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Séance en hémicycle du 6 juin 2011 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • ISF
  • contribuable
  • fiscalité
  • plafonnement

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-sept heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (nos 3406, 3503, 3501).

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, cher François, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, il y a six mois, le Président de la République nous a demandé, à François Baroin et à moi-même, de revoir la fiscalité du patrimoine, en associant efficacité et équité économiques, avec le souci de faire une réforme utile. Il a demandé tout particulièrement à François Baroin de mener des travaux de consultation permettant d'arriver, précisément, à ce texte auquel nous aspirions, c'est-à-dire un texte utile.

Je ne vous présenterai pas l'intégralité de cette réforme de la fiscalité du patrimoine ; c'est à François Baroin qu'il appartient de le faire, puisque c'est lui qui a mené les travaux de consultation et de finalisation du texte. Permettez-moi simplement, en guise d'introduction, de vous indiquer dans quel contexte économique s'inscrivent cette réflexion et ce projet du Gouvernement pour une réforme utile de la fiscalité, en revenant sur certaines des caractéristiques de l'économie française telle qu'elle se présente aujourd'hui, et telle qu'elle se redresse de manière manifeste. Je vous indiquerai, en second lieu, au sujet de trois articles particuliers, le dispositif que le Gouvernement soumet à votre examen.

La réforme qui vous est présentée s'inscrit très clairement dans les engagements que nous avons pris dans le cadre du programme de stabilité 2011-2014 qui a été débattu à l'Assemblée nationale au début du mois de mai puis transmis à la Commission européenne. C'est bien dans un souci d'équilibre de la réforme et de redressement des finances publiques que s'inscrit la discussion de ce texte.

Notre politique en matière de finances publiques vise à les réinscrire dans un cycle vertueux fondé sur le respect de deux grands équilibres : l'engagement de ramener le déficit à 3 % du PIB en 2013 et d'inverser la trajectoire de dette pour ramener celle-ci à 60 % du PIB, objectif que nous devons impérativement respecter.

Les exercices 2012 et 2013 sont cruciaux, puisque c'est à partir de 2013 que nous infléchirons la trajectoire de dette et que nous reviendrons dans un cycle vertueux.

Quelques mots sur la situation de l'économie française telle qu'elle se présente aujourd'hui. D'abord, la reprise économique, amorcée dès le deuxième trimestre 2009, s'est poursuivie au cours de l'année 2010 et s'est fortement accélérée au premier trimestre 2011. C'est ainsi que, pendant l'année 2010, l'économie française a créé à nouveau de la valeur, avec une croissance de 1,5 %. On est ainsi passé d'un cycle négatif, où de la valeur a été détruite, où l'économie française a perdu des emplois par centaines de milliers, à un cycle redevenu positif. La reprise s'est confortée de manière tout à fait évidente dès la fin du quatrième trimestre 2010, qui a vu la croissance s'accélérer pour fournir, au premier trimestre 2011, un résultat tout à fait inhabituel, puisqu'il s'est établi à 1 % de croissance, ce qui nous ramenait aux meilleurs chiffres de l'année 2006.

Ainsi, la plupart des instituts de prévision, au premier rang desquels le bureau économique de l'OCDE, revoient aujourd'hui les prévisions de croissance, non pas à la baisse, comme ce fut souvent le cas pendant une période fort difficile, mais à la hausse. L'OCDE, qui avait publié une prévision de moins de 2 %, prévoit maintenant une croissance de 2,2 %.

La reprise économique depuis le début de l'année 2011 s'est donc manifestement accélérée.

La production manufacturière, qui est l'un des moteurs de cette reprise, a enregistré une croissance de 3,4 % au premier trimestre. Ce chiffre totalement inhabituel, que l'on n'avait pas vu depuis trente ans, s'explique évidemment par la reprise de l'activité économique et par la reconstitution de stocks.

Tout cela concerne, me direz-vous, l'activité économique. Mais, par ailleurs, un autre marqueur essentiel est celui de l'emploi, qui a progressé au cours de l'année 2010. J'en profite pour saluer Xavier Bertrand, qui est particulièrement chargé de ces questions et qui vient de nous rejoindre. On a enregistré une augmentation nette de 125 000 emplois en 2010, qui s'est poursuivie et accélérée pendant le premier trimestre 2011, où les créations d'emplois nettes ont atteint 58 800. Nous enregistrons, dans le même temps, une diminution du nombre de demandeurs d'emploi de plus de 42 000.

Le taux de chômage au sens du Bureau international du travail a diminué de 0,4 point depuis le plus haut de la crise, puisqu'il atteint désormais 9,2 %. Avec Xavier Bertrand, nous avons bien l'intention de faire passer ce chiffre, comme nous l'avons prévu et comme nous l'espérons, en dessous des 9 % avant la fin de l'année.

Par ailleurs, il faut évidemment examiner l'évolution du pouvoir d'achat des ménages. Même si cette évolution n'est pas perçue comme telle, les chiffres, en agrégats macroéconomiques, indiquent un maintien, voire une progression…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cela fait une belle jambe aux Rmistes ! On ne mange pas avec des agrégats, madame la ministre !

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

…du pouvoir d'achat des ménages, notamment par le biais d'un certain nombre de stabilisateurs automatiques. Il y a eu accélération des transferts sociaux, qui sont, que cela plaise ou non, l'une des caractéristiques de l'économie française. Le pouvoir d'achat a ainsi progressé de 1,3 % en 2009 et de 0,8 % en 2010.

J'entends déjà les arguments que vous ne manquerez pas d'avancer pour contredire ces chiffres, qui sont pourtant, en agrégats, les chiffres réels tels qu'ils nous sont présentés notamment par l'INSEE.

Par ailleurs, la consommation des ménages s'est accélérée, puisque son augmentation est passée de 0,4 % en 2009 à 2,6 % en 2010. Je vous rappelle que la France est le seul pays de la zone euro où, durant la crise, la consommation n'a jamais baissé d'un trimestre sur l'autre. Durant le premier trimestre de l'année 2011, en dépit de l'extinction de la prime à la casse, on continue à observer une progression de la consommation.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Dans ce contexte économique plus favorable, notre obligation est évidemment de tenir les engagements que nous avons pris. Nous sommes allés au-delà de notre objectif en 2010, en ramenant le déficit à 7,1 % du PIB. Pour cette année, nous avons porté l'objectif à 5,7 %, alors que celui qui était initialement inscrit dans le projet de loi de finances pour 2011 était de 6 %. Il s'agit évidemment d'être dans les clous par rapport à l'objectif que nous nous sommes assigné pour 2013, à savoir un déficit n'excédant pas 3 % du PIB.

Voilà l'ensemble de la situation économique telle qu'elle se présente aujourd'hui. Voilà les engagements qui ont été pris en termes budgétaires. C'est bien dans ce contexte que s'inscrit la réforme de la fiscalité du patrimoine, avec la suppression du fameux bouclier fiscal, afin d'aboutir à une réforme utile, et avec un certain nombre de modifications qui assurent notamment la neutralité budgétaire de l'ensemble du projet.

Un mot, enfin, sur trois mesures particulières du projet de loi de finances rectificative, qui ne portent pas sur la réforme de la fiscalité du patrimoine, puisque c'est à François Baroin de vous présenter celle-ci, aussi bien dans ses grandes lignes que dans ses détails.

La première de ces trois mesures est celle qui figure à l'article 7. Elle prévoit la création d'une contribution sur les entreprises du secteur pétrolier, afin de financer des mesures d'allégement pour les personnes qui utilisent leur véhicule pour travailler. Vous vous rappelez qu'au plus fort de l'augmentation des prix des produits pétroliers, nous avions décidé de permettre à ces personnes de déduire un peu plus de dépenses. Nous avons voulu nous assurer de la neutralité budgétaire de cette nouvelle mesure, son coût pour le budget de l'État étant pris en charge par cette contribution spécifique.

La deuxième proposition particulière de ce projet de loi figure en son article 23, qui propose de modifier la quote-part de la France au Fonds monétaire international conformément à son poids dans l'économie mondiale. L'économie française est la cinquième économie du monde ; à ce titre, la France est le cinquième contributeur au Fonds monétaire international, par le biais des quotes-parts. Une réforme en profondeur du FMI avait été initiée dès 2006 ; poursuivie en 2008, elle s'est approfondie en 2010 sous l'autorité du directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Il est temps que la France se conforme à la modification qui a été avalisée. C'est pourquoi vous aurez à examiner l'article 23, qui démontre notre détermination à être exemplaire dans l'application de la réforme de la gouvernance du FMI. Cette réforme me semble non seulement utile, mais également nécessaire pour que le fonds soit en mesure d'intervenir et pour permettre une bonne représentation de l'ensemble des pays tant en termes de quotes-parts que de votes.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

La troisième modification est un projet d'amendement du Gouvernement qui permettra à la France de jouer un rôle moteur au sein de la zone euro en étant parmi les premiers pays à mettre en oeuvre son engagement vis-à-vis de ses partenaires.

Lors du Conseil européen des 24 et 25 mars, l'ensemble des pays de la zone euro s'est engagé à augmenter sa capacité de garantie pour donner au Fonds européen de stabilité financière une capacité de prêt de 440 milliards d'euros. Mais par le biais des différentes garanties qu'il faut conserver à l'intérieur du Fonds européen de stabilité financière pour lui permettre de s'assurer d'une notation triple A, la capacité de prêt du Fonds n'est pas de 440 milliards d'euros. Or, vis-à-vis de l'ensemble des opérateurs et des financeurs, il apparaît indispensable de le doter d'une capacité d'emprunt suffisante pour lui permettre d'exercer la totalité de sa capacité de prêt. C'est ainsi qu'un amendement sera soumis à votre examen pour porter la capacité de prêt du Fonds européen de stabilité financière à 440 milliards d'euros, tout en lui assurant le maintien de la notation triple A qui paraît indispensable pour emprunter à des conditions favorables.

Mesdames et messieurs les députés, j'espère que vous voudrez bien m'excuser de ne pas pouvoir vous écouter, de ne pas avoir ce plaisir, ou parfois ce regret, puisque je suis obligée de poursuivre un périple qui m'amène au-delà des frontières de l'Union européenne. J'ai néanmoins voulu, aux côtés de François Baroin, indiquer avec solidarité que le Gouvernement est déterminé à proposer cette réforme utile de la fiscalité sur le patrimoine, dans un contexte économique où notre pays voit la reprise s'accélérer, manifestant ainsi que pendant la crise, et après elle, la politique gouvernementale, quelles que soient les critiques que l'on ne manquera pas de lui adresser – déjà je les imagine –, n'a pas été sans produire un certain nombre de résultats. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Monsieur le président, madame la ministre, chère Christine, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, vous me permettrez avant tout de saluer Christine Lagarde pour son implication dans l'élaboration de la loi de finances rectificative que nous avons l'honneur de vous présenter cet après-midi, et de lui dire notre confiance et notre soutien.

Ce projet de loi de finances rectificative marque une étape importante dans la poursuite des engagements du Gouvernement. L'an dernier, lors d'un débat budgétaire vigoureux, exigeant et de qualité, je m'étais engagé à l'égard du rapporteur général à présenter au mois de juin un collectif budgétaire qui porterait sur la réforme de la fiscalité du patrimoine.

Cette réforme est d'abord le fruit de votre initiative. Nombreux sont ceux d'entre vous qui ont appelé de leurs voeux la suppression du bouclier fiscal tout en reconnaissant qu'elle ne pouvait se faire sans poser la question de l'ISF. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité associer très en amont la représentation nationale aux travaux qui ont mené à cette réforme. Je remercie en particulier les commissions des finances des deux assemblées ainsi que les vingt parlementaires – ils se reconnaîtront – qui ont oeuvré au sein du groupe de travail que Christine Lagarde et moi-même avons animé pendant six mois. Leur implication dans l'élaboration de ce texte a été remarquable, et je voulais le souligner.

Au-delà du précieux travail de fond que vous avez fourni, je veux saluer notre effort constant de recherche du consensus. Réformer la fiscalité du patrimoine est une mission très sensible, dont la portée est hautement symbolique. C'est un pan de notre fiscalité qui touche à l'histoire, aux valeurs de chacun,…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

…aux notions de justice, d'équité et de compétitivité. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles peu de gouvernements ont souhaité s'engager dans cette voie depuis vingt ans. Nous le faisons grâce à vous. Par le dialogue, la concertation, le partage des expertises et l'échange, nous sommes aujourd'hui parvenus à un texte équilibré, juste, et qui atteint les deux objectifs que nous nous étions fixés : celui de justice sociale d'une part et celui de compétitivité et d'équité économique d'autre part. Ce résultat n'est pas uniquement celui du Gouvernement, c'est l'aboutissement d'un travail collectif, et je remercie une fois encore toutes celles et tous ceux qui y ont participé.

Ce projet de loi de finances rectificative effectue par ailleurs un certain nombre d'ajustements, dont Christine Lagarde a développé les points les plus saillants. En matière de recettes et de redéploiement entre dépenses, des priorités ont été affirmées par le Gouvernement au cours de ces dernières semaines, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de soutien à l'emploi et à l'alternance que Xavier Bertrand présentera dans quelques instants. Ces mouvements sont globalement neutres sur le plafond de dépenses autorisées et le solde budgétaire, qui reste inchangé par rapport à la loi de finances initiale à 91,6 milliards d'euros.

Ma présentation sera centrée sur la réforme de la fiscalité du patrimoine ainsi que sur les modalités de son financement.

Avec cette réforme, le Gouvernement souhaite un impôt de solidarité sur la fortune plus juste et mieux adapté aux réalités économiques. Notre impôt de solidarité sur la fortune, dans sa forme actuelle, souffre essentiellement de trois difficultés. Premièrement, son seuil d'entrée est décalé par rapport à l'évolution des prix de l'immobilier au cours de ces dix dernières années, ce qui a fait entrer artificiellement dans l'ISF des contribuables qui n'ont jamais quitté leur résidence principale. Deuxièmement : la nature et le degré des taux d'imposition sont aujourd'hui déconnectés du rendement réel des actifs, de sorte que l'impôt est devenu confiscatoire dans de nombreux cas. Enfin, les modalités déclaratives de l'ISF sont trop pesantes et souvent perçues comme inquisitoriales pour les contribuables. Nous vous proposons de corriger ces trois handicaps majeurs.

C'est globalement que le Gouvernement agit sur la structure de notre fiscalité afin de la rendre plus simple, plus juste, plus compétitive. Après la réforme du crédit d'impôt recherche, menée par Christine Lagarde, et celle de la taxe professionnelle conduite dans le même esprit de compétitivité, la réforme de la fiscalité du patrimoine s'inscrit logiquement dans cette ambition.

L'acte I de cette réforme est avant tout la suppression du bouclier fiscal, et avec lui, de toute forme de plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune. Cette suppression poursuit un objectif de justice et d'équité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

C'est au bout de quatre ans que vous vous en rendez compte !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Cette même exigence de justice signifie que nous devons prendre en compte la situation des bénéficiaires actuels du bouclier fiscal de condition modeste, qui sont majoritaires ; et un dispositif de plafonnement de la taxe foncière en fonction des revenus serait maintenu à leur profit.

L'exigence de justice signifie aussi que nous devons nous attaquer aux raisons qui ont rendu le bouclier fiscal nécessaire. La suppression du bouclier ne peut s'envisager sans une profonde réforme du barème de l'ISF, sauf à rendre à cet impôt un caractère confiscatoire que pas même ceux qui l'ont instauré en 1989 ne voulaient lui conférer. Le bouclier fiscal n'est que l'arrière-petit-fils d'une initiative du gouvernement Rocard qui, en restaurant et modifiant l'impôt de solidarité sur la fortune, avait bien compris qu'à un certain degré de pression fiscale, il devenait confiscatoire. Dans une forme de lucidité un peu contre nature, vous avez donc vous-mêmes plafonné cet impôt.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Vous ne pouvez pas à la fois contester le bouclier fiscal, souhaiter sa suppression, condamner sa suppression et en refuser les droits d'auteur, puisque vous êtes à l'origine de ce dispositif de plafonnement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Le Gouvernement vous propose donc une simplification de l'ISF, et son adaptation aux réalités économiques. Nous vous suggérons en effet de supprimer la première tranche de l'ISF, qui concerne les ménages possédant un patrimoine net d'une valeur comprise entre 800 000 euros et 1,3 million. Ce sont eux qui ont été affectés directement par l'évolution du marché de l'immobilier. Ce sont ces assujettis à l'ISF qui disparaîtront de l'assiette.

Dès cette année, le seuil d'entrée à l'ISF serait fixé à 1,3 million d'euros de patrimoine. Cela permettra de faire sortir de l'assiette 300 000 foyers qui y sont entrés sous l'effet de la bulle immobilière. Cette mesure évite également à 200 000 autres ménages, aujourd'hui juste au-dessous du seuil de l'ISF, d'y entrer prochainement du fait de la poursuite de la hausse. Au total ce sont donc bien 500 000 ménages qui sont concernés par la suppression de la première tranche.

Nous proposons ensuite de corriger le barème de l'ISF, qui est devenu non seulement une incongruité française en Europe, mais aussi un réel encouragement à l'expatriation. Le projet de loi qui vous est soumis prévoit un système simple : de 1,3 à 3 millions d'euros de patrimoine, le taux d'imposition serait de 0,25 %, et les modalités déclaratives des redevables de cette tranche seraient également simplifiées. Ils n'auraient plus à faire de déclaration ISF, la valeur totale de leur patrimoine serait désormais portée sur la déclaration d'impôt sur le revenu, et le paiement de cet impôt se ferait en même temps que celui de l'impôt sur le revenu. Au final, le système serait plus simple, plus équitable, moins inquisitorial, et en même temps juste, grâce à une contribution acceptable pour accompagner l'effort de solidarité générale.

Pour les contribuables ayant un patrimoine supérieur à 3 millions d'euros, soit environ 30 000 foyers fiscaux, le taux d'imposition serait de 0,5 %. Les assujettis concernés devront remplir une déclaration d'ISF, comme c'est le cas aujourd'hui, mais là encore plus simple et moins inquisitoriale.

Pour lisser les effets de seuil, un dispositif de décote serait instauré pour les patrimoines compris entre 1,3 et 1,4 million, ainsi que pour ceux compris entre 3 millions et 3,2 millions. Nous avons été attentifs à corriger l'ensemble des effets de la simplification et de l'alignement sur un taux proportionnel avec uniquement deux tranches. Il n'y aura donc pas de perdants dans le nouveau dispositif concernant la mise en oeuvre de ces deux nouvelles tranches.

Enfin, nous avons veillé à corriger les effets économiques les plus néfastes de l'ISF. Pour préserver le développement des PME, nous vous proposons de redéfinir le régime d'exonération des biens professionnels pour les entrepreneurs qui dirigent plus d'une entreprise ou qui diluent leur participation à l'occasion d'une augmentation de capital.

Nous voulons également encourager le développement d'un capitalisme familial par des assouplissements des pactes Dutreil. Nous serons très ouverts à une évolution sur ce point au cours de nos débats, vous n'ignorez pas l'importance de ce dispositif protecteur pour la pérennité des entreprises sur plusieurs générations.

Suppression du bouclier fiscal, protection de la résidence principale avec le relèvement du seuil d'entrée dans l'ISF, retour à des taux cohérents avec les rendements des actifs, aménagement des régimes d'assiette pour tenir compte de la vie des entreprises : comme vous pouvez le constater, cette réforme porte la marque d'un juste équilibre entre équité et efficacité économique.

Mais la réforme ne peut se concevoir que dans sa globalité. Il était essentiel, pour le Gouvernement, de présenter un projet équilibré pour les finances publiques. Cette contrainte supplémentaire a alimenté nos travaux de manière vertueuse. La réforme ne pèse que sur les seuls foyers anciennement redevables à l'ISF. Ce sont donc bien les personnes actuellement assujetties à l'ISF qui seront les principaux pourvoyeurs du financement de la réforme qui vous est proposée.

Le financement de cette réforme repose donc sur une imposition plus importante des donations et des successions des hauts patrimoines, sur une contribution des non-résidents et sur l'instauration de plusieurs dispositifs de lutte contre l'évasion fiscale internationale. Conformément au choix du Président de la République, nous avons opté pour un financement simple, qui pèse sur les flux du patrimoine davantage que sur le stock, sur la transmission plutôt que sur la détention. Là encore, il n'y a de cadeau pour personne.

L'imposition des donations et successions sera augmentée pour les hauts patrimoines. J'insiste sur le fait que ce volet de la réforme ne concerne que les hauts patrimoines ; les acquis essentiels de la loi TEPA seront intégralement préservés et même confortés. Je rappelle qu'elle a permis d'exonérer 97 % des successions en ligne directe et qu'elle a facilité les transmissions anticipées de patrimoine. Nous ne reviendrons pas sur ces dispositifs.

Nous proposons au contraire de financer la réforme de l'ISF en mettant, d'une part, à contribution les détenteurs de hauts patrimoines et en revenant, d'autre part, sur des dispositions antérieures à la loi TEPA qui, du fait notamment du triplement des abattements intervenus avec la loi, ont perdu de leur pertinence.

C'est une stratégie qui se décline selon trois axes.

D'abord, nous souhaitons augmenter de 5 points les tarifs applicables aux deux dernières tranches du barème d'imposition des successions et des donations consenties en ligne directe, ainsi qu'aux donations entre époux et titulaires d'un PACS. Cette hausse concernera seulement 2 000 successions par an et ce sont bien les très grosses successions qui sont visées.

Ensuite, nous voulons supprimer les réductions de droits de donation accordées en fonction de l'âge du donateur. Je rappelle que ces droits ne sont dus qu'à hauteur des donations qui dépassent l'abattement de 159 000 euros. C'est un seuil déjà bien plus élevé que le patrimoine total d'une très grande partie des Français. Là encore, la mesure concerne un nombre très limité de personnes fortunées.

Enfin, nous souhaitons porter de six à dix ans le délai de rappel des donations. Le raccourcissement du délai de dix à six ans étant intervenu en 2006, avant TEPA, toutes les donations qui pourraient profiter aujourd'hui du délai de six ans sont intervenues alors que la loi prévoyait un délai de dix ans. Je sais le rapporteur général attentif sur ce point, nous en débattrons au cours de la discussion.

Réformer la fiscalité du patrimoine, c'est aussi adapter le droit pour limiter les possibilités d'optimisation et renforcer également les outils qui permettent de lutter contre l'évasion fiscale. C'est dans cet esprit que trois mesures qui permettront d'améliorer l'efficacité de notre fiscalité vous sont proposées.

Désormais, une taxation des résidences secondaires permettra d'associer les non-résidents au financement des services publics nationaux, dont elles bénéficient. Ce dispositif concernerait uniquement les personnes dont les revenus de source française ne représentent qu'une faible part de leurs revenus totaux. Il institue une participation proportionnelle aux capacités contributives conférées par le patrimoine immobilier dont ces personnes ont la jouissance sur le territoire national et au titre duquel elles n'acquittent actuellement que des impositions à caractère local. Bien entendu, les personnes qui s'expatrient temporairement, notamment pour des raisons professionnelles, en seront exonérées.

Ensuite, le projet de loi de finances rectificative prévoit l'introduction d'une exit tax sur les plus-values latentes. C'est un point important. Ce dispositif a été conçu pour être parfaitement conforme au droit communautaire et aux engagements internationaux de la France. Il s'inspire de ceux adoptés par certains de nos partenaires européens, tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas. C'est une taxe qui sera assise sur les plus-values sur titres constatées lors du transfert de la résidence fiscale hors de France et exigible en cas de cession des titres durant les huit années qui suivent. C'est une mesure dissuasive, qui permet de priver l'exilé du bénéfice fiscal de son expatriation, en le taxant de la même manière que s'il n'avait jamais quitté la France.

Enfin, nous présentons plusieurs mesures pour mettre fin à des schémas d'optimisation et d'évasion fiscale. Nous vous proposons de mettre un terme aux situations dans lesquelles des non-résidents échappent à l'ISF en plaçant leurs biens immobiliers dans une SCI criblée de dettes. Nous vous proposons également de donner à l'administration la capacité d'appréhender fiscalement les biens et droits placés dans des trusts. Là aussi, il s'agit d'une invention législative importante.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Le trust est, je le rappelle, une institution de droit anglo-saxon qui n'a pas vraiment d'équivalent en droit français. Son régime fiscal est incertain, situation qui facilite l'utilisation de cet instrument à des fins d'évasion fiscale.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Nous souhaitons naturellement que cette anomalie cesse.

Ces deux dernières mesures s'inscrivent dans le prolongement d'autres opérations fortes que nous menons pour lutter contre la localisation d'actifs ou de revenus sur des comptes bancaires off shore. La cellule de régularisation, l'exploitation de listings étrangers ont ainsi permis de rapatrier des recettes importantes au cours des années 2010-2011. D'autres initiatives en cours généreront des ressources importantes en 2012 et 2013. Elles viendront compléter le financement de la réforme au titre de ces années et, en régime de croisière, la réforme dégagera dans son ensemble et indépendamment de toute ressource exceptionnelle un surcroît de recettes de près de 200 millions d'euros par an. Nous avons donc là aussi atteint l'objectif fixé avec les contraintes qui étaient imposées : contraintes d'équilibre pour les finances publiques, contraintes calendaires, contraintes de justice, des contraintes d'équité, contraintes de compétitivité économique et contraintes de périmètre de la réforme. Nous sommes bien là dans un ensemble où il n'y aura ni perdants ni aucun cadeau à personne…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

mais qui constitue une réforme fiscale d'envergure.

Au-delà de la réforme de la fiscalité du patrimoine, ce projet de loi de finances rectificative comprend plusieurs dispositions qui reflètent notamment la priorité donnée à l'emploi et au pouvoir d'achat. Je tiens tout de suite à préciser que ces mesures, qui sont en nombre réduit, ne modifient là encore ni le plafond des dépenses autorisées que vous avez voté, ni le solde budgétaire pour 2011. Nous tenons nos objectifs en matière de réduction des déficits publics.

Ces mesures visent tout d'abord à soutenir l'emploi et le pouvoir d'achat des ménages.

En matière d'emploi, conformément à l'engagement du Président de la République, le Gouvernement souhaite orienter son action vers quatre priorités : l'emploi des jeunes, le soutien aux demandeurs d'emploi de longue durée, la formation des demandeurs d'emploi et la sécurisation des parcours professionnels. Ce projet de loi de finances rectificative procède à plusieurs ouvertures ciblées de crédits, dont les principales ont vocation à financer la formation en alternance, les contrats aidés du secteur marchand, un certain nombre d'actions de formation pour les chômeurs de longue durée, ainsi que la mise en oeuvre du nouveau contrat de sécurisation professionnelle.

En matière de pouvoir d'achat – Christine Lagarde a évoqué cette mesure avec le talent qu'on lui connaît – le Gouvernement, au regard des fortes hausses des prix des carburants, a revalorisé de 4,6 % les barèmes kilométriques utilisés par les salariés qui optent pour les frais réels et par certains non-salariés pour évaluer forfaitairement leurs frais de véhicule. Cette revalorisation entrera en vigueur dès cette année et nous vous proposons de financer cette décision par une contribution exceptionnelle à la charge des entreprises dans le secteur pétrolier, dont le rendement –120 millions d'euros cette année –…

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

…permettra de couvrir le coût de la revalorisation du barème.

Par ailleurs, là encore dans une logique de protection du pouvoir d'achat de nos concitoyens, et afin de mieux maîtriser la hausse du coût de l'électricité et son impact sur les consommateurs, une disposition de ce collectif prévoit de lisser la revalorisation de la contribution au service public de l'électricité. Là aussi, nous tenons les engagements fixés par le Président de la République.

Un point rapide pour terminer sur les autres mesures présentées dans le projet de loi de finances rectificative. Un certain nombre de dispositions concernent le financement de la réforme de la garde à vue, notamment via la création d'une contribution pour l'aide juridique et l'ouverture de moyens supplémentaires sur les programmes du ministère de la justice et de l'intérieur concernés. Le projet instaure également un dispositif d'indemnisation spécifique des victimes du Mediator et de ses génériques. Je laisserai le soin au ministre de la santé de vous présenter plus en détail ce dispositif. Il est par ailleurs procédé, comme chaque année, à des ajustements de crédits ciblés qui visent à couvrir les insuffisances en gestion anticipée sur certains programmes. L'ensemble de ces mesures, je le répète, ne modifie pas le solde budgétaire, qui reste inchangé et qui s'établit, pour mémoire, à moins 91,6 milliards d'euros.

Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement est, comme vous le voyez, déterminé à poursuivre l'adaptation de notre fiscalité pour la rendre plus simple, plus juste et plus efficace.

Je sais que vous êtes nombreux à souhaiter que nous abordions le sujet de la contribution sur les revenus exceptionnels. C'est une question distincte de celle de la réforme de la fiscalité du patrimoine. Elle n'a pas sa place dans ce projet de loi, car nous discutons aujourd'hui de la fiscalité du patrimoine, pas de la fiscalité des revenus du travail. C'est aussi un sujet complexe qui requiert une réflexion et une concertation préalable. J'ai déjà annoncé qu'à l'instar de la méthode que nous avons retenue pour aboutir à cette réforme juste, équilibrée et compétitive, je mettrai en place un groupe de travail à la fin du mois de juin. Je me permettrai de solliciter un certain nombre de parlementaires pour travailler et proposer dans le cadre du débat sur la loi de finances pour 2012 ce que pourraient être les contours, le périmètre et la voilure d'une contribution sur les revenus exceptionnels, et non, comme certains le souhaiteraient, d'une contribution exceptionnelle sur les revenus. C'est peut-être là notre point de séparation, certainement notre point de désaccord, en tout état de cause un point qui devrait donner lieu, le moment venu, à un débat de qualité.

Nous allons tenir ce calendrier et d'ici là, au cours des heures et des jours qui viennent, offrir, je l'espère, aux Français un premier débat de qualité, nous éloignant de toutes les problématiques un peu dogmatiques, un peu idéologiques. Il n'y a pas dans la réforme du Gouvernement du prêt-à-penser, du dogme ou de l'idéologie.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état

Il y a une volonté partagée de faire en sorte qu'une réforme de la fiscalité du patrimoine, la première depuis vingt ans, atteigne ce double objectif de justice, ne vous en déplaise, et de compétitivité. Et c'est utile pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Je vous donnerai la parole, monsieur Brard, après M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, que nous allons maintenant entendre.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, dans le cadre de l'examen de ce projet de loi de finances rectificative pour 2011, je souhaite vous présenter deux articles du projet de loi de finances rectificative qui relèvent davantage de mes fonctions de ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Sans revenir sur l'ensemble des dépenses, évoquées par François Baroin, essentielles pour la mise en oeuvre de notre plan d'action pour l'emploi, je traiterai plus particulièrement de l'article 8, qui instaure un dispositif de bonus-malus pour inciter davantage les entreprises à embaucher des jeunes en alternance. Le second point de mon intervention concernera notre politique de santé : c'est l'article 22, qui institue le dispositif d'indemnisation des victimes du Mediator.

L'article 8 d'abord : dans les entreprises de plus de 250 salariés, le quota de jeunes en alternance sera relevé de 3 à 4 % et le malus sera modulé en fonction de l'effort de l'entreprise

Comme vous le savez, le développement de la formation en alternance est un axe majeur de la politique que nous menons avec Nadine Morano, parce que c'est l'une des voies les plus efficaces, pour les jeunes, pour trouver un emploi.

La preuve tient en deux constats. D'abord, plus de huit jeunes sur dix formés en alternance trouvent un emploi dans l'année. Ensuite, pour le même diplôme préparé, un jeune a plus de chances de trouver un emploi s'il a suivi une formation en apprentissage. Développer l'apprentissage, c'est donc tout simplement utiliser le moyen le plus efficace pour lutter contre le chômage des jeunes.

À ce jour, les entreprises de 250 salariés et plus sont soumises à la contribution supplémentaire à l'apprentissage, équivalente à 0,1 % de la masse salariale, lorsqu'elles ne comptent pas au moins 3 % de jeunes en alternance dans leurs effectifs. Je pense que ce système est injuste car les entreprises qui emploient des jeunes en alternance sans atteindre 3 % sont soumises à la même contribution que celles qui ne font aucun effort ou quasiment en ce sens. Que vous soyez à 2,95 % ou à 0,5 %, la contribution est la même. Nous pouvons certainement faire plus intelligent et nous pouvons même avoir un système plus ambitieux. Puisque l'apprentissage est une voie d'excellence pour les jeunes et que les entreprises ont tout intérêt à participer à la formation des jeunes, pourquoi ne pas leur demander de faire davantage ?

Voilà pourquoi nous proposons ce système de bonus-malus, qui repose sur deux piliers. D'une part, le quota d'alternants sera porté de 3 à 4 % et le taux de la contribution au développement de l'apprentissage sera modulé en fonction de l'effort de l'entreprise. D'autre part, un bonus sera versé aux entreprises vertueuses qui dépassent le taux de 4 %. Nous aurons donc un dispositif plus ambitieux, plus juste et plus incitatif.

J'en viens à l'article 22, qui institue le dispositif d'indemnisation des victimes du Mediator.

Je voudrais avant tout préciser une chose : ce dont nous parlons ici, c'est uniquement de l'indemnisation des victimes du Mediator. Pour le reste, vous le savez, nous aurons ce mois-ci des échéances importantes. Je vais recevoir le rapport de votre mission d'information, présidée par Gérard Bapt et dont Jean-Pierre Door est le rapporteur. Je veux dès à présent saluer le travail qu'elle accomplit. Je vais également recevoir les conclusions des Assises du médicament, qui nous permettront de dessiner ensemble la réforme de la politique du médicament.

Concernant le fonds d'indemnisation, je voudrais insister sur trois points.

Le premier, c'est que ce fonds est à la fois utile et urgent. Dès le départ, j'ai indiqué qu'il faudrait une indemnisation juste et rapide des victimes. Avec Michel Mercier, nous avons demandé à Claire Favre, présidente de la chambre commerciale de la Cour de cassation, de discuter avec les laboratoires Servier des conditions de cette indemnisation. Comme les laboratoires Servier n'ont pas voulu bouger sur plusieurs points essentiels, aux yeux des associations de victimes, comme à nos yeux, j'ai annoncé le 6 avril la mise en place par la loi d'un fonds d'indemnisation des victimes du Mediator. Aujourd'hui, avec le projet de loi de finances rectificative, nous franchissons cette première étape. Dès l'été, les victimes auront un interlocuteur pour leur indemnisation,

Deuxième point, ce fonds est à la fois protecteur des intérêts des victimes et garant des intérêts du contribuable.

Il protège les intérêts des victimes, parce qu'il leur permet, à partir d'une expertise solide, une réparation intégrale de leurs préjudices – ce que ne permettait pas la proposition des laboratoires Servier – dans un délai rapide, puisque l'ensemble de la procédure est enserrée dans un délai d'un an.

Cette indemnisation, contrairement aux premières propositions des laboratoires Servier, n'empêchera en aucun cas les victimes qui le souhaitent de poursuivre ou d'intenter une action pénale. Les victimes sont garanties dans leurs droits, tant au point de vue pénal qu'au point de vue civil.

Ce fonds protège aussi les intérêts des contribuables : ce n'est pas le contribuable qui paiera, ce sont les laboratoires Servier, parce que je tiens à rappeler que le responsable premier et direct reste le laboratoire qui a fabriqué le Mediator.

Concrètement, après une expertise, l'ONIAM fera une proposition d'indemnisation aux laboratoires Servier. Soit Servier reconnaît sa responsabilité, comme il l'a d'ailleurs écrit dans ses propositions à Mme Favre, et il indemnise la victime ; soit il n'accepte pas, et dans ce cas l'ONIAM indemnisera la victime, parce qu'il est hors de question de laisser la victime attendre. Mais dans ce cas, l'ONIAM se retournera contre les laboratoires Servier en justice pour se faire rembourser, et ceux-ci paieront une pénalité. La pénalité dans le droit commun est de 15 %. Dans ce texte, nous vous proposons de passer à une pénalité de 30 %, de façon à ce que les laboratoires Servier soient incités à assumer leurs responsabilités.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Troisième point, ce dispositif, c'est la loi de la République, toute la loi de la République et rien que la loi de la République.

D'abord, ce dispositif n'est pas là pour juger, mais pour permettre une indemnisation juste et rapide des victimes.

Ensuite, nous ne sommes pas partis de rien. Ce dispositif, vous le verrez, s'inspire très largement de la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative à l'indemnisation des accidents médicaux. C'est cette loi qui définit ce que sont les acteurs de santé. C'est cette loi qui définit le rôle de l'ONIAM. C'est bien une adaptation nécessaire de ce dispositif général aux spécificités du Mediator.

Oui, il y a bien une spécificité de ce dossier du Mediator, et c'est ce qui justifie les adaptations du dispositif – nous y reviendrons certainement dans le détail en examinant l'article 22. À ce titre, une pénalité de 30 % est justifiée.

Il n'est pas question, dans ce dispositif spécifique, de mettre les médecins et les autres acteurs de santé sur le même pied que Servier. Cela veut dire deux choses : premièrement, seuls les laboratoires Servier seront systématiquement et automatiquement appelés dans la procédure d'indemnisation. Deuxièmement, l'État ne se retournera pas contre les médecins. Ce n'est ni l'objet ni l'effet de ce dispositif, qui est là pour permettre l'indemnisation juste et rapide des victimes.

Tels sont les deux points que je voulais aborder avec vous à l'occasion de l'examen de ce PLFR. L'adoption de ces deux articles est attendue. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Qui a évidemment trait, monsieur le président, au déroulement de la séance.

Si j'osais, j'évoquerais Lamartine : « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

En l'occurrence, ce serait plutôt « la Christine », Mme Lagarde, qui nous a déjà quittés.

Nous avons entendu trois discours et, Xavier Bertrand ne s'en offusquera pas, je m'en tiendrai aux deux premiers, deux discours invraisemblables avec une avalanche de contrevérités, de fausses évidences,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…au point de troubler le déroulement de nos débats.

Je regrette que Mme Lagarde ne soit plus présente, car son discours était en quelque sorte une oraison funèbre ou un discours « bilantiel » et testamentaire à la fois.

Mais il faut être juste, surtout dans le champ de la confrontation politique : Mme Lagarde a bien servi les siens. Elle mérite les félicitations des riches et des privilégiés.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

C'est limite ! Un peu de hauteur, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Hélas, elle n'est plus là pour entendre mes compliments…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…qui lui iraient certainement droit au coeur.

J'ai une inquiétude. Si j'ai bien compris, Mme Lagarde va quitter ses fonctions ici pour aller les exercer là-bas, avec une amplification de sa capacité destructrice dans la mesure où il s'agit de la planète entière.

Vous conviendrez, monsieur le président, que cela crée une situation nouvelle. Nous vous demandons une suspension de séance de trente minutes pour en évaluer les conséquences. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La suspension est de droit, mais pour quelques minutes seulement.

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La séance est reprise.

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, avant d'évoquer la réforme de la fiscalité du patrimoine, je souhaite dire un mot de nos prévisions économiques.

Cela fait plusieurs années que le Gouvernement fait l'objet de critiques injustes à l'encontre de ses prévisions de croissance. Monsieur Muet, vous souriez : dois-je vous rappeler celles que vous aviez formulées à propos de l'objectif de 2 % pour 2011 ? Aujourd'hui, nous avons de bonnes chances de l'atteindre et, pour ma part, je m'en réjouis pour mon pays.

C'est une raison supplémentaire de rappeler le caractère vain de tous ces débats sur les taux de croissance où l'opposition explique systématiquement à quel point ils sont surévalués. Notons que, pour la troisième année consécutive, les prévisions de croissance du Gouvernement sont sous-estimées par rapport au taux de croissance réel.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Je vais maintenant concentrer mon propos sur la réforme de la fiscalité du patrimoine qui, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, a fait l'objet d'une abondante concertation.

Il s'agit d'une réforme d'initiative parlementaire. Souvenons-nous des débats de l'automne dernier autour du fameux amendement de Michel Piron, cosigné par près de cent vingt de ses collègues, qui mettait en évidence la nécessité de supprimer le bouclier fiscal et, en conséquence, d'ajuster l'impôt de solidarité sur la fortune.

Vous avez commencé à travailler avec une commission, monsieur le ministre du budget, certes composée de collègues de la majorité…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

L'opposition a pu s'exprimer et elle pourra encore le faire. Quoi qu'il en soit, nous pouvons constater ensemble que, grâce à cette concertation approfondie, nous parvenons à une réforme équilibrée, cohérente et surtout juste. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Il s'agit d'abord, je commencerai par là, d'une réforme juste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La construction initiale de l'ISF, en 1989, souffrait d'un grave défaut puisqu'elle reprenait tel quel le barème de 1982 de feu l'impôt sur les grandes fortunes alors que les conditions économiques avaient profondément changé en près d'une décennie. Dès l'origine, la nécessité est apparue au gouvernement de l'époque et au législateur – la plupart des modifications sont intervenues par voie d'amendements – de corriger cet ISF confiscatoire par un système de plafonnement. Toutes les composantes actuelles du plafonnement ont ainsi été mises en place.

Le bouclier fiscal n'est donc pas l'arrière petit-fils de ce plafonnement, comme vous le disiez, monsieur le ministre, mais tout simplement son petit frère.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nous n'avons pas supprimé le plafonnement : dans le code des impôts, il figure aux côtés du bouclier fiscal, avec lequel il forme une sorte de rasoir à double lame. Les chiffres sont là pour en témoigner : le plafonnement Rocard représente chaque année 300 à 400 millions d'euros ; le bouclier de 600 à 700 millions d'euros.

Savez-vous, chers collègues, qui a inclus la CSG et les prélèvements sociaux dans le plafonnement ? Un ministre des finances dont je tairai ici le nom, par une instruction de juillet 1999.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Les dispositifs sont, nous le voyons, tout à fait semblables.

La véritable révolution fiscale – et M. Piron a eu raison de mettre cet après-midi une cravate rouge vif –…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…qui consiste à supprimer le plafonnement et le bouclier, ce n'est pas vous, chers collègues de l'opposition, qui la faites, c'est nous qui la faisons et nous nous en honorons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Certains ont le rouge à la cravate, d'autres devraient l'avoir au front !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

En dehors de la suppression du bouclier fiscal, nous procédons à une autre mesure de justice fiscale élémentaire au bénéfice des contribuables qui paient l'ISF alors qu'ils ne devraient pas y être soumis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Il ne s'agit même pas de petits riches : s'ils doivent acquitter l'ISF, c'est uniquement en raison de la valorisation de leur résidence principale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Avec le nouveau dispositif, la moitié des redevables de l'ISF, soit environ 300 000 personnes, ne paieront plus cet impôt, dès cette année. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Comment expliquer l'injustice consistant à imposer au titre de l'impôt sur la fortune une résidence principale qui, par définition, ne procure aucun revenu ? Je citerai un exemple. Un jeune ménage ayant acquis en 1997 en région parisienne un appartement d'un peu plus de 350 000 euros uniquement au moyen de sommes empruntées…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Près de 2,5 millions de francs : qui payait ça ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…est, selon l'indice des prix des notaires, aujourd'hui assujetti à l'ISF en dépit de l'abattement de 30 % au titre de la résidence principale, après remboursement de son emprunt.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Cela montre à quel point était nécessaire cette belle mesure de justice fiscale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L'essentiel du nouveau dispositif consiste toutefois en la suppression du bouclier et du plafonnement.

Il faut savoir que plus un contribuable a un patrimoine élevé, plus il bénéficie des effets liés à ces deux dispositifs. Les chiffres sont éloquents. Parmi les contribuables détenant un petit patrimoine, se situant donc dans les toutes premières tranches du barème de l'ISF, seuls 10 % bénéficient du plafonnement et du bouclier. Parmi les contribuables se situant dans la dernière tranche correspondant aux patrimoines de plus de 16 millions d'euros, soit un peu moins de 2000 personnes, 77 % bénéficient des deux dispositifs. Par souci de justice fiscale, nous supprimons et le plafonnement, et le bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Cette provocation ne paiera pas, monsieur Carrez !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur Brard, écoutez bien le chiffre que je vais citer. Actuellement, les contribuables se situant dans l'avant-dernière tranche de l'ISF, correspondant à un patrimoine allant de 8 millions à 16 millions d'euros, paient en moyenne 31 600 euros d'impôt alors qu'avec la suppression du plafonnement et du bouclier, ils devront acquitter 50 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Les contribuables de la dernière tranche passeront, quant à eux, de seulement 64 000 euros à 211 000 euros en moyenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous ne prenez pas en compte ceux qui ne bénéficient pas du bouclier fiscal !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Il faut distinguer deux catégories de contribuables : d'une part, ceux qui bénéficient du bouclier fiscal et du plafonnement, qui, eux, paieront en moyenne le double de ce dont ils devaient s'acquitter auparavant ; d'autre part, ceux qui n'en bénéficient pas, qui ne suivaient donc pas une stratégie d'optimisation fiscale, et qui verront leur imposition réduite.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Il faut prendre en compte la moyenne pour les deux catégories confondues !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Cette réforme est donc profondément juste s'agissant des très gros patrimoines : elle conduit à pénaliser ceux qui recouraient à l'optimisation fiscale – une optimisation d'autant plus forte que leur patrimoine était élevé – et à supprimer le caractère confiscatoire de l'ISF pour ceux qui ne la pratiquaient pas, ne bénéficiant ni du plafonnement ni du bouclier.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur le ministre, lors du colloque du Bercy, vous nous aviez indiqué – ce qui me laissait sceptique – que la réforme serait doublement équilibrée : budgétairement et politiquement puisque les mêmes contribuables auraient à acquitter cette fiscalité sur le patrimoine.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Eh bien, aujourd'hui, vous pouvez dire « mission accomplie ». C'était une gageure et vous l'avez gagnée puisque, grosso modo,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

...les quelques milliers de contribuables les plus riches s'acquitteront demain de la même fiscalité sur le patrimoine. Ils paieront en effet en moyenne les mêmes montants mais avec un mouvement de redistribution dans deux directions : ils paieront moins au titre de la détention, du fait de l'allégement de l'ISF, mais ils paieront davantage au titre de la transmission puisque le taux d'imposition des grosses successions sera majoré de 5 % et que la durée du rapport fiscal sera augmentée de six ans à dix ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Cette première catégorie de contribuables connaîtra donc un maintien de sa contribution au titre de la fiscalité du patrimoine au sens large. Au sein de ces contribuables, je le répète, des mécanismes de transfert opéreront au détriment de ceux qui se livraient à l'optimisation fiscale et au bénéfice de ceux qui acquittaient la totalité de l'ISF qu'ils devaient payer.

Pour la dernière tranche, le taux marginal est en théorie de 1,8 % mais le taux réel d'imposition, après application du plafonnement et du bouclier fiscal, est de 0,22 %. À ce dernier taux, nous substituerons un taux de 0,5 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

J'en viens maintenant aux quelques améliorations apportées par la commission des finances.

La première, très importante, consiste, monsieur le ministre, à maintenir les mesures de réduction de droits de donation au titre de la transmission des entreprises. Nous estimons que nous ne devons pas rompre avec le fil directeur qui nous guide depuis plusieurs années et qui consiste, au nom de la défense de l'emploi et des entreprises, à favoriser le développement, l'épanouissement et la transmission de nos PME. La commission des finances a donc choisi de maintenir ces réductions, à la condition toutefois que la donation porte sur la pleine propriété et qu'elle s'accompagne d'un engagement de conservation des actionnaires.

Il est une deuxième question à laquelle notre commission est toujours très attentive, c'est la rétroactivité. Nous ne souhaitons pas que, de près ou de loin, une mesure fiscale comporte un risque de rétroactivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

C'est la raison pour laquelle nous avons adopté un dispositif de lissage pour le passage de six à dix ans de la durée du rapport fiscal, uniquement toutefois pour les personnes ayant effectué une donation depuis six à dix ans. En effet, la recette attendue de cette augmentation ne dépend pas du comportement des futurs donateurs mais du fait que chacun d'entre nous est malheureusement appelé un jour à disparaître. Or, de manière générale, les donateurs ne programment pas la date de leur disparition. Tous ceux qui vont décéder dans les quatre ans qui viennent alors qu'ils ont fait une donation depuis six à dix ans seront en fait rattrapés par la prolongation du rapport fiscal, ce qui induit un effet rétroactif qu'il nous a paru absolument indispensable de corriger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est du Chateaubriand : la fiscalité d'outre-tombe !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Il nous a également paru indispensable, monsieur le ministre, d'aborder enfin la question des dons manuels. En effet, si les dons manuels sont en général déclarés, il arrive qu'ils ne le soient pas (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…ce qui entraîne deux conséquences. D'une part, lorsque ces dons sont révélés au moment de la succession, cela perturbe fortement celle-ci ; d'autre part, cela provoque, reconnaissons-le, une certaine évasion fiscale. Voilà pourquoi nous avons corrigé le dispositif.

Nous nous sommes également penchés sur l'assurance-vie, monsieur le ministre. Je me souviens que, lors de la première réunion du groupe de travail,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…vous aviez laissé entendre que l'assurance-vie serait mise à contribution. Or elle ne l'est pas du tout, bien au contraire : les avantages fiscaux dont elle bénéficie, et qui sont déjà considérables, sont relativement accrus par les nouvelles mesures. Nous avons donc souhaité corriger deux ou trois points.

Vous ne le saviez peut-être pas, chers collègues, mais si, à un moment de votre vie, vous êtes non-résident fiscal en France, vous pouvez profiter du fait que vous résidez à l'étranger pour ouvrir un contrat d'assurance-vie, que vous continuez d'alimenter une fois revenu en France ; dès lors, à la clôture du contrat, celui-ci ne fera l'objet d'aucune fiscalisation. Ce n'est pas normal. (Exclamations sur quelques bancs des groupes SRC et GDR.) Nous avons donc modifié le dispositif.

De même, en cas de démembrement de la clause bénéficiaire, la part en nue-propriété sera taxée au même titre que la part en usufruit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…nous avons souhaité sécuriser encore davantage, du point de vue budgétaire, le financement de cette réforme. Le Gouvernement a accompli un travail remarquable : la réforme est équilibrée du point de vue budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Mais vous vous êtes fondé, monsieur le ministre, sur l'hypothèse selon laquelle les comportements des contribuables resteront inchangés. Or l'expérience montre, depuis plusieurs décennies, qu'en matière de fiscalité des donations notamment, le contribuable modifie toujours son comportement pour s'adapter aux nouvelles règles.

Dès lors, afin de sécuriser les recettes, nous avons adopté plusieurs mesures. D'abord, nous avons relevé le droit de partage, qui représente désormais 200 millions d'euros de recettes absolument certaines et pérennes. Ensuite, je l'ai dit, nous avons instauré l'imposition systématique des dons manuels. Nous avons également décidé de porter de 20 à 25 % les droits de succession sur les très, très gros contrats d'assurance-vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

En effet, il eût été anormal de relever de 35 à 40 %, ou de 40 à 45 %, la fiscalité des grosses successions en ligne directe en maintenant à 20 % les droits de succession sur un très gros contrat d'assurance-vie, quel que soit le bénéficiaire. Cela aurait été incompréhensible.

Enfin, nous avons adopté plusieurs mesures destinées à boucler ce budget pour ce qui concerne l'exit tax.

En conclusion, monsieur le ministre, vous nous proposez une réforme véritablement équilibrée,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…cohérente et profondément juste. Or une réforme équilibrée, cohérente et profondément juste a de bonnes chances de durer. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…mais d'autres jugeront que, sous cette forme, notre fiscalité du patrimoine est susceptible de devenir un exemple pour l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, c'est une ample réforme de la fiscalité du patrimoine que le Président de la République nous avait annoncée lors d'une allocution télévisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Une réforme d'ampleur, qui devait notamment comprendre la suppression de l'ISF, puisque l'on nous a toujours affirmé que le bouclier fiscal n'était que la conséquence de l'ISF et que la suppression du premier avait donc pour corollaire celle de la seconde.

La vérité est peut-être un peu moins exaltante pour celles et ceux qui espéraient une vaste réforme de la fiscalité du patrimoine. Qu'on en juge : il ne s'agit en réalité que d'une réforme de l'ISF. Un ISF qui ne concerne que 2 % de nos compatriotes ; un ISF qui ne représente que 8 % de la fiscalité du patrimoine – laquelle s'élève à 56 milliards d'euros, je le rappelle - ; un ISF, enfin, dont les recettes ne représentent que 0,4 % des recettes fiscales de l'État.

Du reste, non seulement l'ISF n'est pas supprimé, mais, comme vient de le dire le rapporteur général – ingénument peut-être –, il est désormais ancré dans notre droit fiscal, n'en déplaise à ceux qui espéraient sa suppression au cours de cette législature.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Cette réforme n'est donc pas la réforme d'ampleur qui avait été annoncée. C'est une réforme dont je ne suis pas certain qu'elle était indispensable, et qui, de surcroît, peut être critiquée sur plusieurs points. J'espère que ces critiques convaincront certains d'entre vous, même si elles viennent après le vibrant plaidoyer de M. le rapporteur général.

Premièrement, cette réforme ne respecte pas les principes que vous, monsieur le rapporteur général, vous, monsieur le ministre, et vous, mes chers collègues de la majorité, avez énoncés et approuvés avec force lorsque vous avez adopté en première lecture le projet de réforme constitutionnelle relatif aux finances publiques.

Je vous rappelle en effet qu'une loi organique existe déjà, qui, dans son article 34, confie aux lois de finances le soin d'affecter les surplus éventuels de recettes fiscales. Or la loi de finances initiale pour 2011, dans son article 81, dispose explicitement que les surplus de recettes fiscales doivent être consacrés au désendettement.

La règle organique que vous avez voulue devrait donc s'appliquer ici. Tel ne sera pourtant pas le cas, puisque, ainsi que le rapporteur général vient de l'indiquer après le ministre, le surplus de recettes fiscales que permettront de dégager le contrôle fiscal systématique et la régularisation d'une assiette jusqu'alors expatriée – si vous me permettez l'expression – ne servira pas au désendettement, mais au financement de cette réforme.

Il me semble que cet exemple illustre assez bien ce que beaucoup ont prétendu : le retour à l'équilibre des finances publiques tient bien moins à l'élaboration et, le cas échéant, au vote de lois organiques qu'à une volonté politique constante. Nous avons entendu la volonté politique, au moins le temps de l'examen d'une réforme constitutionnelle ; nous constatons que, quelques semaines plus tard à peine, une loi organique qui n'a pas besoin d'être créée, puisqu'elle existe déjà, n'est pas respectée dans son article 34.

Cette réforme sera donc, naturellement, déférée au Conseil constitutionnel. Et ce que le Conseil constitutionnel en dira sera de toute façon intéressant. De deux choses l'une : ou bien le Conseil prend au mot le pouvoir exécutif et le Parlement, auquel cas, constatant le non-respect de la loi organique, il devrait normalement censurer au moins certaines des dispositions de cette réforme ; ou bien, ne souhaitant pas jouer ce rôle de censeur budgétaire, il fera valoir que, loi organique ou non, c'est au Parlement souverain de décider en matière de politique budgétaire et fiscale.

Dans les deux cas, je ne suis pas certain que la crédibilité du pouvoir exécutif ne sera pas entamée : soit le pouvoir aura eu tort de ne pas respecter la loi organique lors de cette réforme, soit il se sera trompé en espérant tenir, avec la réforme constitutionnelle, la clé de voûte de l'équilibre des finances publiques, auquel bien des gouvernements ont tenté en vain de parvenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Ma deuxième critique porte sur l'équilibre budgétaire de cette réforme. Le Gouvernement nous dit qu'elle est équilibrée ; le rapporteur général l'affirme également. Je souhaiterais que nous y regardions de plus près, car il est possible, à tout le moins, d'en douter.

Le premier motif de doute est naturellement le bouclier fiscal, qui, mes chers collègues, n'est pas supprimé cette année. Il ne le sera définitivement qu'en 2014, et coûtera encore aux finances publiques 550 millions d'euros en 2012 et 200 millions d'euros en 2013. Prétendre qu'il est supprimé cette année est donc factuellement inexact : il le sera certes, mais, je le répète, pas avant 2014. Or le problème est le suivant : ni les 550 millions d'euros de 2012 ni les 200 millions d'euros de 2013 ne sont compensés par de quelconques recettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Verre à moitié plein, verre à moitié vide…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Ne serait-ce que pour cette raison, il est inexact de prétendre que la réforme est équilibrée du point de vue budgétaire.

La deuxième observation que l'on peut formuler en matière d'équilibre budgétaire porte sur la sous-estimation manifeste du produit de l'impôt sur la fortune en 2011, laquelle est intervenue entre l'examen de la loi de finances initiale et celui du présent projet de loi de finances rectificative. Peut-être l'aurez-vous remarqué : en loi de finances initiale, le pouvoir attendait de l'ISF 3,9 milliards d'euros ; tout à coup, il n'en escompte plus que 3,760 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Il s'en faut donc de 140 millions, qui s'ajoutent à l'impasse budgétaire que je viens d'évoquer. Deux autres éléments y concourent, hélas.

Le premier est relatif au contrôle fiscal et à la régularisation de l'assiette de l'ISF jusqu'alors expatriée, dont j'ai parlé tout à l'heure. Une tradition constante veut que ces sommes soient intégrées au produit de l'ISF ; or ce n'est pas le cas ici, ce qui pose un problème de méthode. De deux choses l'une : soit ces recettes doivent être intégrées au produit de l'ISF à compenser en 2011, auquel cas il est légitime d'en tenir compte en 2012 ; soit elles ne sont pas comptées en 2011, si bien qu'il ne faut pas davantage en tenir compte en 2012. Vous n'en tenez pas compte en 2011, ce qui conduit évidemment à minorer artificiellement le produit à compenser. Il s'en faut tout de même de 200 millions d'euros !

À ces 200 millions d'euros s'en ajoutent encore 140, puisque, en loi de finances initiale, nous avons voté une diminution de l'avantage fiscal dit « ISF-PME », qui devait majorer les recettes d'ISF de 140 millions d'euros.

La minoration du produit de l'ISF à compenser en 2011 atteint donc, à ce titre, 340 millions d'euros, et ces 340 millions d'euros feront défaut lorsque la loi de règlement fera les comptes.

Il est une troisième raison de l'absence d'équilibre budgétaire, contrairement aux affirmations du rapporteur général, peut-être trop vives pour être sincères : sa démonstration de l'existence de recettes supplémentaires est en effet bien peu convaincante. Je veux parler de l'exit tax. Pour que celle-ci rapporte effectivement 189 millions d'euros, mes chers collègues, il faudrait que tous les contribuables concernés soient bien mal conseillés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

En effet, il faudrait que tous cèdent leur bien patrimonial au bout de cinq ans – ni avant, ni après ; car il faudrait que tous ignorent qu'au bout de cinq ans, ils bénéficient d'un abattement d'un tiers sur les plus-values réalisées, ce qui signifie que leur conseiller fiscal ne le leur aurait pas dit. La chose est tout de même peu probable.

Il faudrait également que tous émigrent en Belgique, seul pays où l'impôt sur leur nouvelle résidence, étant nul, ne s'imputerait pas sur l'exit tax qu'ils auraient à acquitter. Si beaucoup peuvent avoir l'intention de s'y exiler, convenons que tous ne le feront pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

D'autant qu'il n'y aura peut-être plus de Belgique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Enfin, il faudrait que tous soient préservés de toute moins-value en Bourse ; or cela peut forcément arriver sur quelques titres.

Bref, les conditions qui doivent être réunies chez tous les contribuables concernés pour que cette recette de 189 millions d'euros soit réalisée la rendent bien improbable. Elle fera donc défaut, et l'impasse budgétaire sera à la mesure de l'excès d'optimisme dont le Gouvernement a fait preuve dans son fascicule des voies et moyens.

Une autre erreur d'appréciation porte sur la résidence secondaire. Nous aurons l'occasion d'y revenir en examinant l'article en question. Mais, mes chers collègues, il existe déjà une taxe sur les résidences secondaires des non-résidents, qui rapporte 2 millions d'euros en année pleine. Il faudrait que cette nouvelle taxe rapporte 170 millions d'euros pour que la réforme soit équilibrée.

Or les conditions auxquelles cette nouvelle taxe peut être perçue sont beaucoup plus favorables que celles de la taxe actuelle. Je vois donc mal comment, en assouplissant ainsi les conditions d'éligibilité de la nouvelle taxe, on pourrait passer de 2 à 170 millions par an. Ces recettes feront donc elles aussi défaut.

S'y ajoute une autre sous-estimation, qui imagine un comportement rigoureusement constant, après la réforme de l'ISF, chez ceux de nos concitoyens qui souhaitent défiscaliser une partie des cotisations qu'ils doivent au titre de cet impôt en investissant dans les PME. Le Gouvernement en attend 500 millions d'euros, après en avoir constaté 630 l'année dernière.

Comment jurer que – dès lors que cette possibilité leur sera offerte sans plafonnement – certains patrimoines ne seront pas défiscalisés davantage encore qu'ils ne l'ont été jusqu'à aujourd'hui ?

Ce chiffre de 500 millions d'euros repose donc sur un pari. Il sera peut-être gagné, peut-être perdu ; mais quoi qu'il en soit, il y a une certitude : cette réforme n'est, hélas ! pas équilibrée.

Tout ça pour ça ! Car voilà une réforme d'une ampleur finalement très limitée – alors que certains avaient fait le serment de supprimer l'ISF, ou juraient que la suppression du bouclier fiscal aurait pour contrepartie nécessaire la suppression de l'ISF – mais qui, au passage, fait disparaître des recettes : le déficit budgétaire ne pourra donc que s'aggraver.

On le voit : seul un intérêt général puissant et supérieur…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

…pourrait justifier une réforme finalement surprenante, la violation d'une loi organique et une dégradation du solde budgétaire aggravée par rapport aux prévisions. Le rapporteur général indique en effet que, l'année prochaine, il faudra consentir un effort supplémentaire de 1,2 milliard d'euros par rapport à ce que prévoyait la loi de finances initiale ; et à cette somme s'ajoutent naturellement les 500 millions d'euros tirés du bouclier fiscal qui ne sont pas compensés : cette seule recette du bouclier fiscal non compensée revient à 0,3 % de déficit structurel supplémentaire.

Tout ça pour ça ! La justice fiscale, au moins, y gagne-t-elle ? Selon le rapporteur général, que j'ai bien écouté, la fiscalité de notre pays sera plus juste après cette réforme. Je me permets tout de même de nourrir quelques doutes ; au-delà des exemples donnés, constatons que, pour ceux de nos concitoyens dont le patrimoine est supérieur à 17 millions d'euros, cette réforme ne changera rigoureusement rien !

L'avantage que leur procurait le bouclier fiscal s'élevait, globalement, à 380 millions d'euros ; la suppression du bouclier fiscal et la réforme de l'ISF procurent aux détenteurs de ces patrimoines un avantage de l'ordre de 380 millions d'euros. Finalement, les détenteurs des plus gros patrimoines ne verront pas la différence entre l'année dernière, avec le bouclier fiscal, et l'année prochaine, sans bouclier fiscal mais avec une réforme de l'ISF.

Je vois donc mal comment on peut affirmer que la justice fiscale progresse – si du moins la justice fiscale consiste à demander à ceux-là de nos compatriotes de contribuer peut-être davantage que d'autres à nos finances publiques.

Car enfin, on le voit bien, cette réforme n'avait pour but que la suppression du bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Reconnaissons-le, mes chers collègues, monsieur le rapporteur général : vous l'avez pourtant défendu, ce bouclier, avec une ardeur tout à fait notable, quitte d'ailleurs à passer parfois d'un argument à l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Il s'agissait, disiez-vous, d'empêcher que les Français ne payent plus d'un euro sur deux de ceux que leur travail leur aurait procurés : on s'est aperçu que les Français dont vous parliez n'étaient au mieux que quelques milliers – 16 000 à 17 000 environ. Et parmi ceux-là, seuls 6 000 à 8 000 bénéficiaient vraiment du bouclier fiscal. Il ne s'agissait donc pas des Français, mais d'une toute petite minorité de Français, détentrice, heureusement pour elle, de patrimoines très conséquents.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Puisqu'il concernait si peu de monde, on aurait pu le garder ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Il s'agissait aussi, disiez-vous toujours, d'éviter l'exil fiscal. Je vois mal, si cet objectif est toujours le vôtre, mes chers collègues, comment la réforme que vous nous proposez, avec l'instauration d'une exit tax, pourrait ne pas inciter nos compatriotes à partir.

On a, me semble-t-il, le droit de changer d'avis ; mais alors il faut l'assumer, et reconnaître que le bouclier fiscal n'a pas empêché le moindre exil fiscal. Celui-ci repose, au demeurant, sur des raisons sans doute un peu plus complexes que celles que vous voulez bien reconnaître.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Le bouclier fiscal devait, disiez-vous encore, compenser les effets désastreux de l'ISF. Je ne reviens pas sur le constat que je faisais : en votant cette réforme, mes chers collègues de la majorité, vous ancrerez très durablement l'ISF dans notre droit fiscal. L'avoir dénoncé pendant de si longues années ne vous empêchera pas de le consacrer une fois pour toutes. Encore un coup, on a le droit de changer d'avis, mais peut-être faut-il alors avoir l'honnêteté de le reconnaître. Si certains semblent décidés à emprunter ce chemin – avec peine, peut-être, mais à l'emprunter néanmoins –, je ne suis pas sûr que tous s'y soient déjà résolus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Ce bouclier fiscal avait une dernière justification, dont nous n'entendons d'ailleurs plus du tout parler : il s'agissait d'imiter l'Allemagne où, paraît-il, il existait ; renseignements pris, ce n'était pas le cas, ce ne fut jamais le cas. Il fallait aussi imiter l'Allemagne, qui en avait fait une règle constitutionnelle ; mais celle-ci n'existait finalement pas plus là-bas qu'ici.

Tous ces arguments, y compris celui de la justice fiscale, semblent donc aujourd'hui bien lointains. Je me souviens encore d'Éric Woerth, alors ministre de budget, expliquant à l'occasion de questions au Gouvernement que le bouclier fiscal était un symbole de justice fiscale ! Mais si le bouclier était un symbole de justice fiscale, alors sa suppression serait un symbole d'injustice fiscale. (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Vous vous réclamiez de la justice fiscale quand vous défendiez le bouclier fiscal, il y a de cela quelques semaines ou quelques mois ; il me paraît bien difficile de vous en réclamer à nouveau aujourd'hui, quand vous vous apprêtez à le supprimer.

Choisissez ! Mais il est sûr qu'à un de ces moments il ne s'agissait pas de justice, mais bien d'injustice fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

À cause de cette réforme, la dégradation de nos finances publiques sera réelle l'année prochaine. Les temps que nous traversons devraient pourtant amener le Gouvernement et sa majorité à agir avec un peu de prudence. Le rapporteur général indique déjà dans son rapport, je vous le rappelle, qu'un effort supplémentaire sera nécessaire ; cet effort devra être majoré si cette réforme est adoptée telle quelle.

Ensuite, on le sait, le déficit primaire, c'est-à-dire structurel, de notre pays s'élevait l'année dernière à 4 ou 5 % du PIB – probablement 4,5 %. L'Allemagne, elle, est à l'équilibre, voire en excédent.

Je ne vois pas en quoi cette réforme pourrait contribuer à l'amélioration de la situation de nos finances publiques : êtes-vous sûrs, mes chers collègues, qu'il faille voter une loi de finances rectificative uniquement pour supprimer un bouclier fiscal, sans même tenter dès maintenant d'assurer pour l'année prochaine un équilibre budgétaire qui permettrait à notre pays de faire entendre sa voix plus fortement peut-être dans le concert des nations ?

Car il est bien difficile de donner des leçons, notamment en Europe, quand on voit les finances de notre pays se dégrader constamment depuis maintenant tant d'années – à cause de la crise, certes, mais aussi sous l'effet de mesures sans aucun lien avec la crise.

À regret, je ne peux donc pas partager l'optimisme de Mme Lagarde, qui nous a indiqué nourrir pour notre pays beaucoup d'espérances pour l'année prochaine. Je crains malheureusement qu'elle ne se trompe. Je ne partage pas plus l'optimisme du ministre du budget et du rapporteur général au sujet de la justice fiscale ; je crains que cette mesure n'apparaisse finalement que pour ce qu'elle est. Il fallait vous débarrasser du bouclier fiscal ; vous vous en débarrassez, mais malheureusement, cela a un coût, qui n'est pas compensé, et qui est celui que nous vous annoncions à l'été 2007.

Le bouclier fiscal faisait en effet partie du paquet fiscal de la loi TEPA. Rappelez-vous, celui-ci comprenait aussi la déductibilité des intérêts d'emprunts pour l'achat de la résidence principale, que vous avez abrogée ; il comprenait le bouclier fiscal, que vous vous apprêtez à abroger ; il comprenait une exonération supplémentaire des donations et des successions, sur laquelle vous allez revenir – dans des conditions d'ailleurs extrêmement curieuses : c'est vous-mêmes, chers collègues de la majorité, qui avez fait passer le délai de reprise de dix à six ans, en estimant que le coût serait de 40 millions d'euros. Et aujourd'hui, à rebours, vous vous apprêtez à porter le délai de reprise de six à dix ans, mais cette fois-ci en espérant une recette de 450 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Comment passer de dix à six ans pourrait ne coûter que 40 millions d'euros, quand le chemin inverse en rapporterait 450 millions ? La chose est évidemment bien peu crédible, et ne peut que contribuer – car la recette ne sera évidemment pas là – à un creusement du déficit de nos finances publiques.

Il ne reste aujourd'hui que deux mesures de cette politique fiscale première manière : celle qui concernait les heures supplémentaires, et le RSA. Et j'ai cru comprendre que beaucoup, parmi vous, aimeraient revenir sur le RSA, confondant cette belle mesure avec de l'assistanat.

La morale qu'il faut tirer de cette histoire, c'est qu'une majorité parlementaire, quelle qu'elle soit, devrait se garder de légiférer en urgence dans l'été suivant sa victoire. Un peu de réflexion aurait fait du bien à cette majorité-là, comme probablement à d'autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Formons le voeu, mes chers collègues, que la majorité qui sortira des urnes l'année prochaine apprenne cette leçon, finalement douloureuse pour les finances publiques et pour l'orgueil politique de certains ; formons le voeu que cette leçon serve à ceux que les Français choisiront – et, n'en doutons pas, les Français ne se tromperont pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Mes chers collègues, je vous demande à tous de respecter votre temps de parole.

La parole est à M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, monsieur le ministre du travail, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l'article 8 du projet de loi de finances rectificative dont s'est saisie la commission des affaires sociales s'inscrit dans un ensemble de mesures qui visent à développer les formations en alternance.

En effet, alors que la situation de l'emploi des jeunes n'est pas satisfaisante, l'alternance sous statut de travail constitue l'une des voies les plus efficaces d'insertion dans l'emploi ; elle apporte en outre aux jeunes concernés un revenu salarial et constitue donc un mode de financement des études.

Les analyses du Centre d'études et de recherches sur les qualifications à propos de l'insertion des jeunes sortis du système de formation démontrent un réel avantage pour ceux qui sortent de l'apprentissage, à niveau de diplôme égal, par rapport aux jeunes restés dans le système scolaire : trois ans après la fin de la formation, un taux d'emploi globalement supérieur de dix points ; plus de chances d'occuper un emploi à durée indéterminée, avec là aussi dix points d'écart ou plus ; dans le cas des jeunes sortis de formations du niveau de l'enseignement supérieur, de meilleurs salaires, avec un écart de 175 euros par rapport au salaire médian.

Dans la période la plus récente, des mesures significatives ont été prises en faveur de l'alternance : des mesures d'urgence, en 2009, dans le contexte de la crise financière, mais aussi des mesures structurelles, notamment dans le cadre de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

Le 1er mars dernier, à Bobigny, le Président de la République a tracé les grandes lignes d'une mobilisation accrue pour l'alternance. Certaines des mesures alors annoncées, qui appellent une traduction législative, figurent dans la proposition de loi que j'ai eu l'honneur de rédiger avec Bernard Perrut et Jean-Charles Taugourdeau, et que je vous présenterai la semaine prochaine. D'autres mesures, de nature réglementaire, ont déjà commencé à recevoir une application grâce notamment à la publication d'un décret, en date du 16 mai dernier, qui crée une aide pour les embauches supplémentaires de jeunes en alternance dans les entreprises de moins de 250 salariés.

Parallèlement, les partenaires sociaux se sont engagés dans une négociation sur l'emploi des jeunes qui a déjà conduit à deux accords, l'un prévoyant notamment, en 2011 et 2012, l'offre d'un accompagnement individuel renforcé à 90 000 jeunes ayant des difficultés d'accès à l'emploi, l'autre destiné à faciliter l'accès des jeunes au logement. Nous avons tout lieu d'espérer un troisième accord dans les jours qui viennent.

Le présent article 8 porte de 3 % à 4 % de leur effectif global l'objectif d'emploi de jeunes en alternance par les entreprises de 250 salariés et plus. Pour ce faire, la contribution qui existe pour les entreprises n'atteignant pas cet objectif sera accrue et son taux désormais modulé en fonction de l'éloignement par rapport à l'objectif de 4 %, ce qui est une mesure d'équité et d'encouragement. Selon les évaluations annexées au présent projet de loi, le rendement supplémentaire consécutif, la première année, aux modifications proposées sera limité – de l'ordre de 5 à 10 millions d'euros – car le plus grand nombre des entreprises affichent des taux d'alternants compris entre 1 % et 3 % et ne connaîtront pas de changement du taux de leur contribution.

Par ailleurs, un dispositif d'affectation de recettes garantira que le surplus de ressources ainsi dégagé ira bien à des aides au développement de l'alternance dans les entreprises de plus de 250 salariés, dans une optique de bonus-malus. Pour ce faire, l'actuel Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage sera transformé en compte d'affectation spéciale.

Au-delà des seuls calculs financiers qu'il implique, ce dispositif d'incitation fiscale a pour objet de créer une dynamique, qui doit amener les entreprises à considérer qu'il est important pour leur développement, pour leur image, pour l'affirmation de leur responsabilité sociale, d'accueillir au moins 4 % d'alternants. Ce dispositif doit et peut intervenir en complément des engagements contractuels que des branches ou des grandes entreprises prennent ou pourraient prendre dans ce domaine – et non pas en concurrence avec eux. Les retours d'expérience dont nous disposons montrent que ce type de mesures fiscales est efficace et n'est pas incompatible avec les démarches de négociation.

En effet, l'expérience du quota d'emploi de 6 % de travailleurs handicapés, qui existe depuis 1987 et a été renforcé en 2005, montre que l'association de l'affirmation d'un objectif chiffré, qui crée un effet de mobilisation, d'incitations fiscales fortes et d'un système de bonus-malus avec redistribution des sommes prélevées à titre de pénalité est efficace. On voit par exemple, en analysant le bilan de cette politique, que l'intégration en 2005 des administrations dans le système de pénalités financières a eu un effet immédiat, avec, de la fin de l'année 2004 à celle de l'année 2006, une augmentation de 22 000 du nombre de travailleurs handicapés dans les trois fonctions publiques, soit une hausse de 13,4 % ; mais on voit aussi l'importance des effets d'entraînement quand on constate la progression de l'emploi des personnes handicapées dans les entreprises de moins de vingt salariés, qui ne sont pourtant pas soumises à l'obligation d'emploi.

Plus récemment, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, nous avons créé une pénalité financière pour les entreprises de plus de cinquante salariés qui ne seraient pas couvertes par un accord collectif ou un plan d'action relatif à l'emploi des seniors. Les services statistiques du ministère du travail ont recensé, entre juin 2009 et septembre 2010, le dépôt auprès de l'administration de 34 200 accords collectifs ou plans d'action dans ce domaine.

En quelques mois, plus de 36 000 entreprises et au moins 80 % des salariés des entreprises de plus de cinquante personnes ont été couverts. Loin d'être incompatible avec le dialogue social, la loi, en utilisant à bon escient l'instrument fiscal, peut donc y inciter efficacement. La commission des affaires sociales a donc donné un avis favorable à l'article 8 sans l'amender.

La commission des affaires sociales s'est également saisie pour avis de l'article 22, qui a pour objet de créer un mécanisme d'indemnisation rapide des victimes du Mediator. En vous priant d'excuser notre collègue Jean-Pierre Door pour son absence, je présenterai succinctement les modifications proposées par la commission.

L'article 22 adapte certains paramètres de la loi Kouchner du 4 mars 2002 au cas du benfluorex, en assouplissant les critères de recevabilité des demandes d'indemnisation et en centralisant leur traitement.

La commission des affaires sociales a approuvé cette démarche qui garantit une indemnisation rapide et efficace des victimes sans que le contribuable paie à la place du laboratoire. Elle vous propose de renforcer le dispositif par sept améliorations, que j'évoquerai très rapidement.

Première amélioration : trois amendements visent à améliorer l'information des caisses d'assurance maladie aux différents stades de la procédure, pour qu'elles mettent en oeuvre la procédure de « recours contre tiers », qui leur permet de se faire rembourser par Servier les prestations qu'elles ont servies aux victimes du Mediator. Il s'agit d'une procédure habituelle, qui ne lèse en rien les victimes ; 400 millions d'euros sont en jeu.

Deuxième point : la commission a tenu à réaffirmer que la procédure d'expertise doit être contradictoire.

Troisième point : pour que le collège d'experts chargé d'évaluer les préjudices des victimes et les responsabilités ait toutes les compétences juridiques nécessaires pour le faire de façon rigoureuse et crédible, la commission a souhaité confier sa présidence à un magistrat.

Quatrième point : la commission propose également d'intégrer à ce collège un représentant de l'ordre des médecins, garant de la déontologie médicale.

Cinquième point : pour que la procédure soit rapide, la commission a souhaité préciser les délais qui l'enserrent. Ainsi, même si Servier refuse de coopérer, la victime sera indemnisée en un an au maximum.

Sixième point : afin de définir de façon partenariale et transparente la politique d'indemnisation des victimes, nous avons prévu que la composition du conseil d'orientation de l'ONIAM sera adaptée lorsqu'il traitera du dossier « benfluorex » et que ses membres, comme ceux du comité d'experts, devront rendre publique une déclaration d'intérêts.

Septième et dernier point : à l'initiative de Gérard Bapt, la commission a prévu que le secret industriel ne serait pas opposable au collège d'experts. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, puisque le rapporteur général a commencé par mentionner les chiffres de la croissance…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

…au premier trimestre, je voudrais y mettre un bémol. En effet, ce 1 % de croissance au premier trimestre se décompose de la façon suivante : 0,7 % de reconstitution des stocks et 0,3 % de véritable croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Lamour

Et alors ! Vous n'êtes jamais contents ! Ce n'est pas possible !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

On peut se dire que 1 % de croissance c'est une bonne nouvelle mais, à votre place, je serais prudent pour la suite parce qu'avec une telle augmentation sur les stocks, il risque d'y avoir une correction !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Je me souviens avoir utilisé cet argument en 1998-1999 ! On fait dire bien des choses à la reconstitution des stocks !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

J'en viens à cette réforme de la fiscalité du patrimoine. Quel est son sens ? J'en comprends bien la raison politique. Vous essayez, depuis plus d'un an, de vous débarrasser d'un boulet : le bouclier fiscal. Dans un contexte où les revenus du patrimoine augmentent énormément, où les salaires stagnent, voire baissent, surtout les plus modestes, on aurait pu s'attendre à ce que vous procédiez à un rééquilibrage pour introduire un peu de justice fiscale. Eh bien non ! Vous faites une réforme aussi injuste, sinon plus, que le bouclier fiscal, une réforme qui ne répond à aucun critère d'efficacité économique et qui, une fois de plus, n'est pas financée.

J'ai bien entendu le rapporteur général, mais je l'ai aussi lu et je sais quels sont ses doutes sur le financement. J'ai entendu le président de la commission des finances rappeler à combien avaient été évaluées certaines mesures en 2007 et donner l'évaluation actuelle de la suppression de ces mêmes mesures : le rapport est de un à dix.

La réforme que vous nous présentez est injuste, inefficace et non financée. Quel est son sens dans le contexte actuel ? La France taxe-t-elle trop le capital ? En commission des finances, nous avons eu connaissance des comparaisons internationales réalisées par l'OCDE en matière de taxation du capital. Nous savons ainsi qu'en France l'imposition du capital représente 9,8 % de l'ensemble des impôts, ce qui n'est pas très éloigné de la moyenne européenne, puisque celle-ci se situe à 9 %. La taxation du capital en France est bien plus faible qu'au Royaume-Uni, où elle est de 12,6 %, ou qu'en Norvège, où elle est de 15 %.

Le patrimoine immobilier est beaucoup plus taxé dans les pays anglo-saxons, aux États-Unis ou en Angleterre, qu'en France. Et l'ISF, avec un peu plus de 4 milliards d'euros, paraît bien peu de chose comparé à l'autre grande composante de la taxation du patrimoine des ménages, à savoir la taxe foncière, qui rapporte 14 milliards d'euros.

Une telle réforme est-elle justifiée dans la situation actuelle qui se caractérise, depuis plusieurs années, par une explosion des revenus du patrimoine, par une déformation du partage de la valeur ajoutée en faveur de ces revenus du patrimoine et par une stagnation des salaires, voire par une baisse de leur pouvoir d'achat ? Au cours des dernières années, un quart des salariés ont en effet enregistré une baisse de leur pouvoir d'achat.

Il aurait été possible de profiter de la suppression du bouclier fiscal pour alléger la taxation des salaires et renforcer celle du patrimoine, mais ce n'est pas du tout ce que vous proposez. J'écoute avec intérêt le rapporteur général défendre la taxation du patrimoine, mais c'est un discours nouveau. Cela fait des années, en effet, que nos collègues de la majorité nous expliquent que l'ISF est une catastrophe économique, alors que c'est un impôt juste et efficace. Il est juste de taxer le patrimoine parce que, comme le dit le Conseil constitutionnel, c'est une faculté contributive, et parce que les inégalités de patrimoines sont sans commune mesure avec les inégalités de revenus. Le patrimoine des 10 % plus gros contribuables à l'ISF représente 400 fois celui des 10 % de nos concitoyens les plus modestes. L'écart est donc non pas de un à trois, comme pour les revenus, mais de un à 400. Il est par conséquent juste de taxer le patrimoine. Rappelons aussi que le patrimoine médian des Français est de l'ordre de 100 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Il est efficace de taxer le patrimoine – cela a été dit par de nombreux économistes, y compris Maurice Allais, le prix Nobel français d'économie – parce que c'est la seule façon de rentabiliser ce patrimoine et de taxer le capital dormant, la rente, c'est-à-dire les plus-values latentes. Et, d'une certaine façon, c'est ce que je lis au quatrième paragraphe de l'introduction du rapport de M. Carrez : « L'impôt de solidarité sur la fortune répond aux défis d'une époque où les très hauts revenus perçoivent une part croissante de la valeur ajoutée. » Quelle lucidité ! Et, toujours s'agissant de l'ISF, le rapporteur général ajoute : « il incite à investir et limite la tendance de l'économie à la concentration des richesses. » C'est ce que nous disons depuis que nous avons instauré un impôt sur la fortune !

De plus, l'ISF est un impôt moderne. Certains nous disent qu'il a été supprimé partout, mais en Espagne, et surtout en Allemagne, ce n'était pas un impôt déclaratif ; c'était un impôt complètement obsolète. Contrairement à ce qu'a dit le Président de la République, ce ne sont pas les sociaux-démocrates qui ont supprimé l'impôt sur le patrimoine en Allemagne ; c'est Helmut Kohl qui l'a suspendu, tout simplement parce que la Cour constitutionnelle lui demandait de réviser les valeurs sur lesquelles était fondé cet impôt qui était archaïque, exactement comme notre taxe foncière.

Si vous voulez moderniser l'impôt, chers collègues de la majorité, penchez-vous sur la taxe foncière, pas sur l'ISF, qui est un impôt moderne, déclaratif, et dont les bases sont révisées chaque année, contrairement à toutes les autres bases fiscales de patrimoine qui ne sont pas déclaratives et qui, en France comme en Allemagne, remontent aux années 70.

L'ISF est un impôt moderne parce que c'est le seul impôt sur le patrimoine qui taxe non pas un patrimoine brut, mais un patrimoine net. Et, là encore, je vous invite à le comparer avec la taxe foncière, qui taxe un patrimoine brut. Une personne peut payer une taxe foncière extrêmement élevée alors même qu'elle s'est fortement endettée pour acheter son logement, donc que son patrimoine net est quasiment inexistant. L'ISF, lui, taxe un patrimoine net et il faut toujours rappeler que les dettes sont déduites pour son calcul.

Et puisque vous insistez beaucoup sur la comparaison avec l'Allemagne pour souligner la pertinence de la suppression de l'ISF – encore que vous ayez changé sur ce point ! –, je rappelle que les partis de gauche qui, dans de nombreux pays, se posent la question des ressources fiscales, se demandent aujourd'hui s'il ne faudrait pas rétablir un véritable impôt sur le patrimoine, non pas un impôt obsolète, mais un impôt moderne comme notre ISF. C'est très exactement la question que se posent nos collègues sociaux-démocrates allemands.

Cela ne veut pas dire pour autant que l'ISF n'a pas de défauts. Comme tous nos impôts, son assiette est complètement mitée, et vous avez continué à la miter. On peut donc se poser la question de l'élargissement de l'assiette et éventuellement celle de l'ajustement des taux. Je me souviens de Daniel Garrigue proposant à la majorité en commission, par le biais d'un amendement, de conserver le montant de l'ISF, mais d'en ajuster l'assiette et les taux. Ce n'est pas du tout ce que vous faites. Vous laissez l'assiette mitée comme elle est et vous abaissez les taux, c'est-à-dire que la réforme sera complètement injuste.

J'en viens à l'exil fiscal et à la délocalisation. Je suis très étonné que l'on mélange le sujet de la fiscalité du patrimoine individuel avec la question des délocalisations. La fiscalité du patrimoine individuel n'a en effet strictement rien à voir avec la localisation des entreprises. On peut s'interroger sur la fiscalité des entreprises en termes de compétition fiscale, mais cela n'a rien à voir avec la fiscalité du patrimoine. On sait, de plus, que la fiscalité en général, y compris sur les entreprises, n'est pas le facteur déterminant de la localisation des entreprises. Dans les enquêtes faites auprès de celles-ci, les premiers facteurs mentionnés concernent plutôt les infrastructures publiques, les services publics, bref les capacités d'accueil des entreprises et pas la fiscalité.

Et puis, une étude du Crédit Suisse place la France au troisième rang des pays de résidence des millionnaires dans le monde, après les États-Unis et le Japon.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Il y en a de plus en plus dans les Landes ! Cela pose d'ailleurs des problèmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Dès lors, comment peut-on parler d'exil fiscal ?

D'ailleurs, le nombre de contribuables qui ont quitté notre pays est constant depuis une dizaine d'années et très faible puisqu'il concerne moins de 0,2 % de redevables, comme l'a montré M. Marini, le rapporteur général du Sénat.

Si les performances économiques de notre pays dépendaient de la fiscalité du patrimoine, la France aurait dû faire des performances considérables depuis 2002 car vous n'avez cessé de réduire la fiscalité sur le patrimoine et les hauts revenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Vous avez baissé les tranches supérieures de l'impôt sur le revenu ; en 2004 vous avez voté un abattement de 10 % par année au-delà de cinq ans des plus-values immobilières, l'exonération étant acquise au bout de quinze ; en 2006, vous avez prévu un abattement de 33 % par an au-delà de cinq ans des plus-values mobilières et un abattement total au bout de huit ans ; en 2007, vous avez créé le bouclier fiscal. Et, aujourd'hui, vous nous proposez encore une réforme.

Depuis 2002, la croissance dans notre pays est plus faible que la croissance européenne, abstraction faite de l'année de crise que nous avons connue, le déficit extérieur s'élevant à 50 milliards. En revanche, de 1997 à 2002, la France a connu une croissance de 3,2 %, alors que celle de l'Europe était de 2,6 %, le déficit extérieur étant de 20 à 30 milliards. Si vous regardez les données, vous verrez que toutes les réformes fiscales que cette majorité de droite a appliquées depuis 2002 n'ont eu aucun effet, ni sur le commerce extérieur, ni sur la croissance économique. Jamais les performances économiques de notre pays n'ont été aussi déplorables.

J'en viens au caractère injuste de cette réforme. Vous avez commencé cette législature en créant le bouclier fiscal, dont a vu qu'il s'agissait en réalité, pour les deux tiers de son montant, d'un cadeau fait aux millionnaires, malgré tous les discours que vous avez pu tenir. Et vous allez la terminer en faisant un vrai cadeau aux millionnaires en euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Le rapporteur général essaie vainement de prouver, dans son rapport, que certains vont y perdre. Mais, dans le détail, le bouclier fiscal coûte à l'État 700 millions, alors que l'allégement de l'ISF est estimé à 1,8 milliard. Dans la première tranche de l'impôt sur la fortune, il n'y a qu'un contribuable sur 1 000 qui faisait appel au bouclier fiscal, autrement dit 999 contribuables sur 1 000 vont avoir un cadeau fiscal. Dans les trois premières tranches de l'ancien ISF, 1 % faisait appel au bouclier fiscal, autrement dit 99 % vont bénéficier de votre mesure. Dans la tranche la plus élevée de l'ISF, c'est-à-dire ceux qui ont plus de 16,4 millions de patrimoine, cette fameuse tranche pour laquelle le rapporteur général essaie vainement de trouver des perdants, ils étaient un millier à faire appel au bouclier fiscal et 600 qui n'y faisaient pas appel. Ces derniers seront gagnants puisqu'ils recevront un chèque de 175 000 euros, montant qui figure dans le rapport de Gilles Carrez.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

C'est mieux que le loto : on gagne à tous les coups !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Par ailleurs, cette réforme n'est pas financée. Vous avez sous-évalué les sommes qu'aurait pu rapporter l'ISF. Au contraire, vous surévaluez fortement les contreparties. Je n'en citerai qu'une : l'augmentation de six à dix ans du délai de reprise des donations. Lors de la loi TEPA, vous aviez évalué cette mesure à 40 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Aujourd'hui, le chemin en sens inverse représenterait 450 millions d'euros.

Pour votre part, vous vous interrogez sur la fiabilité du financement. Il est assez pathétique de voir que vous allez financer 300 millions d'euros d'allégement de l'ISF par de l'argent que l'État a récupéré auprès des fraudeurs via la cellule de régularisation.

Est-ce vraiment la réforme fiscale dont notre pays a besoin ? Pendant six mois, vous nous avez parlé d'une grande réforme fiscale pour accoucher finalement d'une réforme d'une injustice totale. Je le répète, la dette de notre pays a doublé en dix ans et le déficit aura atteint – et y restera malheureusement – des zones quasi abyssales. La réforme principale à mener consiste donc à rétablir l'égalité entre la taxation des revenus du travail et celle des revenus du capital. En France, les revenus du capital sont deux fois moins taxés que les revenus du travail, parce que toutes les niches fiscales concernent les revenus du capital et parce que ceux-ci bénéficient de prélèvements libératoires ou de prélèvements forfaitaires là où les revenus du travail sont soumis au barème de l'impôt sur le revenu. Tous les revenus doivent donc être soumis au barème de l'impôt sur le revenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Puisque vous faites des comparaisons avec l'Allemagne, vous devriez examiner attentivement les rapports de la Cour des comptes qui nous rappellent que l'impôt sur le revenu représente, en Allemagne, un peu plus de 9 % du PIB, contre moins de 3 % en France. Pour notre part, nous considérons que nous avons besoin de construire un impôt citoyen sur le revenu en fusionnant la CSG et l'impôt sur le revenu, et en débarrassant ce dernier de toutes ses niches qui permettent d'être exonéré très largement quand on a des revenus élevés et que l'on peut faire appel à des spécialistes de l'optimisation fiscale. Il faut engager une réforme simple, avec un impôt compréhensible, en limitant la possibilité de recourir aux niches fiscales, voire en supprimant la plupart d'entre elles.

On le sait, notre imposition globale est régressive. Plus on monte dans l'échelle des hauts revenus, plus l'imposition totale baisse, comme baisse l'imposition sur le revenu. Le taux d'imposition moyen des 1 000 plus hauts revenus s'élève à 25 %, ce qui est fort éloigné de la tranche marginale de 41 %, et celui des dix plus hauts revenus tombe au-dessous de 20 %. Il faut donc taxer les revenus du capital comme les revenus du travail et faire fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu en débarrassant celui-ci de toutes les niches fiscales.

Une réforme similaire mériterait d'être réalisée pour l'impôt sur les sociétés, car la même injustice existe. On pense que toutes les sociétés paient 33 % d'impôt sur les sociétés. C'est vrai pour les petites sociétés, mais les PME paient 30 %, les entreprises de plus de 2 000 salariés seulement 13 % et celles du CAC 40 seulement 8 %. Quant à la plus grande, elle ne paie même pas un euro !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Voilà toutes les injustices auxquelles il faut s'attaquer.

En conclusion, il est temps de réhabiliter l'impôt. Pendant dix ans, vous avez fait des cadeaux fiscaux à crédit aux citoyens les plus fortunés : 70 milliards d'allégements d'impôts ont été consentis.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Ces allégements ont été consentis depuis 2002, monsieur de Courson !

Le déficit structurel s'est creusé – je fais abstraction du déficit de crise. Voilà la réalité de nos finances publiques. Face à cette réalité, il est temps de réhabiliter l'impôt et le service public, contrairement à tous les discours que l'on a pu entendre depuis dix ans en France et depuis plus longtemps encore sur la scène internationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Qu'est-ce qui caractérise une économie développée aujourd'hui ? À l'heure de la mondialisation, on peut construire partout dans le monde une usine moderne. Mais pour que celle-ci fonctionne efficacement, encore faut-il des infrastructures, une main-d'oeuvre formée, un système éducatif, de protection sociale, de recherche. Bref, il faut tout ce qui, en quelque sorte, échappe au marché. Ce qui caractérise les économies développées dans le monde, c'est leur capacité à avoir un système public, ou en tout cas un financement collectif très largement développé et efficace. Voilà la réalité économique. Toutes les enquêtes montrent que ce qui fait la capacité d'une région, d'une nation, d'une ville, c'est d'abord en grande partie ses infrastructures et une main-d'oeuvre formée et compétente, c'est-à-dire ce qui relève du service public au sens général.

Vous supprimez le bouclier fiscal au nom de la justice. En contrepartie, vous faites bénéficier les 600 000 Français les plus riches d'un cadeau de fin de mandat considérable.

On attendait qu'une injustice soit corrigée ; on voit lui succéder une injustice plus grande encore. Il y avait un bouclier fiscal pour les plus fortunés de nos concitoyens. Avec la présente réforme, les plus fortunés auront deux boucliers pour le prix d'un. Voilà pourquoi le groupe SRC demande le rejet de cette loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Monsieur le rapporteur général, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le président, il est accablé ! Que voulez-vous qu'il réponde à cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Dans les explications de vote, la parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Vous ne serez pas étonnés que le groupe SRC vote la motion de rejet préalable excellemment défendue par Pierre-Alain Muet, pour les raisons qu'il a évoquées.

Monsieur le rapporteur général, en commission comme ici tout à l'heure, vous n'avez eu de cesse de défendre le bouclier fiscal comme étant le symbole de la justice fiscale. À cet égard, je rappellerai quelques propos qui font parfois sourire aujourd'hui.

Ainsi, en janvier 2010, le Président de la République déclarait : « Sur le bouclier fiscal, je n'ai pas voulu céder, d'abord parce que je l'avais annoncé dans ma campagne présidentielle. La parole donnée, la conviction, cela doit compter quand même. Sinon, plus personne ne contrôlera rien. » Si vous avez subitement changé de pied, probablement en raison des importantes échéances de l'an prochain, vous n'avez pas fini de traîner le boulet du bouclier fiscal, puisque, ainsi que l'a parfaitement indiqué Jérôme Cahuzac, des restitutions se feront encore au titre du bouclier fiscal en 2012 – environ 500 millions d'euros, si ma mémoire est bonne – et en 2013. J'ajoute que cette mesure n'a pas provoqué le retour des exilés fiscaux, dont la constance n'a pas été démentie : les mouvements annuels sont restés au nombre de 700 à 800.

Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué, tout à l'heure, le rasoir à double lame. Mais n'oubliez pas que c'est vous qui avez ajouté la seconde lame et que la loi TEPA a aggravé le dispositif. Alors, de grâce, n'en parlez pas comme si vous n'en étiez pas responsables !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Enfin, durant ce débat, nous n'aurons de cesse de vous démontrer que ce dispositif n'est ni équilibré ni financé. Tous les tableaux qui figurent dans le rapport le démontrent, même si leur présentation peut parfois prêter à confusion. J'en veux pour preuve – Pierre-Alain Muet l'a dit – que 99 % des contributeurs à l'ISF relevant des cinq premières tranches n'étaient pas bénéficiaires du bouclier fiscal ; tous ceux-là vont y gagner.

Enfin, il manque 1,2 milliard. Vous minorez les recettes de l'ancien ISF et vous majorez artificiellement celles du nouveau dispositif, notamment – et nous y reviendrons – le passage de six à dix ans de la reprise des successions. Le groupe SRC vous le démontrera, si, par hasard, vous n'adoptez pas la motion de rejet préalable défendue par Pierre-Alain Muet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés d'apprendre que Jean-Pierre Brard, Jean-Claude Sandrier et moi-même voterons la motion de rejet préalable, qui a été très bien défendue par Pierre-Alain Muet. Celui-ci a en effet parfaitement démontré, non seulement les changements de discours du Président de la République sur le bouclier fiscal et l'ISF lui-même – dont il avait dit qu'il le supprimerait entièrement –, mais aussi sa ligne directrice : finir le quinquennat avec un solde net de cadeaux fiscaux aux gros patrimoines et, en l'espèce – n'ayons pas peur des mots –, aux grandes fortunes.

J'ai le sentiment, en entendant certains collègues de l'UMP, que l'ISF rapporterait trop. C'est pourtant, de manière générale, une qualité de l'impôt de remplir les caisses de l'État. Le rapporteur général lui-même a indiqué – je l'ai encore lu dans la presse de ce soir –, que l'impôt de solidarité sur la fortune était une recette dynamique, plus dynamique que celles qui allaient lui être substituées.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Cela veut bien dire qu'à l'avenir les gros patrimoines contribueront moins à la solidarité nationale, au financement des dépenses de l'État et aux services publics.

Notre collègue Pierre-Alain Muet a fort justement rappelé que la France se situait au troisième rang mondial, derrière les États-Unis et le Japon – donc au premier rang européen –, en termes de nombre de millionnaires. C'est la preuve que la France n'a pas été désertée par les patrimoines importants et les hauts revenus à cause de l'ISF. L'idée selon laquelle cet impôt appauvrirait la France, répétée par un certain nombre de collègues de l'UMP depuis de nombreuses années, est donc totalement fausse. En réalité, ces dernières années, la valeur et les revenus des patrimoines ont beaucoup plus progressé que les salaires, l'inflation et les revenus du travail. Il nous paraît donc tout à fait juste que soit imposée une contribution sur le patrimoine, qui reste minime au regard de l'ensemble du budget de l'État. Je présenterai d'ailleurs, lors de la discussion générale, nos propositions pour dynamiser davantage cette recette.

C'est pourquoi nous voterons la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Cher collègue Muet, vous avez défendu des thèses indéfendables. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Première thèse : il faut réhabiliter l'impôt. Les centristes font-il partie de ceux qui sont hostiles à l'impôt ? Nous nous tuons à répéter que le redressement des finances publiques passe, certes, en priorité par des économies sur la dépense, mais aussi par un effort, de l'ordre de deux points, sur les recettes.

Deuxièmement, vous ne répondez pas à la question de savoir pourquoi tous les partis socialistes d'Europe ont abrogé l'ISF dans leurs pays respectifs.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n'est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Pourquoi vos homologues socialistes espagnols et allemands, qui auraient parfaitement pu rétablir cet impôt en rénovant ses bases, ne l'ont-ils pas fait ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Le SPD le souhaite !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ne dites pas cela, ce n'est pas vrai : seule l'aile gauche du parti social-démocrate allemand le préconise, pas sa majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Bien sûr, cela fait vingt ans que nous vous expliquons que nous sommes gênés !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Vous commettez ce péché d'orgueil, commun à beaucoup de courants politiques français, qui consiste à prétendre être la seule vraie gauche et à avoir raison contre tout le reste de l'Europe. Eh bien non, vous êtes complètement balkanisés et isolés, en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Vous n'osez pas vous poser la question fondamentale de savoir s'il faut un impôt sur le capital et quelle forme il doit prendre.

Troisièmement, n'oubliez pas que les centristes, qui se sont battus dès la loi TEPA…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mais vous l'avez votée !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…pour expliquer qu'il fallait sortir au minimum la CSG et la CRDS du bouclier fiscal, ont ensuite demandé son abrogation. À ce propos, on aimerait vous entendre sur la question du plafonnement de l'ISF. Ceux d'entre vous qui étaient députés à l'époque – ils ne sont pas nombreux – ont voté un tel plafonnement…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…et ils ont eu raison de le faire. Au nom des centristes, je vous expliquerai que le Gouvernement va trop loin en supprimant, outre le bouclier, le plafonnement de l'ISF, car il prend ainsi un véritable risque constitutionnel. Vous avez d'ailleurs connu ce problème puisque, je le répète, vous avez décidé un tel plafonnement lorsque vous étiez majoritaires.

Dernière contrevérité, mon cher collègue : expliquez-moi comment vous pouvez prétendre que la majorité fait des cadeaux aux riches quand la réforme coûte 2,1 milliards et prévoit 1,9 milliard de recettes supplémentaires – et l'on peut discuter des 200 millions résiduels. La vérité est simple : plus votre patrimoine est élevé et plus vous avez bénéficié du bouclier fiscal, plus vous paierez après la réforme qu'avant. Ne dites pas de contrevérités ! Les couches moyennes vont-elles payer cette réforme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ne dites pas cela. Je vous rappelle les chiffres : 2,1 milliards contre 1,9 milliard.

Ainsi, tous les arguments développés par notre collègue tombent : ce sont des contrevérités. Nous voterons donc contre cette motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je dois reconnaître que ce qu'a dit Charles de Courson est frappé au coin du bon sens. Pardon, monsieur Muet, mais je vous ai écouté attentivement et je crois qu'il faut rappeler quelques chiffres, qui ont le mérite de cadrer le débat sur la réforme de l'impôt sur le patrimoine. Le taux d'imposition implicite du capital est de 23,1 % en Allemagne, de 26,5 % en moyenne dans les vingt-cinq pays européens et de 38,8 % en France, soit presque un tiers de plus qu'en Allemagne et en Europe ! Quant au taux d'imposition directe du capital, il est de 6,9 % en France, soit trois points de plus qu'en Allemagne. Ces chiffres figurent dans le rapport de la Cour des comptes que vous avez cité tout à l'heure, monsieur Muet.

Pourquoi faisons-nous cette réforme ? Parce qu'aujourd'hui, sur le plan de la compétition fiscale, nous sommes complètement en dehors des clous en ce qui concerne l'imposition du capital individuel. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur Muet, vous avez récemment publié un livre sur la fiscalité idéale, et je vous ai bien lu. S'agissant de la fiscalité sur l'outil de travail, vous êtes relativement proche de nos positions, et je vous en félicite. En revanche, sur la fiscalité individuelle du patrimoine, nos positions divergent, puisque vous croyez que l'on peut séparer ces deux fiscalités. Or, on le voit partout, notamment en Belgique, personne ne les sépare. Lorsque vous détenez un patrimoine professionnel important, vous êtes également riche en patrimoine individuel.

Alors, mieux vaut-il que ces personnes partent à l'étranger ou qu'elles restent en France ? Telle est la question. C'est vrai, nous prenons une mesure compétitive. Cela vous déplaît, cela vous choque, mais nous, nous l'assumons, car il s'agit d'une bonne réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Faites-le taire, monsieur le ministre : il en dit trop !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Par ailleurs, vous avez caricaturé le bouclier fiscal, oubliant de dire que la majorité de ses bénéficiaires sont de très modestes revenus. (« Oh ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cela vous gêne, mais nous le disons et nous le répéterons.

J'ai entendu dire, tout à l'heure, qu'au cours des trois dernières années, la loi TEPA avait été entièrement démantelée. C'est faux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

En effet les deux mesures essentielles de cette loi demeurent. Il s'agit de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui profite à tous les Français,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…particulièrement aux revenus de moyenne importance, et de la défiscalisation quasi totale des transmissions. On sait bien que vous n'aimez pas aider les familles modestes et moyennes (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), et que vous êtes opposés à une fiscalité adaptée. Eh bien, nous, nous souhaitons que chacun puisse contribuer à proportion de ses facultés. C'est la raison pour laquelle, en ajustant son taux à la rentabilité actuelle du capital, nous allons faire de l'ISF un impôt juste, accepté et conforme à la logique de l'impôt citoyen, comme dirait M. Muet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Je veux ajouter un dernier élément très important s'agissant de la comparaison avec l'Allemagne. Monsieur Muet, relisez, d'une part, ce que dit le rapport de la Cour des comptes sur la décision de la deuxième chambre de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe concernant le bouclier fiscal allemand et, d'autre part, le rapport de M. Carrez sur le prétendu bénéfice que les plus riches tireraient du bouclier fiscal et de la réforme. Comme l'a dit Charles de Courson, ceux qui optimisent vont perdre de l'argent, et c'est bien normal.

Vous pouvez sourire, monsieur Muet. Vos contrevérités n'ont pas convaincu le groupe UMP,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…qui s'opposera à votre motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

On se servira de votre intervention pendant nos campagnes électorales !

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Balligand

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma