La commission examine le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 (n° 1128), sur le rapport de M. Gilles Carrez, rapporteur général.
La dernière révision constitutionnelle a été l'occasion, via un amendement soutenu par la quasi-unanimité de la commission des finances, de permettre au Parlement d'adopter des lois de programmation des finances publiques, élément fondamental de la gouvernance des finances publiques. Cela faisait des années que notre commission défendait cette proposition, et le projet de loi que nous examinons aujourd'hui va même au-delà de nos espérances.
En effet, il ne se contente pas de reprendre des règles de gouvernance qui ont déjà cours, telles que le plafonnement des dépenses de l'État au niveau de l'inflation ou encore la règle de l'affectation des surplus de recettes fiscales, introduite dans la LOLF en 2005 : il nous dote de règles de pilotage en matière de recettes, ce qui constitue une nouveauté.
En ceci, le texte reprend l'essentiel des propositions formulées par certains d'entre nous, dont le président Migaud, dans la première partie de notre rapport d'information paru au printemps dernier. Nous y soutenions la nécessité d'une maîtrise de la dépense fiscale, dont de nombreux ministères abusent afin de contourner une maîtrise de plus en plus rigoureuse des crédits budgétaires. Or la nécessité, dans une perspective de redressement de nos finances publiques, de protéger nos recettes nous invite à exercer un contrôle particulièrement vigilant de la dépense fiscale.
De ce point de vue, ce texte nous propose deux règles fondamentales. Premièrement, toute mesure nouvelle entraînant une baisse des recettes en deçà du niveau prévu pour la séquence 2009-2012 devra être compensée par une augmentation de ces recettes au cours de la même période. Deuxièmement, toute dépense fiscale ou « niche » sociale nouvelle devra être compensée par la suppression d'une mesure de même nature et pour le même montant. Les derniers articles organisent en outre un suivi extrêmement rigoureux de la mise en oeuvre de ces règles par le Parlement.
Quant à la deuxième partie de notre rapport, qui préconise le plafonnement des « niches » fiscales, il trouvera sa traduction législative dans la loi de finances pour 2009, qui prévoira, non seulement le plafonnement des quatre niches non plafonnées, mais aussi, via un amendement que nous sommes en train de préparer, un plafonnement global des niches fiscales.
Je veux enfin souligner que le caractère « programmatique » de cette loi laisse entiers le principe de l'annualité budgétaire et la liberté du législateur financier, conformément à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi organique relative aux lois de finances. Mais tout écart par rapport au cadre posé par cette loi de programmation sera ardemment débattu.
On ne peut que se réjouir de ce projet de loi de programmation, qui constitue une avancée considérable. Cet outil extrêmement utile de transparence et de bonne gouvernance, que nous avions, avec Alain Lambert, proposé avant même qu'il ne devienne constitutionnel, contribuera à éclairer le débat politique, conformément au souhait que nous avions tous exprimé et à l'esprit de la LOLF.
Quelques interrogations subsistent cependant, notamment quant à la distinction entre ce qui relève de la loi de programmation en tant que telle et ce qui doit se trouver dans le rapport qui lui est annexé. Ainsi la loi de programmation n'évoque comme objectifs généraux de finances publiques que l'évolution du solde des administrations publiques et celle de la dette publique : l'évolution de l'ensemble des dépenses et des recettes, qui figurent en annexe, ne devrait-elle pas être visée également par l'article 2 ?
Si j'apprécie autant que Gilles Carrez l'obligation de compenser toute création d'une dépense fiscale nouvelle, je déplore que le texte ne prévoie rien quant au stock existant de dépenses fiscales. Pourquoi ne pas soumettre l'évolution de la dépense fiscale à une norme annuelle, comme le proposait notre rapport, au moins durant la période couverte par la loi de programmation ? Alors que l'évolution de la dépense budgétaire est soumise à une norme « zéro volume », la prévision d'augmentation de la dépense fiscale est de 4 % : c'est se résigner a priori à l'augmentation de la dépense fiscale. Si une telle tolérance est compréhensible à titre transitoire, une loi de programmation devrait au contraire fixer une norme, quitte à l'adapter au fil de son application.
L'intérêt de ce texte est au contraire de se concentrer sur les règles de gouvernance, en laissant en dehors de son champ tous les éléments relevant des choix politiques ; c'est au rapport annexé qu'il revient de préciser les hypothèses d'évolution des prélèvements obligatoires, les taux d'élasticité en matière de recettes ou la progression des crédits des différentes missions, car il s'agit de décisions politiques qui ne sont pas, par définition, conformes aux choix de l'opposition. Une autre majorité ne défendrait pas forcément les hypothèses à partir desquelles est définie la programmation triennale des crédits des missions ; elle ne ferait pas forcément le choix de plafonner la dépense de l'État ou les concours de l'État aux collectivités locales au niveau des prévisions d'inflation ou encore de limiter l'augmentation de l'ONDAM à 3,3 %.
On a donc expurgé le texte de tous ces éléments de nature politique, qui ont été renvoyés au rapport annexé, pour ne conserver que les règles de gouvernance valables sous toutes les majorités, telles que le principe d'une programmation triennale des dépenses, la fixation d'un objectif annuel de dépenses fiscales, l'obligation de ne pas voter de dépenses fiscales susceptibles de remettre en cause l'équilibre budgétaire.
Quant à s'attaquer au stock des dépenses fiscales, c'est un travail de Romain ; l'objectif du projet de loi, procéder à une évaluation avant la dernière année de la période couverte par la loi de programmation, me semble plus raisonnable. Par ailleurs, je ne crois pas qu'on doive alourdir un texte déjà très contraignant en fixant une norme d'évolution des dépenses fiscales : il ne faudrait pas gripper d'emblée la belle mécanique de ce texte par un excès d'exigence.
Vous ne pouvez pas dire, monsieur le rapporteur général, que la définition d'une norme de progression des dépenses publiques n'est pas un objectif politique !
C'est la traduction nationale de nos engagements européens en matière de déficits publics et de niveau d'endettement.
Il figure implicitement dans le rapport annexé puisqu'il se déduit de l'objectif d'évolution des dépenses publiques et de l'hypothèse de croissance du PIB retenu.
Vous ne m'avez pas convaincu de la nécessité d'abandonner toute norme d'évolution de la dépense fiscale sur une longue période.
Nous allons proposer des amendements renforçant le suivi du contrôle de la dépense fiscale par le Parlement.
Je me réjouis que cette première application de la réforme constitutionnelle ne soit pas qu'un chiffon de papier, mais un texte clair dont j'approuve les principes. Je suis même étonné par la brutalité de la règle de compensation des dépenses fiscales et des « niches » sociales fixée par l'article 10. Il faudrait par ailleurs préciser le périmètre des dépenses évoquées par l'article 6 qui doit être constant.
La compensation prévue par l'article 10 se fera, d'une part, entre dépenses fiscales et, d'autre part, entre « niches » sociales. Par ailleurs, elle sera appréciée sur l'ensemble de la période, et non chaque année, ce qui introduit une certaine souplesse.
Article 1er:Objet de la programmation pluriannuelle :
La commission adopte l'article 1er sans modification.
CHAPITRE Ier
LES OBJECTIFS GÉNÉRAUX DE FINANCES PUBLIQUES
Article 2 : Évolution du solde des administrations publiques et de la dette publique :
La commission est saisie d'un amendement de M. Dominique Baert proposant la suppression de l'article 2.
L'absence de crédibilité des hypothèses de croissance discrédite les prévisions de recettes, de dépenses et donc de déficits, ce qui justifie la suppression de cet article.
Je ne suis pas favorable à cet amendement, qui a cependant le mérite de pointer le caractère politique de ces choix.
La commission rejette cet amendement.
Puis elle rejette un amendement de M. Jean-Pierre Brard tendant à soumettre la programmation pluriannuelle au préambule de la Constitution de 1958 et à la Charte de l'environnement de 2004, et adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 : Approbation du rapport annexé :
La commission rejette un amendement de M. Jean-Pierre Brard tendant à supprimer cet article, et adopte l'article 3 et le rapport annexé au projet de loi sans modification.
CHAPITRE II
LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Article 4 : Norme annuelle de progression des dépenses de l'État :
La commission adopte un amendement du rapporteur général précisant que la norme de progression des dépenses de l'État doit s'apprécier à périmètre constant.
La commission rejette ensuite un amendement de M. Jean-Pierre Brard tendant à préciser que la norme d'évolution des dépenses ne porte pas atteinte aux pouvoirs du législateur financier.
Puis la commission examine un amendement de M. Dominique Baert imposant au Gouvernement d'informer le Parlement des conséquences d'une évolution de la dépense supérieure à l'inflation.
Il ne faudrait pas lier d'une façon excessive l'évolution des dépenses à celle de l'inflation.
La commission rejette cet amendement, puis adopte l'article 4 ainsi modifié.
Article 5 : Programmation triennale des crédits des missions du budget général de l'État :
La commission examine un amendement de M. Dominique Baert visant à supprimer l'article 5.
Après avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette cet amendement, puis adopte l'article 5 sans modification.
Article 6 : Norme annuelle d'évolution des concours de l'État au profit des collectivités territoriales :
La commission examine un amendement de M. Dominique Baert tendant à la suppression de l'article 6.
Je crains que ces dispositions ne s'avèrent exagérément contraignantes pour les collectivités locales.
Après avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette cet amendement.
La commission examine ensuite un amendement du rapporteur général incluant la dotation générale de décentralisation de la formation professionnelle dans l'ensemble soumis à la norme d'évolution des dépenses.
Cet amendement permet de préciser le périmètre des dépenses en faveur des collectivités locales qui sont soumises à la norme d'évolution fixée par la loi de programmation.
La commission adopte cet amendement.
La commission adopte ensuite un second amendement du rapporteur général précisant que la norme d'évolution doit s'apprécier à périmètre constant, puis elle adopte l'article 6 ainsi modifié.
Article 7 : Norme annuelle d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie :
La commission examine un amendement de M. Dominique Baert tendant à supprimer l'article 7.
Cet objectif a pourtant de grandes chances d'être atteint en 2008, à la différence des ONDAM précédents.
La commission rejette cet amendement et adopte l'article 7 sans modification.
CHAPITRE III
LA MAÎTRISE DES RECETTES
Intitulé du chapitre III :
La commission adopte un amendement du rapporteur général complétant l'intitulé du chapitre III.
Article 8 : Affectation des surplus des impositions de toute nature à la réduction du déficit du budget de l'État :
La commission adopte l'article 8 sans modification.
Article 9 : Encadrement des mesures nouvelles relatives aux impôts, cotisations et contributions sociales affectés au budget de l'État ou de la sécurité sociale :
La commission est saisie d'un amendement du rapporteur général distinguant entre la compensation en matière de recettes fiscales de l'État et la compensation en matière de recettes des régimes obligatoires de sécurité sociale.
Il me semble préférable, notamment pour faciliter l'application de ce principe, de distinguer deux obligations de compensation, l'une relative au budget de l'État, et l'autre relative à celui de la sécurité sociale.
La commission adopte cet amendement et l'article 9 est ainsi modifié.
Article 10 : Compensation des créations ou extensions de dépenses fiscales et de réductions, exonérations ou abattements de cotisations et contributions sociales :
La commission adopte l'article 10 sans modification.
CHAPITRE IV
LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROGRAMMATION
Article 11 : Objectifs annuels de dépenses fiscales et de réductions, exonérations ou abattements de cotisations et contributions sociales :
La commission est saisie d'un amendement du rapporteur général tendant à préciser que les objectifs annuels concernent les dépenses fiscales et les « niches » sociales du dernier exercice clos, de l'exercice en cours et de l'exercice à venir.
Nous renforçons ainsi notablement le suivi annuel des dépenses fiscales et des « niches » sociales que nous propose le Gouvernement.
La commission adopte cet amendement.
La commission adopte ensuite un amendement du rapporteur général, visant à inclure dans le bilan présenté par le Gouvernement les mesures contenues dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de l'année.
La commission examine un amendement du président Didier Migaud avançant la date d'évaluation du stock des niches fiscales.
Pour un travail aussi considérable, la date du 1er septembre 2010 me semble trop précoce. Je vous proposerai donc la date du 30 juin 2011.
Après accord du président Didier Migaud, la commission adopte l'amendement ainsi rectifié, puis l'article 11 ainsi modifié.
Article 12 : Bilan de la mise en oeuvre de la programmation :
La commission examine un amendement du président Didier Migaud, visant à préciser que ce bilan doit être présenté avant le débat d'orientation budgétaire.
Cette précision n'est pas indispensable, mais elle ne peut pas nuire à la lisibilité du texte.
La commission adopte cet amendement, puis l'article 12 ainsi modifié.
La commission adopte le projet de loi ainsi modifié.