de l'État qui soit aujourd'hui totalement protégé de cet effort d'économie est France Télévisions, et cela parce qu'un contrat d'objectifs et de moyens vient d'être approuvé.

Ce contrat, que vous avez décrit à l'instant à la tribune, comporte des objectifs extrêmement ambitieux.

L'amendement que je propose est, lui, très modeste puisqu'il vise à réduire la dotation budgétaire de 11 millions d'euros, à comparer avec un budget prévisionnel pour France Télévision de près de 3 milliards d'euros pour 2012.

Pourquoi faire cet ajustement sur la dotation budgétaire ?

En fait, la dotation budgétaire est venue remplacer la recette publicitaire qui faisait défaut.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Ceux qui participaient comme moi à la commission Copé peuvent en porter témoignage : dès la première réunion de cette commission, j'ai indiqué qu'il me paraissait extrêmement dangereux de supprimer les recettes publicitaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…parce que nous allions nous trouver rapidement confrontés à un État impécunieux, désargenté. Nous étions début 2008. Je n'imaginais pas que cette prévision serait aussi rapidement vérifiée. Nous y sommes aujourd'hui.

Dieu merci, la recette publicitaire a été pour partie sauvegardée – en tout cas, avant vingt heures – et la régie publicitaire de France Télévisions a été extrêmement efficace !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Elle a été capable durant les années 2009, 2010 et 2011 de trouver 400 millions d'euros de recettes publicitaires quand on n'en prévoyait que 200 à 250 millions d'euros.

Comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, l'essentiel de ce surplus de recettes publicitaires par rapport à la prévision a été conservé par France Télévisions. Une réfaction de la dotation est certes intervenue, mais très modeste : de 35 millions d'euros en 2009 et en 2010, elle se traduit aujourd'hui par un report de crédits de l'ordre de 28 millions d'euros, par rapport à un excédent de recettes publicitaires compris, chaque année, dans une fourchette allant de 120 à 150 millions d'euros.

Une proposition comme celle que je fais, tendant à assurer à France Télévisions une évolution de ses recettes à hauteur au moins de l'inflation en 2012, par rapport non à la prévision 2011 – car, dans ce cas, nous atteindrions 12 % – mais à l'exécution 2011, me paraît une proposition vraiment raisonnable. Elle l'est d'autant plus si je la compare à la situation des collectivités locales, pour lesquelles c'est zéro ; de l'État, pour lequel c'est moins 0,5 % ; ou de la plupart des autres opérateurs pour lesquels c'est aussi zéro. Et j'ai d'ailleurs apprécié l'effort réalisé dans le domaine culturel – par exemple, pour le Centre national du cinéma.

Il est vrai que le contrat d'objectifs et de moyens vient juste d'être approuvé. Mais il faudra le réviser, ne serait-ce qu'à la marge, car on ne peut pas faire porter la responsabilité de l'ajustement à la baisse aux dirigeants et aux personnels de France Télévisions, sans parler des autres médias publics, intérieurs ou extérieurs.

Mais, mes chers collègues, je voudrais vous rendre attentifs à un point : ce n'est pas parce qu'un contrat d'objectifs et de moyens est signé pour quatre ans qu'il doit être intangible, invulnérable durant quatre ans. Depuis la crise financière, depuis la fin 2008, ne suis-je pas conduit à rapporter un collectif budgétaire tous les trois mois ? Nous révisons tous les trois mois les finances publiques ! En ce moment, le rythme s'accélère encore, et ce n'est pas tous les trois mois mais tous les quinze jours que nous révisons !

Nous allons devoir trouver dans les prochains jours 500 millions d'euros supplémentaires. Je préfère donc que les choses soient dites. J'entends bien les arguments contraires. Mes amis Michel Herbillon et Michèle Tabarot me les ont présentés à plusieurs reprises, comme vous-même, monsieur le ministre : le contrat d'objectifs et de moyens est là, c'est vrai, mais peut-on vraiment considérer que pendant quatre ans tout l'environnement cesse d'évoluer et que le contrat d'objectifs et de moyens ne peut plus être touché ?

Je pense sincèrement qu'il convient d'être modéré, raisonnable. Je pense que France Télévisions mérite la poursuite du soutien dont elle bénéficie, je pense qu'elle mérite d'être mieux traitée que la plupart, si ce n'est tous les autres opérateurs ou entreprises publiques. Mais j'estime en même temps que pour l'équité générale de l'effort, il faut accepter aussi qu'un effort soit consenti par France Télévisions.

Tel est l'objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

La commission n'a pas examiné cet amendement, mais elle a examiné un amendement de réduction qui était assez proche de celui-ci, proposé par M. Gilles Carrez.

