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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 3 juin 2009 à 12h00

Résumé de la séance

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  • RMN
  • collection
  • louvre
  • musée
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La séance

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PermalienPhoto de Didier Migaud

L'ordre du jour appelle l'examen du rapport de la mission d'évaluation et de contrôle sur le musée du Louvre, l'un des opérateurs du ministère de la Culture dont nous souhaitons suivre les comptes avec une attention soutenue. Le bureau de la Commission, saisi d'une demande de notre Rapporteur spécial, M. Nicolas Perruchot, a choisi d'engager l'évaluation de la politique des musées, en se concentrant sur le premier des musées français, pour éviter la dispersion.

La richesse de ses collections et une affluence record au cours des dernières années contribuent à expliquer la puissance financière du musée du Louvre. Cette capacité et la qualité de son encadrement en font une sorte de laboratoire à l'avant-garde des réformes des musées, qu'il s'agisse du statut d'établissement public, de la gestion des ressources humaines, de la politique de mécénat, de l'ouverture sur la province ou l'étranger, ou encore de la gratuité. Il était donc intéressant pour la MEC d'évaluer les expérimentations susceptibles d'être étendues à d'autres musées nationaux.

Pour conduire ce travail, le choix de trois Rapporteurs s'est imposé tout naturellement : les deux Rapporteurs spéciaux de la commission des Finances sur la mission Culture, MM. Nicolas Perruchot et Richard Dell'Agnola, et le Rapporteur pour avis sur la même mission pour la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, M. Marcel Rogemont. Vous aurez noté qu'ils représentent trois des quatre groupes politiques composant l'Assemblée nationale. Le rapport qui nous est présenté aujourd'hui résulte donc de ce travail collectif qui fait tout l'intérêt de la MEC.

Le rapport s'ouvre sur des propositions très ambitieuses. Visiblement, la MEC a été impressionnée par les bienfaits que l'autonomie peut apporter aux musées nationaux. Les trois Rapporteurs vont nous présenter le document.

PermalienPhoto de Richard Dell'Agnola

Le Louvre est non seulement le premier des musées nationaux français, mais aussi le premier musée du monde par sa fréquentation, avec près de 8,5 millions de visiteurs l'an dernier. Il a souvent fait figure d'« éclaireur » quand il s'est agi de réformer la gestion et la gouvernance de nos musées, comme en témoignent son accession au statut d'établissement public en 1993 et le développement du pilotage des musées par la performance, dont il fut le précurseur en 2003. La richesse de ses collections, sa vocation universelle et sa capacité d'innovation font de lui le miroir grossissant des enjeux politiques, administratifs et financiers qui intéressent l'ensemble des musées nationaux, si bien que le Louvre fait figure d'exemple, et parfois de contre-exemple, pour qui s'interroge sur le paysage muséal français.

Au terme de nos travaux, nous avançons vingt-deux propositions qui nous paraissent propres à libérer les initiatives de nos musées nationaux en leur permettant de devenir plus autonomes – mais non pas indépendants – et plus responsables. La MEC est en effet convaincue que l'autonomie est essentielle pour assurer un service public muséal de qualité et une gestion plus efficace, et que cette autonomie doit nécessairement s'accompagner de la responsabilisation des établissements, dans le cadre de relations renouvelées avec une tutelle assumant pleinement son rôle de pilote.

Tel est le fil conducteur des propositions que nous vous présentons et qui s'articulent autour de six thèmes.

Il faut, en premier lieu, renforcer l'autonomie des musées et leur donner les moyens de l'assumer. À ce sujet, notre proposition cardinale est de généraliser le statut d'établissement public administratif à l'ensemble des musées nationaux. C'est le sens de la première proposition, dont nous n'ignorons pas le caractère novateur. Nous la savons pourtant réaliste, si elle est associée à des mesures pragmatiques d'accompagnement tendant à la recomposition du paysage muséal, à la mutualisation des moyens et à la contractualisation, toutes mesures qui se traduisent dans les propositions 2 à 6.

