COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES
Mercredi 10 juin 2009
La séance est ouverte à dix heures cinq.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine, sur le rapport de Mme Valérie Rosso-Debord, la proposition de résolution, adoptée par la commission chargée des affaires européennes, sur les services sociaux d'intérêt général (n° 1575) et la proposition de résolution sur les services sociaux d'intérêt général (SSIG) et la transposition de la directive services (n° 1698).
Pourrait-on avoir des informations sur le calendrier de nos travaux à venir d'ici l'interruption de l'été ?
La discussion en séance publique de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires devrait intervenir probablement au cours de la première semaine du mois de juillet. La semaine ou les deux semaines suivantes pourraient être consacrées à l'examen en séance publique du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. En tout état de cause, nos travaux devraient s'interrompre le 24 juillet. Nous avions plaidé en faveur d'une interruption dès le 14 juillet mais nous n'avons pas été entendus sur cette question.
Ces textes seront-ils bien examinés dans cet ordre ? Par ailleurs, quand la séance de commission consacrée à l'examen de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires se tiendra-t-elle ? Les dispositions du nouveau Règlement de l'Assemblée nationale seront-elles alors applicables ?
Cet ordre de discussion devrait être respecté. Par ailleurs, l'examen de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe devrait intervenir à la fin du mois de juin et les dispositions du nouveau Règlement de l'Assemblée nationale devraient lui être applicables en séance.
S'agissant du projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, j'ai indiqué au groupe UMP qu'il serait opportun de limiter le nombre d'amendements déposés, sauf à méconnaître l'ossature du texte et à en perdre de vue les points forts.
Concernant la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe, je ne suis pas davantage favorable au dépôt d'un nombre élevé d'amendements. J'aurais du reste préféré que ce sujet vienne en discussion dans le cadre d'un autre texte. Au demeurant, je note qu'il existe un accord sur cette question s'agissant de la situation qui prévaut dans les zones touristiques, comme l'attestent les récentes emplettes de l'épouse du président Obama… De manière générale, l'opposition et une partie de la majorité ont été entendues quant à la nécessité de restreindre les conditions d'application des règles sur le travail dominical.
Notre commission est aujourd'hui saisie de deux propositions de résolution sur les services sociaux d'intérêt général.
À l'issue d'un travail mené à parité entre majorité et opposition, qui s'est conclu par la publication d'un rapport auquel j'ai eu le plaisir de participer avec nos collègues Christophe Caresche, Pierre Forgues et Robert Lecou, la première de ces deux propositions de résolution est présentée par la commission chargée des affaires européennes. La seconde proposition, déposée à la veille de la discussion que nous avons eue en séance publique à la demande du groupe GDR le 28 mai dernier et mise en distribution avant-hier, est présentée par les membres du groupe SRC.
Est-il possible d'avoir communication du projet de rapport élaboré par Mme la rapporteure ?
Celui-ci est bien sûr à la disposition des commissaires.
La caractéristique commune de ces deux propositions de résolution est qu'elles ne visent pas un projet ou une proposition des Communautés européennes ou de l'Union européenne. Et ce point n'est pas seulement de procédure : en effet, non seulement il illustre la faculté que le nouvel article 88-4 de la Constitution offre désormais aux Assemblées d'adopter des résolutions européennes sur « tout document émanant d'une institution de l'Union européenne », mais il met précisément en lumière l'absence de proposition européenne dans ce domaine. En l'espèce, c'est notre collègue député européen Jacques Toubon qui nous avait interpellés sur la question de la définition, ou plutôt de la non-définition, des services sociaux d'intérêt général (SSIG).
Sur le fond, la proposition de résolution de la commission chargée des affaires européennes procède d'abord à un certain nombre de constats.
Premier constat : les services sociaux d'intérêt général se situent au coeur du modèle social européen. Nous pouvons tous nous retrouver sur ce point. Au-delà de la diversité des systèmes nationaux, tout particulièrement sensible en matière sociale, il existe en effet une spécificité européenne, un modèle social européen, par comparaison avec l'Amérique du Nord et, a fortiori, avec les pays en voie de développement. Au sein de ce modèle, les services sociaux d'intérêt général tiennent une place centrale. Leur rôle est encore plus essentiel dans le contexte actuel de crise, car ils constituent un secteur relativement protégé.
Deuxième constat : le régime actuel des SSIG apparaît à la fois complexe et inapproprié, d'où l'opportunité de la présentation d'un rapport par la commission chargée des affaires européennes.
Cette situation résulte de la prise en compte tardive par le droit communautaire de la spécificité des services d'intérêt économique général (SIEG). Correspondant en partie à la notion française de « services publics », ils recouvrent à la fois les activités de service non économiques, qui incluent des activités régaliennes, telles que la justice ou la police, et les activités de services de nature économique, telles que l'électricité, les services postaux, l'eau, les transports ou les télécommunications.
Les SIEG n'ont longtemps été considérés, en vertu du traité de Rome, que sous l'angle économique du droit de la concurrence. Ce n'est qu'en 1997, avec le traité d'Amsterdam, qu'il a été admis qu'ils figuraient parmi « les valeurs communes de l'Union » et qu'ils jouaient un rôle dans « la promotion de la cohésion sociale et territoriale ». La possibilité était ainsi offerte d'écarter, le cas échéant, les règles du marché intérieur afin que ces services puissent accomplir leur mission et bénéficier ainsi d'une compensation, notamment sous forme de subvention, en contrepartie des obligations de service public qui leur incombent.
Quant aux SSIG, leur première mention dans un texte ne date que d'une communication de la Commission du 12 avril 2004. Et ce n'est que deux ans plus tard que la Commission a abordé en tant que telle la question des SSIG, dans une communication du 26 avril 2006. Ensuite, la directive « services » du 12 décembre 2006 a expressément exclu du champ concurrentiel certains des SSIG : à ce jour, cette exclusion constitue d'ailleurs la seule mention des SSIG par une directive communautaire.
Car les SSIG, contrairement à d'autres SIEG tels que le gaz, l'électricité ou les télécommunications, ne font pas l'objet d'un texte législatif communautaire spécifique. C'est là le coeur de notre problématique. Dès lors, compte tenu de la définition extensive qu'en donne la Cour de justice, les SSIG se voient appliquer, pour l'essentiel, les règles du droit de la concurrence et des aides d'État. La compensation des contreparties de service public, si elle n'est certes pas exclue, ne peut intervenir que si elle est conforme à ces règles, dont la Commission assure le respect en vertu de ses pouvoirs propres.
Après un certain nombre d'hésitations jurisprudentielles, le régime des compensations de service public a été précisé par un arrêt Altmark du 24 juillet 2003, qui fixe les conditions requises pour qu'une compensation ne soit pas considérée comme une aide d'État. S'ils semblaient théoriquement inattaquables, les principes dégagés par cet arrêt paraissaient toutefois très difficiles à appliquer et à apprécier dans la pratique, notamment par les petites collectivités locales. En outre, l'arrêt risquait également d'avoir pour conséquence que la Commission soit confrontée à un nombre très élevé de notifications obligatoires d'aides d'État.
Face à ces difficultés, la Commission, sous l'impulsion de ses deux commissaires successivement chargés de la concurrence, M. Mario Monti et Mme Neelie Kroes, a mis en oeuvre un ensemble de mesures désigné sous le nom de « paquet Monti-Kroes » et adopté le 28 novembre 2005. Il consiste en trois textes dont la portée se révèle finalement assez voisine de celle de l'arrêt Altmark : une décision concernant l'application des dispositions du traité aux compensations de service public ; un « encadrement communautaire » des compensations de service public les plus importantes ; enfin, une directive modifiant la directive de 1980 relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques.
Le dispositif demeure cependant d'une lourdeur disproportionnée pour les opérateurs et collectivités de petite taille – par exemple les centres communaux d'action sociale (CCAS) des communes de moins de 3 500 habitants –, qui ont du mal à procéder à des vérifications aussi complexes. Face à cette situation et l'insuffisante information dont disposent les collectivités concernées, la Commission a certes pris l'initiative de mettre en place un service d'information interactif « chargé de répondre aux questions relatives à l'application du droit communautaire aux services d'intérêt général », mais ses réponses n'ont valeur, de son propre aveu, que de simple consultation. D'où une interrogation sur l'utilité de cette procédure.
Troisième constat : de nombreuses voix plaident pour une nécessaire clarification, mais les annonces d'initiative législative sont pour l'heure restées sans suite. À plusieurs reprises depuis 2006, et encore tout récemment dans un rapport du 31 mars dernier, le Parlement a pourtant invité la Commission à clarifier le droit applicable aux SSIG. Ces demandes ont été relayées par le Comité des régions – auditionné dans le cadre de la préparation du rapport de la Commission chargée des affaires européennes –, le Comité économique et social européen et, en France, par le Conseil économique et social, dans un avis adopté le 9 avril 2008.
Face aux nombreuses sollicitations qui lui ont ainsi été adressées, et au moment même où le traité de Lisbonne marquait pourtant un tournant politique significatif dans la manière d'aborder le statut des SIEG, la Commission européenne n'a pas réalisé d'avancées concrètes. Évoquée dans la communication du 26 avril 2006, l'hypothèse d'une intervention a été écartée dans la communication du 20 novembre 2007 au profit d'une « stratégie a minima ». Dans ces conditions, il faut se féliciter que la présidence française ait pu obtenir en décembre dernier l'adoption par le Conseil d'une « feuille de route » sur les SSIG.
La perspective d'une intervention législative n'émerge donc qu'avec lenteur. Il est vrai qu'il est difficile de trouver, tant au sein de la Commission que du Conseil, une majorité sur ces questions : il serait inutile de nier l'importance des débats de fond sur l'importance à accorder à la dimension sociale de l'Union européenne. La difficulté de ces débats est accrue par la crainte que le principe de subsidiarité ne soit remis en cause dans un domaine où les États membres disposent d'une très large faculté d'appréciation et par la très grande diversité des traditions et pratiques nationales : de fait, les pays qui ne pratiquent pas la compensation de service public peuvent mieux s'accommoder de la situation actuelle. C'est le cas notamment de certains anciens États « de l'Est », qui ne procèdent pas à de tels versements au profit, par exemple, des associations intervenant dans le secteur social.
Or l'absence de cadre juridique spécifique, c'est-à-dire l'application à ce secteur du droit commun, en quelque sorte, à titre résiduel, outre qu'elle est vécue comme une absence de reconnaissance à son égard, a pour principale conséquence d'entériner une situation dans laquelle les procédures autres que la compensation de service public semblent juridiquement plus sûres, favorisant ainsi une régulation par le marché.
Au vu de ces constats, la proposition de résolution de notre commission chargée des affaires européennes formule plusieurs propositions de nature à résoudre ces différentes difficultés.Ces propositions sont d'abord de nature juridique, puisqu'il est possible d'adapter le droit national et souhaitable de clarifier le droit communautaire.
S'agissant de l'adaptation de notre droit interne, la future transposition de la directive « services » constituera l'occasion de qualifier les SIEG en tenant compte de la diversité du secteur, de compléter la notion de mandat et d'introduire la nouvelle catégorie des « associations caritatives reconnues ». Il faudra être tout particulièrement vigilant à ce que les secteurs qui demeureraient inclus dans le champ de la directive « services » n'en soient pas moins définis comme des SIEG. Il faut éviter en même temps qu'ils soient exclus de toute notion de mandatement : en effet, si tel était le cas, le bénéfice du régime prévu par le « paquet Monti-Kroes » pourrait leur être dénié et, par conséquent, leurs financements publics remis en cause.
S'agissant maintenant de la clarification du droit communautaire, sur laquelle la Commission mais aussi un groupe de travail du Conseil doivent remettre leurs propositions d'ici la fin de l'année, la priorité doit porter sur les modalités de contrôle des compensations de service public. Aujourd'hui en effet, non seulement le contrôle est obligatoire, mais les collectivités sont en situation de devoir prouver que la compensation qu'elles versent n'est pas excessive, ce qui n'est pas toujours chose aisée. Afin que la procédure ne soit déclenchée qu'en cas de risque d'atteinte dommageable à la concurrence et de lever ainsi les incertitudes pesant sur les petits opérateurs, il faudrait passer à un contrôle a posteriori, au cas par cas, s'accompagnant d'une inversion de la charge de la preuve. Il conviendrait en outre de réfléchir à la fixation d'un seuil plus élevé pour les aides de minimis, c'est-à-dire celles, inférieures à un certain montant, qui ne sont pas soumises aux règles de la concurrence.
Au-delà, l'intervention du législateur communautaire permettrait d'accorder aux services concernés la reconnaissance du rôle essentiel qui est le leur.
La perspective d'une telle intervention doit cependant s'accompagner dès aujourd'hui d'une vigilance toute particulière quant au respect du principe de subsidiarité, compte tenu de la sensibilité des États membres à ces questions. Dans cet esprit, le respect de la compétence nationale en matière de SIEG figure d'ailleurs explicitement dans le traité de Lisbonne. La proposition de résolution propose en outre que dans la perspective du dépôt d'une proposition de la Commission, un test concerté de subsidiarité par les Parlements nationaux, organisé dans le cadre de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes des Parlements de l'Union européenne (COSAC), permette de s'assurer que les compétences des États membres sont respectées.
Bien évidemment, tout particulièrement sur de tels sujets, l'approche ne saurait être exclusivement juridique et doit donc également revêtir une forte dimension politique.
Sur la base des acquis de la présidence française, les auditions du Parlement européen préalables à la nomination de la future Commission européenne doivent insister sur la question des SSIG. Si une législation européenne voit le jour, il faudra en effet qu'elle respecte le principe de subsidiarité et les équilibres actuels dans notre pays, où les mutuelles et associations tiennent une place particulière au sein du tiers secteur. En effet, la situation française, en cette matière, est proche de celle qui prévaut chez certains de nos voisins, la Belgique notamment, mais elle n'est pas majoritaire en Europe.
En conclusion, je vous invite à adopter sans modification la proposition de résolution adoptée à l'unanimité par notre commission chargée des affaires européennes. Je vous propose de rejeter en conséquence la proposition de résolution présentée par le groupe SRC. En effet, elle est en grande partie satisfaite – nous pourrons naturellement en discuter – par la proposition de résolution de la commission chargée des affaires européennes. En outre, bien au-delà de la simple question des SSIG, elle aborde celle de la transposition de la directive « services », ce que son titre revendique d'ailleurs explicitement.
Or, sur cette question, il paraît préférable d'attendre la prochaine conclusion des travaux de la commission chargée des affaires européennes, laquelle ne manquera pas de déposer une proposition de résolution relative à la transposition de la directive « services » et qui donnera bien évidemment lieu à débat, en commission – ici ou dans une autre commission – et même le cas échéant en séance publique.
Je voudrais tout d'abord saluer la qualité du rapport de Mme Valérie Rosso-Debord, qui a su souligner le caractère à la fois juridique et politique de la question des services sociaux d'intérêt général. Nous devons impérativement d'une part adapter notre droit aux règles communautaires et de l'autre engager une réflexion approfondie sur la place accordée aux services sociaux au sein de l'Union européenne. Il en va de l'avenir de notre modèle social et des milliers de structures qui prennent aujourd'hui en charge la politique de la petite enfance ou encore le soutien aux familles en difficulté. Nos concitoyens ont besoin de garanties sur ces sujets, j'en veux pour preuve les résultats des dernières élections européennes. Le sujet dont nous débattons aujourd'hui peut certes sembler aride à première vue, il n'en est pas moins crucial.
J'aimerais vous faire part d'une interrogation très concrète. En effet, lors d'un contrôle effectué par la chambre régionale des comptes dans ma circonscription, nous avons appris qu'il était impossible de confier la gestion des services de la petite enfance aux centres sociaux sans passer par une délégation de service public. Or la concurrence privée offre les mêmes services pour un coût inférieur de 15 à 20 %. Ce cas de figure est de plus en plus fréquent. Quelle doit-être dans ce cas la réaction des élus locaux ? Ne faut-il pas poser la question de l'efficience de nos services publics ?
Nous avons largement débattu de ces sujets lors de la discussion en séance publique de la proposition de résolution déposée par le groupe GDR sur la proposition de règlement du Conseil relatif au statut de la société privée européenne et la communication de la Commission européenne d'avril 2006. Je n'y reviendrai donc pas dans le détail et me bornerai à formuler deux remarques, sur un sujet dont Mme Valérie Rosso-Debord a eu raison de souligner le caractère à la fois politique et juridique. Nous nous opposons fermement à la proposition de résolution, cosignée par les membres des groupes UMP et SRC, qui a été déposée au nom de la commission chargée des affaires européennes. En effet, nous considérons que le traité de Lisbonne, d'ailleurs explicitement visé par les considérants de la proposition de résolution alors même qu'il n'est qu'en cours de ratification, fait du principe de concurrence le fil conducteur de la construction européenne, ce à quoi nous ne pouvons consentir.
Il est vrai, comme vous l'avez rappelé, qu'en l'absence de cadre juridique spécifique, le sort des services sociaux dépend de l'interprétation de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Commission européenne, qui tranche la plupart du temps en faveur d'une application stricte des règles de la concurrence. Mais il faut admettre que le principal obstacle à la clarification du cadre juridique applicable aux services sociaux demeure le président de la Commission européenne lui-même, M. José Manuel Barroso. Il l'a montré une première fois, dans la communication de la Commission européenne d'avril 2006, qui a suivi l'examen en première lecture de la directive « services » par le Parlement européen et l'exclusion, à son initiative, des services sociaux d'intérêt général du champ de ladite directive. Il l'a confirmé depuis, par la communication de la Commission européenne de novembre 2007. M. Barroso s'est publiquement déclaré opposé à toute initiative visant à clarifier le droit en vigueur, compte tenu de la diversité des traditions juridiques de pays membres de l'Union européenne.
Dans ce contexte, et compte tenu du fait que la Commission européenne dispose du monopole de l'initiative au niveau communautaire, votre proposition de résolution ne doit-elle pas préciser que l'adoption d'un texte portant spécifiquement sur les services sociaux d'intérêt général passe impérativement par la non-reconduction de M. Barroso à la tête de la Commission européenne ?
Je suis heureux d'examiner ce texte aujourd'hui en commission des affaires culturelles, familiales et sociales car le temps presse. Les représentants de la France doivent dès maintenant s'emparer du sujet avec d'avantage de conviction. En effet, je rappelle que la transposition de la directive « services » doit s'achever au plus tard le 28 décembre 2009. Nous devons faire de la proposition de résolution qui est aujourd'hui soumise à notre examen un texte volontariste. L'enjeu n'est rien moins que la sauvegarde du modèle français. Il concerne tous les services sociaux, que ce soit l'économie sociale, l'éducation populaire, le soutien aux familles, la politique de la petite enfance ou encore le sport. Ce sont deux millions de salariés, 10 % des emplois, 36 000 communes et 60 000 opérateurs qui se trouvent impliqués. L'ampleur du problème ne peut nous échapper.
Certes, comme vous l'avez noté, les services sociaux d'intérêt général sont exclus de la directive « services » de 2006, mais ils le sont de manière incomplète. En effet, l'article 2 de la directive vise uniquement les « personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin ». Doit-on en conclure que les services sociaux ne s'appliqueraient qu'aux plus démunis ? De même, l'article 2 vise les « associations caritatives » chargées d'assurer la mise en oeuvre des services sociaux. Or cette notion d'origine anglo-saxonne est difficile à transposer en droit français. Il faut donc absolument signifier que nous voulons une exclusion large et suffisamment claire des services sociaux d'intérêt général de la directive « services ». De plus, cette prise de position inviterait le gouvernement à expliciter ses intentions quant à la transposition de la directive, qui sont pour le moins floues à ce jour.
Enfin, vous avez évoqué la présidence française de l'Union européenne. Je cherche encore pour ma part les acquis de cette présidence sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Certes la crise économique a balayé un certain nombre de sujets. Il n'en demeure pas moins que M. Nicolas Sarkozy n'a jamais fait de la question des services sociaux d'intérêt général une priorité de sa présidence de l'Union.
J'espère qu'à la demande conjointe des groupes GDR et SRC, cette proposition de résolution sera bientôt inscrite en séance publique. Dans cette perspective, nous proposons un certain nombre d'amendements visant à garantir un égal accès aux services sociaux à l'ensemble de la population, à préserver la spécificité du modèle social français, à préciser le cadre juridique des relations contractuelles entre collectivités et opérateurs de services publics ou encore à sécuriser le statut de nos bénévoles.
Je remercie la rapporteure d'avoir contribué à clarifier un sujet particulièrement complexe. Cette complexité explique, d'ailleurs, sans doute, en partie, la perplexité des électeurs sur la construction européenne. Notre pays est riche d'une tradition forte de services publics et sociaux qu'il faut préserver. De nombreux acteurs publics et privés participent à la mise en oeuvre de cette solidarité, l'Éducation nationale mais aussi de nombreuses associations. Le principe de concurrence doit donc être concilié avec le besoin de solidarité.
Mais il faut aussi être vigilant à ce que soit préservé le droit pour tous nos concitoyens d'accéder aux services sociaux et d'intérêt général proposés, en particulier, par les communes ou les associations. En conséquence, il est souhaitable de clarifier et préciser les nouvelles règles qui pourraient être fixées au niveau européen concernant les services sociaux d'intérêt général. Elles doivent permettre de garantir la sécurité juridique et financière des acteurs locaux qui participent à la solidarité. Par ailleurs, il convient de veiller à ce que le nécessaire contrôle de la bonne utilisation de l'argent public n'empêche pas la pérennité des structures associatives. Avant de prendre position sur le texte qui nous est proposé, je serai donc attentif aux précisions qui pourraient être apportées dans la suite de la discussion sur ces différents points.
Je remercie Mme la rapporteure et MM. Caresche, Forgues et Lecou pour leur proposition de résolution. En pleine période de crise et deux jours après les élections européennes, ce sujet d'apparence technocratique cache, en fait, un beau sujet politique qui pourrait avoir un retentissement symbolique assez fort. La question qu'il faut poser est la suivante : la Commission européenne va-t-elle continuer d'imposer ses décisions ? Dans le contexte de crise actuelle, la réponse est non ; cela ne peut plus continuer ainsi. Il est souhaitable que la politique européenne s'inspire davantage des principes du modèle français.
Sur le sujet important des services sociaux d'intérêt général, il faut rechercher une position consensuelle. L'intérêt de la proposition de résolution présentée par la commission chargée des affaires européennes est justement de rechercher à dégager un consensus. Au contraire, la proposition présentée par le groupe SRC est polémique, jusque dans l'exposé des motifs, et c'est la raison pour laquelle il faut la rejeter. Mais il faut insister sur la nécessité de simplifier les textes pour en améliorer la lisibilité. Il faudra notamment traiter dans les textes à venir de la question de la difficulté à concilier les actions conduites par les différents acteurs locaux. La multiplicité des acteurs peut poser parfois des problèmes de concurrence entre les communes et les associations, par exemple en matière de petite enfance ou d'actions en faveur des personnes âgées. Les travaux qui ont été engagés au niveau européen doivent nous inciter à réviser notre propre organisation et la réglementation qui régit le secteur. Certaines modalités d'action peuvent être remises en cause, abandonnées, réformées ou modernisées. Il faut aussi profiter de cette occasion pour simplifier et clarifier les textes. C'est ainsi qu'on pourra faire progresser l'idée européenne.
Le discours que la France peut tenir en Europe serait mieux entendu si nous pouvions prouver l'efficacité de notre modèle social. Il faut en effet entendre les critiques qui sont formulées par nos voisins. Lorsque l'on compare les pays européens, on s'aperçoit que la France est le pays qui consacre la part du PIB la plus importante de tous les pays européens aux politiques sociales. M. Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France, a fait apparaître que notre pays consacre 1 point de plus de PIB aux dépenses sociales que la Suède avec des performances moins bonnes. En effet, la France est placée en cinquième position en Europe pour la réduction de la pauvreté des enfants et en dixième position pour les aides en faveur de l'insertion des jeunes. Nous devrions donc nous intéresser davantage à la performance sociale des aides attribuées.
Il faut progresser vers une meilleure répartition des rôles entre les différents acteurs locaux. La bonne application du principe de subsidiarité au niveau local devrait permettre de conforter le rôle des associations sur certains sujets et aux communes de concentrer leur action sur d'autres actions, actuellement non solvables.
Je suis étonnée que la discussion des propositions de résolution soit l'occasion de faire ressurgir le débat centenaire sur les modes de l'action publique locale, en régie ou par délégation de service public. Ces propositions de résolution, au-delà de leur apparence technocratique et juridique, ouvrent un vrai débat politique qu'il ne faut pas caricaturer. L'attachement aux services publics sociaux ne doit pas empêcher de réfléchir à leur nécessaire évolution et à l'amélioration de leur efficacité.
Cependant, les comparaisons internationales sur l'efficacité des politiques sociales ne peuvent se limiter à la comparaison des seules dépenses publiques. Dans d'autres pays, qui ont fait un autre choix que la France, comme les États-Unis, une grande partie des dépenses d'assurance sociale est reportée sur les individus et l'on voit que le coût global de la protection sociale est finalement plus élevé qu'en France. Il y a différentes manières d'organiser la solidarité et la couverture des besoins sociaux. La discussion sur ce point doit être ouverte.
Le groupe SRC demandera à ce que cette discussion puisse avoir lieu en séance publique, car il veut montrer que nous disposons de marges de manoeuvre pour défendre la grandeur de notre modèle de service public social, fondé sur le libre accès aux services sans condition de précarité sociale. Cela renvoie d'ailleurs à la discussion que nous aurons prochainement sur l'éventuelle instauration d'un bouclier sanitaire. La question qui est posée est de savoir si l'on peut imposer une condition sociale pour bénéficier d'un service de santé.
Ce sont ces questions aux implications très concrètes pour nos concitoyens qui sont en fait abordées dans les propositions de résolution. Par ailleurs, le tiers secteur, dont les opérateurs sont de nature privée mais qui obéissent à des règles de fonctionnement de droit public, peut aussi être porteur d'une forte capacité d'innovation, qui ne doit pas être emportée par une volonté d'homogénéisation des dispositifs au niveau européen, problématique dans le domaine de la petite enfance et plus encore pour la prise en charge des personnes âgées, relevant aujourd'hui de structures médico-sociales qui sont directement compromises par la réflexion européenne.
La question des services sociaux d'intérêt général est très importante et pour bien fonctionner ceux-ci doivent être dotés d'un cadre clarifié et sécurisé dans le cadre du traité de Lisbonne. Il est surtout souhaitable de demander à la Commission européenne de s'engager à présenter une proposition de directive sur les SSIG, même si ceux-ci sont exclus du champ de la directive « services ». La décision récente relative au secteur du logement social aux Pays-Bas montre en effet tout l'intérêt d'obtenir des garanties en ce sens.
Il faut d'abord rendre hommage au courage politique consistant à examiner ces propositions de résolution trois jours après les élections européennes… Plus sérieusement, la proposition de résolution de la commission chargée des affaires européennes est un texte mou, qui demande une clarification sans en énoncer les principes et se limite à préconiser de « créer un contexte politique favorable ». Mais ce texte évoque lui-même la question plus large des SIEG, point sur lequel la proposition de résolution du groupe SRC, dans la perspective de la transposition de la directive « services » d'ici le 28 décembre prochain, est plus détaillée, prévoyant explicitement le principe du renversement de la charge de la preuve en cas de surcompensation, l'exigence d'une directive-cadre sur ce sujet ainsi que l'affirmation de la valeur constitutionnelle s'attachant aux principes inhérents aux services publics.
Il faut féliciter la rapporteure pour la qualité de son travail. Comme Dominique Dord, je pense que nous adopter une attitude hardiment politique sur les SSIG. Dans cet esprit, la proposition de résolution de la commission chargée des affaires européennes est dense et va dans le bon sens. Par ailleurs, de même que le président Pierre Méhaignerie, je m'interroge sur les contrôles opérés par les chambres régionales des comptes sur la question des délégations de service public.
La rapporteure a eu le mérite de clarifier les choses sur un sujet pourtant complexe. C'est ainsi qu'il faut parler de l'Europe, et non en utilisant son jargon, pour que le citoyen puisse retrouver son chemin dans un épais maquis technique et terminologique. De plus en plus, notre commission et les autres commissions permanentes tirent parti des facultés qu'accorde l'article 88-4 de la Constitution, en particulier celle de se saisir de tout document émanant d'une institution européenne, même s'il ne s'agit pas d'une proposition d'acte. Il faut s'en réjouir d'autant plus que ce fut déjà le cas voici quelques semaines sur un autre thème important dans le domaine social, celui du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation.
L'Europe apparaît à tort lointaine, alors que notre législation en est en grande partie originaire. Il ne faut pas se laisser enkyster dans les aspects technocratiques, mais défendre le modèle social français qui doit trouver sa place au sein du modèle européen. La clarification du droit communautaire est importante, mais on se trouve également ici face à une illustration concrète d'une Europe sociale proche des citoyens, ce qui sera d'ailleurs aussi prochainement le cas de la proposition de directive sur le congé de maternité sur laquelle la commission chargée des affaires européennes travaille en ce moment.
La rapporteure doit être remerciée pour son travail de synthèse. Il est effectivement utile de clarifier le droit communautaire, tout en insistant sur le volet politique de la question, car il faut reconnaître le rôle du militantisme associatif dans la cohésion sociale, non seulement à l'échelon de l'État mais aussi à celui des collectivités locales.
Je remercie l'ensemble des intervenants pour le caractère constructif de leurs contributions, à l'exception de celle de M. Eckert, qui a malheureusement préféré l'outrance verbale ; pour demeurer dans le même registre, je lui recommanderai donc de lire au préalable les textes sur lesquels il s'exprime et d'expliquer à MM. Caresche et Forgues qu'ils sont « mous ». M. Perrut a eu raison d'insister sur le contexte politique : comme en 2004, il faudra en effet tirer parti de l'audition des futurs commissaires par le Parlement européen pour faire passer notre message sur les SSIG. M. Dolez a le mérite d'être cohérent avec son opposition au traité de Lisbonne, mais les acquis de ce traité constituent pourtant la meilleure manière de répondre à son souci de contourner l'opposition de M. Barroso à une initiative législative. MM. Juanico et Herbillon ont fort justement rappelé que la commission chargée des affaires européennes s'était saisie de l'importante question des SSIG en l'absence même de toute proposition communautaire, ce que permet désormais l'article 88-4 de la Constitution. Il faut bien entendu exclure entièrement les SSIG du champ de la directive « services », afin de protéger notre modèle social, dont peu d'autres États membres partagent la philosophie.
Sur la transposition de la directive « services », la commission chargée des affaires européennes remettra prochainement ses conclusions, qu'il convient donc d'attendre. M. Dord a raison de déplorer le jargon européen, mais même si j'ai essayé de mettre autant d'humanité que possible dans ce sujet, nous ne parviendrions pas à nous faire comprendre de nos partenaires si nous refusions d'employer les expressions consacrées, à commencer par celle de « SSIG ». Tout ce que demande Mme Touraine figure déjà dans la proposition de résolution de la commission chargée des affaires européennes, qu'il s'agisse de la définition large des SSIG ou de la sécurisation du tiers secteur ; elle pourra donc voter contre la proposition de résolution du groupe SRC. Comme M. Grosperrin, on peut souhaiter que la Commission européenne présente une proposition de directive sur les SSIG, mais davantage encore qu'une définition des SSIG, l'essentiel est qu'ils soient exclus du champ concurrentiel. M. Gaymard craint à juste titre les conséquences du contrôle de l'application des textes communautaires par les chambres régionales des comptes, mais quand le droit aura été clarifié, nous pourrons nous prévaloir d'un modèle fondé sur le mieux-disant et non sur le moindre coût. M. Herbillon a tout à fait raison de plaider en faveur d'un recours croissant aux facultés ouvertes par l'article 88-4 de la Constitution sur des sujets politiquement sensibles. Au demeurant, sur les SSIG, le désaccord au sein de notre commission porte davantage sur la temporalité que sur le fond du problème.
Le président Pierre Méhaignerie. De nombreux orateurs ont eu raison de mettre en lumière l'aspect politique de la question, mais il n'en faut pas moins conserver à l'esprit les arguments invoqués par nos partenaires.
Le travail au sein de la commission chargée des affaires européennes ne se fait pas dans les mêmes conditions que dans une commission permanente. Il est ainsi de tradition, à la commission chargée des affaires européennes, que les rapports et propositions de résolution soient rédigés « à plusieurs mains » : le fruit de ses travaux sur les SSIG ne pouvait donc satisfaire pleinement ni les uns ni les autres et doit donc s'apprécier a minima. C'est pourquoi le groupe SRC a ensuite déposé des amendements et une proposition de résolution plus volontaristes et ne votera donc pas en l'état la proposition de résolution présentée par la commission chargée des affaires européennes.
L'embarras de M. Juanico traduit une contradiction avec le vote intervenu en commission chargée des affaires européennes. Les raisons d'un tel revirement sont certes respectables et compréhensibles, même si, au vu du résultat des élections européennes, le groupe SRC aurait pu faire preuve de davantage de cohérence au lieu d'adopter cette position à laquelle personne ne comprend rien.
Précisément, les enseignements du récent scrutin peuvent nous conduire à adopter une position différente de celle prise en commission chargée des affaires européennes.
Ce n'est certes pas un moment très facile pour M. Juanico, même si l'on peut comprendre le fait politique qui conditionne son attitude, mais le compte rendu de la réunion de la commission chargée des affaires européennes montre qu'à aucun moment les commissaires du groupe SRC ne se sont opposés à la proposition de résolution.
Il serait vraiment regrettable qu'il n'y ait pas de vote consensuel sur la proposition de résolution de la commission chargée des affaires européennes, au simple prétexte qu'elle ne serait pas assez ambitieuse. La logique serait que le groupe SRC l'adopte, comme il le ferait d'un amendement de repli, au regard du rejet probable de sa propre proposition de résolution.
La mission d'information sur la gouvernance et le financement des associations a souhaité que le champ associatif soit sécurisé et la sagesse commande donc d'adopter la proposition de résolution de la commission chargée des affaires européennes, qui traduit une volonté commune entièrement partagée. Il faudra ensuite veiller à ce que le cadre législatif national offre des espaces conventionnels aux associations.
Le groupe SRC pourrait au moins accomplir un geste positif en s'abstenant sur la proposition de résolution de la Commission chargée des affaires européennes.
Nous ne sommes nullement dans l'embarras, car il s'agit simplement de comprendre que la Commission chargée des affaires européennes et les commissions permanentes ont des méthodes de travail différentes. Au demeurant, MM. Caresche et Forgues ont cosigné la proposition de résolution du groupe SRC. Si les amendements que nous proposons sont adoptés, nous voterons alors la proposition de résolution présentée par la Commission chargée des affaires européennes.
La Commission passe ensuite à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution relative aux services sociaux d'intérêt général (n° 1575).
Article unique
Sur avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement AC 1 de M. Régis Juanico.
Elle examine ensuite l'amendement AC 6 de M. Régis Juanico.
Avis défavorable. L'amendement s'inscrit tout à fait dans l'esprit des conclusions adoptées par la Commission chargée des affaires européennes, au point d'en paraître redondant, puisque l'alinéa 14 de la proposition de résolution plaide déjà pour une définition large des SSIG.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AC 7 de M. Régis Juanico.
Avis défavorable. Cet amendement ne changerait rien au fait que c'est bien le Parlement européen, et non tout ou partie de ses groupes politiques, qui a demandé à la Commission européenne de faire preuve de davantage d'initiative sur la question des SSIG.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AC 2 de M. Régis Juanico.
Avis défavorable. Cet amendement est en contradiction avec la philosophie de la proposition de résolution. En effet, il revient à dire qu'il n'est pas nécessaire d'adapter le droit communautaire, alors que c'est précisément ce que demande l'alinéa 15. Adopter cet amendement rendrait donc confus le message clair que nous souhaitons adresser.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AC 3 de M. Régis Juanico.
Avis défavorable. Personne ne songe à limiter le tiers secteur aux associations caritatives. En outre, seule une partie du secteur de l'économie sociale et solidaire se rattache aux SSIG. Au demeurant, en vertu du principe de subsidiarité, il appartient à chaque État membre de définir lui-même le champ des SSIG. De ce point de vue, on sait d'ailleurs que la France retient une définition très large.
La Commission rejette l'amendement, ainsi que, sur avis défavorable de la rapporteure, les amendements AC 8 et AC 9 de M. Régis Juanico.
La Commission examine l'amendement AC 4 de M. Régis Juanico.
Avis défavorable. La question du bénévolat et des pratiques amateurs va bien au-delà de celle des SSIG. En outre, elle n'a pas de lien avec la qualification de SSIG. En effet, si une activité est qualifiée de SSIG, elle est exclue de ce fait du champ de la directive « services », quelle que soit la forme sous laquelle elle est exercée.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AC 5 de M. Régis Juanico.
Cet amendement est important, car il apparaît nécessaire de spécifier dès aujourd'hui de manière plus précise des pistes concrètes de sécurisation des services sociaux en allant au-delà du texte de la proposition de résolution de la Commission chargée des affaires européennes.
Avis défavorable. La proposition de résolution de la Commission chargée des affaires européennes aborde la question des adaptations à apporter au droit national. Elle plaide ainsi pour « une exclusion claire et large des SSIG » et « une reconnaissance de leur statut ». Sans que les idées défendues par cet amendement soient nécessairement mauvaises, il serait difficile d'aller plus loin que le texte actuel de la proposition de résolution sans préjuger des prochaines conclusions de la Commission chargée des affaires européennes sur la transposition de la directive « services ». Il paraît en effet préférable d'attendre la remise de ses travaux avant d'engager l'Assemblée nationale sur ce point.
La Commission rejette l'amendement.
J'insiste sur le fait qu'un consensus me semble indispensable sur ce texte. Un vote défavorable du groupe SRC pourrait en effet être interprété comme un refus de l'exclusion des SSIG de la directive « services », auquel cas il faudrait demander au président Pierre Méhaignerie de se rendre à Bruxelles pour présenter solennellement ses excuses au nom de la France… !
Je suis atterré par les amendements de M. Juanico : c'est comme s'il cherchait des excuses pour pouvoir afficher un vote défavorable à cette proposition de résolution. Or ce serait très dangereux pour la solidarité indispensable à l'influence de notre pays en Europe.
Deux propositions de résolution sont en discussion, de telle sorte que chacun peut voter en faveur de la sienne. Les amendements du groupe SRC visent simplement à préciser et à rendre plus volontariste le texte de la Commission chargée des affaires européennes face à l'absence de réponses du Gouvernement sur le calendrier et le contenu la transposition de la directive « services ».
Le président Pierre Méhaignerie. L'abstention du groupe SRC serait plus claire à comprendre, lui permettant de faire apparaître ensuite qu'il préfère sa propre proposition de résolution et de ne pas donner le sentiment d'une ambiguïté franco-française.
La position du groupe SRC est incohérente avec celle qu'il a adoptée en Commission chargée des affaires européennes.
Majorité et opposition doivent continuer à travailler ensemble au sein de la Commission chargée des affaires européennes sur la transposition de la directive « services ».
Le groupe SRC s'abstiendra sur la proposition de résolution de la Commission chargée des affaires européennes (Applaudissements des commissaires du groupe UMP) et se prononcera bien évidemment en faveur de sa propre proposition de résolution.
Par cohérence avec l'opposition du Mouvement républicain et citoyen (MRC) au traité de Lisbonne, je ne pourrai pas m'abstenir sur la proposition de résolution de la Commission chargée des affaires européennes.
Conformément aux conclusions de la rapporteure, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales adopte l'article unique de la proposition de résolution sur les services sociaux d'intérêt général (n° 1575) sans modification. En conséquence, conformément aux conclusions de la rapporteure, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales rejette l'article unique de la proposition de résolution sur les services sociaux d'intérêt général (SSIG) et la transposition de la directive services (n° 1698).
La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine, sur le rapport de M. Philippe Folliot, la proposition de loi visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement (n° 1672).
Je suis très heureux de vous présenter cette proposition de loi, ainsi que de pouvoir participer, à cette occasion, aux travaux de votre commission. Je tiens à souligner le rôle qu'y joue Francis Vercamer, que je ne cherche aucunement à remplacer dans le rôle de référence qu'il a en matière de droit du travail.
Au cours du mois de mai, une entreprise textile de Castres a proposé à neuf de ses salariés d'être reclassés sur des postes en Inde, pour un salaire de 69 euros par mois. Cela n'a pas manqué de soulever une grande émotion, relayée par les médias. Les salariés en ont conçu un grand ressentiment : une telle proposition ne peut être ressentie que comme une forme d'humiliation et constitue une véritable double peine pour des gens qui viennent déjà d'apprendre leur licenciement économique.
Seulement voilà : les employeurs étaient juridiquement dans l'obligation de la leur adresser ! Hasard du calendrier, un arrêt de la cour d'appel de Reims l'a confirmé quelques jours plus tard : en l'espèce pourtant, la direction et les salariés d'une autre entreprise textile avaient convenu ensemble d'éviter des propositions jugées indécentes, portant sur des emplois en Roumanie rémunérés 110 euros par mois. Or la cour d'appel a fait de cette absence de proposition de reclassement l'un de ses motifs pour casser le plan de licenciement. En 2006, une circulaire de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle avait pourtant écarté les offres de reclassement impliquant des rémunérations très faibles, mais aucune des décisions de justice ultérieures n'en a tenu compte : elles ont imposé à chaque fois à l'entreprise de faire des propositions de reclassement dans toutes les entités du groupe.
Sans doute l'obligation de proposer même des emplois manifestement inacceptables permet-elle à certains chefs d'entreprise d'afficher à bon compte leur respect du droit et d'en dénoncer, s'ils sont mis en cause, le caractère incongru. Mais le fait est qu'il y a une faille juridique importante. Dans l'état actuel de notre droit social, un salarié ne peut être licencié pour motif économique que lorsque tous les efforts d'adaptation et de formation ont été réalisés et qu'il ne peut pas être reclassé dans l'entreprise, ni dans les autres entités du groupe. Le reclassement se fait sur un emploi de même catégorie, ou équivalent, ou à défaut, et avec l'accord express du salarié, sur un emploi de catégorie inférieure. Enfin, les offres de reclassement doivent être écrites et précises. En aucune façon donc, il n'est question de la rémunération de l'emploi proposé. Cela pose un problème dès lors que les autres entreprises du groupe sont implantées dans des pays en voie de développement ou émergents, qui ont un niveau de rémunération bien inférieur au nôtre.
C'est donc en mai que le groupe Nouveau centre a décidé de mettre cette question en exergue. Le jour où l'ordre du jour est réservé aux initiatives de notre groupe étant fixé au 25 juin, nous n'avons eu que très peu de temps pour rédiger ce texte, qui méritera sans doute quelques corrections. Surtout, nous n'avons pas eu le temps de consulter suffisamment les partenaires sociaux. Certes, nous n'y étions pas tenus s'agissant d'une proposition de loi, mais j'ai considéré que je devais les rencontrer dès que j'ai su que je serais rapporteur de ce texte. Lors des échanges constructifs que nous avons déjà eus, ils ont montré un intérêt manifeste pour la volonté de la représentation nationale de trouver une solution ; ils ont apprécié la réactivité des parlementaires. C'est qu'il y a urgence : ce genre de situations ne peut que continuer à se produire, et encore plus compte tenu de la décision de la cour d'appel de Reims, qui conforte la jurisprudence malgré l'existence d'un accord préalable de l'entreprise avec les partenaires sociaux.
Je reviendrai ultérieurement sur les amendements que je propose. Je suis notamment conscient que la référence, en matière de rémunération, à la notion d'ordre public social, un concept très franco-français qui n'est pas reconnu à l'étranger, peut poser problème. Je suis certain que nous trouverons une rédaction consensuelle.
Le système actuel est effectivement devenu absurde. C'est une très bonne chose d'obliger les employeurs, dans le cadre d'un licenciement économique, à proposer à leurs salariés des postes dans tout le périmètre du groupe, et il est tout aussi bon que cela inclue les entreprises implantées à l'étranger. Mais, comme souvent, cette idée juste et bonne a été altérée par une application trop rigide : on s'est demandé s'il fallait juste publier les offres ou les adresser, sous quelle forme et dans quels délais, et ce qu'il advenait lorsqu'il n'y avait pas de réponse ou qu'il existait un écart de rémunération… C'est la forma mentis administrative française qui a donc provoqué la situation actuelle. Les médias qui se sont largement étendus sur l'indignité des méchants patrons et ce qu'ils faisaient subir aux gentils salariés sont donc, comme cela leur arrive souvent, allés un peu vite en besogne : en l'occurrence, les méchants patrons n'ont fait que respecter la loi ! Lorsque vous n'avez pas d'autre établissement qu'en Roumanie ou en Inde, vous êtes obligé de faire cette proposition.
La loi doit donc être clarifiée. Si les obligations des employeurs doivent bien sûr être maintenues, il faut des précisions concernant les salaires afférents aux postes proposés. Je suis donc favorable aux amendements qui seront présentés sur ce sujet, sans toutefois oublier que c'est l'ensemble des conditions socioéconomiques d'exercice du travail qui peuvent être très différentes dans d'autres pays – même proches. Je rappelle ainsi que le salaire minimum ne couvre en Allemagne que 54 % des salariés, pour 100 % en France, que les syndicats y font campagne pour qu'aucun salaire ne soit inférieur à 750 euros par mois et que le SMIC espagnol tourne autour de 600 euros par mois, contre 1 300 en France. Je pense donc que la formulation finale devra être à la fois précise et souple.
Je soutiens donc largement cette proposition de loi, mais je suis très perplexe face au deuxième de vos amendements (n° 3 AC), monsieur le rapporteur, car il nous ferait entrer à nouveau dans une mécanique infernale : il faudrait demander préalablement au salarié s'il accepte de recevoir des offres concernant des établissements implantés à l'étranger, avec les contraintes administratives de courriers et de délais que cela implique… Je regrette déjà infiniment que la Cour de cassation ait décidé qu'il n'était pas suffisant pour l'employeur de publier les offres, mais qu'il devait les adresser : cela a rendu le système impossible. Je comprends que vous n'ayez pas entrepris, dans ce texte, de recadrer la jurisprudence, mais il me paraît nécessaire de ne pas en rajouter et je propose donc d'en rester à la formulation initiale. L'obligation de proposer une rémunération équivalente en cas de reclassement suffit.
Cette proposition de loi est bienvenue, autant d'un point de vue éthique que parce qu'il faut trouver des solutions juridiques. Et je me félicite qu'elle conduise à reconnaître aujourd'hui l'utilité et l'intelligence de la loi de modernisation sociale.
Elle fait aussi apparaître la nécessité d'une harmonisation sociale par le haut au niveau européen : c'est ce manque d'harmonisation qui est à l'origine des difficultés que nous connaissons aujourd'hui, même si elles sont plus le fait des juridictions que de la loi.
Il existe bien d'autres exemples que ceux que vous avez cités, monsieur le rapporteur. ArcelorMittal peut ainsi proposer des postes au Luxembourg, qui seront sans doute satisfaisants pour les salariés, mais aussi au Kazakhstan, avec un salaire de 300 euros par mois ! Et à Schirmeck, une entreprise a bel et bien proposé à ses salariés de travailler en Roumanie pour 110 euros !
Au-delà de ce texte, il faut donc réfléchir sur l'avenir du droit social en Europe. Dans la période de ralentissement économique que nous connaissons, l'arrêt de notre économie risque de provoquer des transferts de compétences et de savoir-faire et peut-être même des déménagements de matériel qui vont permettre aux grandes entreprises mondialisées de reconstituer des usines là où les coûts salariaux sont les plus bas. La crise conjoncturelle va donc causer des changements structurels. Si l'on n'accélère pas le processus d'harmonisation, les pays les plus développés vont voir disparaître les industries d'excellence qui faisaient leur richesse.
Je comprends bien que la situation actuelle découle de l'arrêt du Conseil d'État de 2004 qui précise que l'ensemble des entités du groupe doivent être prises en compte. En revanche, je crois moins que vous au caractère systématiquement vertueux des chefs d'entreprise : certains sont victimes de l'état du droit, mais d'autres savent l'utiliser au mieux pour leurs actionnaires, aux dépens des salariés. Nous avons là un rôle important à jouer, ainsi que d'autres institutions, en particulier européennes.
Sur le principe, nous sommes donc favorables à ce texte, sous réserve de vérifier qu'il permette véritablement aux salariés d'obtenir un salaire équivalent – ou, sous réserve de leur accord, un salaire inférieur – mais encore faut-il clairement définir de combien.
Je remercie Philippe Folliot de présenter ce texte. Les situations comme celle à laquelle il a été confronté sont heureusement peu courantes, mais elles ont un écho retentissant, créent un climat de suspicion vis-à-vis de l'entreprise et du système social français, sont vécues comme un véritable drame par les salariés et décuplent leur colère. Il est donc important d'y remédier.
L'Union européenne a déjà prévu un certain nombre de règles en la matière : pour empêcher le dumping social, elle a prévu que les travailleurs originaires d'un pays aux salaires plus bas que le pays où ils se sont installés seraient payés comme leurs collègues de ce pays – un Roumain en France est payé selon les conditions françaises. Mais le droit communautaire n'a raisonné que dans un sens : un Français qui va travailler en Roumanie n'est pas payé selon les conditions françaises ! Cette proposition de loi, si elle n'est valable qu'au niveau national, constitue un premier pas pour y remédier.
Il est très important que ces garanties en faveur des salariés figurent dans la loi, d'autant que ni la jurisprudence, ni la circulaire de la DGEFP ne sont d'ordre public. Ces dispositions pourraient d'ailleurs pousser à une sorte de nivellement par le haut du niveau social mondial : la délocalisation des salaires français pourrait ainsi accélérer le relèvement du niveau des salaires là où ils sont plus faibles. Le groupe du Nouveau centre adhère donc à cette proposition.
Je salue la générosité qui sous-tend le dépôt de cette proposition de loi, mais je regrette qu'elle n'ait pas une dimension européenne ; ne faudrait-il pas distinguer trois niveaux : la France, l'Europe et le reste du monde ?
J'approuve cette proposition de loi, mais il me semble que l'amendement n° 3 AC proposé par le rapporteur introduit des complexités inutiles. Je regrette que la France soit la seule à légiférer sur cette question, mais j'espère que l'adoption de ce texte amènera les autres pays européens à « tirer vers le haut » tout ce qui est relatif à la dimension sociale.
Cette proposition de loi présente aussi l'avantage de protéger les entreprises : elles ne seront plus soumises à l'obligation découlant d'un arrêt du Conseil d'État leur imposant, pour justifier un licenciement, de l'accompagner d'une proposition alternative.
Une évolution de la législation est nécessaire.
Je tiens tout de même à indiquer que même si un salarié français de l'entreprise de Castres avait, par extraordinaire, accepté la proposition qui lui était faite d'aller travailler en Inde, il n'aurait pas pu s'y rendre, la législation indienne relative à l'accueil des travailleurs étrangers imposant à ceux-ci un niveau de ressources nettement supérieur à celui du salaire qui était proposé. Cela montre l'absurdité de la jurisprudence actuelle.
On ne peut opérer de distinction entre pays européens et reste du monde, car certains pays n'appartenant pas à l'Union européenne offrent des salaires égaux ou supérieurs aux nôtres, alors que des pays membres de l'Union européenne offrent, eux, des salaires inférieurs ou très inférieurs aux nôtres. S'il un jour il a un salaire minimum européen, la situation sera autre…
Le salaire n'étant pas mensualisé dans un certain nombre de pays, je vous proposerai, dans le premier de mes amendements (n° 4 AC), de supprimer la référence à la rémunération mensuelle de base.
Dans un autre amendement (n° 3 AC), je vous proposerai de réécrire les alinéas 3 et 4 de l'article unique de la proposition de loi. Il s'agirait d'inscrire dans le code du travail un article consacré spécifiquement au reclassement à l'étranger : les offres de reclassement hors du territoire national ne seraient adressées qu'aux salariés ayant manifesté leur accord de principe pour recevoir de telles offres. Je fais cette proposition après avoir rencontré les organisations représentatives des salariés et du patronat et pris contact avec le Gouvernement. J'ai inséré dans l'amendement un délai bref – six jours ouvrables – pour répondre au questionnaire qu'enverra l'entreprise, afin de limiter la contrainte que cela représentera pour les employeurs. L'inconvénient lié à ce délai, pour ces employeurs, sera bien moindre que celui qui résulterait du maintien de l'insécurité juridique dans laquelle ils sont actuellement. En fait, il s'agit de donner une base légale à la méthode dite du questionnaire préalable, qui a déjà été utilisée par certaines entreprises ; ce n'est donc pas un dispositif inventé ex nihilo.
La Commission passe ensuite à l'examen de l'article unique.
Article unique
La Commission examine deux amendements identiques, AC 4 de M. le rapporteur et AC 1 de M. Michel Liebgott.
L'ensemble des éléments de rémunération étant pris en compte pour le calcul de l'allocation chômage et de l'indemnité de licenciement, ils doivent l'être également pour le reclassement des salariés.
La Commission adopte les amendements AC 1 et AC 4.
Puis elle examine l'amendement AC 2 de M. Michel Liebgott.
La référence au concept d'ordre public social français en matière de rémunération correspond au salaire minimum de croissance. Or les cadres et les salariés qualifiés perçoivent une rémunération supérieure et la garantie du SMIC ne leur suffirait pas. Je souhaite que nous supprimions les alinéas 3 et 4 de l'article afin que seule l'obligation de proposer un reclassement sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente soit inscrite dans le droit du travail.
Cela dit, je ne suis pas hostile à l'amendement du rapporteur, qui substitue à ces deux alinéas des dispositions ne faisant plus référence au concept d'ordre public social français.
L'amendement AC 2 est retiré par son auteur.
La Commission examine ensuite l'amendement AC 3 du rapporteur.
Par rapport à la référence à l'ordre public social, qui pose problème, cet amendement vise à donner aux salariés une solution alternative leur garantissant le plus large champ d'offres de reclassement interne, y compris à l'étranger, et à interdire que leur soient envoyées des offres manifestement inacceptables alors qu'ils sont déjà fragilisés par la perspective d'un licenciement. Cette solution alternative consisterait à donner une base légale à la méthode du questionnaire préalable, qu'a validée la juridiction administrative mais pas la juridiction judiciaire, laquelle a fait du droit en vigueur une lecture impérative. Le reclassement devrait continuer à être envisagé dans toutes les implantations du groupe d'entreprises, mais l'employeur devrait préalablement demander aux salariés s'ils accepteraient de recevoir des propositions de reclassement à l'étranger et sous quelles conditions ; les offres concrètes d'emploi de reclassement à l'étranger ne seraient ensuite envoyées qu'aux salariés ayant manifesté leur accord de principe pour recevoir de telles propositions, et sous réserve qu'elles répondent aux conditions – de salaire, de localisation… – qu'ils ont exprimées. Les salariés resteraient libres de refuser ces offres.
J'ajoute que les salariés disposeraient d'un délai de six jours ouvrables à compter de la réception de la proposition de l'employeur pour manifester leur accord.
La coexistence de certaines règles de droit et de la jurisprudence – pas toujours constante – de la Cour de cassation crée des situations complexes pour les entreprises et les salariés. Il est donc opportun de clarifier la législation. Et si, conformément à la loi de modernisation sociale, les employeurs doivent respecter leurs obligations, il ne faut pas, alors qu'ils les respectent à la lettre, qu'ils soient soumis à l'opprobre.
L'insertion de l'obligation d'offrir une rémunération équivalente en cas de reclassement, telle que prévue par les alinéas 1 et 2 de l'article unique, me paraît à la fois répondre aux besoins des salariés, aux obligations de l'employeur sur le plan éthique et au souci du législateur. Mais ce qui m'inquiète, c'est que l'on veuille ajouter à ce texte une autre obligation, qui risque d'être source de contentieux : de nouvelles procédures, un nouveau délai… La jurisprudence et le code du travail instaurent déjà des modalités précises pour les procédures de reclassement. De plus, le salarié est le libre d'accepter ou de refuser la proposition qui lui est faite. Aussi, restons-en là. Pourquoi légaliser la pratique du questionnaire préalable, qui est surtout utilisée dans les grandes entreprises ?
Je comprends l'intention du rapporteur, mais je suis très perplexe quant à l'opportunité de cet amendement. Je souhaite donc qu'il soit rejeté.
Le fait d'adresser une lettre recommandée aux salariés, puisqu'en pratique cela se passera ainsi, est une contrainte minime. Dans l'autre sens, l'amendement vise à instaurer une règle simple et claire qui évitera en conséquence le maximum de contentieux.
Une entreprise possédant des établissements en France, en Espagne, en Belgique, en Roumanie, en Inde ou encore au Brésil fera au salarié des propositions en fonction des conditions de rémunérations qu'elles pensent pouvoir légitimement offrir dans chacun de ces pays ; toutefois, comme le salarié aura indiqué à l'avance ses conditions de salaire, si l'entreprise ne peut pas offrir une rémunération égale ou supérieure à celle demandée, elle ne sera pas obligée de faire une proposition. En définitive, le salarié ne risquera plus de recevoir une proposition indécente et l'employeur ne sera plus dans une situation de doute.
J'ajoute, connaissant le peu de goût pour la mobilité de nos concitoyens, que cette disposition concernera peu de salariés.
Enfin, si nous n'adoptions pas cet amendement, nous laisserions dans le texte la référence au concept d'ordre public social français, juridiquement incertaine et source de contentieux.
Nous devons adopter cet amendement, qui relève du même esprit que la proposition de loi, s'inscrit dans le droit-fil de la loi de modernisation sociale et participe à la même logique que le principe de flexicurité.
Par ailleurs, ne préjugeons pas des décisions des tribunaux. Au reste, c'est en raison du nombre des contentieux que nous modifions la loi en vigueur.
Enfin, l'amendement a l'avantage de garantir au salarié un salaire décent, dans un pays qu'il aura choisi.
L'obligation pour l'entreprise de proposer une rémunération globalement équivalente, que nous venons de voter, fait disparaître le risque de proposition à caractère indécent. Dès lors, il faut que les salariés aient connaissance de l'ensemble des offres afin de choisir librement celles qui les intéressent.
Je suis défavorable à cet amendement, mais j'invite le rapporteur – qui s'inquiète, à juste titre, de la référence au concept d'ordre public social français – à le redéposer ultérieurement.
Je comprends vos arguments, monsieur Poisson, mais ne pourrions-nous pas, à titre conservatoire, adopter cet amendement de manière à engager un débat avec le Gouvernement en séance publique ? Ce dernier, alors, pourra répondra à vos légitimes interrogations.
La protection du plus faible étant la raison d'être du droit, il me semble particulièrement nécessaire de garantir aux salariés une sécurité juridique.
Par ailleurs, si le texte ne précise pas la méthode du reclassement, la jurisprudence s'en chargera en raison de la multiplication des conflits qui, contrairement à ce que semble croire M. Poisson, ne manqueront pas alors de survenir. Soit nous prévoyons dès aujourd'hui une nouvelle règle claire, soit nous attendons dix ans que la Cour de cassation ait élaboré une nouvelle jurisprudence, soit dix ans d'insécurité juridique et de contentieux.
A cela s'ajoute, sur un plan politique, que la discussion de cette question aura lieu grâce à une initiative parlementaire : au Gouvernement, alors, de prendre ses responsabilités – et je ne doute pas qu'il saura le faire d'une manière ou d'une autre. Pour une fois que nous avons la main, gardons-là !
La Commission adopte l'amendement AC 3.
Puis elle adopte, à l'unanimité, l'article unique de la proposition de loi ainsi modifiée.
La séance est levée à douze heures trente-cinq.