Geler en volumes les ressources de France Télévisions pour 2012, réduire la dotation de 11 millions d'euros sur près de 3 milliards, c'est assez peu. Cela s'applique certes à une action qui a été récemment redéfinie par le contrat d'objectifs et de moyens pour la période de 2011 à 2015. Gilles Carrez l'a bien rappelé. Mais ce contrat d'objectifs et de moyens, tout d'abord, ne peut exister que dans la mesure où une validation en est faite par le Parlement. Le contrat est une prévision qui engage le Gouvernement et France Télévisions, mais il ne saurait être réalisé qu'année par année, dans le cadre de la loi de finances et, éventuellement, d'autres textes législatifs. C'est donc au Parlement que revient le dernier mot sur les modalités de mise en oeuvre de ce contrat d'objectifs et de moyens.

Nous souhaitons tous, naturellement, que le service public de l'audiovisuel continue de disposer des moyens qui sont nécessaires à son action.

Je pense que nous aurons au cours des toutes prochaines semaines un débat sur la façon de redéfinir les moyens de certains opérateurs. Dans ce cadre, nous aurons sans doute à prendre position sur les opérateurs du secteur de l'audiovisuel public.

À titre personnel, je m'en remets donc à la sagesse de l'assemblée, tout en partageant largement les réflexions et les motivations exposées par notre rapporteur général.

Debut de section - PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je voudrais avant toute autre chose rendre un hommage appuyé à M. le rapporteur général pour son courage, son souci du bien public et le désir qu'il a d'accompagner le Gouvernement, et plus généralement l'État, dans la recherche de la meilleure gestion possible des finances publiques.

Cette fois encore, son exposé fait avec une très compétence, une légitime passion et une grande clarté était impressionnant, et il n'est pas aisé d'y répondre quand l'estime et l'appréciation se mêlent, au bout du compte, malheureusement, au refus, monsieur le rapporteur général.

Je tiens aussi à rendre hommage à M. le rapporteur spécial pour la manière dont il a pris en considération les propos si importants de M. le rapporteur général.

Je souhaite malgré tout appeler l'attention sur quelques points importants.

Je voudrais tout d'abord tordre le cou à une idée courante, mais fausse, selon laquelle France Télévisions aurait bénéficié en 2009 et 2010 de financements publics excessivement généreux. Lors de ces deux exercices, la dotation publique a, en fait, été réduite à juste proportion compte tenu des écarts des recettes publicitaires, afin de permettre le retour à l'équilibre de France Télévisions trois ans plus tôt que prévu – et ce, sans dérapage sur les charges. On ne peut que s'en féliciter. Les exemples de bonne gestion sont suffisamment rares pour qu'on les salue quand on les a sous les yeux.

Le niveau de la dotation publique globale de France Télévisions dans le projet de loi de finances pour 2012, accompagné d'un report de crédits de 2011, a été calculé au plus juste dans le cadre de l'élaboration du nouveau contrat d'objectifs et de moyens de l'entreprise. Au plus juste !

Or, au moment où la nouvelle présidence de France Télévisions accomplit un travail absolument considérable de remise en ordre de cet énorme navire, rassemblant des chaînes dont chacune a sa propre culture d'entreprise pour les amener à acquérir la culture d'entreprise de l'audiovisuel public, qu'elles peinent parfois à avoir, même si chacune d'elles est de très grande qualité et dotée de professionnels remarquables ; au moment où ce travail considérable est, enfin, entrepris par une direction et une présidence issues de la « maison » – ayant donc une forte légitimité ; au moment où l'on finalise un contrat d'objectifs et de moyens sur lequel un travail intensif a fini par conduire à un consensus, allons-nous revenir sur ce contrat d'objectifs et de moyens dans un dispositif financier certes marginal mais ô combien symbolique – ce qui explique d'ailleurs, monsieur le rapporteur général, que vous insistiez sur ce point – ? Allons-nous donner à la nouvelle présidence une marque de manque de confiance, au moment précis où nous sommes parvenus à construire avec elle un rapport de confiance, dont elle a absolument besoin pour mener à bien cette profonde réforme de son économie, de sa politique, voire du consensus interne qui lui est si nécessaire ?

Je pense que ce serait une grave erreur.

Bien sûr, un contrat d'objectifs et de moyens est passé pour quatre ans et peut être modifié chaque année en fonction des évolutions. Mais modifier un contrat d'objectifs et de moyens défini depuis quelques jours à peine serait ressenti symboliquement comme une sorte de discrédit, de désaveu, et serait extrêmement préjudiciable à la marche de cette entreprise qui investit considérablement dans des domaines essentiels.

Car c'est là où je veux en venir : nous sommes en train d'accompagner une véritable stratégie de reconquête et de remise en ordre.

Je parlais tout à l'heure du rapport Chevalier sur la fiction. J'étais, comme certains d'entre vous, au festival de La Rochelle qui s'est tenu en septembre. Le monde de la fiction française est très riche. C'est un monde aux virtualités très larges. C'est un monde qui souffre de la concurrence étrangère. Il est en train de se reconstruire, en suivant notamment les préconisations de l'excellent rapport Chevalier. Ce rapport est aussi la bible de la reconquête par la fiction à l'intérieur de France Télévisions.

France Télévisions dépensera 420 millions d'euros dans les oeuvres audiovisuelles dites patrimoniales et 60 millions d'euros dans le cinéma. C'est l'application d'un véritable axe de reconquête, d'un véritable programme d'investissement. Va-t-on, au moment où cette entreprise se reconstruit et où elle définit un axe d'investissements indispensables, lui manifester une marque de discrédit alors qu'elle a besoin de marques de confiance ? Je rappelle aussi que le groupe devra assumer seul, sans compensation par l'État, des charges nouvelles comme celles qui sont liées au réaménagement des multiplex de la télévision numérique terrestre, voire à l'accompagnement des petites chaînes locales outre-mer.

Cela dit, comme je vous l'ai dit dans cet hommage totalement sincère que je rendais à votre action et à votre analyse, monsieur le rapporteur général, je suis si conscient de la nécessité d'accompagner les efforts généraux qui sont demandés dans le cadre d'une bonne gestion des finances publiques, voire des économies supplémentaires qui s'imposent, que je m'en remettrai à la sagesse du Parlement sur l'amendement n° 343 à venir qui concerne les excédents publicitaires. Je pense que, dans ce domaine-là, une sorte de consensus peut se dégager, et le Gouvernement est sensible aux arguments d'une bonne gestion d'ensemble.

En résumé, je souhaite le retrait de l'amendement n° 362 de M. Carrez qui réduit la dotation de 11 millions d'euros, et je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée sur l'amendement de M. Martin-Lalande.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Avant d'en venir aux amendements, je voudrais, monsieur le président, revenir sur un point qui a été soulevé tout à l'heure par un collègue, à savoir la légitimité de traiter de tel ou tel point dans un rapport parlementaire.

Je sais bien qu'une mission sur AEF a été mise sur pied, puisque j'y participe. Mais je considère que lorsqu'un « honorable » député, pour reprendre votre épithète homérique, monsieur le ministre, a l'honneur de rendre un rapport, il doit à ses concitoyens de mener une réflexion suffisante et intéressante. Le but n'est pas que la plume soit trempée au vitriol, ni qu'elle soit forcément consensuelle ; simplement je pense que nous avons des comptes à rendre à ceux qui nous ont élus, quel que soit leur parti.

En ce qui concerne AEF, dès lors que 315 millions d'euros sont en jeu, que la lisibilité de l'entreprise est très floue et que nous assistons à une marche forcée du P-DG, qui pourtant ne devait engager la fusion qu'à l'issue de la mission, il me semble raisonnable et relevant du droit du rapporteur d'émettre un avis, sans qu'il se réjouisse d'émettre un avis « au vitriol ». Peut-être d'aucuns sont-ils dotés des dons de la pythie ; ce n'est pas mon cas, et il m'a semblé, à travers tout ce que j'ai entendu, qu'à moins de faire preuve d'une confiance aveugle, on ne pouvait pas, pour le moment, avoir une vision bien claire. Il n'y a aucun plaisir à critiquer pour critiquer. Je crois simplement qu'un député a des devoirs quand il représente la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je ne voyais pas en effet dans vos propos un grand rapport avec l'amendement, madame la rapporteure pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Il ne s'agit pas de faire preuve de courtoisie, mais de faire respecter les règles de l'Assemblée, madame.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

J'approuve les propos de M. le ministre. Même si le rapporteur général a fait une démonstration très digne, très émouvante, et je ne parle pas de M. Martin-Lalande qui est, lui aussi, doté de grandes qualités, il me semble que nous devons repousser ces amendements, pour permettre au service public d'exister avec toute sa force, alors que la réforme de France Télévisions a fait reculer son indépendance financière et que les taxes télécoms vont probablement devoir être remboursées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

L'amendement de Gilles Carrez a le mérite d'exister – par les temps qui courent, une économie de 11 millions pourrait paraître importante – mais je pense que ce serait un très mauvais signal adressé à France Télévisions.

Il n'a échappé à personne que nous étions en campagne électorale : le Président de la République, l'ancien premier secrétaire du parti socialiste, Mme Le Pen, tous sont en campagne électorale. Je crois qu'on ne peut pas déconnecter le débat d'aujourd'hui de ce qui se passe à la télévision en France.

Il y a la télévision publique et la télévision privée. Il est hors de question d'affaiblir, même moralement, la télévision publique alors que se crée une ligne de partage de plus en plus large entre la télévision publique et la télévision privée.

J'observe que personne n'a envie d'ouvrir le débat sur la dépendance de la télévision privée par rapport aux grands groupes qui vivent des marchés publics, et en particulier de la commande publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Il faudra ouvrir ce débat en 2012, comme il faudra ouvrir celui de l'indépendance de la justice à l'égard du pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Permettez-moi, pour démontrer la justesse de mon propos, de vous donner trois chiffres que le CSA vient de me transmettre – nous ne sommes plus dans une discussion sur une économie de 11 millions, nous sommes là dans le débat sur la démocratie.

