COMMISSION CHARGEE DES AFFAIRES EUROPEENNES
Mercredi 28 janvier 2009
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission
La séance est ouverte à seize heures quinze
Cet examen au titre de la subsidiarité et de la proportionnalité intervient dans le cadre informel décidé en liaison avec la Commission européenne, avant l'entrée en vigueur des dispositions donnant explicitement cette compétence aux parlements nationaux, lesquelles figurent dans le traité de Lisbonne.
Ce test concerté de subsidiarité sur la proposition de directive relative aux transplantations d'organes a été décidé par la COSAC des 3 et 4 novembre dernier, qui s'est déroulée à Paris lors de la présidence française.
La Commission européenne a présenté sa proposition de directive le 9 décembre et c'est le 10 décembre, le lendemain, que le délai de huit semaines imparti aux parlements nationaux pour se prononcer sur les éventuelles atteintes aux principes de subsidiarité et de proportionnalité a commencé à courir.
Ce délai, déjà bref, est raccourci par l'interruption des travaux due aux fêtes de fin d'année. La dernière fois, la Commission avait présenté sa proposition en juillet, peu de temps avant l'interruption du mois d'août. Il conviendrait qu'à l'avenir, elle tienne mieux compte de tels éléments.
C'eût été, en l'espèce, d'autant plus nécessaire que la question des dons et transplantations d'organes est très délicate puisqu'elle met en jeu le plus profond des convictions de chacun. C'est un dossier sensible où les choix sont, en définitive, assez peu simples.
Le contexte est, en outre, difficile, marqué par une pénurie d'organes avec une estimation de 56.000 patients en attente de transplantation pour les pays de l'Union européenne. S'agissant de la France, 360 décès en liste d'attente sont intervenus en 2007. Ces personnes étaient dans l'espoir de bénéficier d'un don.
Après consultation tant de l'Agence de biomédecine, organisme national compétent, que de la Direction générale de la santé, il apparaît que la proposition de la Commission ne porte pas atteinte au principe de subsidiarité ni non plus au principe de proportionnalité.
En ce qui concerne la question de la subsidiarité, il faut préalablement remarquer que la Communauté européenne dispose d'une compétence claire en la matière, prévue à l'article 152 du traité. D'une part, elle peut adopter des mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité des organes et substances d'origine humaine sans que ces mesures empêchent un Etat membre de maintenir ou d'établir des mesures de protection plus strictes. D'autre part, il est prévu que l'action de la Communauté dans le domaine de la santé publique respecte pleinement les responsabilités des Etats membres en matière d'organisation et de fourniture de services de santé et de soins médicaux et, qu'en particulier, les mesures ne doivent pas porter atteinte aux dispositions nationales relatives aux dons d'organes ou à leur utilisation à des fins médicales.
Le traité de Lisbonne n'apporte aucune modification de fond à ces éléments.
C'est d'ailleurs sur la même base juridique que sont déjà intervenus plusieurs textes sur le sang et les composants sanguins ainsi que les tissus et les cellules.
J'insiste également sur les délais. La présente proposition a été diffusée avant la « trêve des confiseurs », la précédente l'avait été avant celle des « baigneurs ». La Commission européenne doit modifier ses pratiques.
Pour ce qui concerne le texte proposé, il n'y a pas matière à réserve ni sur la subsidiarité, ni sur la proportionnalité.
Sur le premier point, on doit ajouter cinq précisions.
D'une part, les différences actuelles de niveau entre les Etats membres peuvent justifier une intervention communautaire au regard des objectifs du haut niveau de protection de la santé fixés par le traité. Néanmoins, il ne faut pas méconnaître que les échanges de greffons sont extrêmement peu nombreux d'un Etat à l'autre. C'est le résultat de la faiblesse de la durée de conservation des organes, même lorsqu'il ne s'agit pas d'organes vitaux.
D'autre part, la proposition de directive ne comprend pas la totalité des actions souhaitées par la Commission européenne en la matière, puisqu'une partie d'entre elles est prévue dans le plan d'action sur le don et la transplantation d'organes (2009-2015), qui propose des actions prioritaires dans le cadre de la compétence communautaire d'encouragement à la coopération entre les Etats membres et d'appui à leurs actions.
Dans ces circonstances, le texte proposé s'en tient au plus important avec, notamment, un programme national de qualité dans chaque Etat membre, l'obligation de prévoir une autorité nationale de contrôle des prélèvements et des greffes, des règles précises pour les organismes d'obtention comme pour les centres de transplantation, l'obligation de caractériser les organes et les donneurs afin d'éviter les transmissions de pathologie, une traçabilité entre donneur et receveur, un système de notification des incidents et réactions indésirables, ainsi que le cadre de l'échange d'informations entre les autorités compétentes des Etats membres et celui des échanges avec les pays tiers, pour éviter les trafics. Ces précautions d'ordre éthique et vital sont nécessaires, notamment dans les relations avec quelques pays très peu développés.
De plus, la proposition permet aux Etats qui coopèrent déjà entre eux dans le cadre des trois organismes existants, Scandiatransplant, pour l'Europe du Nord, Eurotransplant, pour certains pays d'Europe continentale, et UKtransplant, pour les îles britanniques, de poursuivre ces coopérations.
En outre, la proposition de directive respecte bien les compétences des Etats membres sur les éléments bioéthiques, à savoir le consentement et les autorisations préalables à l'obtention d'un organe. Le principe de subsidiarité va d'ailleurs assez loin en la matière puisqu'il rend, en pratique, impossible la mise en oeuvre d'une carte européenne de donneur en dépit de l'intérêt que l'on peut lui porter a priori.
Enfin, la proposition de directive fixe, du point de vue de la France, un cadre administratif et sanitaire incontestable et d'autant plus acceptable qu'il est proche de celui déjà en vigueur en France. Celui-ci est d'ailleurs le résultat de plusieurs années de travail au sein d'un groupe d'experts.
En ce qui concerne le principe de proportionnalité, la proposition n'appelle pas non plus d'observation.
Il convient d'être uniquement vigilant sur le statut de la liste des données servant à caractériser les organes. Cette liste doit être indicative et non impérative, de manière à éviter tout risque de difficulté pour les Etats qui voudraient aller au-delà.
D'une manière générale, il doit d'ailleurs être clair que l'adoption de la future directive ne doit entraîner aucune régression dans aucun Etat membre. Les niveaux d'excellence atteints par certains ne sauraient, en effet, être remis en cause.
Ces conclusions positives, selon lesquelles les principes de subsidiarité et de proportionnalité sont respectés, rejoignent celles des commissions de certains parlements nationaux, notamment de Slovénie, de Lituanie, du Portugal, d'Italie et de Chypre. Au Royaume-Uni, la Chambre des Communes a demandé quelques précisions complémentaires. Il est en tout état de cause difficile de dresser, à l'heure actuelle, un bilan précis car les examens, notamment lorsqu'ils exigent l'intervention d'une commission permanente à côté de la Commission des affaires européennes, ne sont pas encore achevés.
A titre complémentaire, pour la France, il faut signaler l'intérêt de la carte de donneur d'organes et de tissus humains, que l'on peut directement obtenir auprès de l'Agence de biomédecine, qui a succédé à l'Etablissement français des greffes.
Cette carte facilite les procédures. Si, dans notre pays, tout le monde est présumé donneur, car il n'existe qu'un registre national des refus, en pratique, la famille des personnes décédées est toujours consultée et il est considéré qu'elle peut faire part d'un refus. »
Conformément à la proposition des rapporteurs, la Commission a adopté, au regard de la subsidiarité et de la proportionnalité, les conclusions suivantes sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation COM (2008) 818 final :
« La Commission chargée des affaires européennes considère que la proposition de directive n'est pas, à ce stade et en l'état des informations dont elle a pu disposer, contraire aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. »
Le Président Pierre Lequiller. Nous avons le plaisir d'accueillir M. Claude Mandil, ancien directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie, pour faire le point sur la sécurité énergétique de l'Europe. Je lui demanderai d'abord quelle est son analyse de la dernière crise gazière et quels enseignements l'Union européenne doit tirer de l'interruption inédite de la fourniture de gaz par la Russie. Je lui demanderai ensuite son opinion sur la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique présentée par la Commission européenne en décembre 2008. Je lui demanderai enfin quelle appréciation il porte sur le « paquet énergie-climat » et quelles sont les perspectives pour l'accord post-Kyoto au sommet de Copenhague. Au terme de son exposé, j'appellerai les questions de mes collègues.
Je me dois de rappeler en préambule que je n'ai ni fonction ni mission. Je suis maintenant retraité, et même si je continue à m'intéresser de très près à ce sujet, je ne dispose peut-être pas de toutes les informations pertinentes. Il y a un an, alors que se préparait la présidence française de l'Union européenne, le Premier ministre m'a demandé de rédiger un rapport relatif à la sécurité énergétique de l'Union, que je lui ai remis en avril 2008. Il contient des recommandations qui restent valables, mais il est empreint d'une tonalité bienveillante à l'égard de la Russie que je ne reprendrais peut-être pas aujourd'hui.
Si l'on envisage l'Europe globalement, l'inquiétude qui se manifeste est parfois excessive, car la situation énergétique n'est pas mauvaise. En effet, le bouquet énergétique européen est assez bien réparti entre le pétrole, le gaz, le nucléaire et les énergies renouvelables, et les fournisseurs sont également diversifiés. Ainsi, le gaz représente un quart de l'énergie primaire consommée en Europe et la Russie fournit le quart de ce quart, soit moins de 7 % de la consommation énergétique européenne globale. Ce ne devrait donc pas être un sujet d'angoisse – si ce n'est qu'un très grand « mais » justifie que l'on s'en préoccupe : cette proportion est une proportion moyenne, qui recouvre des situations très disparates. Certains pays, dont le nôtre, consomment très peu de gaz ; d'autres, comme les Pays-Bas et l'Italie, en consomment beaucoup. Certains pays, tels l'Espagne et le Portugal, ne dépendent pas du tout de la Russie pour leur approvisionnement en gaz ; d'autres, tels la Slovaquie, la Pologne ou les pays baltes, en dépendent entièrement. Ce n'est donc pas simple spéculation intellectuelle de se demander si, en cette matière, les données pertinentes sont les données moyennes ou les données nationales.
Or, pour que les données européennes moyennes soient pertinentes, il faudrait qu'existe une parfaite solidarité européenne telle que, si une rupture d'approvisionnement se produit en un lieu, la relève est prise immédiatement. C'est ce qui se passe au niveau national : personne ne se préoccupe du taux de dépendance de la Bretagne ou de l'Alsace, et l'on sait que si un tuyau se rompt en Alsace, on trouvera quoi qu'il en soit le moyen d'alimenter la région en gaz.
Les choses ne se passent pas ainsi au sein de l'Union européenne actuellement. Cela explique, même si c'est très regrettable, que chaque pays cherche à assurer seul sa sécurité d'approvisionnement en gaz et, cela explique par ricochet le caractère incantatoire des appels à la solidarité qui jalonnent les Conseils européens successifs. Ils restent lettre morte et cette absence de solidarité a eu pour conséquence, il y a quelques jours encore, les très grandes difficultés que certains pays ont connues.