Les musées nationaux étant de tailles diverses, leurs besoins, leurs compétences et leurs moyens humains et financiers sont hétérogènes. En l'état, tous ne disposent pas des structures de gestion ou de développement culturel suffisantes. Aussi préconisons-nous dans la proposition 2 de regrouper des musées, lorsque cela est pertinent et dans le respect de la cohérence des collections, ou de rattacher les plus modestes à des établissements plus importants. À titre d'exemple, le musée Delacroix a été rattaché au Louvre et le musée de l'Orangerie sera bientôt rattaché au musée d'Orsay. La solution du regroupement a été retenue pour le musée national de la céramique de Sèvres et la Manufacture nationale, qui devraient former un seul établissement public au 1er janvier 2010. Par ailleurs, comme je l'ai indiqué, la responsabilisation des musées nationaux, quel que soit leur statut, doit être encouragée et développée. C'est ce que visent les propositions 3, 4 et 6.

Conformément à la proposition 3, des contrats de performance devraient être passés, dans les meilleurs délais, avec tous les musées nationaux ayant statut d'établissement public. Actuellement, seuls quatre musées nationaux établissements publics sur dix – le Louvre, Orsay, le Quai-Branly et l'Établissement public du musée et du domaine de Versailles – disposent d'un tel outil. En outre, trois nouveaux établissements publics doivent être créés d'ici à 2010 : le château-musée de Fontainebleau, le « couple » musée national de la céramique de Sèvres et Manufacture nationale, le musée national Picasso. Le musée de l'Orangerie enfin, devrait être rattaché au musée d'Orsay.

Il est nécessaire de généraliser la contractualisation à tous les musées nationaux établissements publics, « anciens » comme « nouveaux ». Parallèlement, on ne saurait laisser en dehors du pilotage par la performance les musées ayant le statut de service à compétence nationale – SCN. Aussi, dans la perspective de la généralisation du statut d'établissement public, il convient de créer un outil adapté à ces établissements. C'est l'objet de la proposition 4.

La proposition 6 s'attache à affirmer la cohérence de la politique muséale : sans chercher à uniformiser les contrats de performance des établissements, il faut, lorsque cela est possible et pertinent, harmoniser les objectifs et les indicateurs de performance assignés, pour pouvoir les comparer, de même que l'on peut comparer les collectivités territoriales par-delà leurs différences d'échelle.

La proposition 5, plus spécifique, a trait à certains dysfonctionnements constatés dans la gestion de la politique immobilière de l'État. En effet, alors que la prise à bail par le musée du Louvre de locaux sis dans l'immeuble du Louvre des Antiquaires avait recueilli un avis négatif de France Domaine, un arbitrage ultérieur rendu à Matignon a rendu cet avis sans objet. Il est regrettable que France Domaine ait été ainsi court-circuité par un arbitrage politique. La réforme issue du rapport de la MEC relatif à la politique immobilière de l'État présenté en 2005 par M. Georges Tron, co-président de la Mission d'évaluation et de contrôle, visait précisément à faire cesser de telles pratiques. Il s'agit donc d'enjoindre aux opérateurs du ministère de la Culture de respecter les orientations et les critères de la politique immobilière de l'État, en inscrivant cet engagement de bonne pratique dans leur contrat de performance.

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Le deuxième axe de nos propositions vise à moderniser, pour l'améliorer, la gestion des ressources humaines des musées établissements publics en la rendant plus souple tout en prévenant les risques d'une inflation non contrôlée de leur masse salariale et de leurs effectifs. C'est l'objet des propositions 7 à 13. À partir du moment où les musées acquièrent leur autonomie en devenant établissement public, il est logique de leur déléguer la gestion de leurs ressources humaines et de les impliquer davantage dans l'évolution de carrière de leurs agents. Mais ce qui paraît logique ne va pas de soi, puisque trop souvent encore la gestion des ressources humaines dépend directement du ministère de la Culture.