J'ai interrogé le CSA sur le temps de parole de Dominique de Villepin dans les journaux télévisés de TF1, France 2 et France 3 depuis 2008. Il m'a donné la réponse suivante : en 2008, Dominique de Villepin a parlé onze secondes sur TF1, onze secondes sur 365 jours – multipliés par deux puisqu'il y a deux journaux quotidiens ; sur les deux années cumulées 2009 et 2010, on arrive au quart d'heure, et en 2011 on est à cinquante-neuf secondes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Voilà le vrai débat qu'il faut ouvrir parce que, là, on touche au coeur de la démocratie dans ce pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous nous sommes, avec vous aussi, un petit peu éloignés de l'objet de l'amendement sur lequel vous n'avez pas émis d'avis, monsieur Grand, mais au moins vous êtes resté dans le temps imparti.

La parole est à M. Patrick Bloche, qui, j'imagine, va nous parler de l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

J'indique, pour éviter tout malentendu, que, théoriquement, le président de séance doit donner la parole à un orateur par amendement. Je veux bien accepter que quatre ou cinq orateurs prennent la parole, parce qu'on a un peu de temps, mais je ne peux pas non plus laisser faire n'importe quoi. J'aimerais que l'on recentre nos débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Je précise que j'interviens au nom du groupe SRC, cela vous facilitera les choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Nous aurions presque envie de remercier M. Carrez parce que, finalement, son amendement est tout à fait révélateur des conséquences de la mauvaise loi de 2009 que la majorité de cette assemblée a votée. Notre collègue Carrez n'aurait pas eu à le déposer si vous n'aviez pas été amenés, mes chers collègues, à voter une réforme décidée à la va-vite, tout simplement parce que le Chef de l'État a décidé, un jour, qu'il fallait supprimer la publicité à la télévision, et dans une impréparation telle que toutes les conséquences n'en ont pas été calculées à l'époque. Quand on veut faire une réforme, la plus grande des sagesses, c'est d'abord d'avoir les moyens de l'appliquer et d'en mesurer les conséquences. Sans réforme de 2009, nous n'aurions pas cet amendement.

Mais nous l'avons, et personne ne conteste dans cet hémicycle l'honnêteté et la sincérité de notre rapporteur général du budget. Je me souviens avoir partagé avec lui les réflexions du groupe de travail consacré au financement de l'audiovisuel public au sein de la commission dite Copé. Il avait d'ailleurs fait preuve, je peux en témoigner, d'une imagination considérable. Nous aurions dû davantage l'écouter, cela nous aurait évité de créer, pour compenser le manque à gagner publicitaire de France Télévisions, cette taxe télécoms, si fragile qu'elle est aujourd'hui remise en cause par Bruxelles. En effet, vous avez, monsieur le ministre, argué du fait que la taxe télécoms n'alimentait pas directement les finances de France Télévisions. Mais cela, nous le savons tous : ce n'est pas une taxe affectée comme la redevance ; c'est une taxe qui est versée au budget de l'État, mais pour compenser la dotation budgétaire que l'État verse à France Télévisions comme actionnaire.

On peut se demander si France Télévisions pourrait survivre à un gel de 11 millions plus 28 millions, mais, au-delà des chiffres et de la recherche par M. Carrez de toute économie possible, ce qui est surtout en cause à nos yeux, c'est non seulement le non-respect de l'autonomie de gestion de France Télévisions, et la confirmation que la loi de 2009 a mis France Télévisions sous double dépendance – à la fois politique par le mode de désignation de son président, mais également budgétaire – mais aussi et surtout la démonstration que vous avez été amenés à approuver un COM insincère, fondé sur des prévisions artificiellement gonflées. France télévisions ne fera jamais, surtout dans la conjoncture actuelle, entre 425 millions d'euros aujourd'hui et 450 millions d'euros en 2015 de recettes publicitaires comme le prévoit le COM. C'est peut-être ce qu'il y a de plus caricatural dans tout ce que nous vivons aujourd'hui : si France Télévisions s'en est si bien tirée, en 2009, en 2010 et en 2011, c'est justement parce que les ressources publicitaires étaient dynamiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

J'ai fait ce qu'il ne faut jamais faire : parce que j'avais annoncé que je me montrerais un peu généreux sur les prises de parole, du coup toutes les mains se sont levées. Je vous préviens donc que j'arrête les inscriptions.

La parole est à Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Monsieur le rapporteur général, tout comme mes collègues, je tiens à rendre hommage à la qualité de votre travail, dont nous sommes tous conscients dans cet hémicycle. Quant à vous, monsieur le ministre, vous avez rappelé l'importance de France Télévisions, du travail qui est accompli à l'heure actuelle, et je crois que chacun, ici, ne peut être que sensible au message que vous avez envoyé.