Une des conclusions de mon rapport reste donc valable : il est vain de parler de sécurité énergétique européenne si l'on ne commence pas par assurer la solidarité. Cette prise de position n'est pas seulement celle d'un partisan convaincu de la construction européenne idéaliste ou naïf ; c'est un avis presque cynique. En effet, la solidarité est en soi une assurance, car elle permet de garantir la sécurité au moindre coût. De plus, elle permettrait d'éviter que des gens qui ne nous sont pas spécialement favorables tentent en permanence d'enfoncer un coin entre les Etats membres. Ainsi a-t-on vu M. Dmitri Medvedev refuser à la présidence tchèque ce qu'il a accordé à Mme Angela Merkel ; ainsi a-t-on assisté à des interférences inadmissibles pour amener la Bulgarie à accepter des discussions bilatérales avec la Russie. Rien de tout cela ne se produirait s'il existait une solidarité européenne complète. Comment y arriver ?
Il faut, en premier lieu, une volonté politique. Or, elle ne va pas de soi. Pour préparer mon rapport, j'ai parcouru les capitales européennes ; à Berlin et à Prague, j'ai reçu un accueil très frais. On m'y a indiqué ne pas du tout aimer cette idée, que l'on m'a prié de ne pas retenir. Ce serait une version contemporaine de « La cigale et la fourmi », ont fait valoir mes interlocuteurs : nous ferions toutes les dépenses et nous prendrions toutes les précautions pour que certains de nos voisins se sentent protégés sans avoir consenti aucun effort. Allemands et Tchèques n'ont pas entièrement tort. C'est pourquoi j'ai adjoint, dans mon rapport, la notion de responsabilité à celle de solidarité.
Chacun doit faire des efforts. Des textes existent qui l'exigent, mais ils ne sont malheureusement pas appliqués. Ainsi, la directive 2004-67 concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement en gaz naturel prévoit que chaque Etat membre doit établir et communiquer à la Commission européenne un plan de crise – mais qui a seulement songé demander à la Bulgarie, il y a quinze jours, quel était son plan d'urgence ? Comme cela arrive très souvent, il suffirait parfois, pour améliorer une situation, que les décisions prises soient appliquées…
La solidarité responsable ne suffit pas néanmoins. Il faut aussi des interconnexions permettant de transporter le gaz là où on a besoin. Or, elles font si singulièrement défaut que certains pays européens, les Pays baltes par exemple, sont isolés du reste de l'Union pour ce qui concerne la distribution du gaz – comme de l'électricité. On a encore prétendu que certains tuyaux ne pourraient fonctionner que dans un sens ; cela me paraît peu vraisemblable mais, si tel est le cas, il est urgent de prendre les dispositions techniques permettant qu'il en aille autrement.
Pour que le système fonctionne, il faut aussi mettre au point un mécanisme efficace de décision et d'application des décisions. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a créé un tel mécanisme pour la gestion des crises pétrolières. Ce dispositif de solidarité – les Etats ayant adhéré à l'AIE sont astreints à constituer des stocks de pétrole représentant 90 jours d'importation nette – a fait la preuve de son utilité en 2005. Après que des ouragans eurent détruit les raffineries du Texas et de Louisiane, il a suffi d'une demi-journée au conseil d'administration de l'AIE pour constater la crise, mettre 60 millions de barils sur le marché et juguler immédiatement la rupture d'approvisionnement qui menaçait les Etats-Unis. Mais, on le sait, certains Etats membres de l'Union ne sont pas encore membres de l'AIE. L'Union européenne devrait donc mettre au point un dispositif spécifique pour le gaz – et aussi pour l'électricité, qui pose un problème différent en ce qu'elle ne peut être stockée. Il ne peut s'agir que d'un mécanisme supranational à confier à la Commission européenne ; sous le contrôle du Conseil, les décisions nécessaires pourraient être prises en quelques heures.
En résumé, ce qui manque à l'Union européenne, c'est un mécanisme pratique et actif de solidarité, assorti d'investissements urgents pour le transport transfrontalier du gaz et de l'électricité.
Quelques mots sur l'attitude de la Russie. Il y a un an, j'invitais à ne pas exagérer les difficultés avec ce pays et à tenir compte du fait que le gaz russe ne représente qu'une fraction de l'approvisionnement en gaz de l'Union européenne – à condition, encore une fois, que l'on parle de l'approvisionnement européen comme d'un tout, mais pas si l'on envisage, par exemple, la seule Slovaquie. J'observais que l'Union européenne, en se montrant plus inquiète qu'elle ne devrait l'être, donnait des armes à la Russie, qui se croit plus forte qu'elle ne l'est. Je plaidais pour que l'Union européenne fasse savoir à la Russie que certes son gaz lui plaît mais qu'elle dispose de solutions alternatives pour le gaz marginal : l'efficacité énergétique et le gaz naturel liquéfié. Ce dernier présente la caractéristique très attrayante pour la sécurité d'approvisionnement d'être « flexible ». Qui est alimenté par un tuyau dépend de son fournisseur ; en revanche, les méthaniers peuvent charger du gaz dans tout terminal méthanier et débarquer leur cargaison là où on la leur paye plus cher. Cette souplesse a un coût, mais elle procure une sécurité d'approvisionnement incomparable. Pour cette raison, la multiplication des terminaux méthaniers en Europe est une nécessité absolue. Il faut ajouter que dans la plupart des pays le gaz est utilisé pour fabriquer de l'électricité. Dans ce contexte, demander la fermeture de certaines centrales nucléaires qui ne demandent qu'à tourner n'est pas le meilleur des signaux à adresser à MM. Poutine et Medvedev.
A ce que je disais il y a un an, j'ajouterai aujourd'hui qu'au cours de la dernière crise, l'attitude du gouvernement russe a été inqualifiable ; ce n'est pas celle d'un gouvernement civilisé. Sans prendre parti dans la querelle entre l'Ukraine et la Russie, je constate qu'elle a initialement été présentée comme un différend commercial. Pour régler ce type de litige, on a recours aux tribunaux d'arbitrage, qui sont faits pour cela. En France, on a admis progressivement qu'un locataire doit payer son loyer mais que s'il ne le paye pas, on ne l'expulsera pas avant le mois de mars. Couper l'approvisionnement en gaz de populations entières au plus froid de l'hiver n'est pas la marque d'un pays civilisé. Il n'est que trop clair que la motivation du gouvernement russe était au moins autant politique que commerciale ; il a jugé utile de faire exploser la coalition au pouvoir en Ukraine et considéré que c'était une manière intelligente de le faire.
De plus, le système gazier russo-ukrainien est d'une opacité complète. L'entreprise gazière ukrainienne Naftogaz Ukraïny n'achetait pas directement à Gazprom mais par le biais de l'intermédiaire RosUkrEnergo. Cette entreprise, dont le siège se trouve dans le canton suisse de Zoug, est détenue pour moitié par Gazprom et pour moitié par des hommes de paille dont nul ne sait pour qui ils travaillent. Personne ne sait non plus à qui vont les bénéfices réalisés. Il a été convenu que RosUkrEnergo n'interviendrait plus dans le processus, mais on ignore ce que devient l'entreprise : est-elle dissoute ? Sert-elle de conseil à quelqu'un qui encaisse les bénéfices ?
En conclusion sur ce point, j'ai le regret de dire qu'il faut moins faire confiance au fournisseur russe que je ne le pensais il y a un an. Cela rend plus urgente la nécessité de renforcer l'efficacité énergétique de l'Union européenne et la répartition de ses sources d'approvisionnement. Pour plus de transparence, il faut aussi exiger des protagonistes, dont l'Ukraine, qu'ils se dotent d'un régulateur.
Il faudra aussi tirer de cet épisode des enseignements quant aux projets de gazoducs Nord Stream, South Stream et Nabucco. Dans le rapport que j'ai rendu au Premier ministre, je soulignais que l'Union européenne devait tenir un discours beaucoup plus entreprenant aux pays producteurs de gaz riverains de la Caspienne. Jusqu'à présent, ils ont cherché à ménager la chèvre et le chou, encouragés qu'ils étaient à garder de bonnes relations avec la Russie par la grande faiblesse politique d'une Union européenne qui ne parle pas d'une seule voix, ce qui est bien dommage. Ils ont donc conclu avec la Russie des contrats de livraison de gaz considérables, si considérables qu'il restera bien peu de gaz à transporter dans le gazoduc Nabucco. Au Turkménistan, au Kazakhstan, il faut dire : « Voyez ce qui se passe quand vous dépendez de Gazprom ; on n'hésite pas à couper les tuyaux. Considérez qu'il serait peut-être utile de garder une part significative de votre gaz pour la vendre à l'Union européenne ».
Pour m'en tenir au temps que vous m'avez imparti, je m'arrêterai là, mais je suis à la disposition des commissaires qui voudraient m'interroger.
Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie pour cet exposé passionnant.
Vous avez en partie répondu aux questions que M. André Schneider et moi-même, désignés par notre commission comme rapporteurs d'information sur la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique, nous nous posions. Je vous demanderai toutefois quelques éclaircissements. Selon vous, la Russie constitue-t-elle un risque réel ou bien, l'interdépendance économique étant avérée, sommes-nous engagés dans une partie de poker menteur ? Après tout, la Russie doit écouler son gaz. Peut-on par ailleurs considérer comme un partenaire politiquement crédible, avec lequel négocier des accords, un gouvernement que vous décrivez comme n'étant pas civilisé ? Ne sera-t-on pas constamment engagé dans un rapport de forces ? S'agissant de l'opacité dans le secteur gazier, on a souvent l'impression d'une connivence ; pensez-vous, par exemple, que des actions contentieuses seront lancées par les compagnies gazières européennes, comme elles devraient l'être puisque des contrats n'ont pas été respectés ? Qui, selon vous, contrôle les réseaux de transport de gaz – les constructeurs, les pays de transit, d'autres ?
Lors de la réunion de la XLème COSAC, vous avez déclaré qu'il fallait à la fois plus d'énergies renouvelables et plus d'énergie d'origine nucléaire – mais dans quelles proportions respectives ? Même si la Chine mène à bien son programme de construction de vingt centrales nouvelles à l'horizon 2020, cela ne fera passer sa consommation d'énergie d'origine nucléaire que de 1,5 à 3 % de sa consommation énergétique totale. Cela signifie-t-il que le nucléaire restera toujours une source d'énergie marginale dans le monde ?
L'électricité n'étant pas stockable, vous appelez à une mutualisation européenne. Mais quelle conséquence la mutualisation aura-t-elle sur les tarifs tant pour les entreprises que pour les ménages, le tarif réglementé étant dès lors voué à disparaître ? Que deviendra la rente nucléaire ? Considérez-vous, comme d'autres, qu'il faut, par l'augmentation du prix de l'énergie, donner un signal aux consommateurs, et utiliser la rente nucléaire pour aider les ménages les plus modestes pendant la période de transition ?
Vous avez indiqué, lors de la même réunion de la COSAC, que le bilan coût-efficacité de certaines énergies renouvelables n'est pas forcément le meilleur ; pourriez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet ? D'autre part, dans un entretien accordé à L'Usine nouvelle en septembre 2007, vous indiquiez que l'« on ne peut guère aller plus loin sur l'efficacité énergétique des véhicules » ; mais alors, que pensez-vous des normes définies à ce sujet dans le « paquet énergie-climat » ? Enfin, pensez-vous que les contrats conclus entre les pays de la mer Caspienne et la Russie pourraient être remis en cause ?
Le Président Pierre Lequiller. Quels pays seraient favorables à l'instauration d'une solidarité européenne complète ? Selon vous, la France l'est-elle vraiment ?
Le président de la République et le gouvernement s'interrogent sur la possibilité de lancer un nouveau réacteur nucléaire EPR, dont l'utilité pour le marché français n'apparaît pas de manière flagrante. Serait-ce une stratégie visant à faire de la France le fournisseur d'énergie nucléaire de l'Europe pour desserrer un peu l'étreinte gazière ?
La Russie représente-t-elle un risque réel ? L'expérience du mois dernier incite à répondre par l'affirmative. Elle ne représente pas un très, très gros risque, mais un risque, oui, puisqu'elle a administré la preuve qu'elle pouvait décider de fermer les vannes. Il faut savoir qu'il est difficile et périlleux d'intervenir sur le niveau de la production d'un gisement de gaz ; ce qui n'est pas produit doit être stocké sans mettre le gisement en péril. Or, il est intéressant de se reporter à une annonce faite par l'AIE et passée inaperçue : en novembre et en décembre derniers, les stockages de Gazprom en Russie étaient anormalement bas. Cela signifie que « l'opération ukrainienne » était préméditée : la Russie avait pris les dispositions nécessaires pour couper le gaz sans porter préjudice au gisement, sans que l'on puisse dire pour combien de temps.
La question des grands gazoducs est très perturbante, et je n'ai pas d'idée arrêtée à ce sujet. Trois projets sont envisagés : Nord Stream, South Stream et Nabucco. Nord Stream, qui passerait au fond de la mer Baltique pour relier directement la Russie à l'Allemagne, a été présenté de façon si calamiteuse que la Pologne y a vu une agression dirigée contre elle. Cela étant, je pense qu'il s'agit d'un projet utile, bon pour la Russie, bon pour l'Allemagne et indirectement bon pour l'Union européenne car dans quelques années le gigantesque gisement de Shtokman, dont Total possède 25 %, sera mis en exploitation dans la mer de Barents, et Nord Stream sera très utile pour acheminer ce gaz en Europe. Il faut démontrer à la Pologne que ce gazoduc est aussi utile pour elle ; ce n'est pas difficile puisque, pour alimenter la Pologne, il suffit de prévoir une petite bretelle de raccordement au-delà de l'Oder. Mais la tension politique est apparemment telle entre la Pologne et l'Allemagne que l'entremise d'un pays tiers – peut-être celle de la France ? – serait nécessaire pour l'apaiser.
South Stream a été uniquement conçu pour contourner l'Ukraine et porter un coup fatal à Nabucco, lequel cumule les handicaps. Le premier est qu'actuellement il n'a pas, ou plus assez, de gaz à transporter, l'essentiel du gaz provenant des gisements des pays riverains de la mer Caspienne faisant l'objet de contrats de vente à Gazprom – et je ne puis vous dire s'il est possible de modifier ces contrats, car l'opacité la plus grande règne. A terme, il y aura le gaz iranien, et c'est pourquoi le projet Nabucco est intéressant, mais cela ne se fera que lorsqu'on pourra travailler avec un Iran civilisé – quand ? Autre handicap : Nabucco traverse la Turquie, dont les dirigeants, outre qu'ils font savoir qu'ils ne laisseront dans le tuyau que le gaz dont leur pays n'aura pas besoin, se livrent à un chantage en indiquant qu'ils détermineront leur position sur le projet en fonction de la position que prendra l'Union européenne sur leur demande d'adhésion.
Dans ce contexte, si l'on me disait qu'un seul de ces projets se fera, et qu'on me demandât lequel, je répondrais Nord Stream.
La Russie est-elle un partenaire crédible ? Je l'avais espéré, j'en suis moins sûr. On pourrait encore faire un test. Boris Eltsine étant président, la Russie a signé le traité instituant la Charte de l'énergie mais elle refuse de le ratifier pour différentes raisons, bonnes – « Vous nous demandez de ratifier la Charte mais vous ne le demandez pas à la Norvège, qui est notre principal concurrent » – ou mauvaises. Toutefois, les chefs d'Etat et de gouvernement du G8, réunis en 2006 à Saint-Pétersbourg sous la présidence de M. Poutine, ont déclaré « adhérer aux principes » de la Charte. Cette déclaration étant à la fois très forte et très creuse, il serait utile que la prochaine réunion du G8, sous présidence italienne, soit l'occasion d'en préciser la signification et de dire par quels outils juridiques ou diplomatiques, existants ou à créer, on la fera appliquer. On verra alors comment réagit la Russie ; si elle dit considérer ces principes comme caducs, elle donnera une nouvelle preuve de ce qu'elle n'est pas un partenaire fiable.
Hors de l'Union européenne, l'opacité est totale, notamment pour ce qui concerne le transit du gaz en Ukraine. L'Union européenne a fait d'énormes progrès en matière de transparence par le biais de la directive sur le gaz, en séparant les fonctions de transporteur, de fournisseur et de régulateur. Je suis favorable à la séparation patrimoniale des activités de production, distribution et de transport – ownership unbundling –, et la crise a donné une preuve supplémentaire de son utilité. L'Union européenne, ayant besoin d'experts à dépêcher en Ukraine, les a trouvés là où ils sont, dans les réseaux de transport. Ce sont des gens éminemment compétents, mais ils appartiennent à GDF-Suez, une entreprise en concurrence avec les autres opérateurs ; on ne peut donc s'attendre à ce qu'ils portent une appréciation équitable sur ce qui se passe en Ukraine. S'il y avait eu séparation patrimoniale – qui n'existe pas davantage en Allemagne –, il en aurait été tout autrement. Il faut prendre son parti de la nouvelle donne : désormais, en Europe, les opérateurs sont en concurrence les uns avec les autres.
Y aura-t-il des actions contentieuses ? Je crains que non, car le fonds de commerce des intéressés, ce sont les accords avec Gazprom…
Qui contrôle les réseaux ? Les gestionnaires de réseau, un peu trop souvent liés aux opérateurs. En Russie, c'est Gazprom, en Ukraine, formellement c'est Naftogaz Ukraïny mais en réalité on ne sait pas ; on peut demander avec force à l'Ukraine une plus grande transparence.
Il est très difficile de dire avec précision quelle sera, sur le long terme, la part des énergies renouvelables. L'ampleur de l'objectif est si considérable qu'on a du mal à l'appréhender. Actuellement, les rejets de gaz à effet de serre, tous pays confondus, sont de 25 milliards de tonnes par an. Si nous laissons la tendance se prolonger, le total des émissions sera de 65 milliards de tonnes en 2050. Or, selon le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), si l'on veut limiter l'augmentation moyenne de la température, il faut qu'à cette date les émissions d'équivalent CO2 ne dépassent pas 13 milliards de tonnes. Je suis pessimiste.
Cette situation signifie en tout cas que l'on ne peut privilégier une solution plutôt qu'une autre. Il faudra beaucoup de tout – nucléaire et énergies renouvelables -, avec tout le monde et, serais-je tenté de dire, tout de suite. A cet égard, l'action qui a l'effet le plus immédiat et le plus important est l'efficacité énergétique, c'est-à-dire une moindre consommation énergétique pour un même PIB. On peut en espérer entre le tiers et la moitié de l'objectif fixé. Pour le reste, il faudra beaucoup d'énergies renouvelables, avec les limites qu'on leur connaît, beaucoup de nucléaire, beaucoup de capture et de séquestration de carbone. L'une des difficultés spécifiques au nucléaire, que perçoivent même ceux qui, comme moi, y sont extrêmement favorables, c'est qu'il doit lui-même se renouveler. La plupart des centrales en activité arriveront en fin de vie en 2020, et leur seul remplacement demandera à l'industrie des efforts gigantesques. Cela signifie qu'en valeur relative l'augmentation de l'énergie d'origine nucléaire ne sera pas considérable.
Vous m'avez interrogé sur le devenir des prix réglementés. Je suis favorable à l'achèvement du marché intérieur, et je considère que les prix réglementés – c'est-à-dire subventionnés – sont une mauvaise chose, pour trois raisons. En premier lieu, ils indiquent aux producteurs qu'ils ne pourront pas augmenter leurs prix, ce qui les dissuade d'investir. Ensuite, des prix bas n'incitent pas les consommateurs à économiser l'énergie. Enfin, les prix réglementés ont un effet contraire à la volonté politique de ceux qui les promeuvent puisqu'on subventionne plus les riches – qui consomment plus – que les pauvres.
Plutôt que de maintenir des prix réglementés, il faut parvenir à un marché vraiment concurrentiel – et il y a beaucoup à faire pour cela. Certes, la libéralisation du marché est achevée au sein de l'Union européenne, mais à quoi est-on arrivé à ce jour ? A vingt-sept marchés libéralisés, avec des possibilités pratiques d'échanges très limitées faute d'interconnexions suffisantes, les réseaux de transport n'ayant pas les mêmes particularités. Pour ne donner qu'un exemple, la teneur en impuretés admissible n'étant pas la même en France et en Belgique, nous ne pouvons pas exporter du gaz vers la Belgique. C'est absurde.
En France même, on ne peut dire que le marché « libéralisé » fonctionne correctement quand l'opérateur historique détient 85% des parts de marché. J'ai beaucoup d'estime pour les petits opérateurs qui se sont créés, mais je ne pense pas qu'ils suffiront à susciter une concurrence réelle à EDF. Elle sera le fait des grands groupes que sont GDF-Suez, E.ON, Enel ou RWE. Le consommateur doit pouvoir négocier pour acheter son électricité en base.
Je suis très favorable aux énergies renouvelables, mais je sais que l'argent va manquer. Il faut donc commencer par ce qui est obtenu au moindre coût. A cet égard, l'éolien sur terre n'est pas loin d'être compétitif ; il faut l'accepter, et plus il y en aura mieux ce sera. Il en va autrement pour l'éolien offshore, terriblement coûteux et donc rigoureusement non rentable ; je ne suis pas certain qu'il soit judicieux de faire supporter ce surcoût par les consommateurs.
La production d'énergie photovoltaïque est encore bien plus onéreuse. Or, au lieu de privilégier les programmes de recherche et développement sur le photovoltaïque du futur, dont les scientifiques s'accordent à dire qu'il diffèrera complètement de ce qui existe actuellement, on permet, par des subventions considérables, le maintien sur le marché d'une technologie sans avenir et on dépense en pure perte l'argent des consommateurs.
Cet avis n'est pas unanimement partagé, et bien des communes se lancent dans des projets d'envergure.
C'est qu'il y a un effet d'aubaine que je juge pernicieux, car l'argent serait beaucoup mieux utilisé s'il était consacré à la recherche sur le photovoltaïque de la génération suivante.
Si j'ai dit à l'Usine nouvelle ce que vous avez mentionné, j'ai eu tort ! Je pense qu'il existe encore de très importantes possibilités de progrès avec les moteurs actuels. Les constructeurs les chiffrent à 30 %, ce doit donc être davantage encore… Certaines pistes d'amélioration relèvent du législateur. Ainsi, les normes de consommation énergétiques des véhicules doivent maintenant être affichées. Ce qu'on ne dit pas, c'est que, la réglementation étant muette sur ce point, les essais sont faits phares, chauffage, radio et climatisation éteints. Il en résulte, puisque l'on ne mesure jamais leur consommation énergétique spécifique, que l'on n'a aucun moyen de savoir lesquels de ces accessoires consomment peu, ni aucune incitation à les choisir. Or si certains systèmes de climatisation sont très efficaces, d'autres ne le sont pas, et ils devraient être chassés du marché.
Quels pays ont donné leur accord à la mutualisation énergétique ? La Pologne, avec enthousiasme ; la Grande-Bretagne, après quelques hésitations, a estimé que c'était une très bonne idée. Il ne me revient pas de dire quelle est la position du gouvernement français mais il s'y est déclaré très favorable, et la présidence française a repris cette partie de mes conclusions dans les documents préparatoires au Conseil « Transports, Télécommunications et Energie » et au Conseil européen. Je suis convaincu que les problèmes énergétiques en Europe ne peuvent plus être traités prioritairement au niveau des Etats – il faut désormais une vision européenne.
M. Christophe Caresche m'a interrogé sur le nucléaire. J'y suis, je vous l'ai dit, très favorable. Cela me met très à l'aise pour dire que si la politique suivie est uniquement nationale, la France aura trop d'énergie d'origine nucléaire : 80 % d'électricité ainsi produite, c'est risqué – mais aussi inefficace. Il faut en effet savoir que le taux de disponibilité de nos centrales est sensiblement inférieure à celui de l'Allemagne car, notre marché étant essentiellement national, certains doivent être arrêtés durant les heures creuses. Si le nucléaire français ne représentait plus 80 % de la production d'électricité française mais 15 à 20 % de la production d'électricité européenne, les centrales tourneraient sans cesse – temps de maintenance excepté – et, durant les heures creuses, elles exporteraient massivement. Ce serait bon pour les consommateurs et pour les opérateurs et très bon pour la planète car on remplacerait par cette électricité d'origine nucléaire un peu de l'électricité allemande produite au charbon. Ce serait donc un très grand progrès. En résumé, ce n'est pas la France qui a besoin de deux EPR, mais l'Europe ; s'ils sont en France, pourquoi pas ? Mais pour qu'il soit simple à un Allemand d'acheter de l'électricité nucléaire française, il faut des interconnexions et un marché intérieur achevé.
Le Président Pierre Lequiller. Quelles sont précisément les entraves ?
Si un consommateur allemand veut acheter de l'électricité à EDF, il doit négocier avec deux opérateurs de réseau qui n'ont pas les mêmes normes et avec deux régulateurs dont l'un est tout récent et connaît mal son métier. Il doit aussi s'assurer que les capacités de transport sont suffisantes ; or les lignes manquent.
Si l'on vous comprend bien, la France aurait tout à gagner à favoriser une politique énergétique européenne ?
Oui. Notre pays a été l'un de ceux qui ont le plus traîné les pieds pour l'achèvement du marché énergétique intérieur, alors même que nous avons le premier électricien, le premier constructeur de centrales nucléaires, une des premières entreprises gazières et une des cinq premières entreprises pétrolières mondiales ! Nous aurions dû nous battre pour que le marché intérieur soit achevé au plus vite, et les autres Etats membres être pétrifiés d'angoisse à l'idée que nos champions allaient pouvoir surgir chez eux !
Le Président Pierre Lequiller. Pourquoi n'en a-t-il rien été ?
C'est à vous plus qu'à moi qu'il revient de répondre. Je pense que l'opinion publique n'est absolument pas consciente de ce qui se joue. Prenons l'exemple de la ligne à haute tension entre la France et l'Espagne. Que l'on ne soit pas très heureux d'avoir une de ces lignes au-dessus de son jardin, soit, mais les arguments avancés laissent pantois : « La ligne ne sert à rien sinon à engraisser les actionnaires d'EDF » – alors que celle-ci est à 80 % propriété de l'Etat… Surtout, on n'a pas compris que cette ligne est essentielle à la sécurité de l'Espagne – qui, très dépendante de son réseau hydraulique, est gravement handicapée en cas de grande sécheresse – et qu'elle serait d'un intérêt majeur pour le consommateur français : si une panne affectait une de nos centrales nucléaires, nous serions heureux de pouvoir bénéficier de l'électricité provenant d'Espagne… Rien de tout cela n'a été expliqué.
Enfin, je suis très favorable aux terminaux méthaniers, y compris au Verdon-sur-mer et au Havre.
On voit cela autrement à Royan, ville dont je suis le maire. Toute la population de la rive droite de l'estuaire de la Gironde s'y oppose, et 75 à 80 % des habitants de la rive gauche. Le projet d'implantation d'un terminal méthanier au Verdon-sur-Mer a été très mal présenté par l'opérateur néerlandais, qui s'appuie sur le fonds d'investissement américain Carlyle. Nous ne nous y opposons pas par obscurantisme ou par égoïsme: nous avons déjà une centrale nucléaire dans le Blayais, en amont, et nous étions prêts à nous lancer dans le photovoltaïque, mais vos propos sur ce sujet donnent à penser.
Si nous sommes contre le projet de terminal, c'est en raison d'un risque de pollution majeure, notamment paysagère ; mais aussi du risque pour la biodiversité avec le passage de méthaniers de 300 mètres de long et 15 mètres de tirant d'eau, faisant remonter les métaux lourds dans le chenal d'accès, ce qui inquiète beaucoup les ostréiculteurs et les plaisanciers très nombreux. Si l'on a besoin de plus de GNL et donc de plus de terminaux méthaniers, pourquoi ne pas doubler les installations à Montoir-de-Bretagne, où cela ne pose aucun problème et où l'on est demandeur, et qui n'est pas un grand site touristique comme le nôtre. Je rappelle que la Charente-Maritime est le deuxième département touristique après le Var. Il y a aussi d'autres lieux d'accueil possibles, sans les mêmes problèmes à Dunkerque et à Antifer par exemple. Alors que nous sommes, nous dit-on, en surcapacité de stockage, pourquoi installer un terminal méthanier dans le dernier estuaire naturel d'Europe ?
Il n'est donc pas étonnant que les manifestations contre le projet d'implantation rassemblent de grandes foules. Ce serait un contresens énergétique, économique et surtout écologique. Il y a des lieux à aménager , d'autres à ménager ! J'aimerais que vous parveniez à en convaincre les instigateurs de ce projet. Quant à l'interconnexion dont vous nous dites qu'elle serait très utile pour l'Espagne, pourquoi l'Espagne ne l'accueille-t-elle pas ?
L'Espagne a déjà bien avancé les travaux lui incombant. Mon rôle n'est pas de convaincre qui que ce soit, et ce n'est pas l'objet de notre rencontre. Quoi qu'il en soit, l'implantation d'un terminal méthanier ne peut se faire contre l'opinion publique : si elle le refuse, cela ne se fera pas là. Vous avez évoqué Montoir-de-Bretagne ; la plage de La Baule est à cinq kilomètres, Saint-Brévin est encore plus près, et l'implantation du terminal méthanier n'a rien changé à l'affluence touristique.
La configuration des lieux n'est pas du tout la même. On ne voit absolument pas les cuves de Montoir-de-Bretagne depuis La Baule...
Vous tenez un raisonnement uniquement français, alors que les terminaux méthaniers ont un usage européen. C'est le syndrome « pas dans mon jardin », « not in my backyard », qui conduit insidieusement au « build absolutely nothing anytime any place », autrement dit « ne rien construire, nulle part, jamais » ! En tout cas, si je voulais acheter une maison à Saint-Georges-de-Didonne, la présence d'un terminal méthanier ne me gênerait en rien !
Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie, Monsieur Mandil, pour cet échange de vues particulièrement intéressant.
l Nomination
Le groupe UMP a désigné M. Thierry Mariani Vice-président de la Commission chargée des affaires européennes, en remplacement de M. Daniel Garrigue.
l Accords tacites sur les actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) au titre de l'article 88-4 de la Constitution
A la suite de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, le champ d'expression du Parlement est étendu « à tout document émanant d'une institution de l'Union ».
Certains projets d'actes PESC sont concernés par l'extension du champ d'intervention du Parlement. Ils sont généralement adoptés très rapidement par le Conseil de l'Union.
Le Gouvernement propose de nous adresser tout projet d'acte PESC examiné par le groupe des conseillers pour les relations extérieures (RELEX), en version française si elle est disponible, ou en version anglaise, en nous indiquant dans son envoi les éléments de calendrier prévus pour son adoption.
Dans des délais compatibles avec les éléments de calendrier précités, la Commission chargée des affaires européennes indique au service de la PESC que le projet d'acte PESC peut être considéré comme faisant l'objet d'une approbation tacite par la Commission ou qu'il doit faire l'objet d'un examen en réunion de Commission.
Dans le cas où le projet d'acte PESC est considéré comme faisant l'objet d'une approbation tacite par la Commission, le service de la PESC ne sollicite pas, auprès de la Représentation permanente, le dépôt d'une réserve parlementaire. Une fois disponible la version française du projet d'acte concerné, il saisit officiellement le Secrétariat général du Gouvernement aux fins de saisine de l'Assemblée nationale.
Lorsque le projet d'acte PESC est considéré comme devant faire l'objet d'un examen par la Commission, le service de la PESC s'assure de disposer d'une version française du texte dont il saisit officiellement le Secrétariat général du Gouvernement aux fins de saisine de l'Assemblée nationale. Il s'assure auprès de la Représentation permanente du dépôt d'une réserve parlementaire sur le projet d'acte. En fonction du délai d'adoption du texte, il décide ou non, de recourir à la procédure d'examen accéléré.
En pratique, cette procédure d'approbation tacite concernera la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations.
En revanche, tout projet d'acte PESC établissant une mission civile ou une opération militaire de l'Union européenne, au titre de la PESD, et tout projet d'acte PESC nommant un nouveau représentant spécial de l'Union européenne ou modifiant le mandat d'un représentant en place sont considérés comme devant faire l'objet d'un examen par la Commission chargée des affaires européennes.
La mise en oeuvre de cette procédure sera évaluée à la fin de l'année 2009.
Le Président Pierre Lequiller a proposé à la Commission d'approuver cette procédure.
La Commission a approuvé cette procédure.
l Accords tacites sur les projets de décisions de nominations
Le Président Pierre Lequiller a proposé à la Commission d'étendre aux projets de décisions de nominations soumises au Conseil de l'Union européenne la procédure d'approbation tacite mise en place le 23 septembre 2008 pour les décisions antidumping, puis le 29 octobre 2008 pour les virements de crédits, dans le cadre de l'application de l'article 88-4 modifié de la Constitution.
La Commission a approuvé cette décision.
La séance est levée à dix-huit heures trente