Aussi prévoyons-nous par les propositions 7 et 8 l'instauration de commissions administratives paritaires « locales » préparatoires aux CAP de niveau ministériel, et chargées de formuler des avis préalables en matière de discipline, d'avancement et de détachement. Il paraît en effet anormal que les établissements ne soient pas associés aux décisions rendues par les CAP de niveau ministériel et que, par une étrange particularité française, leur propre personnel ne dépende pas d'eux sur le plan disciplinaire.

La proposition 10 vise à adapter le système de rémunération des agents des établissements publics et d'administration centrale par l'adoption du texte d'application relatif à la prime de fonctions et de résultats.

La proposition 11 tend à engager la réflexion sur les conditions de mobilité et de rémunération des agents chargés du mécénat au sein des musées. Alors que ces agents, souvent formés dans les écoles les plus prestigieuses, comme l'École normale supérieure ou HEC, aident grandement à diversifier les ressources des musées – rappelons que 25,4 millions d'euros ont été, en 2008, recueillis par le Louvre au titre du mécénat –, leur rémunération mensuelle moyenne, hors part variable, est inférieure à 2 000 euros ; ils sont actuellement recrutés à raison de 1 700 euros nets mensuels. Le décalage est considérable entre la rémunération offerte et les résultats obtenus.

Enfin, si une souplesse de gestion accrue est indispensable, il est tout aussi impératif que les musées maîtrisent leurs effectifs. Nous rappelons dans la proposition 12 que le Louvre doit rester vigilant à cet égard, ses effectifs ayant augmenté de 25 % entre 2003 et 2008. En rappelant que le statut d'établissement public ne signifie pas augmentation systématique de la masse salariale, nous espérons être entendus par le musée.

Par la proposition 13, nous demandons la création d'outils de pilotage et de contrôle efficaces au profit de la tutelle, afin de prévenir tout risque d'inflation non contrôlée des ressources humaines au sein des musées établissements publics.

La proposition 9 a une valeur plus prospective. Considérant la grande hétérogénéité des musées nationaux, notamment en termes de personnel et de structures propres à le gérer, on pourrait envisager de créer un système inspiré des « centres de gestion » existant au sein des collectivités territoriales, ce qui permettrait de mutualiser la gestion des ressources humaines.

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Le troisième thème de réflexion de la MEC a été l'évaluation de la politique de gratuité d'accès aux musées et monuments nationaux. C'est l'objet de la proposition 14. Nous estimons en effet qu'il serait pertinent de convenir d'une clause de rendez-vous, un an après la mise en oeuvre de la gratuité partielle, pour en évaluer les effets notamment quant à la composition sociologique du public. De fait, si la gratuité d'accès aux musées suscite un engouement initial, il peut ne pas durer – cela m'a été confirmé, ce matin encore, par la direction du Centre Pompidou. Or la gratuité n'est pas une fin en soi mais un moyen au service de la démocratisation culturelle.

Par ailleurs, le rappeler peut paraître une lapalissade, mais la gratuité ciblée représente une perte de recettes de l'ordre de 30 millions d'euros par an dont 11 millions pour le Louvre. Cette perte doit être compensée si l'on veut maintenir la qualité du service public. Or, in fine, c'est l'État, donc le contribuable, qui a vocation à compenser cette perte, et il n'est pas certain qu'une telle mesure soit pertinente dans la conjoncture actuelle de tensions sur les finances publiques. De plus, la gratuité étant déjà acquise pour les moins de 18 ans, la mesure ne concerne que la tranche d'âge des 18-25 ans et les enseignants. Or, au Louvre, 5 millions sont consacrés chaque année à l'éducation artistique, par l'accueil de 700 000 scolaires. Autant dire que, si les 11 millions précédemment cités étaient affectés à cette action ciblée, ce seraient près de 2 millions de scolaires qui pourraient être accueillis au Louvre. On peut donc considérer qu'en matière de démocratisation culturelle, d'autres initiatives auraient pu être prises que celle qui a été décidée.

Notre étude a eu pour quatrième axe la gestion du patrimoine culturel national.

La question des « fonctions connexes » éventuellement assurées par les musées et la plupart du temps par la Réunion des musées nationaux, la RMN– publications et gestion des fonds photographiques notamment – a été la base de notre réflexion. Il est impératif que les musées qui choisissent d'investir ces champs connexes soient en mesure d'en mesurer les coûts par une comptabilité analytique adaptée, ce qui n'est pas le cas pour le Louvre. Tel est l'objet de la proposition 16.

Par ailleurs, dans le souci d'une bonne gestion des deniers publics, il faut déterminer l'opérateur le plus efficace et donc le plus légitime pour prendre en charge de telles fonctions. Des audits doivent être menés afin de comparer les coûts de la RMN, opérateur historique en la matière, et des musées. C'est le sens des propositions 17 et 18.

Plus globalement, conformément à la proposition 15, il est indispensable que le ministère de la Culture et de la communication arrête une politique claire quant à la gestion et à la valorisation du patrimoine culturel immatériel de l'État, afin de prévenir toute exploitation non contrôlée de celui-ci. L'« affaire Lessing », du nom de ce photographe autorisé par le Louvre à prendre des clichés des oeuvres puis à en assurer une diffusion commerciale, notamment au bénéfice d'agences photographiques étrangères, ne doit pas se reproduire.

La mission a également tenu à faire le point sur les relations entre les musées services à compétence nationale et la RMN. Des mentions répétées ayant été faites, au cours des auditions, de relations parfois très conflictuelles, il nous a paru nécessaire de favoriser l'établissement de relations partenariales entre ces musées et la RMN. En effet, si plusieurs établissements louent la qualité du service rendu par celle-ci, certains musées déplorent un manque de concertation – et c'est une litote. Le défaut de dialogue est une source de rigidité, sinon d'inadaptation des politiques conduites.

Par la proposition 19, la mission demande que les musées services à compétence nationale soient pleinement associés à la négociation des conventions qui les lient à la RMN, ce qui paraît la moindre de choses. Or, actuellement, ces musées ne bénéficiant pas de la personnalité morale, c'est l'État qui conclut ces conventions pour leur compte et il apparaît qu'ils ne sont pas systématiquement associés à la négociation du contrat.

Nous proposons aussi, par la proposition 20, qu'un représentant des musées services à compétence nationale soit membre du conseil d'administration de la RMN. Pour l'heure, hormis le président-directeur du musée du Louvre, aucun dirigeant de musée national n'en est membre à part entière. D'autres musées établissements publics – Guimet, Orsay et Versailles – participent systématiquement aux réunions, et deux musées services à compétence nationale – le musée de la porcelaine Adrien-Dubouché de Limoges et le musée de la céramique de Sèvres – y sont actuellement invités. La mission estime qu'un représentant des musées nationaux à statut de SCN, élu par ses pairs, devrait légitimement y siéger en tant que membre à part entière.

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Le dernier groupe de propositions a trait à la politique de développement externe du Louvre. Le projet Louvre-Abou Dabi est porté, pour le compte des musées français, par l'Agence France Muséums qui, aux termes de l'accord intergouvernemental signé entre la France et les Émirats Arabes Unis, doit recevoir quelque 550 millions au titre des prestations qu'elle fournira – financement d'expositions temporaires, expertise culturelle, assistance à maîtrise d'ouvrage. Eu égard aux sommes en jeu et à l'importance du projet pour le rayonnement culturel de la France, la mission estime qu'il serait légitime de procéder à l'audition annuelle de la direction de l'Agence France Muséums par les commissions parlementaires permanentes compétentes – Finances, Affaires culturelles et Affaires étrangères. C'est l'objet de la proposition 21. Le Parlement doit pouvoir s'assurer que des sommes aussi considérables servent à la mise en oeuvre de la politique muséale nationale et éventuellement à des acquisitions, et à cela seulement.

Le dernier point que nous avons souhaité aborder concerne la politique de prêts du Louvre. En moyenne, 2 000 oeuvres sont mobilisées chaque année dans le cadre de prêts à d'autres musées ou d'expositions extérieures organisées par le musée. Fidèle à sa vocation, celui-ci a développé une politique de partenariats très ambitieuse, que nous tenons par ailleurs à saluer. Cependant, il convient de veiller à ce que la politique de prêts qui en découle obéisse à des principes clairement définis en fonction d'une vision globale du patrimoine et de sa gestion. Or, actuellement, la conduite de cette politique reste assumée par les différents départements du Louvre, ce qui peut faire craindre à l'avenir des défauts de concertation et, par suite, des tensions sur les collections.

Aussi, afin d'assurer un développement dynamique et maîtrisé des coopérations du Louvre, la mission préconise-t-elle la mise en place d'un dispositif de pilotage prévisionnel des prêts d'oeuvres commun à l'ensemble des départements du musée. C'est l'objet de la proposition 22.

Vous l'aurez compris, les trois Rapporteurs, qui appartiennent à trois groupes politiques différents, sont en plein accord pour souhaiter libérer les énergies et les initiatives. La mission nous a suivis sans réticence.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Je remercie les Rapporteurs pour la qualité et la pertinence du travail qu'ils ont réalisé sous l'autorité des deux présidents de la MEC, M. Georges Tron et M. David Habib.

PermalienPhoto de Alain Rodet

J'ai lu le rapport avec un grand intérêt ; j'espère qu'il aura plus d'impact que celui que M. Chartier a consacré à l'immobilier de l'État en Italie !

Nos collègues insistent sur l'importance du resserrement des liens entre les différents acteurs de la politique muséale française. Peut-être, toutefois, n'est-il pas dit de manière assez explicite que cela doit concerner aussi les musées de province. Ces établissements ont beaucoup investi pour se moderniser et pour acquérir des oeuvres nouvelles, mais leurs relations avec le musée du Louvre demeurent parfois chaotiques. Les musées, en régions, se sont agrandis, et ils doivent faire tourner leurs collections. Celles du Louvre étant considérables, il faudrait rendre leur rotation systématique. Ne pourrait-on transposer, pour les musées, le mécanisme de « pôle associé » qui associe la Bibliothèque nationale de France et les bibliothèques de province ? Un tel système, qui repose sur des relations contractualisées en matière de prêts, permet une programmation définie largement à l'avance. Pour préparer l'ouverture de l'antenne d'Abou Dabi, les conservateurs du Louvre ont fait le tour de tous les musées de province afin de recenser les oeuvres arabo-musulmanes qui pourront être exposées à Abou Dabi. Fort bien, mais des contreparties s'imposent. Pourquoi ne pas envisager une contractualisation et un label ?

PermalienPhoto de Georges Tron

Cette mission a été particulièrement intéressante et je rends hommage à la manière dont les trois Rapporteurs l'ont conduite. Ils ont en effet souhaité ne pas se limiter au Louvre, mais étudier à partir de cet exemple l'organisation de tout notre système muséal. Dans cette perspective, ils ont procédé à l'audition des représentants de musées de toutes tailles et il m'apparaît que les conclusions du rapport tiennent dûment compte de ce qui leur a été dit.

J'insiste sur la nécessité de réduire la dépense publique autant que faire se peut. Pour ce qui concerne le Louvre, et même si cet aspect peut paraître marginal, il n'en est pas moins symbolique et il serait donc bon que le Louvre nous explique sa politique immobilière et, plus généralement, comment il conçoit ses rapports avec sa tutelle. Si, comme j'en suis d'accord, les musées doivent tendre vers l'autonomie, cette autonomie doit avoir pour corollaire un contrôle renforcé destiné à empêcher que les opérateurs ne s'exonèrent des règles auxquelles ils sont soumis. C'est ce que souligne le rapport et notamment la proposition 5. On le sait, le musée du Louvre a jugé bon de prendre à bail des locaux situés dans l'immeuble du Louvre des Antiquaires, locaux qui avaient été refusés à la direction de la Musique, de la danse, du théâtre et des spectacles du ministère, après que la MEC et le Conseil de l'immobilier de l'État s'y furent opposés. Bien que France Domaine ait émis un avis négatif à ce sujet, l'opération s'est effectuée, l'analyse de son coût réel ayant par ailleurs été compliquée du fait de la prise en compte d'un loyer hors taxes hors charges.

En bref, les opérateurs, parce qu'ils gagnent en autonomie, ne doivent pas pour autant se sentir exonérés du respect des règles qui s'imposent à toute administration publique.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Il s'agit là d'un sujet de toute première importance, que nous avons évoqué ce matin avec le Premier président de la Cour des comptes. Pour aucun opérateur, l'autonomie ne peut signifier l'affranchissement des règles. L'État doit continuer de fixer les objectifs. Les opérateurs sont si nombreux et les sommes en jeu si considérables que ces principes doivent être réaffirmés.

PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je remercie à mon tour nos collègues pour ce travail de fond.

Ma première observation portera sur le pilotage des opérateurs, quels qu'ils soient. La lecture du rapport, qui appelle à « dépasser les différends », montre que les relations entre la RMN et le Louvre sont si tendues que la nécessité d'un arbitrage est manifeste. Le responsable du programme s'est-il intéressé aux rapports entre les opérateurs concernés ?

Par ailleurs, l'évolution des dépenses a été retracée, mais l'on ne sait si l'opérateur a contracté des dettes. Enfin, le Louvre a-t-il bénéficié de dations ?

PermalienPhoto de François Scellier

L'instauration de la gratuité d'accès aux musées pour les jeunes gens âgés de moins de vingt-six ans a évidemment pour conséquence une perte de recettes, mais celle-ci doit être mise en balance avec la fréquentation plus large que la mesure suscite.

S'agissant de la décentralisation culturelle, je constate, comme notre collègue Alain Rodet, que les collectivités territoriales s'attachent à promouvoir la vie culturelle dans tous les domaines. Quelles liaisons peut-on envisager entre les musées des territoires et les grands musées nationaux ? Par exemple, le rapport ne dit rien des réserves du Louvre, que l'on sait considérables. Comment les utiliser ailleurs qu'à Paris ?

PermalienPhoto de Jean-Yves Cousin

Ma question rejoindra celle de M. François Scellier.

Les rapporteurs ont évoqué les prêts d'oeuvres et la MEC formule des propositions à ce sujet. Mais selon quels critères les prêts faits sous la forme de dépôts dans les musées de France sont-ils décidés ?

PermalienPhoto de Laurent Hénart

Mes remerciements vont aux Rapporteurs pour leur travail approfondi sur un sujet délicat.

S'agissant des actions à visée pédagogique, il faut en effet mettre en relation le coût de la médiation culturelle et celui de la gratuité partielle d'accès aux musées. Cela étant, des études qualitatives sont-elles conduites auprès des enseignants qui accompagnent les enfants ?

Pour ce qui est de l'utilisation des réserves du Louvre, ne peut-on envisager des « coproductions » de grandes expositions en régions, comme en fait le Musée d'Orsay ? Il s'agit d'une autre forme de décentralisation culturelle.

Enfin, a-t-on évalué le coût du budget de fonctionnement du Louvre-Lens pour les collectivités locales ?

PermalienPhoto de Richard Dell'Agnola

M. Alain Rodet s'en sera rendu compte, la question des regroupements est au coeur du rapport, et nous avons formulé des propositions visant à ce qu'un grand musée, sorte de vaisseau amiral, travaille en synergie avec une flotte de musées plus petits. Cela vaut aussi pour les musées de province, qui auraient intérêt à fonctionner en réseaux.

Les relations entre la RMN et le Louvre nous ont paru de plus en plus complexes au fil des auditions. Les rapports sont extrêmement tendus, avec la tentation, de part et d'autre, de maintenir des chasses gardées. Les relations entre la RMN et les autres musées sont tout aussi conflictuelles – c'est notamment le cas avec le musée Picasso, dont la directrice nous a expliqué que les rapports entre les deux institutions sont difficiles. Dans le même temps, la Réunion des musées nationaux est une institution très bien gérée. Ce qui pèche, d'évidence, est le manque de concertation, et le manque de volonté de concertation. Enfin, la tutelle doit prendre ses responsabilités et trancher, ce qu'elle ne fait pas. Nous abordons toutes ces questions dans le rapport.

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Entre les musées parisiens et les musées de province, les relations sont nourries : dépôts d'oeuvres et coproductions d'expositions se pratiquent déjà. Nous avons été frappés par la passion et l'enthousiasme qui animent aussi bien le président-directeur du musée du Louvre, M. Henri Loyrette, que M. Daniel Percheron, président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, dans la mise en oeuvre du projet Louvre-Lens. Le Louvre, qui a déjà mis au point des partenariats avec Atlanta et Abou Dabi, est tout à fait disposé à en créer de nouveaux.

On parle beaucoup des réserves du Louvre. Elles sont considérables, c'est vrai, mais il serait illusoire de penser qu'elles comptent plusieurs Jocondes… La quantité ne fait pas tout, et ce que souhaiteraient pouvoir exposer les autres musées, ce sont les oeuvres majeures, celles qui, justement, ne sont pas dans les réserves !

Les dépôts se font, bien sûr, en fonction de critères prédéfinis. Ainsi, le musée de Rennes s'est spécialisé dans les peintures du XVIIe siècle, et ses contacts avec le Louvre portent sur des oeuvres de cette époque. Il en va de même pour les autres musées dont les collections sont centrées sur d'autres périodes. Autrement dit, on ne met pas une oeuvre en dépôt au hasard : si on le fait, c'est parce que son exposition correspond à un projet local.

En matière de pédagogie, le Louvre est en contact étroit avec plus de 10 000 enseignants. Autant dire que, si l'action pédagogique était fautive, ils seraient prompts à le faire savoir : 650 000 scolaires ne sont-ils pas accueillis chaque année au Louvre dans le cadre d'un parcours pédagogique ?

Les relations entre la RMN et les musées sont conflictuelles car les personnalités ne sont pas les mêmes : à la RMN, il y a de bons gestionnaires, et plutôt des intellectuels dans les musées. Les bons gestionnaires ne doivent pas empiéter sur le domaine des intellectuels ; or, ces derniers se plaignent de leur peu de poids dans les décisions prises qui les concernent. Le problème provient de ce qu'il n'y a pas de définition réelle de ce qu'est la Réunion des musées nationaux. Si, comme nous le proposons, tous les musées nationaux deviennent des établissements publics, l'approche sera différente. Cela dit, il faut refuser que la RMN se mette à gérer certains musées. Ce n'est pas son rôle : le pilotage revient au ministère.

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

À nos collègues Alain Rodet et François Scellier, je rappelle que, lors de l'examen du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, le sénateur Pierre Fauchon avait présenté un excellent amendement permettant, à titre expérimental, le prêt des oeuvres du Louvre aux musées de France relevant des collectivités territoriales. Cette mesure gagnerait à prendre de la vigueur – 35 000 oeuvres sont exposées au musée du Louvre, dont les réserves contiennent environ 400 000 oeuvres, certes de qualité inégale. Notre proposition 22, qui tend à instaurer un pilotage centralisé, devrait permettre une politique de prêts plus dynamique en faveur des musées de province. M. Loyrette nous a indiqué qu'un partenariat étroit existe déjà entre le Louvre et les musées d'Arles, de Castres, le musée des Beaux-Arts de Lyon et que, de plus, une collaboration est projetée notamment avec les musées d'Autun et de Reims.

M. Laurent Hénart nous a interrogés sur le budget de fonctionnement de l'antenne du Louvre à Lens. Quatorze millions environ sont prévus, dont la répartition entre les différents financeurs est analogue à celle retenue pour le budget d'investissement : 60 % par la région, 10 % par le département du Pas-de-Calais, 10 % par la ville de Lens et la communauté d'agglomération Lens-Liévin, 20 % par des fonds européens reçus du FEDER.

M. Michel Bouvard souhaitait des précisions sur les acquisitions du Louvre. En quatre ans, 678 acquisitions ont été faites à titre onéreux et 14 oeuvres sont entrées dans les collections par voie de dation – c'est assez peu, mais, par ailleurs, un grand effort est fait pour favoriser le mécénat.

S'agissant du pilotage, on sait que le ministère de la Culture revoit actuellement son organisation. Une nouvelle direction générale du Patrimoine doit être créée, ce qui va dans le sens de nos propositions.

PermalienPhoto de Laurent Hénart

Des fonds FEDER peuvent-ils servir à financer un budget de fonctionnement ?

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Ces fonds sont prévus pour financer investissement et fonctionnement.

PermalienPhoto de Jean-François Mancel

Il y a quelques années, j'ai déposé une proposition de loi qui m'a valu l'inimitié durable des conservateurs de musée, en effet bien conservateurs : je proposais que l'on puisse vendre les oeuvres des collections nationales. J'entends que 35 000 oeuvres sont exposées au Louvre mais que les réserves en contiennent 400 000, qui ne sont donc jamais vues. Il n'est évidemment pas question de vendre la Joconde, mais pourquoi ne pas envisager de vendre certaines oeuvres pour en acheter d'autres ? Il y aurait là une possibilité de trouver des ressources supplémentaires pour les musées.

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

C'est une fausse bonne idée car n'est en réalité vendable que ce que chaque musée souhaite conserver. Le reste ne l'est pas, ou s'il l'est, il ne rapportera pas grand-chose. À une époque, le musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg avait envisagé de mettre en vente des oeuvres de ses collections qui avaient une valeur commerciale certaine. Ce projet avait suscité une levée de boucliers internationale.

PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Nous avons interrogé M. Loyrette sur la question de l'inaliénabilité des collections. Sa réponse, qui traduit notre sentiment à ce sujet, a été la suivante : « Nous sommes les héritiers d'une collection qui a été fondée en quelque sorte, comme je l'ai rappelé d'entrée, par les rois de France et, principalement, par François Ier à l'aube du XVIe siècle. La richesse, la profondeur, la densité des collections du musée du Louvre, comme celles d'autres musées, tient à cette histoire. Comme le disait Cézanne, on trouve tout, on comprend tout et on apprécie tout à travers les collections du musée du Louvre. L'État n'a jamais vendu le moindre trésor de cette collection. On doit souligner cette permanence de l'État au fil des siècles. Même la Révolution ne l'a pas fait. »

Ce serait porter atteinte à l'image de la France que de mettre en vente certaines des oeuvres conservées au Louvre. Imaginez l'émoi si le musée Guggenheim procédait ainsi !

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

S'il le fait, c'est parce que ses collections sont très récentes. Le poids de l'Histoire n'est pas celui que nous connaissons.

La Commission adopte les propositions de la MEC et autorise, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport sur le musée du Louvre.

PermalienPhoto de Didier Migaud

Je transmettrai le rapport à Mme la ministre de la Culture et de la communication.