Mais je voudrais rappeler à notre rapporteur spécial Patrice Martin-Lalande, puisqu'il a évoqué le fait que le contrat d'objectifs et de moyens n'avait pas été examiné à l'Assemblée, que la commission des affaires culturelles et de l'éducation avait nommé un rapporteur, M. Jean-Jacques Gaultier, pour travailler sur ce sujet. Après plusieurs mois, M. Gaultier a présenté ses conclusions à la commission, qui les a adoptées, approuvant à la fois le rapport et le contrat d'objectifs et de moyens.

Un contrat d'objectifs et de moyens, demande Gilles Carrez, est-il quelque chose de définitif ou peut-on le modifier ? Selon moi, un contrat d'objectifs et de moyens peut bouger bien sûr. Mais je trouve choquant, et c'est pour cela que cet amendement pose un problème de principe, de prendre une telle décision aujourd'hui, alors qu'une commission parlementaire a travaillé, que le Gouvernement et France Télévisions ont, eux aussi, travaillé ensemble et que tout le monde s'est prononcé il y a quelques jours, même si le plan d'austérité a été annoncé aujourd'hui et que nous devons faire des efforts.

J'irai donc dans le sens de M. le ministre, en demandant à notre collègue Gilles Carrez de retirer son amendement. Il y aura probablement, dans les semaines et les mois à venir, des efforts à faire dans le domaine culturel ; ce sera l'occasion de reprendre les discussions avec les différents médias. Mais je crois qu'il est difficile de stigmatiser aujourd'hui France Télévisions avec un amendement de ce type. Je rappelle que des moyens ont été donnés à France Télévisions, avec des objectifs. Si nous changeons les moyens, il faut changer les objectifs, et cela ne peut pas se faire dans le cadre d'un amendement voté aussi rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

Monsieur le rapporteur général, vous avez du talent, c'est certain, et, en vous écoutant, on pouvait même avoir le sentiment que vous aviez raison. La réalité, c'est que vous avez eu raison une fois, parce qu'à cette période vous étiez en harmonie avec le groupe socialiste (Sourires), lorsque vous avez expliqué, dans le cadre de la commission Copé, dans quelle situation nous allions nous retrouver dans quelques semaines, dans quelques mois ou dans quelques années. S'il n'y avait pas eu la commission Copé, si nous n'avions pas été obligés de supprimer la publicité, en espérant trouver de l'argent ailleurs – même si nous n'avons pas suivi M. Copé jusqu'au bout sur sa proposition de supprimer la publicité avant vingt heures –, nous ne serions pas dans ce tunnel dont nous avons du mal à sortir.

Deuxième point qui me paraît au moins aussi important – et là je m'adresse à mes collègues partisans d'une société libérale, d'une société de l'entreprise, d'une société qui cherche la compétition – à chaque fois qu'une entreprise publique réussit, il faudrait la pénaliser. Si cette entreprise publique avait échoué, si elle n'était pas arrivée à obtenir la publicité qu'elle a su décrocher, on dirait, comme d'habitude : c'est le service public, ils ne savent pas se débrouiller, ils sont pas bons, on va même compenser… Je trouve illogique, pour des libéraux comme vous, d'estimer que lorsqu'une entreprise publique a des résultats aussi bons, voire meilleurs que ceux d'une entreprise privée, il faut lui prendre de l'argent, alors qu'il n'est jamais question de le faire pour une entreprise privée.

Nous aimons tous ici notre service public ; nous savons tous qu'il faut préserver l'équilibre entre ce service public et les télévisions privées ; nous sommes tous conscients que le service public doit parfois faire des économies, et par exemple j'interrogeais récemment M. le ministre sur les dépenses engagées pour rémunérer certains producteurs indépendants, dont la rémunération ne correspond pas forcément à la réalité des prestations qu'ils fournissent. Reste que vouloir lui reprendre ce qu'il a bien gagné serait lui adresser un signal très négatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Carayon

Ne dites pas que vous n'êtes pas libéraux, vous avez privatisé plus que nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Je voudrais creuser le même sillon, et non le même microsillon (Sourires), que Michel Françaix. Je crois en effet comme lui qu'il est paradoxal de vouloir sanctionner France Télévisions, au moment où l'on reçoit le rapport de l'IGF sur l'AEF, dans lequel on apprend que l'AEF a bénéficié de la part de l'État, sur deux années budgétaires, de 100 millions d'euros de versements supplémentaires par rapport aux prévisions, somme que je vous invite à rapprocher des 11 millions d'euros dont nous discutons ici.

France Télévisions et sa régie publicitaire ont plutôt bien travaillé, en gagnant de l'argent dans un contexte pourtant très difficile. Reprendre cet argent, alors même que le service public connaît de vraies difficultés d'audience, serait très négatif.

