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Séance en hémicycle du 19 mai 2010 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

M. le Président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture de ce texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi organique (nos 2377, 2495).

La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi organique qui vous est soumis en nouvelle lecture permettra aux assemblées d'exercer un contrôle effectif sur les nominations du Président de la République aux fonctions les plus éminentes pour la garantie des libertés ou la vie économique et sociale de notre pays. C'est une des innovations marquantes de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui donne corps à la fonction de contrôle du Parlement.

Les deux lectures réalisées dans chacune des assemblées ont été l'occasion d'un débat très approfondi…

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

…sur cette nouvelle procédure et je tiens à saluer avec empressement la contribution essentielle de votre commission des lois, et notamment de son rapporteur, à ce débat. Si les deux textes proposés par le Gouvernement ont été notablement enrichis, leur adoption définitive n'a pu être possible.

La commission mixte paritaire a, toutefois, trouvé un accord sur le projet de loi ordinaire en retenant les dispositions introduites par le Sénat en deuxième lecture. Le principe de la publicité des auditions est donc posé et un délai de huit jours est désormais prévu entre la communication du nom de la personne dont la nomination est envisagée et son audition par les commissions permanentes compétentes.

Les deux assemblées ont également adopté en termes conformes les dispositions relatives à la liste des emplois ou fonctions pour lesquels la nomination est soumise au contrôle des commissions parlementaires. Cette liste a ainsi été complétée en cohérence avec la démarche qui avait prévalu pour sa constitution et le Gouvernement ne peut que s'en féliciter.

En revanche, comme vous le savez, la commission mixte paritaire n'a pu résoudre le différend subsistant entre les deux assemblées sur l'article 3 du projet de loi organique. Par deux fois, le Sénat a souhaité revenir sur l'interdiction des délégations de vote lors du scrutin destiné à recueillir l'avis de la commission compétente.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Votre commission des lois vous propose à nouveau d'interdire explicitement ces délégations de vote.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Le Gouvernement souhaite rappeler son souci de voir cette réforme pleinement mise en oeuvre le plus rapidement possible.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Si, à l'issue de cette nouvelle lecture, les deux assemblées ne sont pas parvenues à un accord, le Gouvernement sera contraint d'avoir recours à la procédure prévue par la Constitution pour permettre une adoption dans les meilleurs délais de cette loi organique.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Votre commission vous propose, par ailleurs, de supprimer l'article 4 du projet de loi organique, introduit par le Sénat en deuxième lecture. Cette disposition prévoit, dans la loi organique, que les membres des commissions compétentes puissent s'opposer, à une majorité des trois cinquièmes, aux nominations proposées par les présidents des assemblées au titre des articles 56 et 65 de la Constitution. Le Gouvernement est favorable à la suppression de cet article qui, de son point de vue, dépasse l'habilitation que le Constituant a donnée au législateur organique que vous êtes.

Debut de section - PermalienHenri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Mesdames, messieurs les députés, l'adoption prochaine de ce projet de loi organique marquera une étape importante de l'application de la révision constitutionnelle de 2008 et de la revalorisation du Parlement souhaitée par le Président de la République. Le Gouvernement souhaite que nous puissions franchir cette étape le mieux et le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république, suppléant M. Charles de La Verpillière, rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après deux lectures, dans chacune des deux assemblées, du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, les deux commissions mixtes paritaires se sont réunies à l'Assemblée nationale le mercredi 7 avril 2010.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution a conclu ses travaux positivement, par l'adoption d'un texte incluant les deux dispositions ajoutées par le Sénat en deuxième lecture : celle relative à la publicité des auditions des personnes dont la nomination à des emplois ou fonctions dont la liste figure en annexe au projet de loi organique est envisagée, ainsi que celle relative à l'obligation pour les commissions permanentes compétentes de respecter un délai de huit jours entre la communication du nom de la personne dont la nomination à l'un de ces emplois ou fonctions est envisagée et l'audition de cette personne.

En revanche, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution n'a pu parvenir à élaborer un texte commun, en raison de divergences entre le Sénat et l'Assemblée nationale, les votes s'étant conclus par sept voix contre sept.

L'Assemblée nationale est donc amenée à examiner en nouvelle lecture le seul projet de loi organique. À ce stade de la procédure ne demeurent en discussion que deux articles : l'article 3 et l'article 4.

L'article 3, introduit en première lecture à l'Assemblée nationale et supprimé à deux reprises par le Sénat, prévoit d'instaurer une interdiction de déléguer son vote lors d'un scrutin destiné à recueillir l'avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée sur une proposition de nomination soumise à la procédure d'avis des commissions permanentes.

L'article 4, introduit en deuxième lecture au Sénat, prévoit que les nominations de membres du Conseil constitutionnel et de personnalités qualifiées membres du Conseil supérieur de la magistrature auxquelles procèdent les présidents des deux assemblées ne peuvent avoir lieu si les votes négatifs au sein de la commission permanente compétente représentent au moins trois-cinquièmes des suffrages exprimés.

