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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Séance du 15 juin 2011 à 14h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • MEDEF
  • partiel
  • temps partiel
  • temps plein

La séance

Source

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l'audition de représentantes du MEDEF : Mme Françoise Holder, présidente du comité égalité hommes-femmes, Mme Audrey Herblin, directrice de mission à la direction des affaires publiques, Mme Élodie Warnery, chargée de mission senior à la direction des relations sociales et Mme Ophélie Tailly, chargée de mission à la direction entreprises et société

La séance est ouverte à quatorze heures.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Merci, madame, d'avoir accepté notre invitation.

En 2004, la Délégation aux droits des femmes avait produit un rapport sur le travail à temps partiel, après avoir auditionné à ce sujet l'ensemble des syndicats et le Medef. J'avais mis l'accent sur le problème de la retraite des femmes qui, après avoir opté pour le temps partiel entre 30 et 40 ans, ne retrouvent jamais de travail à temps plein. Ma crainte était justifiée car de nombreuses femmes qui ont eu un tel parcours se retrouvent aujourd'hui en situation de précarité.

C'est pourquoi j'ai proposé à la Délégation une nouvelle réflexion sur le temps partiel, mais ce que j'entends aujourd'hui m'inquiète plus encore. En effet, si en 2004 le travail à temps partiel correspondait le plus souvent au moment de l'arrivée d'un enfant, maintenant il se pratique aussi en début de carrière. Je tire donc la sonnette d'alarme, d'autant qu'il s'agit très souvent de temps partiel subi. Quel est le point de vue du Medef sur cette question ?

PermalienFrançoise Holder, présidente du Comité égalité hommes-femmes du Medef

Le Comité égalité hommes-femmes du Medef s'intéresse naturellement au temps partiel, en tant que discrimination potentielle à l'égard des femmes. Le sujet étant largement culturel, nous devons surtout nous attacher à faire évoluer les mentalités. À cet égard, le rôle des entrepreneurs est crucial ; mais il faut aussi agir en amont, à l'université comme dans le contenu des manuels scolaires.

Le travail du Comité s'organise autour de plusieurs axes.

Tout d'abord, nous essayons de valoriser la mixité en « déféminisant » ou « masculinisant » certains métiers. Nous travaillons également sur la réforme du congé de maternité, qui deviendrait un « congé de naissance » pouvant être pris en partie par le père. Tous les choix sont respectables, aussi bien celui d'une femme qui veut s'arrêter un ou deux ans pour élever ses enfants que celui d'une autre qui souhaite reprendre son travail rapidement après la naissance ; il faut donc trouver des formules souples. Peut-être même faudrait-il laisser la possibilité d'utiliser une partie de ce congé de « parentalité » au cours des trois premières années de l'enfant, en fonction des besoins, par exemple pour pouvoir prendre un après-midi pour l'emmener chez le médecin.

Par ailleurs, il ne peut plus y avoir comme autrefois une frontière étanche entre la vie professionnelle et la vie familiale. Il faut faire en sorte que les femmes ne soient pas systématiquement exclues du monde professionnel entre 25 et 35 ans parce qu'elles ont des enfants, et à partir de 45 ans parce qu'elles entrent dans la catégorie des seniors – problème que je connais bien car je m'investis dans une association, Force Femmes, qui s'occupe de retrouver du travail aux femmes de cet âge. Les femmes ne peuvent pas être contrainte à faire leur carrière sur dix ans! Nous devons donc éliminer les obstacles auxquels elles se heurtent.

Le troisième point est lié au précédent : nous essayons de faciliter l'exercice des responsabilités professionnelles et familiales.

En quatrième lieu, nous luttons contre les discriminations directes et indirectes subies par les femmes, dont la presse se fait l'écho. Des discriminations inacceptables persistent dans de nombreuses entreprises.

Enfin, le Medef a élaboré un Manifeste pour un nouveau management et se propose d'être exemplaire dans son management interne...

PermalienFrançoise Holder, présidente du Comité égalité hommes-femmes du Medef

Nous sommes sur le bon chemin, en effet.

Par ailleurs, nous vous devons une très grande avancée, dont je vous remercie : les quotas de femmes dans les conseils d'administration – même s'ils sont parfois difficiles à atteindre.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

C'est une loi pédagogique. Maintenant, le fait qu'il y ait peu de femmes dans un conseil d'administration donne mauvaise conscience.

PermalienFrançoise Holder, présidente du Comité égalité hommes-femmes du Medef

J'en viens au travail à temps partiel, sujet qui concerne 75 % des femmes. Il est assez difficile de faire la différence entre le temps partiel non choisi et le temps partiel choisi, par exemple pour s'occuper des enfants le mercredi. Il existe même quelques entreprises vertueuses qui accordent aux femmes un trois quarts de temps en sachant qu'elles accompliront leur travail exactement de la même façon, et donc en leur conservant leur salaire et leur statut.

Lorsqu'il s'agit de temps partiel choisi – pour des raisons correspondant à une période de la vie, qui peuvent être la présence de jeunes enfants, mais aussi celle de parents vieillissants –, il nous paraît nécessaire d'aider les femmes à préparer leur sortie de ce statut. Nous souhaitons que les entreprises mettent en place un système de tutorat – que l'on pourrait aussi bien appeler parrainage ou marrainage –, assorti d'une formation quasi-obligatoire, afin de permettre aux femmes qui le souhaitent d'accéder à un travail à temps plein, dans leur branche ou ailleurs.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

C'est une proposition très novatrice, dont je vous félicite ! Le Medef ne tenait pas ce discours en 2004.

PermalienFrançoise Holder, présidente du Comité égalité hommes-femmes du Medef

Une idée me tient particulièrement à coeur, et je n'aurais pas accepté de présider cette commission si je ne m'étais pas sentie soutenue en cela par Laurence Parisot : il faut établir des passerelles pour toutes les personnes qui le souhaitent. Et il faut s'abstenir de stigmatiser celles qui font tel ou tel choix : élever ses enfants, ce n'est pas ne rien faire ! Mais il faut permettre aux femmes d'évoluer dans leurs choix, selon les âges de la vie. J'en suis un exemple.

Nous lançons une autre idée : nous aimerions que les DRH établissent un certificat validant les périodes d'interruption de carrière pour s'occuper d'un enfant.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Dans la loi portant réforme des retraites, nous avons décidé que désormais, les indemnités journalières de congé maternité seraient prises en compte dans l'assiette de calcul des pensions de retraite.

Mme Françoise Holder. Certes, mais d'un point de vue psychologique, il serait bien que par ailleurs, une validation figure sur le CV. C'est une idée à affiner.

Les entreprises peuvent aider les femmes de diverses manières, notamment par la création de crèches d'entreprise – qui peuvent être mutualisées dans les PME – ou par la délivrance de chèques emploi service pour payer la crèche ou la femme de ménage. Si on n'aide pas les femmes à revenir vers le travail, il est clair, étant donné qu'elles assument plus de 80 % des tâches ménagères, qu'elles ne reviendront pas. Certains pays anglo-saxons le font beaucoup mieux que la France, notamment par la mise en place des conciergeries d'entreprise.

D'une façon générale, il nous paraît essentiel de favoriser les aménagements de la vie professionnelle. On dit parfois que les femmes sont leurs pires ennemies ; certes peu sont candidates pour siéger dans un conseil d'administration ou occuper un poste de cadre supérieur qui les obligera à voyager dans tous les pays du monde ou à assister à des réunions qui commencent à 18 heures… Mais pourquoi, dans notre pays, les réunions se tiennent-elles toujours à l'heure où les femmes voudraient pouvoir s'occuper de leurs enfants ?

Les mêmes considérations font que certains métiers, comme l'enseignement ou la magistrature, sont largement féminisés – à tel point qu'il a quelques années, l'École nationale de la magistrature, qui recrutait 80 % de femmes, a pris des dispositions pour masculiniser ses promotions.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Serait-il possible, selon vous, d'envisager une prime de précarité pour les salariés contraints au temps partiel ?

PermalienFrançoise Holder, présidente du Comité égalité hommes-femmes du Medef

Il serait difficile de systématiser une telle mesure. Il ne faut pas alourdir encore les charges des entreprises, d'autant qu'accorder une prime aux personnes employées à temps partiel en ferait des assistées. Mieux vaut assouplir le code du travail et la base horaire, afin de rendre plus facile le passage d'un régime à l'autre. Nous préférons aider ces personnes à retrouver un emploi à plein temps, en espérant que la reprise de l'économie le permettra. Ce sont dans les PME, et même dans les TPE, que l'on peut attendre le plus de créations d'emplois ; c'est pourquoi Laurence Parisot a demandé récemment à la Commission européenne de créer un poste de commissaire dédié aux PME.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Permettez-moi d'insister sur le cas des femmes qui ne réussissent pas à sortir du temps partiel et qui, parfois, effectuent un très petit nombre d'heures. J'ai rencontré il y a quelques jours une jeune femme de 25 ans, titulaire d'un DESS d'histoire de l'art, qui travaille 14 heures par semaine dans un musée. Quelle retraite percevra-t-elle ?

PermalienFrançoise Holder, présidente du Comité égalité hommes-femmes du Medef

Précisément, il ne faut pas l'enfermer dans sa situation actuelle, mais lui ouvrir des possibilités pour en sortir.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Devons-nous légiférer pour interdire aux employeurs de recourir à ce point à la « souplesse » du temps partiel – qui aboutit à la précarité ?

PermalienFrançoise Holder, présidente du Comité égalité hommes-femmes du Medef

Je ne peux pas penser qu'une jeune femme de 25 ans travaillera 14 heures jusqu'à 62 ans !

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Soit, mais le législateur doit-il s'en mêler ? J'ai interrogé le directeur du musée : il a reconnu qu'il était plus intéressant d'utiliser des guides à temps partiel, qui d'ailleurs sont employés par une entreprise sous-traitante.

Comment le Medef pourrait-il inciter les TPE et PME à ne pas entrer dans ce processus ? Votre proposition d'assouplir le code du travail m'inquiète un peu…

PermalienFrançoise Holder, présidente du Comité égalité hommes-femmes du Medef

Quel est l'intérêt pour le directeur du musée d'avoir cinq guides qui travaillent 14 heures, plutôt que deux à temps plein ?

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

La flexibilité : cela permet par exemple d'organiser plusieurs visites au même horaire.

De notre part, ne rien faire, c'est cautionner un système qui va exploser dans les quarante ans qui viennent, quand les personnes concernées partiront à la retraite. La réforme des retraites de l'année dernière a mis en évidence la situation particulièrement difficile de certaines femmes. En tant que législateur, nous avons une responsabilité pour l'avenir : que sera la retraite de femmes qui auront occupé un emploi à temps partiel dès le début de leur carrière ?

PermalienFrançoise Holder, présidente du Comité égalité hommes-femmes du Medef

En attendant de trouver un temps plein, elles peuvent cumuler deux temps partiels.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Souvent, ce n'est pas possible car les horaires sont dispersés dans la journée : lorsque nous avons fait notre étude en 2004, nous avons constaté que les temps partiels proposés par les grandes surfaces ne pouvaient pas être complétés par un deuxième. Certaines grandes enseignes, sensibilisées à ce problème, ont fait en sorte de fournir des emplois du temps compatibles avec un deuxième temps partiel – au moins en province, où le problème des transports ne se pose pas comme en région parisienne. Mais il y a aussi le problème des horaires changeants.

PermalienFrançoise Holder, présidente du Comité égalité hommes-femmes du Medef

Nous allons soumettre cette question à la commission sociale du Medef et essayer de vous faire des propositions concrètes.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Très volontiers. Je ferai moi-même quelques propositions, notamment la négociation d'accords au niveau des branches.

Je suis particulièrement inquiète pour le secteur de l'aide à domicile, où l'on propose très souvent des emplois à temps partiel, assortis d'une grande souplesse.

PermalienFrançoise Holder, présidente du Comité égalité hommes-femmes du Medef

Je n'ai pas une vision angélique des chefs d'entreprise, mais je déplore qu'ils aient été ainsi salis dans les médias à cause de quelques présidents du CAC 40 et de leurs parachutes dorés. Beaucoup d'entre eux ont des salaires tout à fait normaux, quand ils ne signent pas de cautions sur leurs biens propres… En général, quand ils en ont la possibilité, ils font en sorte d'avoir des salariés heureux. Pourquoi n'offriraient-ils que des temps partiels s'ils peuvent proposer des emplois à plein temps ? Cela dépend naturellement de la situation économique. Essayons donc d'améliorer l'état du marché du travail avant de légiférer – sauf pour régler d'éventuels abus. On ne peut pas obliger le dirigeant d'une PME à proposer un temps complet si son chiffre d'affaires ne le lui permet pas ! On ne peut pas davantage lui demander de verser une prime aux salariés employés à temps partiel.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Je suis heureuse de pouvoir dialoguer avec vous ; les choses ne s'étaient pas passées de la même façon avec le Medef en 2004. Nous allons vous adresser nos propositions, puis nous vous rencontrerons à nouveau, peut-être avec les représentants de la commission sociale du Medef, afin que nous puissions avancer.

PermalienFrançoise Holder, présidente du Comité égalité hommes-femmes du Medef

Les services à la personne, que mon association s'attache à développer à travers le micro-entreprenariat, sont aussi des services rendus à la société. Il faudrait les organiser ; dans ce domaine, plusieurs temps partiels peuvent aboutir à un temps plein.

PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

On pourrait imaginer que les entreprises, après négociation, adoptent une charte dans laquelle elles prendraient des engagements, notamment en faveur de l'accès au temps plein.

Merci beaucoup pour cet échange.

La séance est levée à quatorze heures quarante-cinq.