Il faut maintenir les dotations de France Télévisions, car nous avons besoin de médias publics puissants et dignes de confiance, qui remplissent leur fonction régulatrice dans notre démocratie. Cela n'empêche naturellement pas l'exécutif d'être plus exigeant sur certains éléments du COM, notamment les contrats d'animateurs-producteurs qui donnent lieu à une déperdition importante d'argent public, ou les contrats passés avec des bureaux d'étude – puisque nous avons appris récemment que, du temps de M. Camille Pascal, plusieurs de ces contrats avaient été signé dans des conditions étonnantes, pour des missions assez fumeuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Toutes les interventions ayant été dans le même sens, je vous redonne la parole, monsieur le rapporteur général, afin que vous assuriez votre défense !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Après avoir écouté mes collègues et le ministre, j'inclinerais plutôt à retirer mon amendement.

En effet, monsieur le ministre, certains points de votre réponse ont retenu mon attention, et je voudrais m'assurer que je les ai bien compris. En premier lieu, je rends hommage à mon tour à votre souci de bonne gestion des crédits publics. Vous nous en avez donné l'illustration à plusieurs reprises, par exemple au sujet de l'INA – situé dans ma circonscription –, et cette préoccupation justifie au moins deux éléments de votre réponse.

Vous avez d'abord indiqué que vous ne vous opposeriez pas à l'amendement que nous allons examiner après celui-ci mais vous en remettriez à la sagesse de l'Assemblée. C'est un amendement important, qui propose que, dès lors que les recettes publicitaires dépassent les prévisions, il est légitime, dans les difficultés que nous traversons, que le partage de ce bonus soit examiné avec attention par notre Parlement. Nous n'en serions probablement pas où nous en sommes aujourd'hui, si nous l'avions adopté il y a deux ou trois ans.

Madame Tabarot a rappelé à quel point elle était vigilante sur l'examen du contrat d'objectifs et de moyens ; je suis sûre qu'elle sera tout aussi exigeante sur l'examen de ce qui doit d'une part revenir définitivement à France Télévisions, et donc se transformer en dépense publique supplémentaire, et ce qui doit, d'autre part, revenir à l'État pour réduire un déficit hélas abyssal.

Vous avez ensuite évoqué les 500 millions d'économies nouvelles qu'il va falloir trouver. Cela se fera dans les tous prochains jours, et j'ai noté que vous vous montriez ouvert sur la question. En d'autres termes, le ministère de la culture n'a pas l'intention de refuser par principe de participer à l'effort exigé pour trouver ces 500 millions.

Il me semble donc que nous pouvons parvenir à un accord. Il est impossible selon moi de trouver ces 500 millions sur le seul budget de l'État, sachant que, selon ce qu'a déclaré tout à l'heure le Premier ministre, les collectivités locales, à qui l'on a déjà demandé 200 millions d'euros, seront, elles, exonérées de tout effort supplémentaire. Ces nouvelles économies devront donc être faites sur le budget de l'État, des entreprises publiques et des opérateurs de l'État, ce à quoi j'ai noté que vous ne vous opposiez pas.

Sous réserve que ma lecture de vos propos soit la bonne, je suis prêt à retirer mon amendement pour me rallier à celui de Patrice Martin-Lalande, que nous allons examiner à présent.

(L'amendement n° 362 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je mets aux voix les crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles ».

(Les crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles » sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Je suis saisi d'un amendement n° 343 , portant article additionnel après l'article 52.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

C'est un amendement que nous avons déposé avec Gilles Carrez, Jean-François Mancel, Charles de Courson et Michel Bouvard. Il avait déjà été examiné l'an dernier, adopté par la commission des finances mais repoussé en séance publique.

Il s'agit d'inscrire dans la loi des dispositions encadrant les cas fort heureux où France Télévisions dépasse ses objectifs de recettes publicitaires.

La loi que nous avons votée en 2009 prévoit une compensation des pertes de recettes publicitaires. Lorsque, comme cela a été le cas ces dernières années, la régie publicitaire de France Télévisions – félicitons-la – dégage des excédents de recettes par rapport aux prévisions, il nous paraît utile d'inscrire dans la loi que la compensation des pertes est ajustée au niveau réel de celles-ci, avec une dérogation pour les cas où les besoins excèdent ce qui est inscrit dans le contrat d'objectifs et de moyens, cas dans lesquels subsisterait la possibilité de ne pas réduire la compensation, pour permettre d'atteindre ces objectifs supplémentaires.

C'est ainsi qu'a procédé jusqu'à présent le Gouvernement, sans s'appuyer sur aucune base légale, puisque les surplus de recettes publicitaires ont notamment été affectés au désendettement de France Télévisions, ce qui permet aujourd'hui à l'entreprise d'être dans une meilleure situation qu'il y a trois ou quatre ans.

Nous vous proposons donc d'inscrire cette règle dans la loi, le principe étant que la compensation de la perte de recettes est ajustée à la perte réelle et que, en cas d'excédent de recettes, une part ou la totalité de ce surplus est affecté soit à un objectif ajouté, sous forme d'avenant, au contrat d'objectifs et de moyens, soit à un objectif optionnel figurant dès l'origine dans le COM.

J'ajoute que nous sommes sous la surveillance de Bruxelles, qui nous contraint à n'utiliser les recettes publiques que pour financer des missions de service public.

Je précise enfin que la commission était partagée sur cet amendement, qu'elle n'a pas adopté : il y a eu égalité de voix.

Frédéric Mitterrand, ministre. Nous avons déjà beaucoup débattu de cette question et je vous ai dit mon sentiment. Je suis très conscient de la forte contrainte qui s'exerce sur le budget de l'État. Je sais aussi que le niveau de recettes prévu par le contrat d'objectifs et de moyens est élevé et que le financement de France Télévisions sera donc assuré.

Je m'en remets donc, comme je l'ai dit, à la sagesse de l'Assemblée. Je tiens toutefois à préciser que, si cet amendement devait être adopté, il faudrait qu'il s'accompagne d'un assouplissement des conditions de rédaction et d'adoption d'un avenant au contrat d'objectifs et de moyens, car la procédure actuelle serait trop lourde au regard des enjeux que nous évoquons.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Si j'ai bien compris l'amendement, il ne s'agit pas de combler le déficit de l'État mais d'organiser les rapports entre l'État et France Télévisions. Cet amendement propose en effet, en cas de recettes supplémentaires, soit de les reverser à l'État, soit de renégocier le COM.

Je rappellerai ici que la compensation décidée par le Parlement ne concerne que la publicité au-delà de vingt heures, et l'on ne peut en permanence tout mélanger, sinon on finit par ne plus savoir de quoi on parle. Si, avant 20 heures, les recettes publicitaires sont meilleures que celles escomptées, tant mieux : saluons le travail de la régie. Je ne vois pas pourquoi il faudrait modifier cette mesure, d'autant plus que France Télévisions est une entreprise publique qui travaille bien et dégage parfois des recettes publicitaires supérieures aux prévisions. Revenir sur son financement de cette manière reviendrait à ce que, quels que soient les efforts fournis, l'entreprise n'en retire aucun bénéfice financier. Vous voulez, ni plus ni moins, décourager toute initiative de France Télévisions pour améliorer ses recettes. C'est dommage.

Avec mes collègues socialistes, nous sommes bien évidemment défavorables à cet amendement, et la sagesse à laquelle s'en remet le Gouvernement appelle un vote défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Gaultier

La commission des affaires culturelles n'a pas examiné cet amendement mais il a été tellement évoqué qu'il me semble nécessaire de vous faire part du sentiment qui s'est dégagé de nos travaux.

Je rappellerai au passage que la commission des finances, comme la commission des affaires culturelles, a émis un avis favorable sur le contrat d'objectifs et de moyens le 5 octobre. Si ce COM, sur lequel j'ai travaillé quelques mois en tant que rapporteur d'information, venait à être remis en cause, il me semble, sans pour autant vouloir graver un texte dans le marbre pour plusieurs années, qu'il faudrait travailler plus longuement sur ce sujet, aussi bien sur les recettes et les moyens que sur les objectifs, et avoir le courage de préciser les objectifs sur lesquels on veut revenir partiellement.

La commission des affaires culturelles s'est montrée défavorable à cet amendement qui pourrait entraîner plusieurs effets pervers pour France Télévisions.

Il pourrait tout d'abord la décourager de rechercher des recettes commerciales. Or, il serait dommage de pénaliser la réussite économique d'une entreprise. J'ai moi-même plaidé pour que l'on flèche les éventuels surplus publicitaires, très virtuels au demeurant, soit sur la création – l'aide à l'audiovisuel, au cinéma –, soit sur le numérique – 150 millions iront ainsi au numérique. Quand on sait que la BBC y consacre 300 millions, on réalise que nos chiffres ne sont pas excessifs.

Si je ne souhaite pas que ces éventuels surplus publicitaires viennent abonder des recettes de fonctionnement, il me semble important en revanche de les utiliser pour l'investissement.

Le dispositif que vous proposez réduirait considérablement, voire anéantirait, l'intérêt de développer un pôle commercial sur France Télévisions – rappelons qu'il s'agissait là d'une proposition majeure du groupe de travail constitué au sein de notre commission.

Par ailleurs, cette mesure fausserait totalement la négociation du COM en incitant les deux parties, dès le départ, à surévaluer ou minorer les prévisions de recettes commerciales.

En deuxième lieu, l'amendement nous paraît inutile puisqu'il correspond à la pratique actuelle qui consiste à ajuster chaque année la dotation inscrite en loi de finances initiale afin de tenir compte de la sur-performance publicitaire de France Télévisions. Cela s'est déjà fait en 2009, 2010, 2011. Ces chiffres ne sont pas gravés dans le marbre et des corrections peuvent y être apportées en lois de finances.

Enfin, il ne serait pas pertinent de mettre en place un dispositif pérenne, figé dans le marbre, pour répondre à une situation conjoncturelle d'excédent de recettes publicitaires.

Au nom de tous mes collègues de la commission, nous sommes défavorables à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

J'ai accepté tout à l'heure de retirer mon amendement n° 362 au profit de celui de M. Martin-Lalande. J'ai particulièrement apprécié que le ministre s'en remette à la sagesse de l'Assemblée – c'est ce qui m'a conduit à modifier ma décision.

Lorsque j'ai présenté mon amendement, je n'ai pas voulu donner de chiffres, mais je vais le faire à présent.

L'ensemble des recettes de France Télévisions se montait à 2,7 milliards en 2008. Il approchera des 3 milliards en 2012.

En juillet 2007, les effectifs s'élevaient à 10 500, tous confondus. Ils sont aujourd'hui de 10 300.

Sachant que nous, députés, sommes ici pour défendre l'intérêt général et que nos finances publiques sont au bord du précipice, nous devons impérativement nous poser cette question fondamentale : lorsqu'un euro supplémentaire de recette se dégage, qu'il provienne de la publicité ou d'une taxe au profit du centre national du cinéma, des agences de bassin, de tel ou tel organisme, cet euro doit-il être automatiquement transformé en dépense publique supplémentaire ou doit-il servir à réduire le déficit d'un pays au bord du précipice ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

J'espère que cet amendement, très judicieux et équilibré, sera voté, car il exprime l'intérêt général que nous devons défendre.

Plusieurs députés UMP. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à Mme Martine Martinel, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Il faut assumer ou pas la suppression de la publicité. Cet amendement repose sur une logique quelque peu perverse qui pourrait décourager toute recherche de ressources nouvelles.

Poussons le raisonnement jusqu'à l'absurde : pourquoi ne pas faire de même pour toutes les entreprises publiques ayant des ressources propres ?

Voulez-vous vraiment que, dès que France Télévisions dégage des recettes, l'État se désengage ?

Il faut voter contre cet amendement qui a été repoussé en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Ce qui me semble pervers, à moi, c'est qu'un dispositif destiné à compenser une perte de recette s'applique de la même façon lorsque la perte est inférieure aux prévisions surtout au moment où, comme l'a très bien dit Gilles Carrez, les finances publiques sont telles que nous devons systématiquement nous demander comment employer au mieux pour notre pays un euro supplémentaire de recettes : pour accroître les actions de France Télévisions ou pour désendetter l'État ?

La perversion n'est pas forcément là où vous le croyez, chère Mme Martinel, mais plutôt du côté de ceux pour qui le désendettement de l'État n'est pas la règle – quitte à poser des exceptions.

Notre amendement tend simplement à attribuer à l'État le bénéfice de recettes supplémentaires par le jeu des compensations, sans interdire de faire de nouveaux efforts, quand ils sont justifiés, par rapport au contrat d'objectifs et de moyens, grâce à un avenant. Il peut être assez rapide de faire un avenant, par une procédure allégée, surtout lorsque l'on sait, au milieu de l'année, où nous en sommes des recettes publicitaires.

Cet amendement va dans le sens d'un respect du contrat et de la priorité accordée au désendettement de l'État. Il est cohérent avec la loi de 2009 et la logique des COM.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

M. Michel Françaix va nous faire sortir du débat sur la perversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

J'ai l'impression que l'on mélange plusieurs choses. Quand le rapporteur général nous enjoint de faire des économies, même si chacun peut avoir sa propre idées des secteurs sur lesquels il faut économiser et des nouvelles recettes à dégager, nous pouvons entendre son discours. Peut-être qu'au final, en effet, le budget de la culture, ou un autre, devra être réduit de 2 %. Nous le comprenons car nous sommes en période de crise.

Prendre en revanche une telle décision parce que la régie publicitaire a bien travaillé n'a pas de sens. Que lui dirons-nous l'année prochaine ? De se reposer ? Qu'ils seront pénalisés parce qu'ils ont bien fait le travail pour lequel ils étaient payés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

pour avis. Cher collègue, vous avez travaillé dans des entreprises privées comme moi et vous savez à ce titre qu'en général il est plutôt positif d'obtenir des résultats !

On pourrait très bien expliquer au contraire au ministre que son budget, trop important, sera réduit de 3 % l'année prochaine. Je ne suis pas sûr qu'il sera d'accord et je ne le serai sans doute pas davantage.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

pour avis. Cela n'a rien à voir. Quand des gens sont efficaces et obtiennent de l'argent, il n'est pas normal de le leur reprendre. Si vous voulez que demain le service public soit rentable, c'est le contraire qu'il faut faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Schosteck

C'est de l'argent public !

(L'amendement n° 343 est adopté.)

Photo de Jean-Christophe Lagarde

Je mets aux voix les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ».

(Les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien » sont adoptés).

Photo de Jean-Christophe Lagarde

Je mets aux voix les crédits du compte d'affectation spéciale « Avances à l'audiovisuel public ».

(Les crédits du compte d'affectation spéciale « Avances à l'audiovisuel publics » sont adoptés).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous avons terminé l'examen des crédits relatifs aux médias, aux livres et aux industries culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances ;

Crédits de la mission "Aide publique au développement".

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron