COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 6 juillet 2011
La séance est ouverte à dix heures quarante.
(Présidence de M. Jacques Grosperrin, secrétaire de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine le rapport d'information de M. Jacques Grosperrin, en conclusion des travaux de la mission d'information sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants.
Je supplée temporairement la présidente Michèle Tabarot pour cette réunion consacrée à l'examen du rapport de la mission d'information sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants.
Je rappelle qu'il y a un ordre protocolaire des membres du Bureau et que celui-ci compte un premier vice-président, puis un deuxième vice-président, etc. À mes yeux, il est impossible qu'un secrétaire de la commission, qui est président-rapporteur de cette mission, préside cette réunion, et je suis prêt à le faire en tant que deuxième vice-président.
(Présidence de M. Michel Herbillon, vice-président de la Commission)
Je ne comprends toujours pas que la présidence de cette réunion ne puisse être assurée par notre premier vice-président, M. Christian Kert.
L'article 39, alinéa 6, du Règlement de l'Assemblée nationale, dispose qu' « Il n'existe aucune préséance entre les vice-présidents ».
(La séance est suspendue et reprend sous la présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
Je remercie le rapporteur de la mission d'information d'avoir mené à bien un travail très important ces derniers mois pour établir le constat de la mise en oeuvre de la réforme dite de la mastérisation et proposer des pistes pour « réformer la réforme ». Je lui laisse le soin de présenter son rapport.
Tout d'abord, je tiens à remercier les membres de la mission pour la qualité de nos échanges.
De début avril jusqu'à début juin, nous avons mené à bien un programme d'auditions dense, entendant, au total, près de quatre-vingt-dix personnes, dont les deux ministres en charge du dossier, M. Luc Chatel et Mme Valérie Pécresse.
Nos travaux ont été passionnants. Il est vrai aussi que notre sujet est tout sauf anecdotique.
À cet égard, je rappellerai quatre vérités.
La première est exprimée par un théorème très simple, mis en évidence par le cabinet de conseil McKinsey. Ce théorème, le voici : la qualité d'un système scolaire ne peut excéder celle de son corps enseignant. Or chacun conviendra que celle-ci dépend étroitement du système de formation et de recrutement des personnels concernés.
La deuxième vérité est que l'Éducation nationale, même en respectant le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, devra recruter, au cours des prochaines années, beaucoup d'enseignants. Le système de formation et de recrutement concernera donc des dizaines de milliers d'étudiants se destinant à l'enseignement.
La troisième vérité est que la formation initiale de ces personnels concerne des fonctionnaires appelés à rester en poste jusqu'en 2060 au moins. Il est donc nécessaire de ne pas se tromper en la matière.
La dernière vérité est que cette formation doit préparer à un métier. Comme l'a dit l'un de nos interlocuteurs, M. Olivier Grandserre, professeur des écoles, l'objectif n'est pas de recruter des « professeurs qui discourent », mais des « apprentisseurs », capables de créer des situations d'apprentissage. Le Haut conseil de l'éducation a d'ailleurs estimé en 2006 que l'enseignant est un « professionnel de l'enseignement de sa ou ses disciplines devant des groupes d'élèves ». Ainsi, comme pour toute activité professionnelle, le métier d'enseignant doit s'apprendre grâce une formation intégrant la théorie et la pratique.
Ces vérités ayant été rappelées, que faut-il penser de la réforme dite de la mastérisation, intervenue en 2010 et dont le rapport tente de dresser un premier bilan ?
Je ne reviendrai pas sur les avantages d'une formation à bac +5. Ils ont été reconnus par tous nos interlocuteurs, l'élévation du niveau de qualification universitaire des enseignants étant en effet une chance pour l'école.
Cela étant, la réforme mise en oeuvre l'année dernière pose plusieurs problèmes que j'évoquerai rapidement, le rapport les analysant en détail.
Premier problème : les masters préparant au métier d'enseignant sont peu professionnalisants.
Ce sont en effet des masters « larges », conçus avec le souci d'ouvrir le champ des débouchés professionnels à leurs titulaires. En effet, le concours ayant lieu en deuxième année de master, c'est-à-dire en toute fin de parcours, le ministère formateur, de l'enseignement supérieur, a souhaité faciliter la reconversion professionnelle des non-reçus.
Cette préoccupation est légitime, mais elle réduit la professionnalisation de la formation, puisque les masters n'ont pas pour vocation de former des spécialistes de l'enseignement primaire ou secondaire.
En outre, comme vous le savez tous, les stages d'observation, de pratique accompagnée et de responsabilité ne sont pas obligatoires.
Enfin, les formations qui permettent d'améliorer l'efficacité de l'enseignement – la didactique des disciplines et les sciences cognitives – occupent aujourd'hui une place réduite à l'université.
Deuxième problème : l'organisation de la deuxième année de master « n'a été ni pensée ni réfléchie » pour reprendre le jugement d'un ancien directeur général de la fonction publique, M. Marcel Pochard.
Au cours de cette année d'études, en effet, le futur enseignant doit suivre des cours, rédiger un mémoire, effectuer un stage – s'il est organisé – valider son diplôme et passer les épreuves du concours d'admissibilité et d'admission, respectivement organisées à l'automne et en été. Cette course d'obstacles peut donc être synonyme d'échec pour de nombreux étudiants.
Quatrième problème, peut-être le plus grave : le concours est non seulement plus « disciplinaire », mais il est totalement déconnecté du master. En particulier, le concours ne donne aucune prime aux étudiants ayant effectué des stages en première et en deuxième année de master. Or les étudiants sont des agents rationnels : leur intérêt est de ne pas faire de stages pour « bachoter » durant la deuxième année de master. Et, au final, l'Éducation nationale risque de recruter un nombre conséquent de professeurs n'ayant jamais vu d'élèves durant leur formation.
Quatrième problème : l'année de stage des lauréats des concours.
Celle de l'année scolaire 2010-2011 aura été éprouvante, surtout dans le second degré, car la promotion concernée n'aura pas reçu de véritable formation au métier d'enseignant.
Les vingt pages du rapport consacrés à cet aspect de la réforme tendent à démontrer que si la situation n'a pas été catastrophique, elle a été très nettement insatisfaisante : l'entrée dans le métier s'est en effet déroulée dans des conditions hasardeuses.
En outre, l'année de stage comprend une formation continue spécifiquement destinée aux enseignants débutants, équivalente à un tiers de leur obligation réglementaire de service, dont l'organisation et le contenu sont très clairement problématiques.
Cinquième et dernier problème : la fermeture de l'accès au concours aux milieux modestes. Le rallongement de la durée des études est d'autant plus discriminant que le dispositif de bourses mis en place en 2009 par le ministère de l'éducation nationale ne concerne que la deuxième année de master.
À partir de ce constat, que faut-il faire ? Notre conviction est qu'il faut « réformer la réforme », afin de préserver l'attractivité du métier d'enseignant et la qualité des recrutements.
Dans ce but, le master devrait être protégé des effets délétères du concours, ce qui suppose d'innover en matière de recrutement.
Les épreuves d'admissibilité devraient donc revêtir un caractère académique et être organisées en fin de licence afin que les deux années de master dispensent une formation théorique et pratique alternée qui accorde toute leur place à la didactique des disciplines, aux sciences cognitives et aux stages.
L'admission, qui reposerait sur des épreuves professionnelles, serait alors organisée en fin de master, les flux d'entrée en première année devant être régulés en calibrant le nombre de places offertes aux étudiants.
En effet, pour éviter que les places de master « Enseignement » soient prises par des étudiants non admissibles, il faudrait envisager l'instauration d'un numerus clausus. Ce serait une innovation majeure, mais elle est motivée par le souci d'attirer dans ces formations les meilleurs étudiants afin d'en faire de vrais professionnels.
Une fois admissibles, les étudiants suivraient des stages de pratique accompagnée et en responsabilité, organisés respectivement en première et en deuxième année de master. Ces stages seraient limités à un tiers du service de référence, donneraient lieu à rémunération et seraient formalisés dans le cadre d'un contrat d'enseignement.
Par ailleurs, le dispositif d'aides mis en place en 2009 devrait être appliqué dès la première année de master et renforcé, afin de préserver la tradition d'« ascenseur social » du concours.
Quant aux masters, ils devraient être spécialisés par métier d'enseignement, même si un master de l'école du socle commun devrait être mis en place.
Chaque master spécialisé correspondrait donc à l'un des concours externes, qui seraient tous conservés, sauf celui de l'agrégation. Quant au titulaire d'un master du socle commun, il pourrait tenter aussi bien le concours de recrutement de professeurs des écoles que le certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré pour enseigner par exemple les mathématiques et les sciences en cours préparatoire ou en Sixième.
Parallèlement, puisqu'il faut donner de la visibilité aux étudiants qui s'apprêtent à suivre cinq années d'études pour devenir enseignants, un plan pluriannuel de recrutement des personnels enseignants devrait être publié. Cette proposition revient à appliquer les dispositions de l'article L. 911-2 du code de l'éducation.
Le schéma proposé – et j'insiste sur ce point – ne reviendrait pas à sacrifier la compétence disciplinaire des professeurs. Outre que l'admissibilité revêtirait un caractère très théorique, les deux années du master permettraient aux étudiants stagiaires d'approfondir les connaissances disciplinaires ou d'en acquérir de nouvelles, tout en les sensibilisant à leur organisation didactique.
En effet, le concours ne devrait pas que sélectionner d'anciens bons élèves, à la tête bien faite, mais favoriser le recrutement d'enseignants qui savent « transposer » des connaissances universitaires en classe de cinquième ou de seconde.
Il va de soi que l'agrégation, « hyper-disciplinaire », n'aurait pas sa place dans un tel système de recrutement. En effet, pourquoi faudrait-il conserver deux voies d'entrée dans le métier, à l'heure d'un recrutement généralisé au niveau du master ?
Le volet externe de ce concours devrait être supprimé pour ne garder que le volet interne, celui-ci jouant le rôle d'instrument de promotion professionnelle pour les certifiés.
Enfin, le tutorat et l'accompagnement pédagogique des étudiants stagiaires et des enseignants débutants devraient être renforcés, ce qui impliquerait de créer des maîtres formateurs dans le second degré, de définir des références pédagogiques opposables, de revoir les missions des corps d'inspection et d'encadrer la procédure d'affectation.
Ces vingt propositions forment un ensemble qui se veut cohérent et ambitieux. Il faut envisager une application de ces ajustements à partir de 2013 dans la mesure où les réformes à l'Éducation nationale demandent, comme chacun le sait, du temps et de la concertation.
Mais nous devons réfléchir, dès aujourd'hui, à un nouveau modèle de formation et de recrutement, accordant une place essentielle aux instituts universitaires de formation des maîtres lesquels doivent être préservés.
Un dernier mot sur la vingtième proposition, concernant le remplacement du concours par le master. Elle est d'une logique imparable : dès lors que c'est le diplôme qui certifie l'employabilité et le professionnalisme de l'enseignant, pourquoi prévoir un concours qui vérifierait à nouveau ses connaissances ?
La « bonne monnaie devant chasser la mauvaise », le master devrait remplacer le concours mais sans doute pas avant dix ans. Après il reviendrait aux autorités académiques de mettre en oeuvre des procédures de recrutement, ce qui permettrait à l'Éducation nationale d'affecter intelligemment les ressources humaines extraordinaires dont elle dispose.
Je voudrais tout d'abord saluer le remarquable travail de notre président-rapporteur. Il a multiplié les auditions, ce qui a permis aux membres de la mission de s'apercevoir que la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants méritaient d'être révisées. Nous sommes actuellement au milieu du gué, entre deux systèmes. M. Jacques Grosperrin, malgré des avis parfois contraires à ceux des interlocuteurs de la mission et malgré la complexité de la tâche, a fait preuve de beaucoup de courage avec vingt propositions, dont certaines, notamment la vingtième, ont provoqué de violences réactions de rejet, en particulier de la part de la Société des agrégés de l'université, très opposée au remplacement du concours par les masters. À titre personnel, je pense que cette proposition n'est pas la meilleure de ce rapport. Néanmoins, un rapport laissant indifférent ne serait sans doute d'aucune utilité.
Le Président de la République, lors de ses voeux au monde de l'éducation, en janvier 2011, avait lui-même souhaité une amélioration de la formation initiale des maîtres, objet de ce rapport. Effectivement, envoyer des jeunes face à des élèves sans une solide formation pédagogique initiale est déraisonnable. La loi du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation dite « Jospin » avait créé les instituts universitaires de formation des maîtres, que la loi du 23 avril 2005 d'orientation de programme pour l'avenir de l'école dite « Fillon » a assimilés à des écoles faisant partie des universités, tout en prévoyant une évaluation en 2010. La mission d'information de la commission arrive à point nommé pour procéder à cette évaluation.
S'agissant de la mastérisation, elle n'est pas à remettre en cause. C'est plutôt une chance et la proposition n° 7 vise, à juste titre, à la valoriser et à instaurer une véritable formation à la pratique professionnelle.
De mon point de vue, des propositions moins nombreuses et plus synthétiques auraient donné au rapport une meilleure lisibilité. La formation doit poursuivre deux objectifs. D'une part, l'attractivité du métier d'enseignant doit permettre de recruter des personnels motivés et de qualité. D'autre part, les enseignants doivent être préparés à affronter des élèves qui ne sont plus ce qu'ils étaient, ayant notamment grandi avec les nouvelles technologies de l'information et de la communication, mais qui doivent acquérir les compétences qui constituent le socle de l'enseignement, à savoir lire, écrire et compter. J'émettrai donc, pour ma part, un avis favorable à ce rapport.
Je souhaite revenir brièvement sur les conditions dans lesquelles cette mission a été mise en place. Nous l'attendions depuis fort longtemps mais elle a été installée à la hâte et nous avons rapidement eu l'impression que nous n'y étions pas les bienvenus, même si cette impression s'est quelque peu dissipée par la suite.
Je ne peux vous laisser dire que cette mission a été mise en place à la hâte. Nous avons pris le temps de nommer les rapporteurs et les présidents-rapporteurs de toutes les missions d'information créées au printemps, mais vous avez pris la décision de ne pas participer à leurs travaux avant de vous raviser.
La situation a contrasté avec celle qui a prévalu lors des travaux de la mission sur les rythmes scolaires qui s'était déroulée dans des conditions très satisfaisantes. J'estime que nous n'avons pas été les bienvenus au sein de cette mission dans la mesure où la nomination d'un président-rapporteur nous a surpris et, pour tout dire, contrariés. Le sujet était d'une importance particulière et méritait que l'on prenne ensemble le temps de l'écoute, de la concertation et de l'analyse approfondie des propositions de l'ensemble de nos interlocuteurs. Je rappelle qu'entre le 6 avril et le 6 juillet, trente-sept auditions ont été organisées. Le rapport a été remis en catastrophe, la veille de sa présentation à la mission. Nous n'avons donc disposé que de quelques heures pour en découvrir les cent dix-sept pages et les vingt propositions. Avouez que cette méthode et ce rythme de travail avaient de quoi donner le vertige !
Il faut cependant reconnaître que la première partie du rapport rend compte des critiques très sévères dont la réforme mise en place par M. Luc Chatel en 2010 a été l'objet. Au fil des auditions, à la quasi-unanimité, les instances officielles, les présidents d'université et les experts en pédagogie et en didactique ont dénoncé les conséquences, qu'elles soient visibles ou non, de cette réforme mal conduite, mal pensée, menée au pas de charge sur fond de suppressions de postes et de restrictions budgétaires, ce qui l'a fragilisée dès le départ. Tous nos interlocuteurs ont réclamé la mise en place, en urgence, d'une autre formation initiale et de nouvelles modalités de recrutement, objet de la seconde partie du rapport. Cependant, nous sommes désolés de constater que nous ne retrouvons pas, dans les propositions du président-rapporteur, l'ambition que nous attendions pour donner à nos futurs enseignants les conditions d'une formation initiale réussie. Si nous pouvions être d'accord avec les propositions n° 1, 3, 4 et 6, les autres propositions manquent de clarté et de souffle et se résument à des déclarations d'intentions.
Mais c'est sur la vingtième proposition que je souhaiterais m'attarder : remplacer à terme le concours par le master et confier le recrutement aux autorités académiques ou aux établissements. J'ai cru entendre là l'ancien ministre de l'éducation nationale, M. Xavier Darcos, lorsqu'il tapait du pied en scandant « mastérisation, mastérisation, mastérisation ! ». Le master ne saurait être à lui seul un sésame ouvrant les portes du corps enseignant. Le professeur est un fonctionnaire d'État, si j'en crois les termes de l'arrêté du 12 mai 2010 qui rappelle les dix compétences professionnelles à acquérir par les professeurs. Son recrutement doit donc impérativement s'effectuer de manière transparente, dans le souci de maintenir l'égalité républicaine sur l'ensemble du territoire et ceci, à court, moyen et long termes. L'éducation doit rester nationale, ce qui implique un recrutement des enseignants par concours, sur épreuve nationale, qui ne saurait être laissé au bon vouloir ou à la fantaisie des seuls chefs d'établissement. C'est pourquoi nous nous opposons vivement à la proposition n° 20.
Il y a par ailleurs des points que nous aurions souhaité voir plus clairement apparaître parmi les propositions et que nous présentons dans notre contribution : permettre aux bacheliers de tous les milieux sociaux l'accès au métier d'enseignant ; proposer des contenus de formation adaptés aux mutations de la société, avec des méthodes pédagogiques innovantes, l'accent devant être mis sur la formation en langues, en sciences et en nouvelles technologies ; disposer de lieux de formation initiale et continue bien identifiés – les instituts universitaires de formation des maîtres ayant été très injustement balayés d'un revers de main par M. Luc Chatel ; revaloriser le métier d'enseignant ; et accorder les moyens budgétaires nécessaires à la réforme de la formation des enseignants. J'en profite pour faire part de mon inquiétude pour la rentrée scolaire prochaine, la politique de fermeture de classes et de suppression de postes ainsi que les restrictions budgétaires ne laissant rien augurer de bon.
Je rappelle que le fait que le rapporteur ait été président de la mission n'était pas nouveau : M. Jacques Grosperrin avait été président-rapporteur de la mission sur le socle commun de connaissances et de compétences au collège. Tous les sujets méritant d'être « partagés », vous avez été nommée, madame Martine Faure, vice-présidente de la mission d'information dont nous examinons aujourd'hui le rapport final.
Je souhaite me féliciter de la qualité des travaux de la mission, du nombre d'auditions conduites dans un délai relativement court, du climat qui y a régné, relativement apaisé et constructif, et l'accueil qui a été réservé à nos propositions d'auditions complémentaires. Les conditions de la présentation du rapport ont été plus compliquées, conduisant certains membres de la mission à ne pas prendre part au vote. Si nous avons évidemment noté que ce rapport a fait la part belle aux critiques de la réforme dite de la mastérisation, une lecture rapide de ses propositions a suffi à nous convaincre de ne pas l'adopter. Tout en nous félicitant que l'ensemble des actions menées contre cette réforme, apparemment totalement improvisée par le Président de la République, soient confortées par un nouveau rapport officiel, nous notons que ce mea culpa n'a qu'un but : réformer la réforme, certes, mais pour laisser entrevoir pire pour la formation des enseignants.
Les problèmes posés par la mastérisation sont utilement énumérés : traduction budgétaire délicate, mise en place d'une offre de formation insatisfaisante, accès diminué des étudiants d'origine modeste au master, déconnexion du diplôme et du concours, désorganisation de l'année de stage des professeurs recrutés et affaiblissement du vivier des candidats. Mais derrière ce constat partagé, il y a, me semble-t-il, un gouffre entre ceux qui préconisent une nouvelle ambition pour la formation des enseignants, voire pour l'éducation, et l'auteur de ce rapport.
Le rapporteur propose ainsi notamment de mettre en place un master de l'École du socle commun et d'inclure dans la licence des modules relatifs au socle commun de connaissances et de compétences. Nous réfutons ce concept du socle commun, issu de la loi du 23 avril 2005 d'orientation de programme pour l'avenir de l'école dite « Fillon » et qui se réfère à un minimum à acquérir. La proposition de fixer le nombre de places en première année de master en fonction du nombre de postes ouverts au concours introduit l'idée d'une sélection supplémentaire qui n'est pas acceptable. La proposition d'organiser des épreuves d'admissibilité, à caractère académique, en fin de licence et des épreuves d'admission, à caractère professionnel, en fin de master, enferme les étudiants dans un cursus dont ils ne pourront plus sortir et entretient la fracture, pourtant décriée, entre formation académique et formation professionnelle. La proposition de mieux rémunérer les enseignants ne peut se concevoir que dans les limites strictes présentées par le rapport. La proposition de créer une haute autorité en charge de la définition de références pédagogiques opposables peut inquiéter, au regard de la liberté pédagogique, mais il y a là matière à débat.
Enfin, la proposition de supprimer le concours externe de l'agrégation et de remplacer, à terme, les concours de recrutement par le master, tout en confiant aux autorités académiques ou aux établissements le soin de recruter, sur la base d'un entretien professionnel, les enseignants, y compris non formés mais bénéficiant de la validation des acquis de l'expérience, est irrecevable, car elle remet en cause le statut de la fonction publique et l'égalité de traitement des candidats sur tout le territoire. Faut-il donc croire le quotidien Le Figaro qui a affirmé, la semaine dernière, que ce rapport parlementaire aurait en fait été commandé par M. Luc Chatel à la demande de M. Nicolas Sarkozy ? Cette stratégie ne serait dans tous les cas pas payante, d'autant que l'amertume est sans doute grande parmi les personnes que nous avons auditionnées.
Les pistes que nous avons formulées, à l'écoute des enseignants, des parents d'élèves, des formateurs et des chercheurs, qui plaçaient beaucoup d'espoirs dans les conclusions de cette mission, sont les suivantes :
– organiser un prérecrutement visant à garantir la démocratisation dans l'accès au métier d'enseignant ;
– conserver des concours de haut niveau disciplinaire qui garantissent que la profession d'enseignant relève de la fonction publique d'État ;
– créer des structures dédiées aux métiers de l'enseignement dans les universités, cette proposition étant formulée à plusieurs reprises au cours de nos auditions ;
– introduire la qualification par un master pour les lauréats des concours ;
– intégrer à la formation les certifications diverses actuellement demandées en marge du concours (en langue et en informatique notamment) ;
– organiser une véritable formation « alternée » avec des aller-retour entre l'université et les stages de pratique accompagnée ou en responsabilité ;
– former les enseignants à la recherche ;
– introduire un cadrage national des diplômes préparant actuellement au métier d'enseignant sous la forme d'un cahier des charges, arrêté par le ministère de l'éducation nationale, avec des masters disciplinaires didactiques et professionnels ;
– développer et maintenir les maîtres-formateurs dans le premier degré et instituer un corps de formateurs en donnant un statut aux maîtres de stage dans le second degré ;
– maintenir une formation continue pour les stagiaires ;
– enfin, relancer les programmes de recherche pour évaluer les effets des pratiques et des formations.
Pour conclure, dans la perspective d'une réforme utile de la formation des enseignants, nombre de personnalités auditionnées ont souligné que le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a conduit à s'attaquer aux postes d'enseignants stagiaires, ce qui met en danger les enseignants et la formation des élèves. Économiser sur la formation des enseignants est un mauvais choix d'avenir pour notre jeunesse et notre nation. Formation disciplinaire et formation professionnelle de haut niveau, démocratisation du recrutement et attractivité du métier méritent de faire l'objet de priorités budgétaires.
Membre de la mission, je souhaite souligner l'opportunité de ce rapport. La mise en place de la réforme de la formation et du recrutement des enseignants a, en effet, suscité un certain nombre d'interrogations, d'inquiétudes voire de polémiques. Il était donc très utile d'en faire l'objet d'une mission d'information, comme M. Jacques Grosperrin en avait l'idée depuis longtemps, malgré le calendrier contraint et les péripéties diverses qui ont accompagné sa création. La question de la formation des enseignants est un sujet prioritaire, le premier paramètre conditionnant l'efficacité de notre système éducatif. La qualité des échanges, sereins et constructifs, lors des auditions, a permis d'aborder les travaux de la mission sans a priori. Il ne s'agissait ni de vouloir à tout prix défendre une réforme, ni de chercher systématiquement les arguments la mettant en cause. Cette approche objective se retrouve dans le rapport et le bilan contrasté qu'il présente de la réforme. Elle n'en donne que plus de force aux propositions qui sont faites. Ce travail confirme l'intérêt des missions d'information que nous créons en matière d'éducation afin de ne pas laisser la réflexion au seul ministère de l'éducation nationale et à ses interlocuteurs.
Nous avons, d'emblée, reconnu les mérites de l'objectif de la mastérisation, qui vise à reconnaître de façon plus affirmée le métier d'enseignant, en termes tant sociaux que de rémunération ou de professionnalisation. Nous avons ensuite constaté que notre système de formation des enseignants était minoritaire en Europe, la préparation aux métiers d'enseignant n'étant assurée qu'après le recrutement. Cette formation, consécutive, nous sépare des nombreux pays où les formations académiques et professionnelles sont simultanées. Il convient de s'inspirer des expériences étrangères et de dépasser l'opposition entre les savoirs et la pédagogie.
Je conclurai en évoquant quatre problèmes soulevés dans le bilan contrasté de la réforme. La professionnalisation de la formation reste à démontrer. Aussi les propositions qui sont faites de développer les masters en alternance voire de recourir à des formes d'apprentissage me semblent-elles pertinentes.
L'allongement de la durée des études nécessaires au recrutement crée le risque d'être discriminante socialement, une année d'études supplémentaire non rémunérée pouvant être décourageante. Aussi, la proposition de mise en place de bourses spécifiques, en particulier pour les jeunes issus de quartiers défavorisés, est-elle très intéressante.
La difficulté que pose la concomitance du concours et du master devrait être écartée par la mise en place d'un nouveau calendrier des épreuves, comme le prévoit, à juste titre, la proposition n° 3, qui s'est avérée très consensuelle.
Enfin, le dispositif de tutorat, intéressant, rencontre des difficultés que les propositions visant à renforcer la formation des tuteurs comme l'encadrement des étudiants stagiaires et des enseignants débutants devraient contribuer à lever.
Les réponses concrètes apportées par le rapport aux questions posées par la réforme m'ont conduit à approuver le rapport.
(Présidence de M. Christian Kert, vice-président)
Comme le montrent nos interventions successives : rien n'est plus difficile à appréhender que le dossier de la formation et du recrutement des enseignants. Au-delà des dogmes et des postures, un constat s'impose : il est impératif de prendre en compte à la fois l'évolution des cursus universitaires et de la société. Nous partageons donc le constat établi par M. Jacques Grosperrin dans la première partie de son rapport. Mais nous émettons de vives réserves sur quelques-unes des solutions préconisées. Parmi les vingt propositions du rapport, certaines nous font en effet craindre le pire.
L'éducation nationale doit rester une fonction régalienne et il est pour nous hors de question que, sous couvert de révision générale des politiques publiques (RGPP) ou de décentralisation poussées à l'extrême, elle soit remise en cause. L'expression même d'éducation nationale était jusqu'à présent la marque de la volonté de l'État de permettre aux futurs enseignants de tout le territoire national de bénéficier des mêmes programmes, des mêmes diplômes, dans les mêmes conditions d'apprentissage – enseigner est un métier qui s'apprend – il convient donc d'améliorer la formation initiale et continue des enseignants avec la reconnaissance nationale des diplômes. Il ne saurait être question de recruter les enseignants sur la seule base d'un entretien d'embauche par les chefs d'établissement. Il s'agit ici non du secteur privé mais du recrutement de fonctionnaires d'État. La proposition n° 17 du rapport prévoit la création d'une nouvelle haute autorité, procédé que nous dénonçons dans d'autres domaines, puisqu'elle est inopérante. Quant à la proposition n° 20, comme Mme Martine Faure, je pense qu'il est hors de question de remplacer à terme le concours par un recrutement confié aux autorités académiques ou aux établissements.
L'objet de ce rapport est bien de rapprocher la formation des enseignants de la réalité de leur métier. Cet objectif ne pourrait-il pas être réaffirmé ? On assiste à une course aux savoirs des enseignants, ce que traduit la mastérisation, mais l'essentiel est leur « savoir-être », leur savoir-faire et leur « savoir-transmettre ». Les écoles d'application liées aux instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) étaient souvent implantées dans des secteurs privilégiés, risquant ainsi de provoquer un choc lors de l'affectation des jeunes enseignants dans une des zones d'éducation prioritaire (ZEP) qui couvrent, dans certaines agglomérations, au moins un tiers des effectifs de collégiens, et parfois beaucoup plus. Le cursus des nouveaux enseignants ne devrait-il pas prévoir obligatoirement un stage dans une zone d'éducation prioritaire, où se posent les questions les plus cruciales auxquelles la plupart d'entre eux seront confrontés à un moment de leur carrière ? La capacité de gérer une classe et de transmettre un savoir qui ne soit pas seulement une composante d'une formation académique y est déterminante. La formation des enseignants doit donc leur permettre de s'immerger dans les réalités de leur futur métier.
Il est dommage que M. Luc Chatel n'ait pas attendu le résultat des travaux de notre mission pour faire une réforme que vous jugez, vous-mêmes, hasardeuse. S'agissant des propositions, il est curieux qu'un rapport que nous jugeons par ailleurs tout à fait honnête dans son constat comme dans ses remarques, se termine de façon impromptue par dix-huit lignes consacrées à ce qui apparaît dès lors comme son véritable objectif : la proposition n° 20. Or celle-ci est inacceptable, et cela pour deux raisons. La première est que le concours, contrairement à ce qui a été dit, n'est pas là pour contrôler les connaissances – ce qui est le rôle d'un examen – mais pour sélectionner les meilleurs pour être enseignants – rôle d'un concours de recrutement. Précisément parce qu'il s'agit d'un concours sélectif, l'égalité entre tous les candidats doit être garantie sur l'ensemble du territoire. La deuxième raison est que le recrutement par autre chose qu'un concours remettrait en fait en cause la nature même de la fonction publique, au-delà de la seule éducation nationale. Les fonctionnaires de l'État, membre du service public de l'État, doivent être recrutés de façon égalitaire. Ils sont eux-mêmes les agents de l'égalité républicaine, entre les établissements d'enseignement et entre les élèves. Changer leur mode de recrutement – même si on peut être d'accord sur une évolution des modalités du concours –, en supprimant le concours, c'est supprimer en fait la fonction publique de l'éducation nationale. Or, comme le rappelait à juste titre Mme Martine Faure, l'éducation doit rester nationale. La proposition n° 20 institutionnaliserait la transformation de l'éducation nationale en un réseau d'établissements devenus des entreprises concurrentes. Attachés à l'école républicaine, nous ne pouvons l'accepter.
Je me réjouis à mon tour de l'occasion qui nous est donnée d'évoquer un certain nombre de questions liées à l'éducation et à notre système d'enseignement, qui est perfectible. Ce doit être l'objectif des propositions qui nous sont soumises. Ainsi, dans l'avis budgétaire que j'avais présenté en 2009, j'avais, dans l'objectif de revaloriser le métier d'enseignant, tracé un certain nombre de pistes que je retrouve dans le rapport qui nous est soumis et qu'il me semble urgent de mettre en oeuvre, beaucoup plus que la seule proposition n° 20, qui évoque des projets dont la réalisation n'est envisageable que dans quinze ou vingt ans. Cette dernière proposition ne me semble pas utile dans ce rapport, je rejoins donc à cet égard les réserves exprimées par M. Frédéric Reiss.
S'agissant des autres propositions, la proposition n° 6 qui fixe un plan de recrutement sur cinq ans me semble intéressante. Elle permettrait aux futurs enseignants de mieux maîtriser la réalisation de leurs objectifs et de leur engagement. De même, les propositions en matière de formation pédagogique, actuellement largement insuffisante, sont importantes. Ainsi la proposition n° 7 qui prévoit la mise en place d'une alternance entre la formation et la pratique professionnelle in situ me semble indispensable. La proposition n° 8, dans son objectif d'assurer une meilleure égalité entre les étudiants, prévoit des stages obligatoires rémunérés en première et deuxième années de master, ce qui me semble essentiel.
Enfin, comme je le souhaitais également dans mon avis budgétaire, la proposition n° 18 d'affecter les enseignants débutants en les soustrayant aux mutations annuelles liées au mouvement des personnels et en attribuant à ceux qui sont affectés en éducation prioritaire une prime à l'affectation devrait favoriser la formation et ne pas exposer les jeunes enseignants à des difficultés décourageantes pouvant les conduire à abandonner leur métier.
Le rapport met en lumière les difficultés dont ont fait part l'ensemble des personnes auditionnées par la mission. La réforme a été conduite en fonction de critères uniquement économiques : son objectif était de supprimer des postes. Elle a été une source de grandes difficultés pour les professeurs et a véritablement fait « souffrir » l'Éducation nationale. Les inspecteurs académiques ne savent plus comment la mettre en oeuvre. On a pu émettre de nombreuses critiques sur les instituts universitaires de formation des maîtres, mais la mise en place d'une formation universitaire et du master est aussi fort critiquable et n'a pas permis une véritable formation pédagogique. Étant, comme le rapporteur, issu du corps professoral, je ne peux croire que la proposition n° 20 soit véritablement de son fait.
Je tiens à saluer le rapporteur pour ses propositions courageuses. La presse s'est fait l'écho des grandes difficultés rencontrées par les professeurs stagiaires et d'un nombre élevé de démissions en cours d'année. Qu'en est-il réellement ?
Je partage le constat du rapport sur le bilan accablant de la réforme. Celle-ci a été totalement improvisée : elle n'a été ni réfléchie, ni évaluée en amont. D'ailleurs, je me demande encore comment l'Éducation nationale a pu mener, en 2009, une telle réforme et dans de telles conditions. La seule explication est malheureusement le souci de faire des économies budgétaires. L'idée, malheureusement trop souvent mise en oeuvre par notre majorité, est qu'il faut tuer ce qu'on ne peut pas réformer : on ne savait pas comment réformer les instituts universitaires de formation des maîtres, on les a donc « tués », tout comme ont été supprimés les instituts préparatoires à l'enseignement du second degré (IPES) et les écoles normales.
La priorité doit être de concilier le cursus académique et le cursus professionnel des futurs professeurs. Je ne suis pas sûr de saisir quelle est l'orientation du rapport en la matière. Il donne l'impression d'un scénario dont la fin aurait été imposée par la production. Confrontés à de tels procédés, certains scénaristes ont pourtant démissionné à Hollywood …
La suppression du classement de sortie de l'École nationale d'administration, un temps envisagé, aurait vu le retour de la cooptation. Cette réforme, un temps envisagée, a été heureusement abandonnée. Il faut rester très attaché au principe du concours car il est le seul garant de l'égalité républicaine. Je suggère donc de supprimer les propositions n° 5 et 20, l'évolution envisagée de l'Éducation nationale sur quinze années me paraissant, par ailleurs, être un objectif un peu hasardeux.
Enfin, je tiens à souligner la gravité de la situation : 10 % à 15 % des enseignants, qui enseigneront pendant quarante ans, auront été recrutés sur la base de mauvais critères : il faut urgemment conduire une réforme pour la rentrée de 2012. Il faut que le rapport soit présenté au ministre de l'éducation nationale et je suggère que celui-ci soit auditionné par la commission sur celui-ci.
Ernest Hemingway a effectivement refusé de changer la fin de l'Adieu aux armes et de la rendre moins dramatique : les précédents sont donc prestigieux !
Notre débat permettra donc peut-être aux noms d'Hemingway et de Grosperrin de figurer côte à côte sur Wikipédia !
Le groupe socialiste est surpris de constater que les propositions du rapport figurent dans la presse avant même que la commission des affaires culturelles en ait décidé la publication. Il est dommageable pour le travail parlementaire que de telles pratiques soient banalisées. La vingtième proposition du rapport me semble très éloignée du travail fructueux mené par la mission. C'est pourquoi le groupe socialiste demande un vote séparé sur cette proposition, avant de procéder au vote sur la publication du rapport.
Il me paraît difficile de répondre favorablement à cette demande car le Règlement prévoit que les commissions votent sur l'autorisation de publier ou non les rapports d'information : elles ne se prononcent pas sur chaque page des rapports.
Je suis d'accord, mais les commissions décident aussi de l'organisation de leurs travaux et rien n'empêche notre commission de décider de procéder à un vote séparé sur cette proposition n° 20.
Vu l'importance du sujet, je pense qu'il serait effectivement opportun de pouvoir voter sur la publication du rapport en émettant des réserves sur la proposition n° 20.
La première partie du rapport est un véritable réquisitoire contre la réforme. Le master ne permet pas de dispenser une véritable formation pédagogique aux étudiants, la deuxième année est une catastrophe et le recrutement demeure satisfaisant. Alors même que les ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur – M. Luc Chatel et Mme Valérie Pécresse – défendaient, il y a encore quelques semaines, cette réforme et n'admettaient pas la moindre critique, notamment sur le manque de formation pédagogique, le Président de la République a reconnu que cette réforme devait être modifiée. La proposition n° 6 est intéressante, mais elle me semble difficile à mettre en oeuvre quand un départ sur deux à la retraite n'est pas suivi d'un remplacement. La proposition n° 20 est inacceptable : la suppression du concours constitue une véritable remise en cause de l'égalité républicaine et ouvrirait la porte à des recrutements partisans.
Je tiens à souligner les propos particulièrement pertinents de notre collègue René Couanau sur l'éducation nationale : je note d'ailleurs que les députés de la majorité ont été très sensibles à son discours. La mission a mené un important travail de réflexion comme en témoignent les auditions particulièrement nombreuses et variées. La conclusion– telle un « deus ex machina » – vient donc remettre en cause ce travail. J'ai le sentiment que la mise en place de la réforme a occulté le fait que la plupart des étudiants avaient déjà des diplômes du niveau du master. Il faut qu'une réforme urgente soit mise en place pour la rentrée prochaine. La proposition n° 20 constitue un véritable démantèlement de l'Éducation nationale. J'y vois l'influence de l'Institut Montaigne qui a fait plusieurs propositions pour économiser 10 milliards d'euros sur le budget de l'éducation nationale. Une telle réforme accentuerait la « ghettoïsation » de l'éducation nationale en permettant aux établissements d'excellence de sélectionner certains enseignants. J'espère que cette proposition, peut-être soufflée par un esprit malsain, n'est pas réellement le fait du rapporteur car elle porte profondément atteintes aux principes républicains. Si on la vote telle quelle, ce sera l'annonce de la mort programmée d'un système républicain auquel nous sommes tous attachés.
On peut s'étonner qu'une proposition de réforme intervienne après et à l'encontre d'une réforme toute récente. C'est réellement un constat d'échec et c'est fort dommage. Je reprendrai les propos selon lesquels la formation académique n'est pas la formation professionnelle, loin sans faut. De plus, supprimer les instituts universitaires de formation des maîtres plutôt que de les réformer n'a pas arrangé les choses. La proposition n° 20 est totalement irrecevable ; elle est de plus en complet décalage avec le contenu du rapport puisqu'elle induit, à terme, la suppression de la fonction publique, ce qui serait gravissime.
Pour avoir la même formation que le rapporteur, je pense que la fonction d'enseignant est une très belle mission ; elle apporte un savoir, un apprentissage, une information et des compétences, mais, pour être attractif, ce métier doit se faire dans les meilleures conditions; il faut en particulier calmer l'angoisse et les incertitudes ressenties par certains enseignants à l'idée d'affronter une classe ; on sait bien que les meilleurs théoriciens ne sont pas les meilleurs praticiens. Je suis personnellement très favorable à la formation initiale, c'est-à-dire à un contact très rapide avec une classe, donc des élèves, bref, à une mise en situation ; l'enseignant est un professionnel et on doit le doter des meilleures chances de réussite devant ses élèves, quel que soit le niveau de ces derniers.
De plus, mon expérience me conduit à penser que l'adaptabilité de l'enseignant aux élèves et au contexte doit être développée et que l'étude de la psychologie de l'enfant et de l'adolescent doit constituer un volet important de la formation.
Comme vous le savez, l'enseignant fait souvent plus de discipline que de pédagogie car il doit gérer la complexité d'une classe. Il me semble important que, dans le second degré, il soit mis en situation devant une classe de collège, de lycée et de lycée professionnel, et dans des établissements sensibles, dans la mesure où il peut y être affecté, une fois nommé.
Le tutorat réel doit être une garantie de progrès, d'évolution, de réflexion et de soutien ; et pour certaines disciplines enseignées, vous le savez bien, monsieur le rapporteur, compte tenu de votre expérience d'enseignant, l'accompagnement est essentiel, notamment en matière de sécurisation d'ateliers, d'éducation physique et sportive, comme en natation et en gymnastique.
Quant à la proposition n° 20, je m'étonne que vous puissiez la cautionner puisqu'elle remet en cause les fondements de notre République c'est-à-dire l'égalité de traitement et le recrutement au niveau national. Le concours est un label, une certification professionnelle, qui doit être maintenu parce qu'il est une garantie pour tous.
La formation continue doit avoir une place au sein de la formation.
Je me rallie aux compliments qui ont été faits au rapporteur et au constat qui a été dressé. Je souhaiterais réagir à deux interventions, et en premier lieu, à celle de M. Yves Durand ; je ne remets pas en cause la sincérité de son attachement à l'éducation nationale mais le fait qu'il sous-entende que cet attachement ne serait pas partagé par tous sur ici. Les désaccords que nous pouvons avoir ne signifient nullement que notre attachement à l'éducation nationale n'est pas aussi réel que le sien. Par ailleurs, Mme Monique Boulestin, a évoqué le caractère national de l'éducation. À mon sens, l'État est plutôt en charge de l'instruction, les familles étant responsables de l'éducation. Si l'on clarifiait cette terminologie, on éviterait peut-être la dérive actuelle qui consiste à tout demander à l'école et à oublier que, dans le processus d'évolution et de construction d'un enfant, d'un adolescent, plusieurs personnes interviennent que ce soit dans le milieu familial, scolaire, mais aussi périscolaire.
Les propositions n° 7 et 8 du rapport me semblent importantes parce qu'elles visent à conjuguer pratique professionnelle et enseignement théorique. Ce qui a pu manquer parfois à quelques enseignants qui n'avaient pas forcément la fibre pédagogique, au-delà de leur maîtrise de la discipline, c'est la capacité de transmettre à une classe, quelle qu'elle soit, un savoir.
Ce qu'il nous est demandé est de nous prononcer sur la publication de ce rapport. Il me semble que l'on peut être en désaccord avec certaines de ses pages ou propositions sans pour autant le censurer.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit. J'observerai néanmoins que si l'école a cru nécessaire de faire de l'éducation, c'est pour pallier la carence des familles en ce domaine. Pour ma part, je ne suis pas opposée au principe des vases communicants : mieux vaut une éducation par l'école que pas d'éducation du tout ! Ou bien il faudrait également éduquer les familles…
Par ailleurs, j'ai bien compris la nuance qui existait entre le fait d'autoriser la publication d'un rapport et celui d'approuver l'ensemble de son contenu. Mais c'est une argutie digne de Tartuffe et je suis convaincue qu'accepter la publication sous-entend approuver l'ensemble de ses propositions. Or, même si je trouve dommage de désavouer un rapport aussi excellent pour une seule proposition, je ne peux pas le voter quelles que soient l'estime et l'affection que j'aie pour le rapporteur.
Je souhaiterais, par ailleurs, poser une question à ce dernier. Est-il prévu d'inclure dans la formation initiale la formation aux arts et à l'histoire des arts ? Je trouve lassant de constater qu'au-delà des réformes successives et des effets d'annonces du ministre, aucun moyen financier ou pédagogique n'est prévu à cet égard.
J'ai beaucoup apprécié de travailler avec vous dans le cadre de cette mission et de mettre en commun nos compétences. Il me semblait qu'il y avait urgence sur ce sujet de la formation des enseignants parce que les remontées que j'avais du terrain m'indiquaient que les professeurs stagiaires étaient dans une situation critique. C'est pourquoi j'ai demandé la création d'une mission d'information dès une réunion du bureau de la commission en octobre 2010. En effet, il était important, à mon sens, de ne pas passer cette réalité sous silence au seul motif de ne pas mettre en difficulté tel ou tel ministre.
Les premières parties du rapport dressent d'ailleurs un état des lieux assez catastrophique et c'est pourquoi il serait dommageable de ne pas approuver la publication de du rapport. Le vote sur le contenu et les propositions ont eu lieu dans le cadre de la mission ; certains se sont abstenus parce que le rapport leur avait été transmis tardivement, ce qui, vous le savez, ne le fut pas par malice, mais parce que des ajustements étaient encore nécessaires. D'ailleurs, les travaux ont été menés en bonne intelligence entre majorité et opposition ; les auditions qui m'ont été proposées par les uns et les autres ont toutes été acceptées, et finalement, nous nous rejoignons sur dix-huit propositions sur vingt.
S'agissant de la vingtième, je pense qu'un rapport parlementaire ne doit rien s'interdire et doit ouvrir le débat. Par ailleurs, si cette proposition avait été très ferme, nous n'aurions pas tracé de perspective sur dix ou quinze ans. De plus, nous l'avons inscrite parce que deux personnalités qui font référence dans le domaine de l'enseignement, M. Alain Boissinot, recteur, et M. Marcel Pochard, conseiller d'État, l'avaient eux-mêmes envisagée, ce dernier observant que tant le concours que la formation étaient trop académiques.
On ne peut pas ne pas faire confiance aux universités. Le mode de fonctionnement qui est proposé – trois ans avec un concours en fin de licence et deux années de formation très professionnelle avec une admission en fin de master 2 – est une solution rapide à mettre en oeuvre et n'interdit en rien une réflexion à échéance de dix ou quinze ans.
Pour vous rassurer, j'ajouterai que lorsque je parle du rôle des autorités académiques en matière de recrutement, je ne remets en question ni le statut des fonctionnaires ni celui de la fonction publique. Si l'on prend l'exemple des professeurs des écoles, le concours est organisé au niveau académique.
Pour répondre plus précisément à chacun des intervenants, j'indiquerai à M. Frédéric Reiss, qui soulève la question du nombre de propositions, que nous avons opté pour un éventail très large, compte tenu de la richesse des auditions, plutôt que de nous cantonner à quelques propositions-phares. Nous avons jugé nécessaire de procéder à un état des lieux de l'ensemble des suggestions. Il est certain, par ailleurs, que la formation initiale reste à améliorer.
Comme l'observait Mme Martine Faure, les travaux de la mission ont été menés rapidement, du 6 avril jusqu'à ce jour, mais nous nous retrouvons sur l'ambition des propositions du rapport. On m'a reproché de faire état de ce qui se passait dans les pays anglo-saxons ; mais il nous semblait intéressant, même si nous sommes attachés à la qualité des emplois publics, de montrer comment fonctionnent certains pays étrangers. D'ailleurs, le recrutement des professeurs et des maîtres de conférence des universités concerne des étudiants qui sont titulaires d'une thèse d'État, qui ont plusieurs publications à leur actif, et qui, à la suite d'appels d'offre, passent des entretiens. On ne peut pas s'interdire de réfléchir et de débattre à partir de ces expériences.
Madame Marie-Hélène Amiable, le master du socle commun n'est pas un minimum mais un vrai socle, ce que nous a confirmé notre dernière audition. Lorsque l'on parle de concours avec épreuve d'admissibilité en licence (L3) et admission en master (M2), on permet aux étudiants ayant échoué à l'admissibilité de se réorienter. J'ajoute que le travail de la mission ne trouve sa source ni dans Le Figaro, ni auprès du Président de la République.
Monsieur René Couanau, alors qu'auparavant 80 % des étudiants en fin de quatrième année se retrouvaient sans perspectives, ce ne serait plus le cas.
Monsieur Xavier Breton a eu raison de souligner l'opportunité de la mission, et qu'il convient de dépasser l'opposition entre les savoirs et la pédagogie. On nous a parfois reproché de trop nous attacher aux compétences et pas assez aux connaissances. Ce qui n'est bien sûr pas le cas.
Madame Monique Boulestin, la création d'une haute autorité nous a été suggérée par M. Michel Zorman, responsable du programme « Parler Apprendre Réfléchir Lire Ensemble pour Réussir », qui pense que pour être plus efficace une instance un peu extérieure peut utilement contribuer à définir le cadre des références pédagogiques, le ministère de l'éducation nationale étant le seul au monde à fixer aux enseignants la façon d'apprendre à lire. Or il me semble, par exemple, que la définition du mode d'apprentissage de la lecture doit être réservée aux seuls enseignants.
Monsieur Jean-Philippe Maurer, le passage obligé dans une zone d'éducation prioritaire est une suggestion intéressante, qui pourrait être satisfaite lors des stages.
Monsieur Dominique Le Mèner, qui a été rapporteur pour avis sur l'enseignement scolaire, connaît bien la question de l'affectation des enseignants débutants. Il est effectivement nécessaire de les protéger afin qu'ils puissent envisager une carrière durable dans l'éducation nationale.
À mes collègues Pascal Deguilhem et Jean-Luc Pérat, je rappelle que nous avons eu la même formation. Or elle me semble montrer qu'il faut savoir tout de suite professionnaliser, être en stage et sur le terrain. Le concours pose, lui, d'autres questions.
Monsieur Daniel Spagnou, s'agissant des professeurs stagiaires, à la date du 1er février 2011, 60 d'entre eux avaient démissionné contre 77 stagiaires des instituts universitaires de formation des maîtres l'année dernière. Au 1er avril 2011, on dénombrait 96 démissions dans le second degré contre 90 l'année dernière. C'est le fruit de la mobilisation des enseignants comme des stagiaires, qui montre la qualité de tous les personnels de l'éducation nationale.
Je remercie M. René Couanau pour son commentaire sur le rapport et force est de constater qu'effectivement la suppression des 16 000 poste, comme le remarquait M. Christian Forestier, ancien recteur, était une mesure à un coup. Le double cursus, académique et professionnel, permet une réorientation en cas d'échec au concours.
M. Marcel Rogemont s'étonne des « fuites », le rapport provisoire encore confidentiel ayant été effectivement sur le site du Syndicat national de l'enseignement supérieur et, le soir de son examen par la mission, il était fait état de la proposition n° 20 dans une émission d'Europe 1 : je n'y suis pour rien.
Monsieur Michel Ménard, je comprends les raisons qui vous poussent à faire vos remarques, mais, dans l'ensemble, les propositions visent à améliorer la formation pédagogique des enseignants.
Madame Martine Martinel, Monsieur Jean-Luc Pérat et Madame Marie-Odile Bouillé, l'excellence universitaire existe, il faut donc lui faire confiance aux universités.
Monsieur Éric Berdoati, les problématiques que vous évoquez et relatives aux différences entre l'éducation et l'instruction et à la formation des enseignants me semblent effectivement pertinentes.
Madame Muriel Marland-Militello, l'éducation aux arts est, effectivement, sans doute insuffisante, mais elle est présente dans le socle commun, et nous y sommes très attachés.
Je souhaite réaffirmer que le maintien de la proposition n° 20 affaiblit complètement le reste du rapport comme le serait le vote d'un complément qui préciserait que nous sommes majoritairement contre. Sur le fond, il me semble paradoxal de trouver que la formation des enseignants est trop académique et reste inefficace et d'estimer par ailleurs qu'elle va un jour pouvoir remplacer le concours. Cela ne me semble pas acceptable.
Sans vouloir refaire le débat, je voudrais souligner qu'autant le rapport, les auditions qui l'ont préparé et, bien sûr, son auteur sont remarquables, autant je me vois mal justifier dans ma circonscription d'avoir accepté la publication d'un rapport qui préconise quelque chose avec lequel je suis en désaccord. Pourquoi ne pas supprimer purement et simplement la proposition 20, dont il est, rappelons-le, précisé que son application n'est envisageable que dans vingt ans ?
Je propose que le vote soit reporté pour que nous cherchions ensemble une solution à cette question, comme l'insertion d'un additif faisant état de la réserve de la commission sur la proposition n° 20, en s'inspirant par exemple des suggestions de M. René Couanau... Mais vous semblez préférer un vote sur la publication du rapport dès maintenant.
Ne peut-on garder dans le corps du rapport l'exposé de la question posée de l'évolution du recrutement et écarter la proposition n° 20 ?
Aujourd'hui, la seule question qui nous est posée est de savoir si nous sommes ou non favorables à la publication du rapport. À titre personnel, je lui trouve beaucoup de mérites et il me semble être un bon outil d'aide à la décision tant pour les ministres de l'éducation nationale que pour le Parlement. En revanche, je relativise la portée opérationnelle de ses propositions. Même si la proposition n° 20 me pose problème, je suggère que l'on vote.
Je vous propose d'autoriser la publication du rapport mais d'y joindre un additif sur la proposition n° 20 faisant état de vos désaccords ou de vos nuances. Mais peut-être préférez-vous autoriser la publication du rapport sans cette proposition …
Le problème est qu'il ne s'agit pas seulement de la proposition n° 20, mais aussi des deux derniers paragraphes qui y conduisent et qu'il convient donc également de supprimer. Non seulement ils n'apportent rien au rapport mais ils lui nuisent.
Évitons d'être hypocrites. La question qui nous est posée est d'être ou non d'accord avec la publication du rapport, en l'état. Si on ne l'est pas, on vote contre, si on l'est, on vote pour, mais je crois qu'il n'est pas raisonnable de commencer à en censurer telle ou telle partie.
Je mets aux voix l'autorisation de publication du rapport d'information sur la formation initiale et le recrutement des enseignants.
La Commission n'autorise pas la publication du rapport.
La séance est levée à douze heures trente.