Convention entre la France et l'Organisation internationale de la Francophonie : mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la francophonie à Paris (n° 1479)
La séance est ouverte à onze heures.
La commission examine, sur le rapport de M. François Rochebloine, le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la francophonie à Paris (n° 1479).
Je voudrais en préambule dire quelques mots de la belle aventure qu'est la francophonie, pour laquelle. 2008 aura été, à beaucoup d'égards, une année faste. J'ai eu l'occasion de dresser ce constat dans mon avis budgétaire de l'automne dernier sur les crédits consacrés à l'action culturelle et scientifique, au sein de la mission budgétaire Action extérieure de l'État. J'ai ainsi pu rappeler, par exemple, que l'été 2008 avait vu le français tenir sa juste place comme langue olympique à l'occasion des Jeux de Pékin. De façon plus fondamentale, c'était aussi l'occasion de rappeler la consécration constitutionnelle de la francophonie par la révision du 23 juillet 2008. En effet, un article 87 a été rétabli dans notre Constitution, qui dispose que « La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage ».
Dans ce contexte, il faut saluer l'engagement du Président de la République, à la suite de son prédécesseur, en faveur de la « cause francophone ». Nicolas Sarkozy déclarait en effet, dans son allocution prononcée le 20 mars 2008, à l'occasion de la Journée internationale de la francophonie : « La francophonie est et restera une priorité de la diplomatie française. » Dans cette même allocution, il rappelait qu'un pays membre de l'ONU sur trois participe à l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ; que plus de 200 millions de personnes ont le français en partage, de l'Amérique à l'Asie, en passant par l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique ; que 900 000 professeurs de français dans le monde enseignent chaque année notre langue commune à plus de 50 millions d'élèves.
C'est bien cette réalité et cette ambition qui sont présentes en filigrane lorsque l'on évoque le projet de Maison de la Francophonie à Paris. Je citerai encore le discours du Président de la République il y a près d'un an, qui évoquait en conclusion de son propos ce projet particulièrement cher au coeur du Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie, le Président Abdou Diouf : « Bientôt s'engagera le chantier de l'emménagement des institutions de la francophonie sur un site unique du 7e arrondissement de Paris. […] cette Maison de la Francophonie […] sera la marque symbolique de l'ambition que nous avons tous pour l'OIF : jouer un rôle toujours croissant, toujours plus visible au service de la langue française, au service des valeurs que nous avons en partage et au service d'un monde de paix, de développement et de progrès. »
Je me réjouis personnellement de l'heureux dénouement de ce dossier pour lequel une solution immobilière a enfin été trouvée. Après tant d'années d'atermoiements − puisque l'idée d'une Maison de la Francophonie a été officiellement évoquée dès 1997 −, et après l'abandon d'un précédent projet qui était tout près d'aboutir, pour loger cette Maison au 20, avenue de Ségur, nous touchons enfin au but. Mon rapport écrit détaille les « péripéties » qui ont conduit à l'échec du projet « Ségur ». Mais le retard pris aura donné du temps à la réflexion et, en définitive, la solution aujourd'hui trouvée est meilleure que la précédente.
J'ai pu visiter, il y a trois semaines, les lieux choisis pour installer cette « vitrine » de la Francophonie, au 19-21, avenue Bosquet. C'est un bel ensemble post-haussmannien, prestigieux sans être ostentatoire. La mobilisation est totale sur ce projet, depuis le représentant personnel du Président de la République pour la Francophonie, M. Christian Philip, et les personnels du service des Affaires francophones du Quai d'Orsay, jusqu'aux personnels de France Domaine et de la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), chargée de la maîtrise d'ouvrage. Tous font aujourd'hui diligence pour que la Maison de la Francophonie puisse ouvrir ses portes au printemps 2010.
À ce stade, il nous revient donc d'approuver un élément essentiel du dossier, à savoir la convention entre le gouvernement français et l'OIF relative à la mise à disposition des locaux que je viens de mentionner. Cette convention, signée le 18 octobre dernier, en marge du XIIe Sommet de la Francophonie à Québec, est simple dans sa facture, mais sa concrétisation repose sur un montage immobilier innovant.
Le contenu de la convention tient en sept courts articles précédés d'un bref préambule, qui contente de mentionner l'accord de siège de 1972 entre la France et l'OIF, en forme de discret rappel à nos devoirs d'État hôte. L'article 1er décrit l'objet de la convention, c'est-à-dire la mise à disposition de locaux pour établir la Maison de la Francophonie. Il précise qu'elle doit abriter « notamment l'OIF » et comprendre « des bureaux de liaison pour l'Assemblée consultative et les opérateurs ». Au total, ce sont 359 personnes qui devraient s'installer avenue Bosquet. L'article 2 désigne les locaux. La superficie de 8 500 m² environ correspond tout à fait aux besoins tels qu'ils avaient été évalués par la mission de 2007. C'est certes moins que dans le projet « Ségur ». Mais il faut souligner qu'entre-temps, et avec raison, a été abandonnée l'idée d'inclure dans la Maison un auditorium pour les grandes manifestations annuelles de la Francophonie. En effet, il y a chaque année moins d'une dizaine de réunions de ce type. Dans ces grandes occasions, il a donc été convenu que les quelque 350 participants pourraient se réunir dans le centre de conférences nouvellement installé rue de la Convention, au sein des locaux neufs du ministère des Affaires étrangères et européennes. Nous pouvons saluer cette solution pratique et intelligente. L'article 3 du texte de l'accord précise que la mise à disposition s'effectue pour une durée de 50 ans, renouvelable. Cette durée longue a été expressément souhaitée par l'OIF. L'article 4 met à la charge de l'OIF les frais de fonctionnement et d'entretien des locaux. L'article 5 pose le principe de la contribution patrimoniale de l'OIF à l'opération globale, par la vente de ses immeubles à Paris et Bordeaux. Par conséquent, sur les 59 millions d'euros que coûte l'achat de l'immeuble, l'OIF devrait apporter elle-même 11 à 12 millions d'euros. L'article 6 du texte renvoie à l'accord de siège pour appliquer à la nouvelle convention les mêmes privilèges fiscaux. Enfin, l'article 7 est une formule classique prévoyant l'entrée en vigueur de la convention.
L'un des aspects les plus intéressants de ce dossier ne figure pas dans la convention elle-même, mais constitue le support de toute l'opération. Il s'agit des modalités d'achat, de rénovation et de mise à disposition des locaux. En fait, le ministère des Affaires étrangères et européennes ne devient pas directement propriétaire de l'ensemble immobilier de l'avenue Bosquet. Dans le cadre d'une formule innovante, l'État l'a au contraire cédé à la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), société à capitaux publics, au moyen d'un arrêté de transfert, le 15 septembre 2008, pour la somme de 59 millions d'euros. Cet ensemble doit ensuite être loué par la SOVAFIM à l'État, pour un loyer annuel de 5,342 millions d'euros. Les crédits nécessaires seront retracés au sein du programme budgétaire Solidarité avec les pays en développement de la mission Aide publique au développement. Entre-temps, c'est la SOVAFIM qui fait procéder aux travaux d'aménagement et d'équipement nécessaires. Ce mécanisme de portage pour le compte de l'État avait été expressément évoqué lors des travaux préparatoires sur la loi de finances initiale pour 2008, et une disposition avait été votée en ce sens. Mon rapport écrit pour de plus amples détails sur cette intéressante question.
Il convient donc désormais d'autoriser l'approbation de cette convention conclue entre le gouvernement et l'OIF, qui pourrait faire l'objet d'un débat en séance publique compte tenu de l'importance du dossier de la francophonie.
La fin de cette première étape en vue de l'ouverture de la Maison de la Francophonie est d'autant plus proche que, du côté de l'OIF, les textes ne prévoient pas de procédure particulière d'approbation. La Conférence ministérielle de la Francophonie qui précédait le Sommet de Québec a inscrit dans son relevé de conclusions, le 15 octobre dernier : « La Conférence se félicite de l'aboutissement des démarches entreprises par l'OIF dans le cadre du projet relatif à la Maison de la Francophonie qui sera mise à la disposition de l'OIF par le gouvernement de la République française. Elle exprime la gratitude de la Francophonie au Président de la République française. »
Pourquoi la solution retenue a-t-elle été celle du portage de l'opération par une société publique ?
Les raisons sont principalement budgétaires. Le coût de l'opération d'achat est de 59 millions d'euros, et d'importants travaux doivent être réalisés. Or, la SOVAFIM sera en charge de ces travaux, et même de l'équipement de l'immeuble une fois achevé, puisque l'Etat deviendra locataire de ce bien. Le fait de charger la SOVAFIM de ces travaux permet d'éviter de décaisser 15 millions d'euros hors taxes.
Ma question porte sur le même point. S'il y a un débat dans l'hémicycle, celui-ci portera en effet sur le montage de l'opération : pourquoi l'Etat n'est-il pas seul à agir ? Pourquoi faire intervenir une société intermédiaire, ce qui suscite immédiatement des doutes sur la transparence de cette opération pour les comptes publics ? Il est dommage que de tels aspects viennent entacher une bonne décision, qui renforce l'organisation des institutions de la francophonie à Paris.
Il n'y a aucun problème de transparence, toutes les informations relatives à cette opération sont dans le rapport.
Où vont les onze millions d'euros versés par l'organisation internationale de la francophonie ?
Comme mes collègues, je ne comprends pas que l'Etat doive payer cinq millions d'euros par an pour ne plus être propriétaire de ce qu'il occupe déjà.
Cela s'explique parce que l'Etat n'est propriétaire que d'une partie du bâtiment. Le reste appartenait à l'Office national interprofessionnel des grandes cultures et à l'Agence unique de paiement. Le choix du portage accélère également la réalisation des travaux, car la SOVAFIM n'est pas soumise aux mêmes contraintes que l'Etat dans ce domaine. La solution adoptée permet donc, en toute transparence, d'accroître la rapidité de l'opération et de la réaliser à moindre coût.
Comment peut-on louer cinq millions d'euros par an pendant cinquante ans un immeuble qui vaut 59 millions d'euros à la vente ?
Il y a eu un premier projet, avenue de Ségur, qui a finalement été abandonné et coûtait nettement plus cher. Le choix du portage est le seul qui permette de finalement réaliser l'opération.
Quelles que soient les difficultés de ce dossier, il est de toute façon évident que la francophonie n'a pas de prix !
Je me réjouis que la Maison de la francophonie ait finalement été implantée dans le septième arrondissement de Paris, car le choix initial de l'avenue de Ségur n'était pas bon. À quelle date le bâtiment sera-t-il utilisable ?
Il est prévu que 359 personnes, travaillant pour diverses institutions, travaillent au sein de la maison de la francophonie. Quelles seront leurs tâches concrètes ?
Le projet final devrait permettre de réunir, sur le même site, le Secrétaire général de la francophonie, l'Organisation internationale de la francophonie stricto sensu, l'Assemblée parlementaire de la francophonie qui disposera d'un bureau de liaison, l'Agence universitaire pour la francophonie, l'Association internationale des maires francophones et le Haut Conseil pour la francophonie.
En tant que Présidente déléguée de la section française à l'Assemblée parlementaire de la francophonie, je me réjouis que ce projet de loi soit discuté cette année, qui verra également la réunion de l'assemblée parlementaire à Paris en juillet, ce qui n'était pas arrivé depuis quinze ans.
Concernant la mise en oeuvre de ce texte, je m'interroge sur la possibilité, pour tous les intervenants de la francophonie, de s'intégrer sur ce nouveau site. Notamment, la chaîne TV5 Monde pourra-t-elle y être accueillie ? Il semble que la chaîne n'en ait pas émis le souhait, ce qui est malheureux. Enfin, l'Assemblée parlementaire de la francophonie sera-t-elle représentée au sein de cette maison ?
Il y aura effectivement un bureau de liaison de l'Assemblée parlementaire de la francophonie. En revanche, TV5 Monde ne sera pas implantée au sein de ce bâtiment, car l'installation d'une chaîne de télévision implique de disposer d'un espace et de moyens techniques qui ne sont pas disponibles au sein de la Maison de la francophonie.
Le rapport entre la surface (8650 m2) et le nombre d'employés (359) aboutit à l'attribution de 25 m2 par personne. Si on soustrait les locaux techniques, les escaliers, etc., combien reste t-il vraiment à chacun ? Cela paraît insuffisant.
Il faut savoir que le ratio pour l'Etat, confirmé dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, est de 12 m2 par agent. Le ratio pour la maison de la francophonie sera, en surface utile nette, proche de ce chiffre.
Avec l'accord du rapporteur, je vous suggère, compte tenu de l'intérêt manifesté sur cette question et pour une parfaite compréhension de l'opération, de procéder à l'audition des responsables de France Domaine et de la SOVAFIM, ainsi que de M. Christian Philip, représentant personnel du Président de la République pour la francophonie.
Je tiens à rappeler qu'il n'existe pas à ce jour d'alternative à ce projet. Soit l'opération est réalisée dans les conditions que je vous ai exposées, soit la Maison de la francophonie ne verra pas le jour.
Suivant la proposition du Président, la commission des affaires étrangères décide de reporter son vote sur le projet de loi n° 1479.
Sur un autre sujet, je tiens à vous faire part d'un courrier de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat au commerce extérieur dans lequel elle m'indique avoir décidé, à l'issue de son audition par notre commission et à la suite de l'intervention de notre collègue M. Michel Terrot, de doubler les effectifs de la mission économique d'Accra. Je me permets donc de remercier la ministre et de féliciter notre collègue pour son action couronnée de succès.
La séance est levée à onze heures quarante cinq.