Le Louvre est non seulement le premier des musées nationaux français, mais aussi le premier musée du monde par sa fréquentation, avec près de 8,5 millions de visiteurs l'an dernier. Il a souvent fait figure d'« éclaireur » quand il s'est agi de réformer la gestion et la gouvernance de nos musées, comme en témoignent son accession au statut d'établissement public en 1993 et le développement du pilotage des musées par la performance, dont il fut le précurseur en 2003. La richesse de ses collections, sa vocation universelle et sa capacité d'innovation font de lui le miroir grossissant des enjeux politiques, administratifs et financiers qui intéressent l'ensemble des musées nationaux, si bien que le Louvre fait figure d'exemple, et parfois de contre-exemple, pour qui s'interroge sur le paysage muséal français.
Au terme de nos travaux, nous avançons vingt-deux propositions qui nous paraissent propres à libérer les initiatives de nos musées nationaux en leur permettant de devenir plus autonomes – mais non pas indépendants – et plus responsables. La MEC est en effet convaincue que l'autonomie est essentielle pour assurer un service public muséal de qualité et une gestion plus efficace, et que cette autonomie doit nécessairement s'accompagner de la responsabilisation des établissements, dans le cadre de relations renouvelées avec une tutelle assumant pleinement son rôle de pilote.
Tel est le fil conducteur des propositions que nous vous présentons et qui s'articulent autour de six thèmes.
Il faut, en premier lieu, renforcer l'autonomie des musées et leur donner les moyens de l'assumer. À ce sujet, notre proposition cardinale est de généraliser le statut d'établissement public administratif à l'ensemble des musées nationaux. C'est le sens de la première proposition, dont nous n'ignorons pas le caractère novateur. Nous la savons pourtant réaliste, si elle est associée à des mesures pragmatiques d'accompagnement tendant à la recomposition du paysage muséal, à la mutualisation des moyens et à la contractualisation, toutes mesures qui se traduisent dans les propositions 2 à 6.
Les musées nationaux étant de tailles diverses, leurs besoins, leurs compétences et leurs moyens humains et financiers sont hétérogènes. En l'état, tous ne disposent pas des structures de gestion ou de développement culturel suffisantes. Aussi préconisons-nous dans la proposition 2 de regrouper des musées, lorsque cela est pertinent et dans le respect de la cohérence des collections, ou de rattacher les plus modestes à des établissements plus importants. À titre d'exemple, le musée Delacroix a été rattaché au Louvre et le musée de l'Orangerie sera bientôt rattaché au musée d'Orsay. La solution du regroupement a été retenue pour le musée national de la céramique de Sèvres et la Manufacture nationale, qui devraient former un seul établissement public au 1er janvier 2010. Par ailleurs, comme je l'ai indiqué, la responsabilisation des musées nationaux, quel que soit leur statut, doit être encouragée et développée. C'est ce que visent les propositions 3, 4 et 6.
Conformément à la proposition 3, des contrats de performance devraient être passés, dans les meilleurs délais, avec tous les musées nationaux ayant statut d'établissement public. Actuellement, seuls quatre musées nationaux établissements publics sur dix – le Louvre, Orsay, le Quai-Branly et l'Établissement public du musée et du domaine de Versailles – disposent d'un tel outil. En outre, trois nouveaux établissements publics doivent être créés d'ici à 2010 : le château-musée de Fontainebleau, le « couple » musée national de la céramique de Sèvres et Manufacture nationale, le musée national Picasso. Le musée de l'Orangerie enfin, devrait être rattaché au musée d'Orsay.
Il est nécessaire de généraliser la contractualisation à tous les musées nationaux établissements publics, « anciens » comme « nouveaux ». Parallèlement, on ne saurait laisser en dehors du pilotage par la performance les musées ayant le statut de service à compétence nationale – SCN. Aussi, dans la perspective de la généralisation du statut d'établissement public, il convient de créer un outil adapté à ces établissements. C'est l'objet de la proposition 4.
La proposition 6 s'attache à affirmer la cohérence de la politique muséale : sans chercher à uniformiser les contrats de performance des établissements, il faut, lorsque cela est possible et pertinent, harmoniser les objectifs et les indicateurs de performance assignés, pour pouvoir les comparer, de même que l'on peut comparer les collectivités territoriales par-delà leurs différences d'échelle.
La proposition 5, plus spécifique, a trait à certains dysfonctionnements constatés dans la gestion de la politique immobilière de l'État. En effet, alors que la prise à bail par le musée du Louvre de locaux sis dans l'immeuble du Louvre des Antiquaires avait recueilli un avis négatif de France Domaine, un arbitrage ultérieur rendu à Matignon a rendu cet avis sans objet. Il est regrettable que France Domaine ait été ainsi court-circuité par un arbitrage politique. La réforme issue du rapport de la MEC relatif à la politique immobilière de l'État présenté en 2005 par M. Georges Tron, co-président de la Mission d'évaluation et de contrôle, visait précisément à faire cesser de telles pratiques. Il s'agit donc d'enjoindre aux opérateurs du ministère de la Culture de respecter les orientations et les critères de la politique immobilière de l'État, en inscrivant cet engagement de bonne pratique dans leur contrat de performance.