Lors de la discussion en commission mixte paritaire, les sénateurs ont fait valoir plusieurs arguments pour justifier la suppression de l'article 3 du projet de loi organique. Selon M. Patrice Gélard, rapporteur pour le Sénat, l'article 27 de la Constitution ne permettrait pas d'interdire les délégations de vote dans la loi organique qui autorise les parlementaires à déléguer exceptionnellement leur droit de vote. M. Patrice Gélard a fait valoir que l'article 68 de la Constitution prévoit une interdiction de délégation du droit de vote pour le vote sur la mise en accusation du Président de la République, et qu'il ne serait donc pas possible d'interdire les délégations de vote autrement que dans la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Dans le même sens, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois du Sénat, a considéré que l'article 27 de la Constitution permettrait d'accorder des délégations de vote selon des motifs d'empêchement, et non selon la nature des votes concernés.

Une telle lecture du texte constitutionnel n'est pas recevable. En effet, l'article 27 de la Constitution dispose que « la loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote ». Cette habilitation est formulée de telle manière qu'elle laisse au législateur organique la latitude de restreindre les cas dans lesquels la délégation est autorisée : l'article 27 de la Constitution fait du vote personnel la règle et de la délégation l'exception.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Le fait que l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958, prise pour l'application de l'article 27, lie actuellement la délégation de vote à un motif d'empêchement ne signifie pas que le législateur organique ne puisse apporter d'autres restrictions à l'autorisation exceptionnelle de délégation du vote.

Par ailleurs, la seule conséquence de la rédaction actuelle de l'article 68 de la Constitution, qui interdit toute délégation de vote pour la mise en accusation du Président de la République, est d'empêcher le législateur organique de permettre une telle délégation de vote dans ce cas particulier. On ne peut donc extrapoler de cette disposition constitutionnelle une impossibilité d'interdire dans la loi organique les délégations de vote dans d'autres cas.

Un autre argument d'ordre pratique, invoqué par les sénateurs, a concerné le décalage éventuel entre la date de l'audition par la commission permanente compétente de la personne dont la nomination est envisagée et la date à laquelle le vote sur cette proposition de nomination serait organisé. Selon nos collègues, un tel décalage justifierait que les délégations soient permises, pour éviter qu'un parlementaire qui a assisté à l'audition ne puisse pas prendre part au vote.

Mais s'il est vrai que l'article 3 du projet de loi ordinaire, adopté en termes conformes par les deux assemblées, prévoit un dépouillement simultané des scrutins dans les deux commissions permanentes compétentes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

…il n'impose nullement une organisation simultanée du vote. Par conséquent, l'argument pratique est en fait inopérant, comme l'a déjà montré l'avis émis par les commissions des lois des deux assemblées sur la proposition de nomination de M. Yves Guéna à la présidence de la commission – une nomination prévue par l'article 25 de la Constitution.

Enfin, le dernier argument en faveur de la suppression de l'article 3, exposé par M. Pierre Fauchon, sénateur, lors de la commission mixte paritaire, est qu'il serait souhaitable de préserver l'autonomie de chaque assemblée, conformément à la Constitution, qui n'exige pas une totale identité de procédure entre les deux assemblées. Cette dernière critique néglige le fait qu'il s'agit non pas d'organiser une procédure propre à l'une ou l'autre assemblée, mais d'organiser une procédure commune, puisqu'il n'y aura, au regard du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, qu'un seul avis, résultant de l'addition des votes dans chaque commission. Il serait, par exemple, tout à fait possible que les votes majoritaires de l'une des deux commissions permanentes compétentes soient en sens contraire de l'avis résultant de la réunion des votes des deux commissions.

Au regard des conséquences potentielles de l'avis émis par les commissions permanentes compétentes, il est nécessaire que la procédure ne puisse pas être faussée au détriment de l'une des deux assemblées, ce à quoi aboutirait nécessairement un régime de délégation de vote distinct dans les deux assemblées.

Pour ces raisons, votre commission vous propose de rétablir l'article 3 dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en première comme en deuxième lecture.

Pour sa part, l'article 4, introduit par le Sénat en deuxième lecture, vise à lever tout doute quant à l'interprétation du renvoi par les articles 56 et 65 de la Constitution à la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution pour les nominations effectuées par les présidents des deux assemblées du Parlement – nominations au Conseil constitutionnel et au Conseil supérieur de la magistrature –, en précisant que le veto aux trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de la commission permanente compétente sera applicable au même titre que pour les nominations par le Président de la République.

Sur le fond, la commission des lois ne conteste pas la lecture faite par le Sénat des dispositions constitutionnelles : l'objectif est bien d'appliquer le même mécanisme – veto à la majorité des trois cinquièmes – aux désignations par les présidents des assemblées qu'aux désignations par le Président de la République.

