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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Séance du 24 juin 2009 à 10h15

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à 10 heures

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

PermalienPhoto de Philippe Vuilque

Monsieur le président, la mission d'information sur les nouvelles régulations de l'économie, que vous présidez, arrive bientôt à son terme. Nous devons mardi prochain entendre la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, Mme Christine Lagarde. J'ai appris, de la bouche du rapporteur lui-même, que la mission se réunirait à la suite de cette audition et que la commission des lois serait appelée dès le lendemain à voter sur ses conclusions. Je m'étonne de la brièveté de ce délai, d'autant que l'ordre du jour prévisionnel n'indique pas qu'une réunion de la Commission soit prévue le mercredi 1er juillet.

Mon groupe considère qu'un tel calendrier n'est pas acceptable. Nous souhaitons des délais raisonnables, nous donnant le temps de prendre connaissance du rapport et de ses propositions, de façon à pouvoir si nécessaire nous exprimer sur leur contenu.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Le calendrier envisagé comporte en effet la tenue la semaine prochaine d'une réunion de la mission d'information, à la suite de l'audition de Mme Christine Lagarde, pour rédiger et valider les propositions, la commission des lois se réunissant ensuite pour autoriser la publication du rapport. Mais ce calendrier n'a rien d'impératif. Nous allons en reparler avec Philippe Houillon, rapporteur de la mission.

PermalienPhoto de Philippe Vuilque

Nous souhaiterions qu'un délai d'une semaine sépare la dernière réunion de la mission d'information et l'examen de son rapport par la Commission.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Nous allons revoir le calendrier pour trouver une solution consensuelle.

La Commission passe ensuite, sur le rapport de M. Bertrand Pancher, à l'examen du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental (n° 1707).

PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Le projet de loi organique soumis aujourd'hui à notre examen a pour objet de proroger, au plus tard jusqu'au 30 septembre 2010, le mandat des membres composant actuellement le Conseil économique, social et environnemental (CESE), afin de nous permettre d'en voter la réforme, en particulier la modification de sa composition, avant son prochain renouvellement.

Le dispositif proposé n'appelant pas de longs développements de ma part, je me contenterai de rappeler les éléments de contexte et de calendrier qui ont justifié le dépôt de ce projet.

Le contexte, tout d'abord, est celui de la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui a ouvert la voie à une profonde réforme du Conseil économique et social (CES), devenu également « environnemental » et dont les compétences ont été accrues par la modification des articles 69 et 70 de la Constitution.

Son champ de compétences ayant été élargi au domaine environnemental, conformément aux conclusions du Grenelle de l'environnement, le CESE peut être consulté sur tout problème à caractère économique, social ou environnemental et doit être consulté sur tout projet de loi de programmation revêtant un tel caractère. La possibilité de consulter le Conseil, qui était depuis 1958 réservée au Gouvernement, a été ouverte au Parlement. Le CESE pourra également être saisi par voie de pétition citoyenne ; il fera connaître au Gouvernement et au Parlement les suites qu'il propose d'y donner.

Si le changement de dénomination du Conseil et l'élargissement de son champ de compétences sont entrés en vigueur dès la publication de la loi constitutionnelle, une loi organique est nécessaire pour fixer les conditions de sa saisine par voie de pétition, préciser les modalités de la saisine parlementaire, ajuster les règles de fonctionnement du Conseil et, surtout, adapter sa composition, unanimement reconnue comme anachronique, à ses nouvelles missions, en y faisant entrer les acteurs environnementaux.

S'agissant du calendrier, le mandat des membres composant actuellement le CESE, qui a débuté le 7 septembre 2004, expire en septembre prochain. La rédaction du projet de loi organique réformant le CESE est en cours de finalisation, au terme d'un travail approfondi, mené en concertation avec l'ensemble des parties concernées. Il apparaît donc impossible que cette réforme soit applicable en septembre. En outre, l'entrée des acteurs environnementaux dans le Conseil se fera sur la base de critères de répartition définis par la future loi Grenelle II, dont l'examen par notre assemblée est prévu à l'automne.

Pour éviter que le CESE soit renouvelé sur la base de textes qui ne lui permettent plus de représenter fidèlement la société française, il nous est proposé de proroger le mandat de ses membres jusqu'au terme d'un délai de quatre mois suivant la publication de la loi organique modifiant sa composition, ce délai étant nécessaire pour permettre la modification des textes réglementaires et la désignation des nouveaux membres par leurs différentes organisations. Cette prorogation ne pourra en tout état de cause aller au-delà du 30 septembre 2010. Je vous propose donc d'adopter le présent projet, en souhaitant que le calendrier parlementaire nous permette d'examiner la réforme du CESE le plus rapidement possible.

PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur le président, dans votre rapport sur le projet de loi constitutionnelle, vous écriviez que le Gouvernement avait « annoncé le dépôt prochain d'un projet de loi organique pour favoriser, en particulier, la représentation des jeunes et des organisations non gouvernementales » dans le Conseil. Apparemment, il ne vous a pas écouté, et c'est un sujet de désagrément pour la commission des lois tout entière.

Je m'interroge sur la raison de la carence du Gouvernement. Pourquoi a-t-il préféré nous soumettre le présent projet de loi organique ? L'exposé des motifs m'inquiète en ce qu'il évoque « l'esprit » des modifications constitutionnelles adoptées, et non ces modifications elles-mêmes, au sujet de la préparation du projet de loi organique visant notamment à adapter la composition du Conseil… Je suppose qu'après l'adoption à votre initiative, Monsieur le président, d'un amendement limitant dans la Constitution le nombre de membres du CESE à deux cent trente-trois, alors que le champ de leur recrutement est élargi, la révision de la composition du Conseil va être ardue. L'ampleur de la difficulté amène le Gouvernement à nous demander de proroger le mandat des conseillers actuels. C'est une proposition singulière mais néanmoins, ne voulant pas bloquer le fonctionnement des institutions, nous soutiendrons ce texte.

PermalienPhoto de Bertrand Pancher

L'une des raisons du retard pris dans la mise en place de la réforme est que la désignation des acteurs environnementaux se fera sur la base de critères très précis qui seront définis par la loi Grenelle II.

PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Nous avons effectivement adopté un amendement, dont j'étais l'auteur et que je revendique, limitant dans la Constitution le nombre de conseillers économiques, sociaux et environnementaux. Je suis sûr qu'autrement, l'effectif du Conseil risquerait d'augmenter de façon considérable.

Le présent projet de loi organique devrait être l'un des premiers textes inscrits à l'ordre du jour de la session extraordinaire. Son examen pourra être l'occasion d'interroger le Gouvernement sur ses intentions quant à la composition du CESE et ainsi de dissiper certaines inquiétudes.

Article unique : Prorogation du mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental :

La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL 1 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l'article unique ainsi modifié, le projet de loi organique étant ainsi adopté.

Amendement examiné par la Commission

Amendement CL1 présenté par M. Bertrand Pancher, rapporteur :

Article unique

Substituer aux mots : « d'une période de quatre mois suivant la publication » les mots : « d'un délai de quatre mois suivant la promulgation ».

La Commission examine le rapport de la mission d'information sur les centres de rétention administrative et les zones d'attente, sur le rapport de son président, M. Thierry Mariani.

PermalienPhoto de Thierry Mariani

Je tiens tout d'abord à saluer les collègues qui ont participé activement aux travaux de cette mission d'information : non seulement Mme George Pau-Langevin, mais aussi MM. Serge Blisko, Christian Vanneste ou Éric Ciotti qui sont présents aujourd'hui.

Le premier objectif de la mission d'information a été d'évaluer les conditions de vie dans les centres de rétention administrative et les zones d'attente. Généralement mal connus, ces lieux ont en effet souvent une mauvaise réputation. Nous avons pu constater que, dans la très grande majorité des cas, cette réputation n'était plus justifiée.

Au regard de la qualité de l'hébergement et des espaces communs, de la restauration, du suivi médical et social, la mission d'information peut affirmer que les conditions d'existence dans ces lieux sont correctes et ne méritent pas les critiques qu'ils reçoivent parfois. Bien évidemment, ce constat général doit être nuancé : la mission d'information a relevé que certains centres de rétention administrative et zones d'attente n'étaient pas dans un état satisfaisant (Paris-Dépôt, Mayotte, Orly) et devraient être fermés à terme.

Nous avons également relevé auprès de nombreux interlocuteurs la qualité très moyenne d'accueil des locaux de rétention administrative et des zones d'attente d'aéroport de province qui ne sont utilisées que très ponctuellement.

Mais, dans l'ensemble, nous avons pu constater par nous-mêmes les très importantes améliorations de la situation matérielle dans les CRA et les ZA ces dernières années. D'ailleurs, les observations formulées par les organismes nationaux ou internationaux contrastent très nettement avec ce qu'ils pouvaient écrire il y a encore quelques années sur la France.

La mission d'information s'est également attachée à vérifier si les étrangers présents dans les CRA et les ZA pouvaient exercer leurs droits de façon effective (droit à une assistance juridique et matérielle, droit de visite et de communication avec l'extérieur, droits disciplinaires…). Là encore, elle a noté au cours de ses visites sur le terrain que les autorités responsables de ces lieux mettaient tout en oeuvre pour permettre l'exercice effectif de ces droits.

Au total, la mission d'information dresse donc un constat relativement satisfaisant de la situation des centres de rétention administrative et des zones d'attente, et estime que la France n'a pas à en rougir, notamment vis-à-vis de ses partenaires de l'Union européenne. Cette situation ne signifie bien évidemment pas que la vie quotidienne soit facile et agréable dans ces lieux d'enfermement. Incontestablement, les tensions y sont nombreuses, le stress inévitable compte tenu de la perspective d'un retour non souhaité dans le pays d'origine. Quelle que soit la qualité des infrastructures et des équipements des CRA et des ZA, ces difficultés demeureront.

À la suite des nombreuses auditions qu'elle a menées, notamment auprès d'autorités de contrôle indépendantes, et des visites qu'elle a réalisées, la mission d'information juge donc que la plupart des critiques portées contre les centres de rétention administrative et les zones d'attente, parfois présentées comme des zones de non droit inhumaines, sont largement injustifiées.

Cependant, l'administration a peut-être une part de responsabilité dans cette situation car ces lieux sont, dans l'ensemble, très peu connus, car peu ouverts sur l'extérieur. J'estime que les CRA et ZA devraient s'ouvrir plus sur l'extérieur. On peut ainsi s'étonner que les journalistes semblent bien plus nombreux à pouvoir accéder aux établissements pénitentiaires qu'aux centres de rétention et aux zones d'attente. Permettre à davantage de journalistes de se rendre dans les CRA et les ZA pourrait permettre de dissiper certaines idées fausses qui continuent d'exister sur les conditions d'existence des personnes retenues dans ces lieux.

Je vais maintenant aborder les principales propositions de la mission d'information concernant les centres de rétention.

Nous estimons que le CRA du Dépôt du Palais de Justice de Paris devrait être fermé d'ici 3 ou 4 ans. En effet, et la qualité des personnels n'est pas en cause, ni le travail remarquable effectué par les soeurs de la Congrégation de Marie-Joseph de la Miséricorde, mais la configuration des lieux et leur vétusté rendent illusoire une véritable amélioration des conditions de vie.

De même, un CRA moderne et adapté devra être construit à Mayotte. Même si les personnes qui sont retenues dans le CRA actuel n'y restent que deux jours en moyenne, il est vrai qu'il n'offre pas des conditions d'accueil dignes. Je voudrais en profiter pour dire que nous devrons tenir compte de la problématique migratoire particulière de Mayotte dans le cadre de sa départementalisation.

S'agissant de la durée de rétention, j'estime que la durée maximum actuelle de 32 jours est suffisante et ne devra pas être augmentée lorsque la directive « retour » sera transposée en droit français, bien qu'il s'agisse, et de très loin, de la durée de rétention la plus basse en Europe.

Concernant la possibilité de tenir les audiences de prolongation de la rétention dans des salles d'audiences déconcentrées, nous avons pu constater que la justice y était rendue dans d'excellentes conditions. Les principaux bénéficiaires de l'existence de la salle d'audience sont les personnes retenues. Elles se rendent au tribunal en quelques secondes et au moment de l'audience. Autrement, comme cela se pratique à Bobigny, il faut réveiller les personnes retenues à 5 heures du matin et les contraindre à attendre toute la journée au Tribunal dans des conditions indignes. Je souhaite donc un développement de ce type de salles déconcentrées. La pratique d'audiences déconcentrées et bien préférable à celles des audiences par visioconférence.

PermalienPhoto de Daniel Vaillant

Il existe déjà une telle salle d'audience à Roissy mais qui n'est pas utilisée !

PermalienPhoto de Thierry Mariani

Vous avez parfaitement raison, M. le Ministre. Il est aujourd'hui urgent d'utiliser enfin au plus vite la salle d'audience de Roissy que vous avez fait construire il y a huit ans.

Par ailleurs, nous sommes conscients que les centres ne doivent pas atteindre une capacité trop importante, Mais, leur configuration importe plus que leur effectif théorique. L'important est de disposer de modules à taille humaine, dans lesquels les retenus peuvent se déplacer librement, disposer de prestations adaptées, d'une cour de promenade, d'une salle de restauration, d'une salle de détente… Dans chacun de ces modules, la capacité d'accueil ne doit pas dépasser 60 à 80 personnes. Ce modèle a été suivi pour la reconstruction du centre de Vincennes. Pour avoir visité le premier de ces « modules », je peux témoigner que les conditions de rétention y sont bien meilleures qu'avant l'incendie de juin 2008.

Nous estimons en outre qu'une certaine souplesse doit être privilégiée : par exemple, en règle générale, les personnes retenues doivent être laissées libres de leurs mouvements au sein du CRA, y compris la nuit.

S'agissant des espaces de loisir et de détente, il serait utile de prévoir des normes minimales concernant la superficie et l'équipement des cours de promenade, souvent trop petites.

Je vais maintenant aborder la question très délicate de la présence des mineurs accompagnant leurs parents en CRA. J'estime qu'il n'est pas possible d'interdire la présence de mineurs en CRA, sauf à accepter la séparation des familles ou l'impossibilité d'éloigner des étrangers ayant charge de famille. Néanmoins, peut-être pourrait-on lancer une réflexion sur la possibilité d'utiliser le placement sous bracelet électronique à domicile dans le cadre de la rétention administrative.

La mission d'information s'est également penchée sur la question de la présence des personnes condamnées à une interdiction du territoire français (ITF) dans les centres de rétention. Notre attention a bien souvent été appelée sur le problème qu'elle posait, notamment pour les autres personnes retenues qui apprécient peu de côtoyer des individus condamnés par la justice.

J'estime qu'un détenu ne devrait pas pouvoir bénéficier de remises de peine lorsqu'il fait lui-même obstacle à son identification par son consulat d'origine, en refusant par exemple de donner les renseignements nécessaires. Le taux d'exécution des mesures d'ITF était de 43 % en 2007 et de 53% en 2008.

Nous pensons également qu'il serait préférable de regrouper dans un même CRA l'ensemble des personnes frappées d'une ITF en instance d'éloignement.

La question des locaux de rétention administrative a été abordée par la mission d'information. Leur qualité est souvent insuffisante, il sera désormais nécessaire de concentrer les efforts budgétaires sur la mise aux normes de ces locaux.

Le droit à l'information sur la situation individuelle des personnes retenues nous parait également pouvoir être améliorée. Pour répondre au problème de non-maîtrise de la lecture des formulaires, mêmes traduits dans de nombreuses langues, une solution pourrait consister à mettre à disposition des CRA un enregistrement vidéo ou audio du règlement intérieur dans les principales langues de l'ONU, qui pourrait être diffusé aux personnes retenues non francophones ou ne sachant pas lire.

Quant à la pratique consistant à afficher les perspectives de déplacement des personnes retenues, nous considérons qu'elle devrait être généralisée, sauf exceptions dûment justifiées. En effet, outre qu'il est peu conforme à la dignité des personnes retenues de les laisser dans l'ignorance de leur sort, cette pratique semble également contre-productive en matière d'ordre public.

Enfin, s'agissant du droit de communication avec l'extérieur, il reste problématique qu'une partie importante des personnes retenues ne puissent pas avoir accès à son téléphone portable, outil très utile notamment pour préparer son retour, dès lors que ce téléphone est équipé d'un appareil photo. Les chefs de centre devraient systématiquement proposer une solution afin que les personnes retenues puissent avoir accès, d'une façon ou d'une autre, à un téléphone portable.

J'en viens maintenant aux propositions de la mission d'information concernant les zones d'attente.

Tout d'abord, nous estimons que la ZA d'Orly n'est pas configurée pour accueillir des personnes plus de quelques dizaines d'heures. Il serait souhaitable de relancer le projet d'un Centre de rétention administrative sur l'emprise de l'aéroport, qui comprendrait également un bâtiment destiné à servir de zone d'attente.

Des progrès peuvent également être faits dans les ZA peu utilisées des aéroports de province. Il pourrait être envisagé de prévoir des normes minimales d'hébergement à partir d'une certaine durée de maintien en zone d'attente. Un étranger ne devrait pas être placé plus de 96 heures en dehors d'une zone d'attente convenablement équipée.

Nous nous sommes interrogés sur la présence de mineurs isolés en zone d'attente. Sur le principe tout d'abord, j'estime qu'il serait difficile de ne pas permettre le placement en zone d'attente des mineurs isolés arrivant en France chaque année. Placer systématiquement ces jeunes à l'aide sociale à l'enfance ne pourrait qu'encourager les filières d'immigration clandestine.

Il est néanmoins souhaitable d'améliorer la prise en charge des mineurs maintenus en zone d'attente, en tenant compte des recommandations que fera le groupe de travail pluraliste installé par le ministre de l'immigration sur le sujet. S'agissant de la détermination de l'âge, je recommande qu'une réflexion soit lancée sur les différentes méthodes existantes, et notamment sur l'efficacité des examens de la clavicule par rayon X pratiqués aux Pays-Bas.

PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Les commissaires du groupe SRC partagent l'essentiel des constatations établies et des propositions formulées par M. Thierry Mariani. En revanche, nous ne partageons pas la tonalité optimiste du rapport qui nous est présenté. L'industrialisation du placement en rétention administrative est problématique et inefficace, car sont placées en rétention administrative de nombreuses personnes qui, du fait de leur situation, ne peuvent pas être éloignées du territoire. Dès lors, il faut s'interroger sur la pertinence de la systématisation du recours à la rétention administrative.

La création de la mission d'information avait pour point de départ les incidents qui s'étaient déroulés dans le centre de Vincennes. À cet égard, je suis déçue du fait que la mission d'information n'ait pas recueilli davantage d'informations sur les causes et les circonstances de ces incidents et qu'elle ne se soit pas davantage penchée sur les conclusions des enquêtes qui ont été réalisées.

M. Thierry Mariani a fait état du stress important subi par les personnes placées en rétention administrative. Je tiens également à souligner la difficulté des situations sur le plan humain, le désespoir d'un grand nombre de personnes retenues les conduisant à des automutilations ou des tentatives de suicide.

Sur l'état des locaux de rétention administrative, je partage le constat que la plupart des lieux de rétention, surtout les plus récents, sont dans un état correct. Cependant, deux lieux sont impropres à la rétention administrative : le CRA du dépôt du palais de justice de Paris, lieu souterrain et sans ouverture dans lequel il n'est pas acceptable que des personnes soient retenues jusqu'à 32 jours, d'une part, et le CRA de Mayotte, dans lequel les conditions de vie ne sont pas admissibles. Ces deux sites doivent être fermés et reconstruits rapidement, les arguments budgétaires avancés par M. Thierry Mariani dans le rapport pour expliquer que ces travaux ne se feront pas à bref délai ne nous paraissant pas satisfaisants.

Dans un grand nombre de situations, le placement en rétention administrative ne règle pas les situations, puisque près des trois quarts des placements n'aboutissent pas à une reconduite à la frontière. Si le rapport de la mission d'information évoque le coût des escortes, c'est surtout le coût du placement en rétention administrative qui apparaît exorbitant au regard du grand nombre de placements qui ne sont pas suivis d'une reconduite à la frontière.

Sur la présence des mineurs dans les CRA, j'ai noté avec intérêt l'idée de solutions alternatives, qui doivent être développées pour limiter autant que possible l'enfermement d'enfants.

Sur la question du profil des personnes retenues, je regrette que le rapport n'ait pas davantage exploré cet aspect, car une meilleure connaissance de ce profil permettrait de mieux comprendre les raisons pour lesquelles l'éloignement est impossible dans un grand nombre de cas et, de ce fait, le placement en rétention administrative inutile. Pour les personnes revenant régulièrement en CRA alors que chacun sait qu'elles ne peuvent être reconduites à la frontière, il conviendrait d'envisager le développement de l'aide au retour.

La question du devenir des fonds des migrants doit également retenir l'attention, certaines associations ayant fait état de difficultés à obtenir la restitution de fonds conservés par des banques, notamment en cas de problèmes de justification d'état civil.

Sur les droits des personnes retenues, les juridictions ont précisé le rôle des associations, qui consiste non seulement à informer les personnes retenues mais aussi à les aider dans leurs démarches et à témoigner de la situation dans les CRA. Il a également été jugé que les associations présentes dans les CRA doivent présenter des garanties de compétence et d'indépendance, ce qui exclut la présence dans les centres d'associations jusque-là inconnues et ne présentant pas ces garanties comme le « collectif respect ».

Sur la tenue des audiences, une ligne de conduite claire doit être fixée : la justice doit être rendue dans des conditions d'impartialité ne pouvant prêter à contestation. L'existence de juridictions d'exception ne saurait être acceptée. En conséquence, si des salles d'audience existent à proximité des CRA, elles doivent être facilement accessibles de sorte que la publicité des audiences soit garantie.

Sous le bénéfice de ces observations et de la contribution écrite figurant dans le rapport, nous nous prononcerons en faveur de la publication de celui-ci.

PermalienPhoto de Serge Blisko

Le rapport, dont je partage l'essentiel des constats et propositions, a oublié certains aspects. S'agissant tout d'abord des zones d'attente, ces dernières créent beaucoup plus de difficultés que les CRA, que le changement de statut intervenu en 1981 a permis d'améliorer.

Concernant la durée de placement en CRA, je partage la conclusion de la mission d'information consistant à écarter tout allongement au-delà de la durée actuelle de 32 jours. Ce délai apparaît même trop long au regard du délai moyen de rétention administrative qui est de 10 à 12 jours, et sachant que, lorsqu'un placement dépasse 20 jours, il est rare qu'il aboutisse à une reconduite à la frontière.

Le système des CRA se trouve dans une impasse pour deux raisons principales : d'une part, la pression des chiffres annoncés de reconduites à la frontière conduit à remplir les CRA dans le but de parvenir à un « effet entonnoir » ; d'autre part, le faible niveau de coopération de certains consulats ou ambassades complique les reconduites à la frontière vers un certain nombre d'États.

S'agissant du CRA de Mayotte, je souhaiterais que la phrase du rapport indiquant que « ces conditions de rétention difficiles ne sont pas critiquées par les personnes retenues elles-mêmes, dans la mesure où elles contrastent peu avec leurs conditions habituelles d'existence » soit supprimée, la comparaison avec les conditions de vie locales ne me paraissant pas souhaitable.

Concernant la situation des mineurs retenus avec leur famille, il serait souhaitable de développer l'assignation à résidence, notamment pour éviter que les familles ayant des enfants en bas âge ne soient retenues dans les centres spécialement équipés pour accueillir de jeunes enfants parfois très éloignés de leur domicile. La situation des mineurs isolés maintenus en zone d'attente doit également être examinée avec attention, s'agissant notamment de leur défense. Je regrette que l'Anafé n'ait pas la possibilité d'assister plus longuement les personnes maintenues en zone d'attente.

Enfin, je regrette que certaines associations, telles que la Ligue des droits de l'Homme qui intervient en matière de défense des étrangers, n'aient pas été entendues.

PermalienPhoto de André Vallini

J'ai visité récemment le centre de rétention de dépôt du Palais de justice de Paris. J'ai pu constater le dévouement du personnel, qui essaie de travailler le mieux possible, ainsi que le travail considérable effectué par les Soeurs de la Miséricorde. Malgré cela, on ne peut rien faire de locaux aussi vétustes, voire insalubres. Le centre de rétention sera-t-il déplacé dans le cadre du projet de cité judiciaire ? Il faut absolument abandonner les locaux actuels.

PermalienPhoto de Abdoulatifou Aly

Un nouveau CRA va prochainement être construit à Mayotte. Alors que le rapporteur a évoqué une capacité idéale de 80 places, ce futur CRA devrait comporter 140 places. Ne serait-il pas préférable de construire deux CRA ?

Par ailleurs, alors que la durée de rétention est très courte, souvent d'un jour ou deux, l'ordonnance du 26 avril 2000 prévoit une durée minimum de rétention de 24 heures pour exercer les voies de recours. Dans ces conditions, il est difficile pour les avocats d'examiner les décisions de reconduite à la frontière et de former des recours.

Enfin, je tiens à signaler que les mineurs isolés, qui ne peuvent pas faire l'objet de reconduites à la frontière, représentent une part de plus en plus importante de l'immigration clandestine à Mayotte. Ils sont placés en rétention mais ne peuvent être expulsés.

PermalienPhoto de Christophe Caresche

Je souhaiterais évoquer le problème particulier des étrangers condamnés à une peine de prison et frappés d'une interdiction judiciaire du territoire. Théoriquement, ils devraient être expulsés directement depuis leur lieu de détention, une fois leur peine accomplie. Mais comme l'administration pénitentiaire gère mal ces cas, ils sont placés en centre de rétention avant d'être reconduits à la frontière. La présence de délinquants dans les CRA et le mélange des publics qui en résulte posent des problèmes de cohabitation, d'autant plus que les CRA comprennent des enfants. Or les CRA avaient justement été créés pour éviter de placer les sans-papiers en prison ! Il serait souhaitable, d'une part, d'améliorer le processus d'expulsion des détenus et, d'autre part, de mettre en place des mesures de séparation des publics dans les CRA.

PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Le CRA de Mayotte est dans une situation exceptionnelle : on y procède à 16 000 éloignements par an et le nombre de personnes présentes varie de 50 à 180 selon les jours. En réalité, on constate un certain fatalisme des retenus, qui savent que leur retour sera plutôt facile. Il est vrai que les personnes en provenance d'Anjouan ont l'habitude de manger sur le sol, ce qui n'a rien d'infamant. Enfin, je suis d'accord avec le rapporteur sur la nécessité d'adapter les règles relatives à l'immigration lorsque Mayotte deviendra un département.

PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Je constate que le taux d'exécution des interdictions judiciaires du territoire s'est amélioré en 2008, du fait de la diminution du nombre d'interdictions prononcées.

Il est effectivement envisageable que celui qui fait obstacle à sa reconduite à la frontière ne puisse pas bénéficier de remise de peine. À l'inverse, il faudrait prévoir des réductions de peine pour ceux qui sont de bonne volonté. La loi actuelle ne le permet pas.

PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Je souhaiterais saluer le travail du rapporteur, qui a remis un travail objectif sur un sujet qui est souvent caricaturé.

Le rapporteur pense que la visioconférence n'est pas adaptée au contentieux de l'éloignement car elle ne permet pas de contact avec le justiciable. Or le Gouvernement a engagé une politique de généralisation de la visioconférence, qui présente de nombreux avantages : elle améliore la disponibilité des magistrats, elle évite de mobiliser des escortes et permet de réduire les coûts. Il faudrait envisager d'améliorer le système plutôt que de le condamner.

S'agissant des interdictions judiciaires du territoire prononcées à titre de peine complémentaire à une peine d'emprisonnement, il est paradoxal qu'elles soient si difficiles à exécuter alors même que l'administration a tout le temps de les mettre à exécution. Il faudrait aménager cette procédure, qui ne fonctionne manifestement pas aujourd'hui.

PermalienPhoto de Étienne Blanc

Le rapport mentionne les services médicaux dans les CRA. Ces services sont-ils assurés par des médecins extérieurs appelés au cas par cas ou par des médecins dédiés ? Comment procède-t-on aux extractions pour besoins de santé ? Cela pose-t-il des problèmes particuliers ? On a par ailleurs constaté un développement considérable de la tuberculose dans les prisons. Les CRA sont-ils confrontés au même problème ?

PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Il est affligeant que six interdictions judiciaires du territoire sur dix ne soient pas appliquées. Il faudrait trouver des solutions à ce problème.

S'agissant de la présence des enfants, on a pu voir lors de l'incendie du CRA de Vincennes que beaucoup de personnes sont accompagnées de leurs enfants et refusent de s'en séparer. L'assignation à résidence pose d'autres problèmes car les étrangers sont souvent hébergés par d'autres familles et se retrouvent très nombreux dans de petits appartements, bien que les centres communaux d'action sociale essaient de les aider au mieux.

Le Président Jean-Luc Warsmann. Tous les membres de la commission partagent-ils le souhait que la salle d'audience de la zone d'attente de Roissy soit utilisée ?

PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Oui, étant rappelé qu'elle n'est pas utilisable pour l'instant car elle n'a pas d'entrée séparée, comme l'exige la jurisprudence.

PermalienPhoto de Christophe Caresche

Depuis 2003, le Gouvernement – en particulier le ministre de l'intérieur de l'époque – a assuré que cette question sera prochainement réglée.

PermalienPhoto de Daniel Vaillant

On dispose d'une belle salle d'audience, qui a coûté très cher. Le problème tient surtout à un dialogue non abouti avec la communauté judiciaire de Bobigny. Il serait préférable pour les retenus d'utiliser cette salle.

Le Président Jean-Luc Warsmann. Je prends acte de la position unanime de la Commission à ce sujet et je ferai une démarche auprès du Gouvernement pour demander l'utilisation de cette salle.

Présidence de M. Guy Geoffroy, vice-président.

PermalienPhoto de Thierry Mariani

Je voudrais répondre à Mme George Pau-Langevin qu'il est exact que le rapport n'a pas analysé en détail les incidents du CRA de Vincennes. En effet, notre mission d'information n'était pas une commission d'enquête, d'autant qu'une instruction judiciaire est actuellement en cours sur l'incendie du CRA de Vincennes du 22 juin 2008.

En ce qui concerne les audiences déconcentrées, certains critiquent l'entrave à l'impartialité de la justice qui pourrait en résulter, notamment en raison de la présence de policiers. Pourtant, au tribunal de Carpentras, il y a deux policiers à l'entrée, et personne ne remet en cause l'impartialité du tribunal. En réalité, il s'agit d'un prétexte car les réticences de certains avocats et magistrats sont essentiellement motivées par des considérations tenant à leur confort !

S'agissant des zones d'attente, il convient de rappeler que 95 % des personnes maintenues en France le sont dans la ZAPI 3 de Roissy, qui est dans un état très satisfaisant. La très grande majorité des zones d'attente ne sont jamais utilisées ou très exceptionnellement, il semble donc logique de ne pas y réaliser des investissements importants.

Quant à l'Anafé, elle a accès à la zone d'attente de Roissy, mais il est vrai qu'elle n'y assure pas une permanence quotidienne pour des raisons de moyens. Contrairement à la situation en CRA, l'Anafé ne reçoit pas de subventions de l'État pour mener des actions d'assistance juridique.

M. Serge Blisko a évoqué la situation des Palestiniens retenus en CRA. Il aurait également pu évoquer les nombreuses personnes se disant Irakiens, Afghans ou Somaliens, autant de nationalités pour lesquelles il est impossible d'obtenir des laissez-passer consulaires, et qui sont en réalité ressortissants d'autre États ! D'ailleurs, beaucoup de chefs de CRA sont parfaitement conscients de cette situation et préfèrent ne pas prolonger la rétention de personnes dont on sait qu'elles ne pourront pas être reconduites à la frontière.

Plusieurs collègues ont abordé la question de Mayotte, dont je voudrais redire qu'il s'agit d'une situation très particulière. Les personnes retenues passent très peu de temps dans le CRA, un à deux jours, avant d'être réacheminés à Anjouan par le bateau de retour. Il me semble que l'ambiance dans le centre est relativement « bon enfant », les retenus sachant qu'ils pourront tenter de nouveau leur chance une prochaine fois. En ce qui concerne les conditions d'hébergement, bien que je réaffirme qu'elles ne font pas l'objet de critiques de la part des intéressés, je veux bien supprimer la référence, critiquée par M. Blisko, aux conditions habituelles d'existence des personnes retenues au CRA de Mayotte.

PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Les procédures d'éloignement sont expéditives à Mayotte. Cela ne devra-t-il pas évoluer avec la départementalisation ?

PermalienPhoto de Thierry Mariani

Il nous faudra tenir compte de la spécificité de la situation migratoire de Mayotte. Chaque année, 16 000 personnes y sont reconduites ont à la frontière. Si l'on veut appliquer les mêmes procédures qu'en métropole, il faudra recruter des centaines de magistrats !

Sur la question des personnes interdites du territoire, je suis entièrement d'accord avec M. Christophe Caresche : l'étranger qui coopère avec l'administration pour établir son identité et sa nationalité doit bénéficier de remises de peine. À l'inverse, il ne doit pas en bénéficier s'il ne se montre pas coopératif. Je pense également que l'on pourrait regrouper l'ensemble des personnes condamnées à une ITF dans un même CRA et même, avant la fin de leur détention, dans un même établissement pénitentiaire où les procédures d'éloignement pourraient être initiées en amont.

En ce qui concerne l'usage de la visioconférence, je n'y suis pas du tout hostile par principe. Il me semble cependant qu'il y a une gradation entre les différentes pratiques. S'agissant d'étrangers qui ont souvent besoin d'interprète et qui sont parfois déboussolés en raison de leur situation, la présence physique du juge et des différents intervenants me semble importante : l'utilisation de salles déconcentrées constitue donc un excellent compromis qui permet à la fois de tenir des audiences classiques tout en évitant des escortes éprouvantes pour les personnes retenues et coûteuses. À Coquelles, tout le monde est satisfait du fonctionnement de la salle d'audience.

M. Étienne Blanc m'a interrogé sur les services médicaux des centres de rétention. Chaque CRA a conclu une convention avec un établissement hospitalier situé à proximité : ce dernier y détache des infirmières à temps plein ainsi que des médecins qui y font des vacations. En cas d'urgence, les personnes retenues sont conduites à l'hôpital, escortées par des policiers, mais il s'agit généralement d'escortes très légères car les étrangers retenus sont rarement des personnes dangereuses. Enfin, au cours de nos visites, aucun cas de tuberculose ne nous a été signalé.

La présence des mineurs est une question difficile. En CRA, pour augmenter le nombre de familles assignées à résidence, la mission d'information propose qu'il soit possible de faire usage d'un bracelet électronique. En zone d'attente, une question importante est la détermination de l'âge réel de la personne se disant mineure : les techniques actuelles sont critiquées, il serait utile d'en expérimenter d'autres pratiquées dans certains pays comme les Pays-Bas.

Conformément à l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale, la Commission autorise le dépôt du rapport en vue de sa publication.

La séance est levée à 11 heures 30.