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Commission des affaires sociales

Séance du 6 décembre 2011 à 17h30

Résumé de la séance

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  • bassères
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La séance

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 6 décembre 2011

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend, en audition ouverte à la presse, M. Jean Bassères, dont la nomination à la direction générale de Pôle emploi est envisagée par le Président de la République.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Nous accueillons M. Jean Bassères, chef du service de l'inspection générale des finances. M. Bassères est pressenti par le Président de la République pour prendre la direction générale de Pôle emploi.

J'indique que, lors de sa réunion de vendredi dernier 2 décembre, le conseil d'administration de Pôle emploi a donné un avis favorable à cette nomination.

En application de l'article 13 de la Constitution, notre commission est également invitée à donner son avis.

L'audition de M. Bassères sera donc suivie d'un vote. Pour ne pas perdre de temps, je vous donnerai tout à l'heure des précisions sur le déroulement du scrutin et son dépouillement postérieur. Je précise seulement que M. Bassères étant auditionné demain par la Commission des affaires sociales du Sénat, le dépouillement du vote n'interviendra que demain vers onze heures. En effet, les dépouillements doivent être simultanés pour que le vote intervenu dans une commission n'influence pas le vote dans l'autre.

Monsieur Bassères, vous êtes inspecteur général des finances. Après des fonctions dans divers cabinets ministériels entre 1990 et 1992, vous avez fait l'essentiel de votre carrière au sein de la direction de la comptabilité publique au ministère de l'économie et des finances, avant d'en occuper la direction générale, de 1998 à 2005. Puis, vous avez été nommé secrétaire général du ministère avant de prendre la direction du service de l'inspection générale des finances, fonction que vous occupez depuis janvier 2008.

Monsieur Bassères, je vous demanderai de vous présenter et de préciser devant la Commission comment vous voyez la situation actuelle de Pôle emploi. Vous nous direz si la fusion et ses conséquences sur le fonctionnement de l'établissement sont derrière nous. Alors que le chômage atteint des niveaux élevés et que l'année 2012 sera sans doute difficile, vous nous indiquerez les voies qui doivent être explorées pour améliorer l'accompagnement des chômeurs vers l'emploi, et la façon dont vous envisagez d'y associer les autres organismes chargés de l'emploi – maisons de l'emploi, missions locales, plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE).

Je crois beaucoup aux enseignements tirés des expériences étrangères. À cet égard, l'inspection des finances a remis en janvier 2011, à la demande du ministre, une étude comparative sur les effectifs du service public de l'emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. Vous nous direz si cette étude est de nature à inspirer votre action à la tête de Pôle emploi.

PermalienJean Bassères

Mesdames et messieurs les députés, je commencerai par vous parler de mon parcours professionnel, qui présente trois caractéristiques.

Premièrement, il est assez stable puisque j'ai essentiellement travaillé au ministère des finances, à l'inspection générale, à la direction de la comptabilité publique et au secrétariat général.

Deuxièmement, mon parcours professionnel présente une forte dimension managériale, puisque j'ai dirigé trois structures de culture et de taille extrêmement différentes. La direction de la comptabilité publique, réseau d'environ 50 000 agents, m'a permis d'être confronté aux problématiques de gestion des grandes organisations publiques.

Troisièmement, il m'a permis d'acquérir une expérience du dialogue social en univers public. En effet, à la comptabilité publique, j'ai mené de nombreuses discussions avec les partenaires sociaux, que j'ai poursuivies au niveau ministériel en tant que secrétaire général.

Je voudrais exposer maintenant les raisons de ma candidature aux fonctions de directeur général de Pôle emploi.

Lorsque j'ai été sondé pour savoir si j'étais intéressé par un tel poste, je n'ai pas hésité, car je crois beaucoup – et c'est ce qui m'a d'abord motivé – à l'objet social et à la finalité de Pôle emploi. Dans une période qui sera sans doute assez difficile sur le front du chômage, cet opérateur devra être fort et réactif. Les collaborateurs de Pôle emploi exercent un métier très délicat, mais indispensable à la collectivité nationale.

J'ajoute qu'à titre personnel, je suis capable de me passionner pour la gestion d'une grande organisation et que j'espère avoir quelques atouts à mettre au service de Pôle emploi. Je suis très content à l'Inspection générale des finances et le fait d'accepter un nouveau poste montre que j'imagine, à tort ou à raison, que celui-ci sera en phase avec ma personnalité et – peut-être – mes qualités.

Je suis donc extrêmement motivé. J'aimerais modestement contribuer à relever un défi qui consiste à consolider la fusion – ou du moins ses acquis, puisque celle-ci est aujourd'hui réalisée ; je n'ai d'ailleurs pas rencontré une seule personne qui ait proposé de « dé-fusionner » Pôle emploi. Mais au-delà de cette consolidation, il faudra passer à une nouvelle étape et essayer de donner à ce grand service public un « second souffle ».

Pour vous indiquer mon point de vue sur les enjeux actuels de Pôle emploi, je ferai preuve d'humilité. D'abord, je n'ai pas une connaissance approfondie de cette organisation. Ensuite, je mesure l'importance du travail qui a été accompli par M. Christian Charpy et son équipe dirigeante, auxquels je voudrais aujourd'hui rendre hommage : ils ont effectué un travail considérable en un temps record.

Des premiers échanges que j'ai eus, notamment avec les administrateurs de Pôle emploi que j'avais souhaité rencontrer individuellement avant que le conseil d'administration se prononce sur ma candidature, j'ai tiré deux orientations prioritaires : décliner la convention tripartite, qui sera arrêtée entre l'État, l'Unédic et Pôle emploi, et susciter l'adhésion des collaborateurs de Pôle emploi – et ce dernier point est sans doute le plus important.

Selon moi, la déclinaison de la convention tripartite est une chance puisque le nouveau directeur général sera nommé concomitamment à la signature de cette convention. Je ne pense pas qu'il n'y a pas beaucoup d'opérateurs publics disposant, à leur arrivée, d'une feuille de route stratégique ayant obtenu l'assentiment de ses financeurs.

J'ai suivi de près la négociation de cette convention, que j'assumerai pleinement si ma nomination était décidée. J'ai le sentiment qu'il faudra travailler prioritairement dans trois directions.

La première est la dynamisation de la gouvernance de Pôle emploi. Je suis convaincu qu'il existe des marges de manoeuvre pour que le conseil d'administration soit davantage associé aux orientations stratégiques de l'opérateur. La convention tripartite y invite naturellement, puisqu'elle mentionne à plusieurs reprises le rôle du conseil d'administration. Les administrateurs que j'ai rencontrés ont beaucoup insisté, individuellement, sur le fait qu'aujourd'hui, en raison du rôle qui lui était dévolu, le conseil d'administration n'était pas suffisamment porté vers des débats de fond. Pour ma part, modestement, en tant que directeur général, je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour aider le président du conseil d'administration à mettre en place cette nouvelle gouvernance.

La deuxième direction est la définition de l'offre de services. De ce point de vue, la convention fixe des principes et des objectifs assez ambitieux. Pour ma part, j'en ai retenu trois.

D'abord, il conviendra d'améliorer l'information délivrée sur l'avancement du traitement du dossier d'indemnisation, tout en maintenant une indemnisation en temps et en heure.

Ensuite, il sera nécessaire de renforcer et de personnaliser l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Un socle d'accompagnement sera garanti à tous les demandeurs d'emploi, mais il faudra mettre l'accent sur la création ou à la consolidation de dispositifs de suivi renforcés pour ceux qui en ont le plus besoin.

Enfin, il faudra intervenir de façon plus ciblée sur les entreprises, notamment celles qui ont des besoins en recrutement et celles qui sont capables de fournir des offres d'emploi durable correspondant au portefeuille des demandeurs d'emploi tenu par Pôle emploi.

Ces principes devront être déclinés de manière opérationnelle. Je n'en sous-estime pas les difficultés. Nous aurons à répondre à de nombreuses questions en termes d'outils, de calendrier et de formation des conseillers. Nous devrons également accorder une attention toute particulière au redéploiement des emplois ; en effet, la convention fixe un objectif de 2 000 redéploiements au profit de la fonction d'accompagnement. Nous devrons enfin tenter de mieux appréhender les résultats opérationnels de Pôle emploi : la convention nous incite d'ailleurs à mettre en place des indicateurs et des instruments de pilotage renforcés.

Il faudra également – et c'est la troisième direction à suivre – travailler à la territorialisation de Pôle emploi, c'est-à-dire renforcer ses liens avec les territoires. Nous sommes invités à développer une politique d'ouverture et de collaboration étroite, dans un esprit de confiance mutuelle, avec les partenaires sociaux, les collectivités locales, les acteurs de la formation professionnelle et les cotraitants, notamment les missions locales et Cap emploi. Pôle emploi doit certes être l'opérateur pivot, mais il ne doit pas être l'opérateur exclusif en matière d'accompagnement des demandeurs d'emploi.

Gouvernance, offre de services, lien avec les territoires sont à l'évidence des orientations stratégiques. Toutefois je n'oublierai pas que Pôle emploi est d'abord un opérateur de services, dont l'efficacité repose avant tout sur la mobilisation de ses collaborateurs. Pour qu'il réponde bien et mieux aux attentes que l'on a placées légitimement en lui, il est indispensable que les hommes et les femmes de Pôle emploi adhèrent le plus possible à une vision partagée du rôle de ce service public et de ses ambitions. Je suis convaincu que l'enjeu principal du futur directeur général de Pôle emploi est d'ordre managérial : redonner de la confiance et, j'ose le mot, de la fierté.

En la matière, je ne pense pas qu'il y ait de recettes magiques. Je souhaiterais néanmoins partager avec vous trois orientations qui sont susceptibles de guider une démarche managériale : tracer des perspectives claires, faire le pari de la confiance et accorder une importance particulière aux conditions de travail.

En premier lieu, il convient de tracer des perspectives claires. Nous y serons conduits par les conditions de déclinaison de la convention tripartite. Ce sera l'une des priorités du directeur général de Pôle emploi, même si l'équilibre sera un peu délicat à trouver, entre ces deux nécessités : réaliser, dans des délais raisonnables, les premières modifications liées à la signature de la convention, et se laisser le temps de la réflexion collective et du partage avec les collaborateurs de Pôle emploi. La convention nous fixe un objectif de six mois pour présenter au conseil d'administration la nouvelle offre de services. Mais il faudra aller au-delà, l'objectif étant que chaque collaborateur puisse situer son action et sa place dans les résultats de Pôle emploi. Au-delà de toutes les questions d'organisation, chacun doit avoir des repères sur ses compétences, ses perspectives individuelles et ses trajectoires. Il conviendra donc de mobiliser tous les leviers de la gestion des ressources humaines, en portant une attention particulière au management de proximité – je pense aux directeurs d'agence, aux responsables d'équipes, sans lesquels rien ne pourra se faire.

En deuxième lieu, il faut faire le pari de la confiance. Cela implique d'associer les collaborateurs de Pôle emploi à la définition de la feuille de route stratégique que j'ai évoquée tout à l'heure, mais aussi de passer à une deuxième phase de la fusion. Celle-ci a été gérée de manière très centralisée – c'était sans doute pour partie inévitable – mais il faut maintenant déconcentrer tout ce qui peut l'être, dans un objectif de simplification et de subsidiarité. Faire le pari de la confiance, c'est aussi donner aux conseillers, qui sont en première ligne dans les relations avec les demandeurs d'emploi et les employeurs, des marges de manoeuvre, ce qui suppose de bâtir pour eux des outils adaptés, notamment des politiques de formation. C'est enfin expérimenter au maximum et mutualiser les bonnes pratiques.

En troisième lieu, il est nécessaire d'accorder une importance particulière aux conditions de travail. Je n'ignore pas que leur amélioration est une préoccupation très forte de l'actuelle équipe dirigeante de Pôle emploi, et que de nombreux projets sont en cours de conception ou de déploiement dans plusieurs domaines – informatique, immobilier, systèmes d'information, formation. Je n'ai pas de doute sur le fait que les partenaires sociaux sauront me sensibiliser aux perspectives d'amélioration de ces conditions de travail. La question est d'importance, dans la mesure où la qualité des conditions de travail ne peut que rejaillir sur l'état d'esprit des collaborateurs de Pôle emploi, et donc sur l'efficacité de leur action. J'y veillerai, tout en rappelant à mes interlocuteurs que la convention tripartite fixe un objectif de rétablissement des comptes de Pôle emploi à l'horizon de 2014, ce qui nous obligera à faire preuve de réalisme.

Enfin, les risques psychosociaux ne doivent pas être occultés. Personne ne pourra contester le fait qu'être confronté à la fois à une fusion – évidemment déstabilisante – et à une montée du chômage induit forcément des risques psychosociaux chez des agents qui peuvent éprouver un sentiment d'impuissance. Il faudra suivre de très près cette question.

Si ma nomination était confirmée, j'aurais à coeur de traiter les différents sujets que je viens d'aborder. Mais je prendrais d'abord le pouls de Pôle emploi en organisant, dès les premiers jours, des déplacements sur le terrain, des rencontres avec les directeurs régionaux de Pôle emploi et les partenaires sociaux.

PermalienPhoto de Bernard Perrut

Monsieur Bassères, dans une période économiquement difficile, les exigences que nous nourrissons envers Pôle emploi sont évidemment très fortes et, parfois, celui-ci ne peut pas y répondre. Vous souhaitez lui donner un second souffle. Comment ?

Le management de proximité me paraît essentiel. Sur le terrain, les directeurs de Pôle emploi doivent entretenir des relations de confiance avec les partenaires économiques et avec les élus. Vous n'avez pas parlé de ces derniers, mais les maires et les parlementaires sont directement impliqués dans ces questions liées à l'emploi. Pour gagner le pari de la confiance, Pôle emploi doit être ouvert aux partenaires économiques et aux élus.

Certaines entreprises nous disent que Pôle emploi ne répond pas toujours à leurs attentes. Comment pourriez-vous améliorer sa disponibilité, et donc le service rendu aux entreprises ?

Par ailleurs, si Pôle emploi est l'opérateur unique chargé d'assurer les missions de service public de l'emploi, il peut, pour atteindre l'objectif qui lui a été fixé, développer des coopérations avec les maisons de l'emploi, les missions locales ou les plans locaux pour l'insertion et l'emploi – les PLIE. C'est ainsi qu'un accord cadre portant sur un partenariat renforcé avec Pôle emploi a été signé par le Conseil national des missions locales et l'État, représenté par la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle – DGEFP. Ainsi, Pôle emploi a la possibilité de déléguer à certains organismes l'exécution d'un certain nombre de missions, en direction de publics spécifiques dont il a légalement la charge – on parle alors de « cotraitance ».

Cet accord, qu'il faudra renouveler en 2014, porte déjà ses fruits. Quelle vision en avez-vous ? Entendez-vous faire en sorte de renforcer les moyens qui sont indispensables à son exécution ? Nous avons en effet constaté que le nombre de jeunes concernés était plus élevé que ce qui était initialement prévu, sans que les missions locales disposent toujours des financements correspondants.

Au-delà des missions locales, entendez-vous renforcer le partenariat avec tous les acteurs de l'emploi et du développement économique ?

PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Monsieur Bassères, si j'ai bien compris, nous sommes là pour savoir si vous aurez La tête de l'emploi, pour reprendre le titre de l'ouvrage de M. Christian Charpy !

Vous avez énoncé des grands principes. Je voudrais rentrer un peu plus dans le détail de vos propositions et de la feuille de route tracée par la nouvelle convention tripartite.

Avez-vous déjà réfléchi au moyen d'améliorer le suivi et l'individualisation du suivi des demandeurs d'emploi ? Je voudrais notamment savoir si le contrat de sécurisation professionnelle – CSP –, qui remplace le contrat de transition professionnelle – CTP –, permettra la même qualité de service et de suivi.

Envisagez-vous de maintenir la distinction entre la fonction de suivi et d'accompagnement des demandeurs d'emploi, et la fonction d'indemnisation ? Avant la création de Pôle emploi, M. Charpy lui-même avait écarté tout rapprochement. Un rapprochement a malgré tout été engagé, mais il a provoqué de telles tensions que le processus a été interrompu. Aujourd'hui, on ne sait plus très bien où l'on en est.

Vous avez évoqué le rétablissement des finances de Pôle emploi, dont le déficit est cette année de 125 millions d'euros. Comment pensez-vous procéder ? Sans augmentation des moyens, comment pourrez-vous résoudre la question des effectifs ? Cela consiste un peu à résoudre la quadrature du cercle, mais j'imagine que vous avez dû commencer à y réfléchir.

Comme Pierre Méhaignerie et Bernard Perrut, j'insisterai sur la dimension nécessairement territoriale de la démarche de Pôle emploi. Nous en avions parlé à plusieurs reprises à M. Christian Charpy. Certes, celui-ci devait se mobiliser sur la fusion. Mais il est indéniable, tous les élus locaux et tous les acteurs de terrain l'ont observé, que la fusion a marqué une sorte de régression en ce domaine, alors même qu'il avait fallu de longues années pour construire, sur les territoires, des relations avec feue l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE).

Certes, les missions locales fonctionnent bien, mais on a l'impression qu'à côté de ce dispositif, il n'y a plus rien. Ne pourrait-on pas mener des expérimentations, en vue de développer d'autres formes de partenariats locaux, par exemple avec les maisons de l'emploi ou avec les régions ? En la matière, les attentes sont grandes.

Par ailleurs, comment concevez-vous les rapports de Pôle emploi avec les organismes privés de placement ? À l'origine, la feuille de route de ces derniers était bien cadrée, mais il semble bien qu'il y ait eu une sorte de retour en arrière. En effet, d'après de nombreuses études, sur de nombreux publics, ils seraient, pour des coûts plus élevés, moins performants que Pôle emploi. Ne faudrait-il donc pas « ré-internaliser » les fonctions qui avaient été confiées à ces organismes ? À moins qu'il ait été décidé de les faire travailler à tout prix ?

Vous avez insisté sur vos qualités managériales. Comment envisagez-vous donc les relations avec le médiateur et les médiateurs régionaux ? Jusqu'à présent, on ne peut pas parler d'une réussite totale. Le premier médiateur national a claqué la porte. Quant à l'actuel, il a déclaré dans une récente interview qu'il attendait toujours un retour officiel du conseil d'administration sur les recommandations qu'il avait formulées à la fin de l'année 2010.

Enfin, la négociation sur les risques psychosociaux a échoué. Pensez-vous la rouvrir avec les partenaires sociaux ?

Voici les principales questions que je souhaitais vous poser, afin que nous puissions asseoir notre jugement.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Nous pourrions tenir compte de l'expérience des pays scandinaves ou de celle de l'Angleterre, avec ses job centers, pour tenter de remédier à la complexité provoquée par l'empilement de nos structures, qui est bien dans la tradition française. Que penseriez-vous d'expérimentations consistant à regrouper, dans une seule direction, Pôle emploi, maisons de l'emploi et missions locales ?

J'ai mené moi-même, dans ma ville, une expérimentation de ce genre, en regroupant Pôle emploi avec la maison de l'emploi et en plaçant un chef d'entreprise à la tête de l'ensemble. Il en a résulté un doublement des offres d'emploi proposées par les entreprises et une valorisation des acquis de l'expérience et de la formation professionnelle.

Il n'est pas question de procéder brutalement. Mais de telles expérimentations nous permettraient d'identifier les bonnes pratiques, qui pourraient ensuite être étendues.

PermalienJean Bassères

Sur la territorialisation, j'ai bien entendu votre message. Il est en effet important de construire dans la durée des relations partenariales stables avec les missions locales, avec Cap emploi, etc. Je pense que cela ne fait pas de doute pour Pôle emploi. Encore faut-il que les directeurs régionaux aient suffisamment de liberté pour imaginer même des formes de partenariat.

Une convention cadre est extrêmement utile. Reste que les conditions de sa mise en place, département par département ou territoire par territoire, constituent un enjeu essentiel. Il faut gérer les deux exercices à la fois : manifester une volonté d'ouverture et de partenariat, tout en laissant aux responsables territoriaux le soin de la mettre en oeuvre.

Selon les territoires, le marché du travail est très différent. Voilà pourquoi il faut avoir une approche territorialisée des besoins d'emploi et des compétences des demandeurs d'emploi. Sinon, on ne pourra pas rapprocher les uns des autres.

Si je n'ai pas cité les élus locaux, c'est une erreur. Toutefois, je crois avoir parlé des collectivités locales.

Nous devons rechercher toutes les formes de partenariat. Pour autant, doit-on aller, monsieur le président, jusqu'à l'expérimentation que vous proposez ? Pôle emploi aspire au calme. Un programme immobilier, qui est très compliqué, a été engagé. On peut sans doute envisager certaines expérimentations. Mais commençons par mener à bien ce programme.

Venons-en au suivi des demandeurs d'emploi : la convention nous amène à quitter une logique un peu mécanique, avec des parcours types définis au niveau national, pour nous approcher le plus possible des besoins, en termes de suivi et d'accompagnement, de chaque demandeur d'emploi. Toute la difficulté est alors de passer d'une mesure très générale – quitte à ce qu'elle ne soit pas mise en place au niveau local – à du « sur mesure ». Comment faire ? Je ne connais pas la réponse, si ce n'est que celle-ci passera par une réflexion sur la segmentation des demandeurs d'emplois. Tous les demandeurs d'emploi n'ont pas les mêmes besoins ni le même degré d'autonomie ; de par leurs compétences, ils sont plus ou moins éloignés du marché du travail local ou d'autres marchés du travail ; certains ont des difficultés sociales ou de santé. Nous devons donc identifier précisément leurs besoins. Pour répondre à ceux-ci, l'idéal serait de mobiliser l'offre de services de Pôle emploi, mais aussi celle de tous les partenaires : les régions pour la formation, les PLIE pour l'insertion, etc.

Vous avez évoqué le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), qui remplace les conventions de reclassement personnalisé et les contrats de transition professionnelle (CTP). Pour gérer ces dispositifs, des portefeuilles réduits de demandeurs d'emploi ont été mis en place. Doit-on poursuivre dans cette voie ? Je ne sais pas encore. Car il s'agit de savoir comment déterminer des portefeuilles réduits. Pour les bénéficiaires du CSP, on dispose d'un critère simple, mais pour tous les autres demandeurs d'emploi, les critères risquent d'être plus complexes. Par ailleurs, en termes de ressources humaines, si l'on crée des portefeuilles réduits, que deviendront les autres portefeuilles ? L'objectif, sur lequel tout le monde est d'accord, est de faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin. La difficulté est que si l'on veut faire plus pour certains demandeurs d'emploi, il faut alors procéder à des adaptations qui affectent les autres…

Au moment de la création de Pôle emploi, certains ont eu l'illusion qu'on allait passer au métier unique. Or le métier de l'indemnisation est différent du métier du placement. Cela dit, il convient de créer le maximum de synergies entre eux.

Je trouve que la mise en place du premier entretien d'inscription et de diagnostic, qui permet de porter un diagnostic sur la situation du demandeur d'emploi et de commencer à répondre aux questions liées à son indemnisation, va plutôt dans le bon sens. Ce type d'entretien sera d'ailleurs généralisé dans les prochains mois.

Mais qui seront les agents complètement polyvalents de demain, au sein de Pôle emploi ? J'ai cru comprendre qu'aujourd'hui, l'objectif était qu'il y en ait 15 à 20 %, sur l'ensemble de l'effectif. Est-ce raisonnable ? Faut-il poursuivre dans cette voie ? Il convient d'y regarder de très près, sachant que derrière les questions liées aux métiers, il y a la question relative à la classification des emplois. Il va d'abord falloir voir quelles sont les offres de services, quelles sont les organisations, quels sont les métiers avant de se pencher sur la question de la classification des emplois.

Comment rétablir l'équilibre financier ? Ce serait très présomptueux de ma part de vous répondre. Je sais, comme vous, que Pôle emploi accuse un résultat négatif de 120 millions d'euros et que l'on y voit à peu près clair sur l'évolution de ses recettes – part Unédic et dotation de l'État, que le Gouvernement s'est engagé à maintenir. Il faudra procéder à des arbitrages très compliqués – dont on ne peut, à ce stade, évaluer la portée – entre le volet des aides et des prestations, d'environ 900 millions d'euros, et puis les 3 milliards et plus, des crédits de fonctionnement. Quoi qu'il en soit, Pôle emploi ne saurait rester durablement dans une situation financière dégradée qui pourrait le mettre, à terme, dans la « dépendance » de ses financeurs. Le terme est peut-être un peu brutal, mais l'objectif que nous avons intérêt à poursuivre est de rétablir les comptes d'ici à 2014.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le président, l'Inspection générale des finances avait mené une étude comparative des moyens en effectifs du service public de l'emploi en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Certes, le champ de cette étude dépassait Pôle emploi, puisqu'on y traitait aussi des missions locales, des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – DIRECCTE –, etc. Mais une telle étude a tout de même permis de dégager des tendances fortes.

Globalement, les effectifs du service public de l'emploi en France sont inférieurs à ceux de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne. Ce n'est pas forcément une mauvaise nouvelle, car cela prouve que sur certaines fonctions comme l'accueil et l'indemnisation, la France est plus efficiente et plus productive que l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Mais cela ne se vérifie pas pour le placement. Voilà pourquoi un débat s'est engagé sur la capacité qu'aura, ou non, Pôle emploi à redéployer des forces, des fonctions support et de l'encadrement vers l'accompagnement. La convention tripartite fixe un objectif assez ambitieux, de 30 % ; je m'efforcerai de l'atteindre.

S'agissant des moyens, je viens d'un ministère où le fait même, dans le contexte budgétaire actuel, de maintenir les effectifs est une forme de priorité budgétaire. On ne peut pas aborder la question des emplois de Pôle emploi sans tenir compte des facultés contributives des financeurs, mais la décision de maintenir les effectifs témoigne de la priorité accordée par les pouvoirs publics à Pôle emploi. Bien sûr, en vous disant cela, j'ai conscience de ne pas épuiser le sujet. J'ajouterai donc que j'envisage d'engager des discussions avec les partenaires sociaux sur la thématique des moyens.

Par principe, avant de savoir si j'allais être ou non nommé, je n'ai pas souhaité rencontrer beaucoup de cadres de Pôle emploi, ce qui explique que je ne me sois pas entretenu avec les médiateurs. Je compte le faire très vite.

J'avais le sentiment que certaines des propositions du médiateur national – notamment sur la lisibilité des courriers envoyés par Pôle emploi – avaient été mises en place. Il faudra s'interroger, au sein du conseil d'administration et à Pôle emploi, sur l'avenir de ces propositions. J'observe d'ailleurs que celles-ci ne concernent pas que Pôle emploi ; elles sont souvent adressées aux partenaires sociaux ou liées à la complexité du régime d'assurance chômage.

S'agissant des opérateurs privés de placement, il faut se garder de toute approche doctrinale et se poser la question de leur efficacité. Je crois que sur certains publics, dans certains domaines, il est bon de faire intervenir des spécialistes. L'important est de procéder à des évaluations systématiques ; je ne suis pas sûr que ce soit le cas aujourd'hui. Mais je suis sûr qu'il serait malsain d'utiliser les opérateurs privés (OPP) pour des raisons capacitaires, c'est-à-dire pour faire face à l'afflux des demandeurs d'emploi. Pour travailler utilement en la matière, il vaut mieux réfléchir en termes de publics concernés et de prestations fournies que s'interroger sur la manière de faire face à l'éventuelle progression des indemnisations.

En ce qui concerne les risques psychosociaux, une négociation a été tentée mais elle a échoué et je sais pourquoi elle a échoué : les organisations syndicales souhaitaient en effet que l'on affiche dans l'accord que tous les conseillers auraient des portefeuilles de 60 demandeurs d'emploi ; or, aujourd'hui, c'est objectivement impossible. Pour ma part je suis prêt à toute discussion avec les partenaires sociaux, mais sur d'autres bases. Bien sûr, il serait très valorisant pour la nouvelle direction générale d'aboutir à un accord sur la prévention des risques psychosociaux. Encore faudra-t-il être sûr que l'accord est techniquement possible. Je pense rencontrer les partenaires sociaux, pour engager avec eux des débats approfondis. Mais si la demande exposée est extrêmement difficile à satisfaire, mieux vaut ne pas conclure d'accord que de conclure un accord que l'on ne sera pas capable de concrétiser. Nous verrons donc quel sera l'état d'esprit des uns et des autres.

Je remarque enfin qu'un plan sur la prévention des risques psychosociaux a été mis en place, indépendamment de cet accord. La priorité consiste sans doute à regarder ce qu'il a donné et à voir si, aujourd'hui, la situation est correcte.

PermalienPhoto de Gérard Cherpion

Avec votre expérience du management et du dialogue social, il devrait être relativement aisé pour vous de susciter l'adhésion des personnels… Tant mieux, car il importe de gagner le pari de la confiance, et il y a encore du chemin à faire !

Je voudrais revenir sur l'offre de services. Il convient d'améliorer l'information sur le traitement des dossiers ; aujourd'hui, un demandeur d'emploi a bien des difficultés à exister dans la « machine » Pôle emploi.

PermalienPhoto de Gérard Cherpion

C'est la réalité !

De nombreux autres facteurs pourront ensuite être pris en compte, mais l'accompagnement sera le point crucial de votre action. Ainsi, autant les contrats de transition professionnelle et les conventions de reclassement personnalisé fonctionnaient bien, autant le nouveau contrat de sécurisation professionnelle qui les remplace, pourtant plus avantageux pour le demandeur d'emploi, semble avoir des difficultés à se mettre en place. Serait-ce en raison d'un manque d'informations ? Les réunions organisées par des opérateurs comme Transitio feraient-elles défaut ?

S'agissant de l'approche territoriale, vous avez raison. En particulier, les appels d'offres concernant les opérateurs privés de placement devraient être régionaux, et non nationaux, car il semble indispensable d'avoir une approche et un ancrage territoriaux pour répondre efficacement à la fois aux besoins des entreprises et à ceux des demandeurs d'emploi.

Que comptez-vous faire pour renforcer les liens entre les entreprises et Pôle emploi ? On estime que ce dernier ne traiterait, sur l'ensemble du territoire, qu'un tiers des emplois à renouveler ; il existerait donc de nombreux « emplois cachés ». Mais à qui ces emplois sont-ils « cachés » ? Le rôle de Pôle emploi ne devrait-il pas consister à rechercher et à diffuser l'information, donc à révéler l'existence des emplois dits « cachés » ?

Je pense qu'il faut poursuivre les expérimentations, en particulier celles sur les personnes en fin de contrat à durée déterminée, en fin d'intérim et en fin de chantier, qui ont donné de bons résultats. Je souhaite que vous preniez clairement position sur ce sujet.

Les licenciés économiques ne représentent que 18 % des inscrits à Pôle emploi. Pour reprendre les propos tenus par un syndicaliste lors de la visite du Président de la République dans ma circonscription, à Sainte-Marguerite, il existe deux systèmes au sein de Pôle emploi : la « Rolls », avec des dispositifs comme le contrat de transition professionnelle, où les gens sont bien accompagnés et ont la possibilité d'accéder rapidement à une formation, et la « 2 CV », soit les 82 % de personnes inscrites au régime général. Comment comptez-vous régler ce délicat problème ?

PermalienPhoto de Michel Liebgott

Vous avez évoqué les différences entre la France et l'Allemagne, notamment au regard des moyens consacrés par chaque pays au suivi des demandeurs d'emploi. Ne croyez-vous pas que le problème réside aussi dans l'existence de législations et de réglementations différentes ? En Allemagne, 71 % de la population est active, contre 64 % en France ; les Allemands ont créé quelque 200 000 emplois en un an, tandis que nous en supprimions 130 000 durant la même période ; enfin, le taux de travailleurs à temps partiel est bien plus élevé là-bas qu'ici : 26 % contre 17 %. D'une certaine manière, il s'agit d'une forme de réduction du temps de travail. On met souvent en cause les 35 heures, mais lorsqu'on compare le temps travaillé cumulé, on s'aperçoit que ce sont les Français qui travaillent le plus. Une solution à l'aggravation du chômage en France ne résiderait-elle pas dans un changement de réglementation ou de législation ?

À une question écrite, le ministère avait répondu que 3 400 recrutements avaient été réalisés à la suite de la création de Pôle emploi, non parce que la fusion aurait été particulièrement compliquée à réaliser, mais parce que le nombre de demandeurs d'emploi était en augmentation. Force est de constater que nous nous trouvons aujourd'hui dans la même situation. Allez-vous solliciter une augmentation des effectifs affectés à la prise en charge des demandeurs d'emploi ?

Enfin, il semblerait que joindre le « 39 49 » ne puisse se faire qu'au terme d'une attente interminable, et coûteuse pour ceux qui téléphonent d'un mobile, ces appels étant surtaxés. Que comptez-vous faire pour y remédier ?

PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Vous avez évoqué rapidement un problème important : celui de l'état de santé, surtout psychologique, des demandeurs d'emploi. Pour certains d'entre eux, lorsque tout s'est délité, l'agent de Pôle emploi reste le seul interlocuteur. Or, plus l'état psychologique se dégrade, plus le retour à l'emploi est difficile.

Dans ma circonscription, une agente de Pôle emploi s'est mise en grève de la faim, pas tant pour faire parler d'elle que pour attirer notre attention sur les conditions de travail à Pôle emploi : entre les attentes des demandeurs d'emploi, l'impossibilité matérielle de gérer de front 120 dossiers individuels, et l'agressivité des personnes qui ont patienté 25 minutes au téléphone avant qu'on leur réponde, la situation est très tendue. On a l'impression que vous mettez de côté la norme des 60 demandeurs d'emploi pouvant être pris en charge par un même agent, alors qu'il s'agit d'une revendication importante – et légitime – des personnels de Pôle emploi. L'OCDE prévoyant que la France va franchir le cap des 10 % de chômeurs, comment allez-vous faire pour que le dialogue social ne se trouve pas dans une impasse ?

PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

La mission essentielle de Pôle emploi est de mettre en adéquation l'offre et la demande d'emploi. Bernard Perrut l'a souligné, il convient de commencer par recenser l'offre. Avant la création de Pôle emploi, des personnes rendaient régulièrement visite aux entreprises afin d'identifier leurs besoins. Cette tâche ne semble pas aussi bien remplie qu'auparavant ; d'ailleurs, beaucoup de recrutements se font aujourd'hui en dehors de Pôle emploi. Comptez-vous y remédier ? Il faudrait pour cela vous appuyer sur les structures de développement économique local, avec lesquelles vous pourriez travailler en partenariat.

Un volet important de la personnalisation du suivi et de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, c'est la formation. Or, celle-ci étant assurée par les régions, il est parfois difficile de pouvoir accéder à une formation située dans la région voisine ; c'est ce qui se produit dans ma circonscription, qui se trouve aux confins de l'Île-de-France et de la Normandie. Il serait bon d'améliorer les choses.

PermalienPhoto de Michel Issindou

Quel courage, monsieur Bassères, de prendre la direction de Pôle emploi dans un moment aussi difficile ! Vous êtes confronté à une équation quasi impossible à résoudre : 4 à 5 millions de demandeurs d'emploi alors qu'en face, on est loin d'avoir une quantité d'offres équivalente, même en comptant les emplois « cachés » ! Vous êtes condamné à l'échec individuel, car vous ne pourrez pas satisfaire tous les demandeurs d'emploi. De surcroît, la baisse de 12 % du budget de l'emploi, même si elle ne touche pas directement Pôle emploi, ne constitue pas un bon signal.

Vous avez raison, votre réussite passera sûrement par l'amélioration de la gouvernance et par la mobilisation des équipes. Lors de la fusion, on avait créé 1 000 emplois, qui ont été supprimés dans l'intervalle. Avec le non-remplacement des départs en retraite, le solde est même devenu négatif ; dans ces conditions, est-il opportun de supprimer 1 500 postes alors que le chômage augmente ?

J'ai récemment rendu visite à deux agences de Pôle emploi dans ma circonscription ; j'y ai rencontré des personnels motivés, qui ont envie de « faire le boulot ». Il reste que lorsqu'une personne ne trouve pas d'emploi, elle contacte en dernier recours le député : nous faisons le travail que Pôle emploi n'a pas le temps de faire ; et ceux que nous recevons nous disent qu'il ne sert à rien d'aller à Pôle emploi. J'aimerais que cette phrase disparaisse du discours collectif ! Il faut cependant admettre que cela ressemble parfois à du travail à l'abattage… Comment assurer, comme vous le souhaitez, un suivi individuel lorsque chaque conseiller a un portefeuille de 100 à 200 demandeurs d'emploi ? Certes, il n'est pas nécessaire de suivre ceux qui peuvent se débrouiller, mais ceux-là, de toute façon, ne reviendront pas. Ceux qui reviennent à Pôle emploi, ce sont ceux qui ne trouvent pas de solution.

Pour abonder dans le sens du président Méhaignerie, je rêve du jour où Pôle emploi suffira pour régler tous les problèmes ! Pourquoi avoir créé des maisons de l'emploi, des maisons cantonales pour l'emploi et la formation, des plans locaux pour l'insertion et l'emploi, sinon pour pallier les défaillances de l'État ?

Seule une reprise de la croissance pourra apporter des solutions. Quant à vous, monsieur Bassères, vous avez du pain sur la planche ! Avec des effectifs et un budget réduits, votre mission est quasi-impossible. Essayez néanmoins de la remplir avec le plus d'humanité et d'efficacité possible !

PermalienPhoto de Véronique Besse

Monsieur Bassères, que pensez-vous de l'initiative prise par certains conseils généraux d'organiser des réunions tripartites entre le bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA), un assistant social et un agent de Pôle emploi ? Dans mon département, cela marche plutôt bien : chacun est dans son rôle – l'assistant social aide le bénéficiaire à régler ses problèmes de mobilité, de logement ou de santé, l'agent de Pôle emploi le met en relation avec les entreprises locales – et les réunions ont lieu à des cadences élevées. Ces actions sont cofinancées par Pôle emploi et par le conseil général. Faut-il les généraliser ?

PermalienPhoto de Simon Renucci

N'oublions pas de remercier M. Christian Charpy pour le travail accompli, et ce malgré les contrecoups d'une fusion réalisée dans la douleur !

Je serai pour ma part pragmatique. En premier lieu, je rappellerai que les inégalités sociales sont d'abord des inégalités de santé, et que c'est le premier obstacle à la réinsertion et au suivi. Ensuite, je voudrais poser la question de la formation, aussi bien celle des agents que celle des demandeurs d'emploi, avec ou sans l'aide des organismes privés de placement. Enfin, comment faire en sorte que les différents partenaires agissent ensemble ? Je suis président d'une maison de l'emploi qui fonctionne bien, avec peu de personnel, mais je me demande régulièrement quel rôle chacun doit jouer. Une innovation consisterait à faire travailler de concert les missions locales, les maisons de l'emploi et Pôle emploi sur des objectifs clairs.

Quant à fonctionner mieux avec des moyens identiques, voire inférieurs, dans la situation actuelle, il s'agit d'un voeu pieux ! En revanche, on doit pouvoir améliorer les choses en travaillant par secteur et par territoire. Pour cela, vous aurez besoin des élus, car notre fonction est de comprendre la société.

Nous vous adressons tous nos souhaits de réussite.

PermalienPhoto de Dominique Tian

J'ai été le rapporteur du projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi. Lorsqu'on a créé Pôle emploi, on a commencé par négocier une nouvelle convention collective ; comme il existait deux types de statuts très différents, on a décidé d'appliquer les clauses les plus généreuses, ce qui s'est traduit par une augmentation sensible des salaires, notamment pour les anciens agents de l'ANPE. Sur le plan financier, personne ne s'est donc trouvé lésé. Sachant que près de 2 000 emplois ont été créés en 2009 et 2010, je pense que les conditions de travail sont plutôt plus favorables qu'avant. D'ailleurs, en me rendant sur le terrain, je n'ai pas remarqué que l'on travaillait tant que cela – on n'est pas loin des 35 heures. Les mouvements de grève sont peu suivis. Évitons de dramatiser !

Dans beaucoup de bassins d'emploi, les chefs d'entreprise n'arrivent pas à trouver les salariés dont ils ont besoin ; ils reprochent à Pôle emploi de ne pas leur proposer le personnel nécessaire à la bonne marche de leur entreprise. Dans certains secteurs d'activité, les conséquences peuvent être dramatiques, les entreprises se trouvant bloquées dans leur croissance faute de personnel. Où en est-on de la mise en oeuvre de l'offre raisonnable d'emploi ? Que faire de ceux qui abusent du système, et qui refusent les emplois qu'on leur propose ? Le système n'est pas assez coercitif ; il s'agit quand même d'argent public !

PermalienPhoto de Rémi Delatte

Dans la perspective d'une territorialisation, il conviendrait de renforcer les partenariats avec les autres acteurs : maisons de l'emploi, missions locales, plans locaux pour l'insertion et l'emploi. Le demandeur d'emploi est aujourd'hui un peu perdu dans ce maquis d'organismes !

Par ailleurs, quel partenariat envisagez-vous avec les communes qui ont choisi de conserver des antennes emploi en dehors des réseaux des missions locales et des maisons de l'emploi ? Ces structures ont une bonne connaissance de leurs publics et entretiennent des relations privilégiées avec les entreprises, qui leur proposent directement des offres. On aurait intérêt à favoriser leur rapprochement avec les services de Pôle emploi. Ce serait particulièrement utile pour celles et ceux qui rechignent à se rendre dans un établissement éloigné.

PermalienPhoto de Sandrine Hurel

Monsieur Bassères, vu le contexte dans lequel vous arrivez, on vous souhaite bonne chance ! On aimerait croire à toutes vos bonnes intentions, mais un rapport du Conseil économique, social et environnemental et une mission sénatoriale font état de la profonde dégradation des conditions de travail des salariés de Pôle emploi : manque de moyens, 150 dossiers par agent, long et coûteux délais d'attente avant de pouvoir joindre le 39 49 – 25 minutes si j'en crois ma propre expérience. Le délai est également extrêmement long avant d'obtenir le premier rendez-vous. Contrairement à ce qu'avancent nos collègues de l'UMP, tous les demandeurs d'emploi ne sont pas des personnes qui refusent de travailler.

PermalienPhoto de Sandrine Hurel

C'est pourtant ce que vous venez de laisser entendre !

Vous dites vouloir faire dans le qualitatif et personnaliser le suivi de chaque demandeur. Pourtant, aux partenaires sociaux qui souhaitent revenir à un portefeuille de 60 demandeurs d'emploi par agent, vous répondez que c'est impossible. Au regard de la hausse du chômage et des difficultés économiques et sociales actuelles, comment parviendrez-vous à faire en sorte que les salariés de Pôle emploi travaillent dans de bonnes conditions ?

Par ailleurs, vous embauchez des intérimaires pour s'occuper des demandeurs d'emploi, alors qu'eux-mêmes, qui n'ont aucune chance d'être titularisés, se trouvent dans une position précaire. Quel paradoxe !

PermalienPhoto de Arnaud Richard

Je souhaite moi aussi saluer le travail de M. Christian Charpy, ainsi que celui des 50 000 collaborateurs de Pôle emploi.

Monsieur Bassères, que pensez-vous de la réactivation par M. Xavier Bertrand du concept de service public de l'emploi local (SPEL), les sous-préfets étant chargés de coordonner les différents acteurs locaux au sein de chaque bassin d'emploi ? Quelles consignes donnerez-vous à vos directeurs territoriaux et régionaux sur la manière de travailler au sein de ces services publics de l'emploi locaux ?

Comment concevez-vous vos relations avec les conseils régionaux, notamment en ce qui concerne les achats de formation ?

Comptez-vous clarifier la doctrine du recours aux opérateurs privés de placement, peut-être afin de cibler des publics spécifiques ?

Pensez-vous pertinent, eu égard à la nouvelle feuille de route, de modifier la composition du conseil d'administration de Pôle emploi ?

Envisagez-vous un audit juridique pour savoir comment simplifier les règles juridiques applicables à Pôle emploi ?

Le Parlement est très attentif aux maisons de l'emploi. Envisagez-vous de mettre en oeuvre la nouvelle feuille de route de concert avec elles ?

Comment toucher davantage les publics les plus fragiles, en particulier ceux ciblés par la politique de la ville ?

Quelles relations souhaitez-vous avoir avec l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) ?

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Quelle n'est pas la surprise des chefs d'entreprise étrangers installés en France de se trouver face à une bonne douzaine de structures différentes ! Avant de créer de nouveaux emplois, ne faudrait-il pas procéder à une réorganisation ?

PermalienJean Bassères

D'abord, je vous remercie pour vos encouragements. Tout le paradoxe de ce type d'auditions réside dans le fait que les questions posées supposent une connaissance intime du sujet qu'on ne peut avoir, puisqu'on n'est pas encore en fonction. Je ne pourrai donc pas répondre à toutes.

S'agissant des moyens, je trouve qu'on ne parle pas assez de l'indemnisation. Pourtant, assurer une indemnisation rapide est le premier service que l'on doit rendre à un demandeur d'emploi, afin de le rassurer sur son revenu et lui assurer une plus grande disponibilité d'esprit. De ce point de vue, les résultats obtenus sont satisfaisants. Il faut veiller à préserver cet acquis.

Je rappelle que la taille d'un portefeuille de 60 dossiers par conseiller avait été retenue, lors de la première convention tripartite, sur la base d'un taux de chômage de 5 %. En faire un dogme risque de mener à une impasse, vu le nombre de créations de postes que cela supposerait. Dans la conjoncture actuelle, il faut être pragmatique et faire avec les effectifs que l'on a, et qui ont été maintenus pour 2012 ; rares sont les structures publiques qui sont dans ce cas.

PermalienJean Bassères

Il convient de distinguer deux choses.

D'abord, il faut étudier comment adapter l'offre de services. Je suis pour ma part convaincu que tous les demandeurs d'emploi n'ont pas les mêmes besoins. Si l'on accroît la transparence du marché du travail, certaines personnes pourront trouver des postes grâce à la seule présentation qu'en fera Pôle emploi, sans qu'il soit nécessaire d'assurer un accompagnement en sus. Il faudra donc être sélectif et réserver ce dernier à ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire aux chômeurs éloignés durablement du marché du travail.

Ne nous racontons pas d'histoires : si le chômage continuait à augmenter, il faudrait faire des choix. La priorité devra être donnée à l'indemnisation. S'agissant du placement, il faudra mettre les moyens là où ils seront les plus utiles.

Ensuite, il faut savoir comment un organisme comme Pôle emploi peut s'adapter aux variations conjoncturelles de sa charge. Comment faire si, d'un côté, on refuse tout CDD en raison du paradoxe évoqué, et, de l'autre, on ne peut obtenir de créations de postes via les lois de finances ? De surcroît, si, comme nous l'espérons tous, le chômage venait à diminuer, le recrutement de personnels en CDI ne correspondrait pas à une utilisation optimale des deniers publics ! Il faut donc poser la question des moyens sans tabous – la convention collective limite à 5 % le plafond de CDD –, raisonner à partir de ceux qui nous sont donnés, et essayer de faire au mieux. On ne peut pas continuer à dire qu'on va assurer un suivi mensuel personnalisé pour tous les demandeurs d'emploi, alors qu'on sait que c'est impossible ; on ne ferait qu'entretenir la frustration et mettre une pression absurde sur les agents. Il faut en revanche adapter les outils aux différents profils de demandeurs d'emploi et aider les conseillers à faire les meilleurs choix. Ne croyons pas qu'un portefeuille de 60 demandeurs d'emploi par agent soit la panacée ; en revanche, cela peut être une solution pour les publics en difficulté. Les conventions de reclassement personnalisé, les contrats de transition professionnelle et, demain, les contrats de sécurisation professionnelle sont d'autres exemples d'outils spécifiques, avec des moyens supplémentaires octroyés par les partenaires sociaux. D'ailleurs, peut-être faudrait-il étudier la possibilité de mobiliser des moyens complémentaires sur des dispositifs spécifiques, comme cela se fait déjà en direction des jeunes ou des licenciés économiques. Quoi qu'il en soit, ma priorité est d'étudier les redéploiements possibles afin de mieux assurer les fonctions d'accompagnement.

Il est évident que Pôle emploi doit continuer à recevoir des offres d'emploi de la part des entreprises. La question est de savoir quels moyens consacrer à la prospection. Comparativement à l'Allemagne et au Royaume-Uni, la France affecte beaucoup d'effectifs aux relations avec les entreprises. Pourrait-on en redéployer vers les fonctions d'accompagnement ? Quels dispositifs doit-on mettre en place ? Certains considèrent qu'il faut mettre l'accent sur les entreprises qui rencontrent des difficultés de recrutement, en raison de leur taille ou des métiers concernés ; d'autres estiment que les grands groupes offrent des volumes d'emploi plus importants et peuvent accueillir les personnes les plus éloignées du marché de l'emploi. Je n'ai pas de position arrêtée sur le sujet.

Pôle emploi doit participer au fonctionnement des services publics de l'emploi locaux. Je n'ai pas de vision claire des articulations à établir avec les communes, mais il convient de développer les synergies, de multiplier les initiatives et de faire en sorte que Pôle emploi travaille dans un esprit de partenariat renforcé et avec une volonté d'ouverture à l'égard des autres structures qui s'occupent de l'emploi.

S'agissant de l'Association pour l'emploi des cadres (APEC), la situation est plus compliquée, dans la mesure où, en raison de la réglementation européenne, elle ne peut plus être un cotraitant, mais est désormais un sous-traitant de Pôle emploi. Elle est en train d'adopter un cadre stratégique ; nous en discuterons avec ses responsables lorsque ce sera fait.

La question de la formation pose celle de l'articulation avec les régions. Comme vous l'avez mentionné, des expériences ont été conduites en matière d'appels d'offres régionaux. Nous verrons dans les prochains mois s'il faut développer ce type d'outils.

S'agissant du 39 49, j'espère que votre expérience est isolée ! On m'a dit que le taux de décrochage était de 85 %. M. Christian Charpy raconte dans son livre que lorsqu'il a été auditionné par votre commission, un député a appelé le 39 49 et a obtenu immédiatement une réponse, ce qui a facilité la suite de l'audition ! Par ailleurs, je crois qu'il n'existe plus de surfacturation pour les appels depuis les mobiles.

Quant aux différences de réglementations entre la France et l'Allemagne et aux évolutions à envisager, je me garderai bien de vous répondre sur ce point ! Permettez-moi de me concentrer sur Pôle emploi.

S'agissant de l'offre raisonnable d'emploi, je n'ai aucune idée de la pratique actuelle et du dispositif opérationnel.

PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je partage cet avis. Pour vous donner un exemple, dans mon bassin d'emploi, 150 emplois industriels sont proposés ; il n'y a aucun candidat, au point que les entreprises se posent des questions sur leur avenir. Pourtant, dans le même temps, on recevait 142 curriculum vitae pour une proposition d'emploi dans un service d'état civil. Cela montre la différence d'attractivité des métiers !

Monsieur Bassères, je vous remercie. J'ai apprécié votre discours de vérité et de responsabilité. À l'issue de notre voyage d'études en Suède et au Danemark, Gilles Carrez et moi-même avions pris nos calculettes : si l'on additionne les employés de Pôle emploi, des maisons de l'emploi, des missions locales, des structures chargées du RSA, des associations subventionnées et des agences d'intérim, on trouve pour la France un effectif global d'agents identique. Dans ce domaine, j'appelle mes collègues à tenir un discours de vérité et de responsabilité, y compris vis-à-vis des organisations syndicales.

PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Monsieur Bassères, nous n'avons pas a priori d'hostilité envers vous ; nous saluons plutôt votre courage et l'enthousiasme dont vous avez fait preuve. Néanmoins, nous nous abstiendrons – bien qu'il s'agisse d'une abstention bienveillante –, parce que nous n'avons pas obtenu de réponse satisfaisante sur l'évolution de l'offre de services, sur le portefeuille des agents et, surtout, sur les marges de manoeuvre dont vous disposerez. Vous avez été clair sur les questions budgétaires, mais cela ne saurait suffire. Je suis en particulier déçu que vous n'ayez pas indiqué comment vous envisagiez de revaloriser le rôle du conseil d'administration. Pôle emploi est de toute évidence sous tutelle ; votre prédécesseur a lui-même souligné que sa marge de manoeuvre avait été faible et qu'il arrivait que le ministre soit aussi le directeur. Je comprends néanmoins qu'il vous était difficile, vu votre position, de vous exprimer sur le sujet. Nous vous souhaitons bon courage et bonne chance.

Le président précise les conditions dans lesquelles le scrutin va se dérouler, conformément à l'article 29-1 du Règlement de l'Assemblée nationale. Il précise que le dépouillement ara lieu le lendemain, mercredi 7 décembre à 11 heures.

Il est alors procédé au scrutin par appel nominal

La séance est levée à dix-neuf heures.