Toutefois, l'article 4 se heurte à une difficulté juridique. Le Gouvernement a en effet fait valoir, lors de la discussion de cet article en deuxième lecture au Sénat, que le législateur organique n'était pas habilité à prévoir les conditions de nomination par les présidents des assemblées. Il est vrai que l'habilitation constitutionnelle de l'article 13 ne prévoit une loi organique que pour désigner les emplois ou fonctions soumis à la procédure, et non pour préciser les conditions de nomination par les présidents des assemblées.

En pratique, même en l'absence d'une telle disposition, les présidents des assemblées devront prendre en compte l'avis émis par la commission permanente compétente et il leur serait en pratique impossible de procéder à une nomination si le candidat proposé recueillait une majorité qualifiée d'avis défavorables.

Pour ces deux raisons, de droit et de fait, la commission vous propose la suppression de l'article 4.

Mes chers collègues, c'est donc un rétablissement du texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture que nous vous appelons à approuver en nouvelle lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, premier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la procédure qui mènera à l'adoption de ce projet de loi organique fera très probablement à l'avenir figure de cas d'école pour les spécialistes du droit parlementaire.

Après deux lectures à l'Assemblée nationale et au Sénat, après l'échec, voilà quelques semaines, de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte commun à nos deux assemblées, c'est ce soir pour la troisième fois que nous examinons en séance publique ce projet de loi organique relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, avant vraisemblablement, hélas, de l'examiner une quatrième et dernière fois, avec enfin le pouvoir du dernier mot que nous reconnaît la Constitution.

Outre qu'elle est rare, la situation dans laquelle nous nous trouvons est également des plus paradoxales, dans la mesure où ce n'est pas ce soir un désaccord de nature véritablement politique qui nous oppose à nos collègues sénateurs. L'objet initial de ce projet pouvait en effet paraître consensuel puisqu'il s'agissait essentiellement de dresser la liste des emplois et fonctions ne pouvant désormais être pourvus sur décret du Président de la République qu'après l'avis des commissions parlementaires compétentes.

Par le passé, ces nominations à la tête des grandes entreprises publiques ou des autorités administratives indépendantes étaient systématiquement suspectées, parfois – pour ne pas dire souvent – à juste titre, d'être des nominations de complaisance voire de connivence, les résultats de marchés passés dans l'obscurité des coulisses du pouvoir.

Désormais, et en vertu de la nouvelle rédaction de l'article 13 de la Constitution, les personnes pressenties pour exercer une fonction déterminante, soit pour la garantie des libertés publiques soit pour la vie économique et sociale de la nation, sont tenues de se présenter et de présenter leur projet devant les commissions permanentes compétentes de notre assemblée ainsi que du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

En effet.

Certains ont bien sûr pu regretter au cours de nos débats que ce texte n'aille pas plus loin. Pour notre part, nous maintenons, monsieur le ministre, nos regrets s'agissant par exemple de l'absence au sein de cette liste du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale ainsi que des membres de la CNIL nommés par le Président de la République. Reconnaissons néanmoins, majorité comme opposition, que ce projet marque bien un progrès pour notre démocratie.

Bien loin du reste d'une divergence quant au fond de ce texte, notre désaccord avec le Sénat tient à une disposition qui, au début de nos travaux, semblait vouée à n'être qu'anecdotique, et en tout état de cause secondaire, tant elle apparaît frappée au coin du bon sens : interdire les délégations de vote lors des scrutins tenus en application du cinquième alinéa de l'article 13, et ce dans le but de tendre autant que possible vers une identité de procédure entre les assemblées puisqu'il s'agit d'une procédure commune.

En effet, si la Constitution ouvre aux commissions parlementaires la possibilité d'opposer un veto aux nominations envisagées par le Président de la République, ce veto résulte non pas d'une opposition conjointe des deux commissions, mais bien d'une addition des voix négatives exprimées dans chacune d'entre elles. Dans cette procédure, à titre exceptionnel, la voix d'un député vaut celle d'un sénateur, et ce en dépit du fait que l'Assemblée nationale compte 577 membres là où le Sénat n'en compte que 348 au maximum.

À la différence de la procédure législative, dont les contours se trouvent fixés, dans le respect des règles constitutionnelles, par le règlement de chacune de nos assemblées, nous sommes donc ici en présence d'un mécanisme particulier en ce qu'il est matériellement commun à l'Assemblée nationale et au Sénat. Dès lors, le principe d'autonomie des assemblées, souvent invoqué par nos collègues sénateurs, ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce.

La nécessité d'unifier au maximum la procédure étant attestée, apparaît alors la question de savoir si, eu égard aux traditions comme à la pratique sénatoriales en matière de délégations de vote, il ne convenait pas de nous aligner sur la position de la Haute assemblée en autorisant les députés à déléguer eux aussi leur droit de vote lors des scrutins en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

À ce stade de la réflexion, il importe cependant de faire le choix de la cohérence. L'opposition nous a souvent reproché le caractère par trop inatteignable du seuil des trois cinquièmes des suffrages exprimés compte tenu de la discipline de vote qu'on a malheureusement coutume d'observer au sein des assemblées parlementaires. C'est négliger cependant l'objet même de cette réforme qui voulait, en rompant avec certains usages, consacrer la République des compétences sur celle des allégeances partisanes. À ce titre, à l'occasion de ces scrutins, nous avons à nous prononcer non pas en fonction de nos appartenances politiques, mais bien sur la base de strictes considérations d'intérêt général et sur la compétence et le projet des candidats proposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Cette lecture de la révision constitutionnelle n'est d'ailleurs pas seulement la nôtre, puisqu'elle a trouvé sa traduction dans le règlement de chacune de nos assemblées, l'article 29-1 du règlement de l'Assemblée nationale et l'article 19 bis du règlement du Sénat fixant le caractère secret de ces scrutins afin de garantir la liberté de chacun vis-à-vis de son groupe.

Mes chers collègues, dès lors que ces scrutins se tiennent à bulletin secret et qu'ils n'ont, si l'on s'en tient à l'esprit de la révision constitutionnelle, pas vocation à être politisés, aucun motif sérieux ne saurait en l'état justifier une généralisation des possibilités de délégation que nous proposent avec obstination les sénateurs.

Je voudrais cependant ajouter que nous ne pouvons, en tant que chambre basse et en tant qu'élus du suffrage universel, représentants directs du peuple français, accepter la logique dans laquelle s'est engagé le Sénat de tirer parti de la discussion de chaque texte d'application de la révision constitutionnelle pour renforcer son poids institutionnel. Cela conduit progressivement à un déséquilibre des institutions voulues par la Ve République. Ainsi, après avoir fragilisé l'équilibre de la procédure législative en refusant de se voir appliquer le temps législatif programmé, le Sénat entend aujourd'hui démultiplier son poids dans une procédure déjà mise à mal par la création dans notre seule assemblée de deux commissions supplémentaires. Le poids du Sénat, qui compte six commissions, contre huit ici, se trouve renforcé dans le cadre de la procédure commune d'un point de vue strictement arithmétique. Si nous acceptions que les délégations de vote soient comprises, nous renforcerions le déséquilibre institutionnel.

À ce titre, dans la mesure où le désaccord auquel nous faisons face est bien plus institutionnel que politique, il importe que notre assemblée maintienne sur ce point l'unanimité de sa position. C'est pourquoi, en ce qui nous concerne, nous maintiendrons notre soutien à la position de notre commission des lois.

Monsieur le président de la commission, vous avez exposé votre position s'agissant de l'article 4. Nous considérons parfaitement légitime que les assemblées soient consultées et puissent s'opposer au choix de leur président. Il serait d'ailleurs assez paradoxal que le Président de la République soit soumis à notre contrôle alors qu'il n'est pas responsable devant les assemblées, tandis que les présidents de l'Assemblée nationale ou du Sénat, émanation de leur assemblée, pourraient désigner les personnes de leur choix en dépit de la volonté de ceux qui leur ont confié cette responsabilité.

J'ai bien conscience que, juridiquement, constitutionnellement, cela ne peut être dans la loi organique, ne serait-ce que parce que l'article 13 l'a empêché. Je souhaite néanmoins qu'on ne s'arrête pas à la pratique, à l'espérance que le Président de l'Assemblée nationale ou du Sénat, d'aujourd'hui et de demain, sera suffisamment respectueux de ses collègues pour prendre compte de leur avis. Une disposition figurant dans notre règlement pourrait enjoindre le président à le faire. L'Assemblée étant libre, de par la Constitution, d'établir son règlement, vous pourriez, monsieur le président de la commission, prendre une initiative pour qu'au moins ici, l'avis des députés soit directif et pas seulement consultatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour discuter d'un texte dont l'objet est de permettre la mise en oeuvre effective de l'une des dispositions les plus importantes de la révision constitutionnelle de 2008 : je veux parler de la procédure de nomination aux emplois et fonctions publics, dont l'article 13 de la Constitution confie la responsabilité au Président de la République.

Après deux lectures dans chacune des deux assemblées du projet de loi organique et du projet de loi relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous nous sommes retrouvés en commission mixte paritaire le mercredi 7 avril 2010.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution a conclu ses travaux par l'adoption d'un texte incluant les deux dispositions ajoutées par le Sénat en deuxième lecture.

En revanche, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution n'est malheureusement pas parvenue à élaborer un texte commun, en raison des divergences entre le Sénat et notre assemblée sur l'article 3 du projet de loi organique.

C'est pourquoi nous sommes amenés à examiner, ce soir, en nouvelle lecture, le seul projet de loi organique. Certes ce projet de loi est important et il n'était pas question de le traiter par dessus la jambe. Mais après neuf mois de travaux, je crois qu'il est grand temps, mes chers collègues, d'accoucher définitivement du texte, qui ne fera peut-être pas le bonheur de tous, mais qui nous permettra de donner vie à la nouvelle forme de démocratie à laquelle nous aspirons tous.

Vous le savez, il nous reste deux points d'achoppement avec le Sénat.

Le premier porte sur l'article 3 que nous avions introduit en première lecture mais qui a été à deux reprises supprimé par le Sénat. Cet article prévoit d'instaurer une interdiction de déléguer son vote lors d'un scrutin destiné à recueillir l'avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée sur une proposition de nomination.

Le deuxième porte sur l'article 4, qui a été introduit en deuxième lecture par le Sénat. Il prévoit que les nominations de membres du Conseil constitutionnel et de personnalités qualifiées, membres du Conseil supérieur de la magistrature auxquelles procèdent le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ne peuvent avoir lieu si les votes négatifs au sein de la commission permanente compétente représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés

Mes chers collègues, concernant l'article 3, je regrette vivement, comme vous tous d'ailleurs, la position de nos collègues sénateurs qui ne veulent pas comprendre, et c'est dommage, que ce droit nouveau prévu au cinquième alinéa de l'article 13 doit être exercé de manière identique par les deux assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Monsieur le ministre, changez la Constitution et supprimez le Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Il ne s'agit pas d'un article de défiance à l'égard de nos collègues sénateurs. Il ne s'agit pas d'un article par lequel les députés chercheraient à s'immiscer dans l'organisation interne au Sénat. Nous respectons trop nos collègues sénateurs pour agir ainsi !

Il s'agit simplement d'une mesure tendant à harmoniser les règles de procédure et de computation des voix afin qu'elles soient identiques dans les deux chambres du Parlement.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le débat se situe non pas entre la majorité et l'opposition, mais entre l'Assemblée nationale et le Sénat, la réunion de la commission mixte paritaire en a d'ailleurs été l'illustration.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

La question des modalités d'organisation du scrutin dans les commissions permanentes est essentielle. C'est pourquoi il est indispensable que les procédures de vote respectent le parallélisme des formes entre nos deux assemblées.

En effet, députés et sénateurs votent ensemble pour donner un avis sur une nomination. Nous avons tous conscience que, si tel n'était pas le cas, cette absence d'uniformité de la procédure pourrait être fatale à notre assemblée, car elle pourrait modifier les équilibres instaurés entre les représentants du peuple que nous sommes et les représentants des territoires que sont les sénateurs.

Cela est d'autant plus vrai que, en l'absence de modification du nombre des commissions permanentes au Sénat, resté à six alors que notre assemblée en compte désormais huit, il existe un véritable risque que certaines commissions permanentes du Sénat pèsent davantage que celles de l'Assemblée nationale lors d'un vote sur une nomination, ce qui serait inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Et puis, faut-il rappeler que le risque d'une erreur humaine du délégataire lors du scrutin peut amener une décision qui soit contraire à la volonté des délégants, ce qui a été le cas récemment, comme on vient de le rappeler ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Nous n'insisterons pas, d'autant que cela nous a permis de discuter de nouveau le texte en question !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

C'était un problème interne à la majorité parlementaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

C'est aussi arrivé par le passé de votre côté, monsieur Gosnat !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Cela peut en effet arriver à tous les groupes.

L'ensemble du groupe UMP, et très probablement l'ensemble des autres groupes politiques, sont favorables au rétablissement de l'article 3 du projet de loi organique dans la rédaction retenue en première lecture par notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Cette rédaction complète l'article 1er de l'ordonnance du 7 novembre 1958 en interdisant les délégations de vote lors d'un scrutin destiné à recueillir l'avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée sur une proposition de nomination.

En ce qui concerne l'article 4, introduit par le Sénat lors de la deuxième lecture, le groupe UMP a soutenu et continue de soutenir la position de notre rapporteur, qui veut sa suppression.

Mes chers collègues, il est grand temps d'en finir avec ce projet de loi…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est vrai ! Et pourquoi pas aussi avec le Sénat ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

…dont la discussion, depuis septembre dernier, n'a que trop duré.

Nous sommes nombreux sur ces bancs à vouloir exercer pleinement ce nouveau droit qui va permettre au Parlement de contrôler les nominations envisagées par le Président de la République aux fonctions les plus éminentes pour la garantie des libertés et le bon déroulement de la vie économique et sociale de notre pays.

Oui, nous sommes nombreux…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

…à vouloir la mise en place effective de cette nouvelle procédure prévue à l'article 13 de la Constitution, qui permettra d'établir la transparence et la pertinence des nominations à venir. Chers collègues, finissons-en, il est grand temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une troisième lecture sur un projet de loi organique n'est pas chose habituelle. Il faut donc que le sujet soit, si ce n'est grave, du moins sensible. De fait, ce n'est pas parce que le différend entre les deux chambres se concentre sur un point précis qu'il convient d'occulter le sens global de l'article 13.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Qu'il me soit donc permis de rappeler combien la complexité de sa rédaction et de son architecture nous ont frappés. Deux ambiguïtés altèrent en effet son contenu.

D'abord, le quatrième alinéa indique que la liste des fonctions directement visées par cet article peut être complété par une loi organique. Or ce texte renvoie à son tour – et sans doute la constitutionnalité de ce mécanisme est-elle douteuse – à un décret en conseil des ministres le soin de procéder à son extension aux emplois de direction dans les entreprises publiques, les établissements publics et les sociétés nationales quand leur importance le justifie.

Comme l'a noté Jean-Pierre Camby lors d'un colloque tenu à l'Assemblée nationale le 1er avril dernier, une autre ambiguïté vient du fait que la liste des personnalités concernées ne couvre pas uniquement celles qui interviennent en conseil des ministres. Il est alors légitime de regretter que la nouvelle rédaction de cet article 13 fige une inutile complexité.

Toutefois ce n'est pas l'essentiel de la lecture qui nous occupe. À ce stade, en effet, il nous faut surtout répondre à une question : cette loi organique est-elle relative au Sénat ? En effet, si tel était le cas, l'article 46, alinéa 4, de la Constitution, s'appliquerait. Or il dispose : « Les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées ».

Le doute existe donc sur le fait que cette loi organique soit relative au Sénat. Classiquement, les lois relatives au Sénat sont entendues comme étant toutes celles qui ont pour objet ou pour effet de poser, de modifier ou d'abroger les règles concernant directement le Sénat. En l'espèce, la loi organique prévoit que la Haute assemblée devrait modifier son règlement. On pourrait donc conclure positivement à la question posée.

Pourtant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel apporte une réponse inverse. En effet, celui-ci retient une interprétation restrictive de la notion de « loi organique relative au Sénat », faute de quoi toutes les lois organiques seraient peu ou prou susceptibles d'entrer dans cette catégorie.

On peut citer cinq décisions du Conseil constitutionnel, dont quatre prises l'an passé à la suite de la révision constitutionnelle, en appui à ce principe. Il s'agit de la décision du 5 juillet 1990 sur la résolution complétant l'article 86 du règlement de l'Assemblée nationale ; de la décision du 9 avril 2009 sur la loi organique relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ; de la décision du 30 juillet 2009 sur la loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental ; de la décision du 30 juillet 2009 sur la loi organique relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte ; enfin, de la décision du 3 décembre 2009 sur la loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution.

À chaque fois le Conseil a estimé que ne pouvaient être qualifiées de lois organiques relatives au Sénat que celles qui lui étaient spécifiques. Ainsi, la Haute assemblée est protégée d'une tentative – parfaitement hypothétique – de l'Assemblée nationale de supprimer l'une de ses spécificités. Le constituant voulait en fait protéger le bicamérisme et empêcher l'Assemblée de modifier la composition et l'organisation stricto sensu du Sénat.

Or, dans le cas qui nous occupe, la loi organique ne comprend aucune spécificité relative au Sénat.

Par ailleurs, et en lien plus direct avec l'article 13 de la Constitution, le Conseil a considéré que la loi organique relative aux nominations des présidents de France Télévisions ne relevait pas des lois organiques relatives au Sénat. Il s'agit de la décision du 3 mars 2009, n° 2009-576.

Deuxième question : la loi organique est-elle conforme à la Constitution ?

La compétence du législateur organique ne peut être contestée. Patrice Gélard avance, dans son rapport, l'argument selon lequel « le Conseil constitutionnel dans une décision du 17 mai 1973 a estimé qu'il n'est pas possible d'apporter des restrictions aux possibilités reconnues par l'ordonnance organique aux parlementaires de déléguer leur droit de vote. »

Cet argument est fallacieux : la décision du Conseil confirme au contraire que seule une loi organique – et non le règlement d'une assemblée – peut restreindre, le cas échéant, l'autorisation conférée aux membres du Parlement de déléguer leur droit de vote dans les cas qu'elle énumère. Il s'agit de la décision du 17 mai 1973 sur une résolution tendant à modifier certains articles du règlement du Sénat.

De même, l'interprétation étroite du sénateur Gélard – même s'il cite à l'appui de sa thèse Jean Gicquel – visant à limiter la compétence du législateur organique aux « causes » de la délégation et non aux « cas » ne repose sur rien. Bien au contraire, le principe du vote personnel et le caractère exceptionnel de la délégation posés par l'article 27 de la Constitution militent en faveur d'une possible restriction des cas où toute délégation serait interdite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Même si le principe constitutionnel est celui du vote personnel, la loi organique peut y déroger sous certaines conditions, ce qui est justement l'objet de l'ordonnance organique du 7 novembre 2008 qui, je le rappelle, n'a pas été examinée par le Conseil constitutionnel.

Enfin, l'argument du Sénat, tiré de l'article 68 de la Constitution – selon lequel le seul cas où la délégation de vote est explicitement proscrite est la procédure de destitution du chef de l'État, ce qui interdirait explicitement toute nouvelle hypothèse d'interdiction de délégation de vote – n'est évidemment pas sérieux, comme l'a d'ailleurs très pertinemment remarqué Jean-Luc Warsmann. Le fait que la Constitution interdise dans ce cas la délégation de vote n'interdit en rien au législateur organique de l'étendre à d'autres cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Dès lors, il ne reste plus qu'une seule question : de la position de l'Assemblée ou de celle du Sénat, quelle est la plus conforme à la Constitution ?

Les deux peuvent parfaitement se défendre. Cela dit, le groupe SRC maintiendra son vote des deux premières lectures, qu'il a aussi confirmé lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Nous estimons en effet que la position de notre assemblée est plus respectueuse de l'esprit de l'ordonnance de 1959,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

…la délégation de vote étant justifiée par des raisons tenant à la disponibilité du parlementaire, pas à la nature du vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Verchère vient d'affirmer qu'il s'agissait aujourd'hui d'une des dispositions les plus importantes pour notre assemblée. Pour autant, au vu de ce qui se passe ce soir, je dirais plutôt, comme Tristan Bernard : « Venez armé, l'endroit est désert ! » (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Absolument !

Pour autant, à l'occasion de cette nouvelle lecture, les députés communistes n'entendent pas divaguer sur le problème de l'interdiction des délégations de vote au sein des commissions compétentes pour émettre un avis sur les nominations présidentielles.

Nous considérons en fait qu'il s'agit d'un non événement, à l'image de ce que vient d'être la présentation de notre collègue et président de la commission des lois M. Warssermann… (Murmures.) Nous avons ressenti un certain enfumage du problème.

Notre position sur ce simulacre de réforme est qu'elle est vide de tout contenu réel, puisque le Parlement ne pourra pas matériellement – ce qui est la vraie question politique posée –, s'opposer à une nomination. La majorité des trois cinquièmes ne sera jamais atteinte,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

…fort heureusement, d'ailleurs !

La nomination du PDG d'EDF, Henri Proglio, a permis de démontrer l'inanité de la procédure. Alors que les commissions compétentes n'ont émis aucun avis,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

…le chef de l'État s'est permis de crier sur tous les toits que cette nomination bénéficiait de l'aval du Parlement. Cet épisode a tout simplement ridiculisé et décrédibilisé notre assemblée, qui était censée être revalorisée par le dispositif. Les citoyens n'auront pas manqué de relever le fossé existant entre notre peuple, qui est enfoncé dans la crise – en particulier quand il est question d'EDF, on aborde une question fondamentale – et les élites politiques et économiques, qui ratifient la nomination de ce que l'on peut appeler un cumulard : l'actuel président-directeur général d'EDF.

À l'aune de cette affaire, on constate que ce nouvel alinéa de l'article 13 de la Constitution est surtout un outil pour donner une apparence démocratique à des pratiques scandaleuses. C'est ce que l'on appelle un trompe-l'oeil.

Sur le fond, je me permets de rappeler que le principe même de la nomination aux emplois civils et militaires par le Président de la République pose un réel problème, sur lequel il faut que nous réfléchissions. C'est en effet le Gouvernement qui est chargé par la Constitution de déterminer et de conduire la politique de la nation. Or ces nominations à la tête des grandes entreprises publiques ou des établissements publics sont précisément un levier stratégique de la politique publique. En toute rigueur, c'est donc le Gouvernement qui devrait procéder à ces nomination, sous le contrôle du Parlement.

À cet égard…

Je demande au président de la commission de bien vouloir m'écouter un peu. Soyez respectueux des intervenants !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Moi, je vous ai écouté, et j'ai d'ailleurs trouvé que vous avez bien enfumé le débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

À cet égard, disais-je, que se passerait-il en cas de cohabitation ? Le Président de la République pourrait effectuer ces nominations aux postes stratégiques sans être inquiété, puisqu'il faudrait un vote à la majorité des trois cinquièmes pour l'en empêcher ! C'est une vraie question, qui n'est pas abordée ici.

Autre incohérence de cette réformette : les nominations qui sont prétendument encadrées sont celles qui concernent les grandes entreprises et institutions publiques. En revanche les postes les plus stratégiques, les plus centraux, sur lesquels le Président de la République a la haute main, ne bénéficient d'aucun encadrement parlementaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Je croyais que le temps des Moscou et autres remarques du genre était révolu !

Quid des postes de directeurs d'administrations centrales, de préfets ou de diplomates ?

Une procédure de validation démocratique ne serait-elle pas la bienvenue ? Quoi qu'il en soit, une véritable procédure de contrôle parlementaire des nominations stratégiques était possible.

D'abord, la liste des postes aurait dû être élargie…

Franchement, monsieur le président, je suis scandalisé par l'attitude de M. Wassermann (« Warsmann ! » sur les bancs du groupe UMP.) : Il est inutile de parler, il n'écoute rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Monsieur le président, il est tellement transparent qu'on en oublie son nom ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Le respect, ce serait de ne pas tourner le dos à l'orateur ! Vous-même ne seriez d'ailleurs pas capable de dire mon nom. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Je vous trouve très impoli.

Ensuite, la moindre des choses serait que les commissions compétentes des deux assemblées puissent auditionner les différents candidats, et non pas le seul qui a la faveur du prince, pour se contenter de ratifier sa nomination.

Enfin, le bon sens indique que la majorité simple, et non celle des trois cinquièmes, aurait donné une portée un peu plus grande à ce mécanisme, et ajouté un peu de démocratie.

Au cours des différentes lectures de ce projet de loi organique, les députés communistes et républicains ont pu faire état de leurs autres propositions pour revaloriser les droits du Parlement : mode de scrutin proportionnel, parité, suppression du vote bloqué, de l'article 49 alinéa 3, de l'irrecevabilité financière des propositions de loi…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Voilà le vrai visage d'un Parlement qui serait remis à sa juste place, au coeur de la nation. Nous ne cautionnons pas la vision présidentialiste défendue par ce projet de loi, et nous ne sommes pas dupes du caractère totalement inopérant du dispositif proposé.

Il est donc complètement impossible pour nous de voter ce projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Certains élèvent le débat, d'autres le rabaissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Gosnat

Vous feriez mieux de les écouter, ces opinions ! Quant on est président de commission on écoute tout le monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

J'ai écouté avec attention les différents intervenants, notamment les propos tenus à l'instant par notre collègue Pierre Gosnat : tout ce qu'il a dit mérite d'être entendu, car il a rappelé quelques vérités importantes sur la perte d'autonomie, la perte de démocratie que vit, mois après mois, l'Assemblée nationale.

J'ai aussi écouté les autres intervenants : le rétablissement du texte de l'article 3 va nécessairement rassembler beaucoup de députés, puisque, comme l'a dit Patrice Verchère, nous sommes très nombreux ce soir. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Notre République, on le sait, fonctionne avec deux chambres : l'Assemblée nationale et le Sénat. Je ne vais pas ici discuter des avantages et des inconvénients d'un tel système, même si j'ai toujours pensé que l'Assemblée nationale, issue du suffrage universel direct et détenant le pouvoir du peuple, devait évidemment avoir le dernier mot.

Or que constate-t-on ? La réforme constitutionnelle et son application permettent d'habiller, de décorer, en processus démocratique l'érosion régulière des pouvoirs l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Cette histoire nauséabonde de temps programmé n'est pas une avancée en matière de démocratie…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Mais si ! Cela permet d'aller à l'essentiel, voilà tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…et tous les parlementaires qui ont suivi les travaux du Grenelle 2 ont bien vu que, sur des articles essentiels, l'opposition a été muselée ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Oh, je vois bien les tentatives de la majorité pour nous faire taire, mais heureusement Jean Mallot, Jean-Jacques Urvoas, moi-même de temps en temps, arrivons à dire un mot ou deux – parfois sans y avoir été invités – pour rétablir la vérité et pour défendre la démocratie au sein de cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Heureusement qu'il y a Patrick Roy. On peut dire que c'est difficile de vous museler !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Aujourd'hui, chers collègues de l'UMP qui n'êtes pas très nombreux, heureusement que le fait majoritaire va jouer.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Pas très nombreux, mais de qualité, je vous l'accorde. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Comme l'a indiqué avec son talent habituel Jean-Jacques Urvoas, talent que j'ai encore pu vérifier hier soir, lors de la réunion d'une commission mixte paritaire importante au Sénat, nous voterons effectivement le rétablissement du texte originel de l'article 3. Nous ne pouvons en effet pas accepter que le Sénat, une fois de plus, et malgré le respect que j'ai pour lui, prenne le pas sur l'Assemblée nationale. Or si nous maintenions le texte venu du Sénat, c'est celui-ci qui aurait le dernier mot – si tant est, il est vrai, que le Parlement ait effectivement un mot à dire dans cette histoire de nominations, puisque la faculté qui nous est réservée est tout de même très aléatoire, voire tout à fait subjective !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ce soir, nous voterons donc pour le retour à l'écriture qui donne pouvoir plein et entier à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article du projet de loi organique sur lequel les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

(L'article 3 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

(L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, jeudi 20 mai à neuf heures trente :

Discussion de la proposition de loi visant à renforcer l'exigence de parité des candidatures aux élections législatives.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-deux heures trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma