COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES
Mercredi 1er juin 2011
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 15
Le Président Pierre Lequiller. Nous allons examiner le rapport de MM. Jérôme Lambert et Jacques Myard, portant sur la politique industrielle.
Nous avons souhaité travailler à nouveau sur ce thème, déjà abordé il y a cinq ans, compte tenu de l'évolution de la situation économique et politique en Europe. Nous voulions en effet refaire le point, mettre à nouveau cette thématique en avant, et faire des propositions afin que l'impératif d'une politique industrielle soit pris en compte au niveau européen.
L'industrie est, encore aujourd'hui, un moteur de l'économie européenne : les trois quarts des exportations communautaires sont industrielles ; un emploi du secteur privé sur quatre se trouve dans l'industrie et au moins un autre emploi sur quatre dans les services qui dépendent de l'industrie, soit un emploi sur deux qui dépend directement ou indirectement de l'industrie en europe. Les deux tiers des emplois industriels des européens sont dans les PME.
Si l'Union européenne n'a qu'une compétence complémentaire à celle des Etats membres s'agissant de la politique industrielle stricto sensu, elle dispose toutefois de compétences plus étendues s'agissant des autres politiques très imbriquées avec la politique industrielle – politique commerciale commune, règles de concurrence sur le marché intérieur, politique monétaire –, ainsi que de compétences partagées avec les Etats en matière de politique de recherche et développement technologique.
La notion de « politique industrielle » a longtemps été absente du débat communautaire. L'objet du présent rapport consiste notamment à mesurer l'évolution dans la prise en compte de cette notion au niveau européen, en particulier au regard de la récente crise économique et financière. Même si une légère inflexion s'est opérée, avec l'adoption de l'initiative de la Commission européenne à l'automne 2010 intitulée « Une politique industrielle intégrée à l'ère de la mondialisation », elle demeure encore insuffisante.
La réflexion menée dans le présent rapport concerne également les orientations de la politique industrielle française, celle-ci étant largement menée par les Etats dans un cadre européen.
La première partie de notre rapport aborde les enjeux mondiaux de l'industrie française et européenne, soulignant son recul de l'industrie française et européenne. On note ainsi un déclin de l'emploi industriel. La contribution de l'industrie à la valeur ajoutée est passée en France de 22 % en 1998 à 16 % en 2009, contre 22,4 % pour la zone euro et 30 % pour l'Allemagne. La France se situe désormais au même niveau que le Royaume-Uni, qui n'est pas un pays réputé pour sa force industrielle. De 1980 à 2007, l'industrie française est passée de 5,3 à 2 millions d'emplois. Fin 2000, la France comptait encore 4,4 millions d'emplois industriels. La part de l'industrie dans l'investissement en France a diminué, passant de 33,8 % en 1999 à 19 % en 2009.
S'agissant des faiblesses françaises, nous avons mis trois aspects en avant :l'insuffisance de la recherche au sens large,l'investissement encore trop faible dans l'enseignement supérieur,ainsi qu'une mauvaise performance en matière d'innovation.
Relativement aucontexte européen lui-même, nous avons souligné que le credo de l'Union européenne est le « tout concurrence ».
S'agissant de la politique industrielle stricto sensu, l'Union européenne n'a qu'une compétence complémentaire : le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ne lui permet d'intervenir que pour appuyer l'action des Etats membre, à travers des interventions financières essentiellement ; elle peut légiférer, mais elle ne peut pas harmoniser les dispositions législatives et réglementaires nationales.
L'Union européenne dispose toutefois de compétences étendues s'agissant d'autres politiques, très imbriquées avec la politique industrielle. L'Union dispose en effet d'une compétence exclusive en matière de politique commerciale commune, de règles de concurrence sur le marché intérieur, et de politique monétaire, ainsi que de compétences partagées avec les Etats en matière de politique de recherche et développement technologique.
L'absence de la « politique industrielle » au sein du débat communautaire est d'autant plus paradoxale que l'Union européenne est, avec les Etats-Unis, l'une des deux grandes puissances industrielles mondiales. Une légère inflexion s'est toutefois opérée, même si elle demeure insuffisante, notamment avec l'adoption par la Commission européenne à l'automne dernier, dans le cadre de la stratégie Europe 2020, d'une initiative intitulée : « Une politique industrielle intégrée à l'ère de la mondialisation ».
Les objectifs de la stratégie de Lisbonne ne sont pas atteints. A titre d'exemple, l'objectif fixé pour les dépenses de R&D était de 3 % du PIB ; or, en 2008, elles s'élevaient seulement à 1,9 % du PIB dans la zone euro.
Nous avons étudié le modèle de nos principaux concurrents asiatiques, la Chine et la Corée du Sud, afin de comprendre leur stratégie industrielle. Ce sont deux pays qui ont une véritable politique industrielle, et qui n'hésitent pas à promouvoir leurs champions nationaux. À titre anecdotique, la Corée du Sud lançait l'iPad au moment de notre arrivée, alors qu'il était sorti six mois plus tôt en France et un an auparavant aux Etats-Unis : la sortie de l'iPad avait été bloquée pour des questions de non-conformité aux normes, afin de laisser le temps au coréen Samsung de sortir sa propre tablette… Autre exemple, en Chine, lors d'une visite d'usine, il nous a été indiqué que tous les bénéfices étaient réinvestis, aucun profit ne revenant à l'actionnaire qui n'était autre que la municipalité de Pékin ! En France, environ la moitié des bénéfices va aux actionnaires ; il s'agit d'une façon différente d'appréhender l'économie de marché.
Au niveau de l'Union européenne, on pense que la concurrence doit tout régler, à la différence de certains pays où il existe une osmose totale entre les différents outils – planification, investissement, etc. – et où la stratégie est réellement pensée sans être laissée dans les mains d'un marché totalement erratique. L'exemple de Foton, l'usine évoquée par Jérôme Lambert, est surprenant dans la mesure où la volonté de conquérir les marchés – par le biais de licences, entreprises conjointes, interdiction d'investir dans tel secteur, mise à l'écart des concurrents sur les appel d'offre d'Etat, etc. – se traduit par un engagement total des collectivités, de l'Etat chinois.
Nous devons réagir, tant au niveau national, où les compétences sont partagées comme l'indique l'article 173 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qu'au niveau européen.
Notre rapport s'intitule « l'impératif de la politique industrielle », tandis que le précédent avait pour titre « le renouveau de la politique industrielle ».
La politique industrielle française des années 1960 n'est plus d'actualité compte tenu de la trilogie des règles européennes. La politique industrielle repose avant tout sur le libre fonctionnement des marchés, permettant le développement de ce que les anglo-saxons nomment un « level playing field », c'est-à-dire des conditions de jeu égales pour les entreprises, agissant sans entraves. Dans cette conception, l'intervention publique en matière industrielle doit se limiter à créer les conditions optimales pour que les entreprises se prennent en charge.
Au niveau français, une prise de conscience s'est opérée et beaucoup de choses ont été faites : les pôles de compétitivité,l'Agence des participations de l'Etat (APE), les mesures fiscales telles que leCrédit Impôt Recherche (CIR),les Etats généraux de l'industrie (EGI), les investissements de 35 milliards d'euros du grand emprunt, le renforcement des fonds propres des entreprises,le Fonds stratégique d'investissement (FSI),OSEO,la DATAR, etc..
Un certain nombre d'outils ont ainsi été créés, mais il existe un sentiment d'émiettement, de mauvaise coordination, et même de saupoudrage.
Une meilleure prospective est nécessaire, afin d'avoir une stratégie industrielle dans un cadre stable, les industriels étant critiques quant à l'instabilité du cadre réglementaire.
La politique industrielle ne peut se concevoir qu'à long terme.
Il faut créer un réel ministère de l'industrie, actuellement anormalement rattaché à celui des finances. Il est en effet indispensable que quelqu'un puisse avoir le pilotage du secteur industriel.
Il apparaît également indispensable de créer un Conseil stratégique de l'avenir industriel. Il ne s'agit pas de ressusciter le plan, mais de mettre en place un organisme de prospective. Ce Conseil doit être un lieu de synergie et regrouper tous les acteurs économiques et sociaux dont l'action a un impact sur l'industrie : les entreprises industrielles, les chercheurs, les universitaires, les syndicats et l'Etat. Il doit être chargé de définir les orientations d'avenir de l'industrie. Placé sous l'autorité du Premier ministre, voire du Président de la République, son secrétariat devra être assuré conjointement par le ministre de l'industrie et par le ministre des universités et de la recherche. Cette mise en commun de différents acteurs économiques et sociaux s'apparenterait à ce qui existe en Allemagne, où l'on ne saurait laisser un centre de recherche partir à l'étranger.
Il est souhaitable de développer une politique industrielle au niveau européen, la philosophie de l'Union européenne résidant jusqu'à présent dans la recherche de compétitivité et la création d'un environnement favorable aux entreprises, sans intervenir pour autant. L'article 173 déjà évoqué permet à cet égard une intervention sectorielle et une coordination des politiques. La philosophie asiatique n'existe pas au sein de l'Union européenne. Il s'agit d'un dilemme : si la Commission européenne prône une politique visant à favoriser l'industrie, voire a parfois admis des aides qui avaient été notifiées à Bruxelles, elle ne va guère plus loin en pratique : on bute toujours sur le dogme de la concurrence, alors qu'il est possible d'intervenir sur des secteurs en difficulté !
Je souhaite évoquer la vingtaine de propositions que nous faisons.
Au niveau national, nous souhaitons rendre obligatoire l'enseignement de la propriété intellectuelle ou industrielle dans toutes les écoles d'ingénieurs et dans tous les cursus universitaires ayant un lien avec l'industrie ; aux Etats-Unis, la propriété intellectuelle est utilisée comme une arme anti-concurrence, alors que ce réflexe n'existe pas chez nous.
Il faut rendre l'Agence des participations de l'Etat (APE) destinataire de l'ensemble de l'information pertinente relevant de son domaine de gestion, en particulier des études réalisées par la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) afin d'assurer une cohérence dans la gestion politique des participations de l'Etat. D'une manière générale, une vision horizontale de diffusion de l'information doit être substituée à la pratique verticale existante. Il convient également de préciser les contours du Fonds stratégique d'investissement (FSI), dans la mesure où il a vocation à développer une politique industrielle et où la lisibilité de son action est insuffisante. Ces trois propositions signifient notamment qu'il est souhaitable que l'APE, OSEO et le FSI travaillent en synergie. La DATAR, chargée de la réindustrialisation des territoires, doit être associée à cette logique de transversalité, guidée par une véritable conduite de projet.
Nous avons accepté d'ouvrir les marchés publics de défense et de sécurité, mais des entreprises non européennes arrivent à contourner la réglementation en s'établissant sur le territoire de l'Union européenne. Il faut par conséquent mieux définir la notion d'entreprise européenne dans le projet de loi de transposition de la directive « marchés publics de défense et de sécurité » afin de prendre en compte la réalité internationale.
J'ai déjà évoqué la nécessité de remédier à l'émiettement de l'organisation administrative en créant un réel ministère de l'industrie qui soit distinct de celui des finances, ainsi qu'une représentation permanente de l'industrie sui generis regroupant tous les acteurs concernés, et un « Conseil stratégique de l'avenir industriel » permettant de définir les axes prioritaires de recherche et d'innovation industrielle.
Il faut axer davantage encore les efforts français sur la haute technologie, ce qui implique de privilégier le financement de la recherche et développement.
Il convient de veiller à ce que les législations nationales soient adaptées aux exigences de l'accord sur les marchés publics (AMP), afin d'éviter l'absence de réciprocité.
Au niveau européen, des dispositifs existent déjà, avec le PCRDT notamment, doté d'un budget de l'ordre de 50 milliards d'euros pour la période 2007-2013. Mais il est essentiel d'améliorer la cohérence entre les instruments de soutien à la recherche et les instruments de soutien à l'innovation. Il faut assurer une meilleure articulation entre les programmes et les instruments de financement européens et nationaux tout en remédiant à l'excessive bureaucratisation des programmes cadre européens, afin de favoriser l'avènement d'un véritable espace de recherche européen.
S'agissant des aides d'Etat et des opérations concentration, il est nécessaire de modifier le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne de façon à permettre une voie de recours au niveau du Conseil européen en cas de décision négative de la Commission concernant la concurrence. La réglementation portant sur les concentrations s'est ajoutée tardivement, en 1989, au corpus européen, et a été modifiée en 2004. Dans l'affaire SchneiderLegrand, la Commission européenne avait refusé d'accepter la concentration et la décision contraire de la Cour de justice était intervenue bien trop tard. Même si la Commission européenne dispose de pouvoirs propres en matière de concurrence, le Conseil devrait pouvoir adresser des instructions directement à la Direction générale de la concurrence, un véritable Etat dans l'Etat ! Ce cloisonnement forcené pose problème.
Des règles de réciprocité dans l'accès aux marchés doivent être mises en place. La stratégique entreprise néerlandaise Draka, finalement rachetée par un italien, a failli l'être par une entreprise chinoise ! Des aides plus importantes devraient pouvoir être accordées lorsqu'il est établi qu'un pays concurrent direct non européen obtient davantage de financement ou finance davantage, dans le même domaine. L'affaire AlstomBombardier, Alstom ayant été obligé de créer une entreprise conjointe pour pouvoir répondre à un appel d'offre canadien alors que Bombardier n'en avait pas eu besoin en France, illustre les conséquences de cette absence d'exigence de réciprocité. Nous sommes dans le règne de la naïveté.
Il faut refonder la politique de la concurrence européenne, celle du marché intérieur, en allant dans le sens d'une politique plus équilibrée entre l'intérêt du producteur et l'intérêt du consommateur, de façon à faire également attention aux producteurs.
Il existe une banque européenne d'investissement : la BEI soit être utilisée comme outil de mise en oeuvre d'une politique industrielle européenne.
Il faut, enfin, inviter les partenaires commerciaux de l'Europe à s'engager dans la normalisation internationale, à introduire des modèles de réglementation compatibles avec les normes et à promouvoir la cohérence entre les normes nationales et internationales. Il faut veiller au respect des obligations au titre de l'accord sur les obstacles techniques au commerce de l'OMC, accord OTC. Ce problème mettra sans doute très longtemps avant d'être résolu !
La politique industrielle doit entrer dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Son article 173 stipule que « le présent titre ne constitue pas une base pour l'introduction, par l'Union, de quelque mesure que ce soit pouvant entraîner des distorsions de concurrence ou comportant des dispositions fiscales ou relatives aux droits et intérêts des travailleurs salariés ». C'est ainsi le dogme de la concurrence qui prime, on n'aide pas les pans de l'industrie qui constituent des enjeux pour l'avenir, à l'exception du spatial.
Nous avons le sentiment qu'aujourd'hui les choses peuvent bouger et que les réponses que nous apportons sont susceptibles de nourrir les échanges et de constituer des solutions. Notre rapport, en provoquant le débat, vise à changer le système.
Le monde, face à la crise, cherche de nouvelles voies ; il faut en tirer avantage pour faire bouger les choses. Nos conclusions, pour certaines volontairement un peu provocatrices, sont susceptibles de susciter un vrai débat.
Le Président Pierre Lequiller. Je suis en accord avec l'essentiel de votre analyse : le tout-concurrence n'est pas la solution et, face aux pays émergents, il faut instaurer une vraie réciprocité.
Je comprends que vous ayez voulu insérer, dans les conclusions, un paragraphe relatif à l'action nationale, mais ce n'est pas de la compétence directe de la Commission des affaires européennes, même si bien sûr des liens incontestables existent entre les niveaux de compétence.
Je ne suis pas convaincu par l'idée d'une intrusion du Conseil dans les prérogatives de la Commission européenne, à travers des injonctions éventuelles à la Commission. En revanche, je suggère depuis toujours que le commissaire chargé de la concurrence soit aussi responsable de la politique industrielle et que cela figure dans son titre, l'objectif étant d'édifier de grands groupes européens. Si elle ne réagit pas à la politique de certains pays émergents, l'Europe va dans le mur.
Le problème est de nature socio-administrative, il tient au poids de la DG concurrence : c'est le « Saint des Saints », comme la Direction du trésor au ministère des finances. Même si un commissaire était chargé à la fois de la concurrence et de l'industrie, la DG concurrence l'emporterait.
Au demeurant, pour casser les décisions de la DG concurrence, il faut porter l'affaire devant le tribunal. Or, sur ces questions, lorsque le verdict tombe, c'est trop tard ; l'affaire Schneider-Legrand l'a montré.
En matière industrielle, il faut donner des impulsions politiques, en Europe comme partout ailleurs. Nous maintiendrons notre proposition car nous estimons que la fonction régalienne de la Commission européenne a montré ses limites.
Les Chinois investissent depuis des années dans des équipements automatisés et ils ont pris beaucoup d'avance. De surcroît, avec un marché intérieur aussi important, la Chine à le loisir de perdre de l'argent à l'export.
Il est effectivement primordial de créer un Conseil stratégique de l'avenir industriel. C'est au coeur des débats de la mission d'information sur les faiblesses et défis du commerce extérieur français, que préside Axel Poniatowski : avant d'élaborer une stratégie pour que l'Europe devienne championne du monde, il faut que chacun de ses Etats membres détermine les domaines dans lesquels il est le meilleur. Il y a urgence. Un certain nombre de secteurs d'activités l'ont compris depuis longtemps et, quand ils sont accompagnés par le pouvoir public, c'est toujours une réussite.
Il y a une autre maillon manquant : la puissance commerciale. Si un pays produit beaucoup mais ne vend pas, il garde ses produits sur les bras. Un gros effort est accompli, notamment avec Ubifrance, et, à terme, il faudrait créer « Ubieurope ». Même en Europe, nous sommes concurrencés par des pays nettement moins performants mais qui savent vendre.
Le sujet est d'une actualité brûlante. Je partage beaucoup d'analyses avec les rapporteurs mais je formulerai deux remarques.
Le problème de la concurrence se pose déjà au sein de l'Union européenne. Cela nous fait perdre de l'énergie et nous nous en trouvons moins performants.
Les Chinois ne redistribuent jamais chez eux ce qu'ils gagnent en exportant.
Pour promouvoir une coopération industrielle sectorielle, la question de la réduction des émissions de carbone mérite aussi d'être soulevée. Les personnes que vous avez entendues y sont-elles sensibles ? Ont-elles des objectifs en la matière ?
Ce rapport est très riche, intelligent et bien ciblé. Il faut trouver de nouvelles pistes, allant au-delà de la recherche d'une sortie de crise.
Nous sommes, à l'évidence, de très mauvais exportateurs, ce qui nuit à notre valeur ajoutée. Nous en reparlerons lorsque le rapport d'information de la Commission des affaires européennes sera remis.
Le coût social contribue aussi au problème : comment se battre sur un pied d'égalité, y compris avec les pays d'Europe centrale, alors que les charges pesant sur les entreprises sont si inégales ? Il me semble que cette dimension manque dans votre rapport.
Les anciens élèves des écoles d'ingénieurs appellent inlassablement à une reconnaissance gouvernementale de leurs établissements, qui sont des fers de lance. Ce serait un signe de confiance déterminant.
L'accord commercial bilatéral Europe-Japon va enfin être signé, ce qui permettra aux chefs d'entreprise de pénétrer ce marché.
J'éprouve un grand respect pour l'administration, mais il est anormal que le pouvoir politique, en Europe et particulièrement en France, lui soit soumis. Il y a aussi une question liée au niveau du pilotage politique : par exemple, pour les transports, ce dossier est trop important pour être traité par un secrétariat d'Etat, quels que soient les grands mérites de son titulaire, et non par un ministère de plein exercice.
Il est bon de rappeler que la France et l'Europe restent des puissances industrielles. Nous n'avons pas à rougir des compétences de nos entreprises, pour innover et créer de la richesse, dans les secteurs de l'aéronautique, du spatial, des transports terrestres ou de l'énergie. Malheureusement, nos concitoyens ne le savent pas et cèdent au déclinisme. Quand je monte dans un Airbus, je pense avec fierté que les Américains n'ont toujours pas réussi à faire valider leur gros Boeing !
Cependant, lorsqu'il s'agit de vendre, nous ne sommes pas toujours au rendez-vous, parfois parce que nous avons des scrupules, souvent parce que l'absence de concurrence loyale nous est défavorable. Nous nous donnons des règles sociales ou environnementales, qui entraînent des coûts, en refusant d'appliquer le principe de réciprocité. Je ne réclame pas la fermeture de nos frontières, je sais que nous avons beaucoup à gagner à l'ouverture, mais celle-ci doit se faire dans une optique de réciprocité.
Du reste, le tout-concurrence, à force de tirer les prix vers le bas, finira par nous conduire à une situation dans laquelle nous n'aurons plus de salaires à payer puisqu'il n'y aura plus d'emploi.
De grâce, arrêtons d'être des enfants de choeur ! A l'instar des Etats-Unis, le Canada, membre du groupe de Cairns, est l'un des pays les plus fermés du monde : l'industrie énergétique y a été mise au service des aluminiers, ce que nous refusons de faire en Europe. Des entreprises comme Alcan ou Alcoa commencent à se demander si elles ne vont pas se redéployer en Chine, où elles pollueront neuf fois plus mais où elles gagneront cinq fois plus. Si la France et l'Europe ne prennent pas conscience de ces situations, c'est à désespérer. Il est impossible de priver nos entreprises de leurs avantages compétitifs et d'acheter des produits fabriqués suivant des normes très différentes.
Ce sujet est essentiel pour notre pays. Je partage les propositions de niveau européen des rapporteurs mais, concrètement, quelles sont celles qui ont vraiment une chance d'aboutir dans un avenir proche ?
Je suis élu de la Loire, département qui a toujours su rebondir grâce à son tissu de PME innovantes, ouvertes sur l'international : on y compte encore près de 30 % d'emploi industriel, près du double de la moyenne nationale. Nous avons évidemment besoin d'une politique industrielle nationale forte mais aussi d'une politique industrielle européenne.
Avez-vous pensé à la création d'une sorte de banque publique d'investissement, aux niveau national et européen, pour soutenir le secteur industriel ?
A côté des grands groupes industriels, ces champions extrêmement performants, quel mécanisme spécifique pourrait être imaginé pour favoriser les entreprises de taille intermédiaire, comptant de 200 à 500 salariés, sur le modèle allemand ?
Pour protéger notre outil industriel contre les biens qui ne satisfont pas aux normes environnementales ou sociales, ne faudrait-il pas créer un système « d'écluse tarifaire » aux frontières de l'Union européenne ?
Pour un pays comme la France, l'élément déterminant, commercialement, est d'être le plus innovant et pas nécessairement d'avoir le prix de revient le plus bas. Il faut souligner aussi l'aspect décisif de la marque et du marketing, qui font la force de beaucoup de biens chinois ou coréens.
La Banque européenne d'investissement (BEI) existe. Il faut la faire évoluer pour qu'elle soit mieux adaptée.
La réciprocité est au coeur de la question. En effet, un pays comme l'Allemagne a déjà un solde commercial déficitaire avec la Chine et il va se faire tailler des croupières dans l'avenir. La réciprocité est le début de la sagesse et l'Union européenne doit engager des contre mesures. On peut penser, à l'instar de M. Michel Barnier, que s'il ne paraît pas possible d'avoir une vraie politique industrielle au niveau de l'Union, une politique de réciprocité peut être réalisable.
Il y a aussi bien sûr un dumping environnemental et social. L'ouverture des marchés asiatiques est difficile car il y a des barrières culturelles et sociologiques. On peut être sûr que l'ouverture du marché européen des services à la Corée sera, compte tenu des forces en présence, plus favorable à ce pays qu'à l'Union.
Il y a eu des avancées concernant les Petites et Moyennes Entreprises (PME) au niveau européen, avec la décision de la Commission de novembre 2010 de les favoriser pour l'accès aux marchés publics. Les financements de la BEI existent aussi.
Les mesures tarifaires extérieures de l'Union européenne ont été démantelées et ne sont plus que de 4 % alors qu'elles sont considérables dans des pays comme les Etats-Unis. La notion de TVA sociale peut être une mesure intéressante pour lutter contre le dumping social.
La vente est une activité essentielle comme on l'a compris aux Etats-Unis, où il existe des liens forts entre techniciens commerciaux et ingénieurs dès l'Université, ce qui leur permet de se connaître et de créer, ensemble, des entreprises. Il faut aussi apprendre aux ingénieurs à se servir des brevets pour lutter contre la concurrence.
Le Président Pierre Lequiller. C'est là un sujet central. Après ses importants progrès institutionnels, l'Europe doit se pencher sur son industrie comme élément vital de sa puissance notamment face aux pays émergents.
Le marché commun mis en place à partir de 1957, revitalisé par le marché unique, constitue le coeur des compétences de l'Union européenne. Toutefois ses insuffisances ont été mises en évidence par M. Mario Monti dans son rapport sur "Une nouvelle stratégie pour le marché unique".
La Commission européenne, consciente de la situation, a mis en débat cinquante propositions présentées dans sa communication "Vers un acte pour le marché unique", objet du présent rapport. Elle s'est donnée deux ans pour élaborer l'ensemble de ces cinquante propositions, mais, dans une communication du mois d'avril a retenu douze priorités pour lesquelles elle souhaite parvenir, dès la fin de 2012, à des propositions législatives.
A travers cette troisième communication relative à « l'Acte pour le marché unique », les rapporteurs vous entretiendront en outre, en particulier, de la question essentielle des marchés publics, qui représentent le cinquième du PIB communautaire.
Le débat public sur le « Single Market Act » qui s'est déroulé aux niveaux européen, national et local au premier trimestre de l'année 2011, a été alimenté par plus de 800 contributions..
Sur cette base, les avis et conclusions du Parlement européen et du Conseil, ainsi que les avis du Comité des régions et du Comité économique et social européen, la Commission a identifié douze leviers pour lesquels elle propose que l'Union européenne adopte d'ici la fin 2012 une action clé.
Plus de 20 millions de petites et moyennes européennes, faute de financement, peinent à embaucher, lancer de nouveaux produits ou renforcer leurs infrastructures. Il s'agit de créer un statut commun de fonds de capital-risque permettant aux fonds établis dans un Etat membre d'investir dans n'importe quel autre Etat membre.
Cette initiative est particulièrement intéressante, compte tenu des difficultés d'accès des PME aux financements bancaires en France, la concurrence dans ce domaine, si elle est effective, ne manquera pas d'avoir des vertus.
En 2009, 5,8 millions d'Européens travaillaient dans un autre État membre, ce qui équivaut à 2,5 % de la population active de l'Union. Une mobilité accrue de main d'oeuvre qualifiée permettrait à l'économie européenne d'être plus compétitive. Cela passe par un développement des échanges et une reconnaissance des qualifications, qui ont fait l'objet de notre précédente communication.
La mise en place d'un brevet européen a été mise en route par le mécanisme de la coopération renforcée et a fait également l'objet d'une communication devant notre commission.
Pour renforcer la confiance des consommateurs dans le marché unique, il faut garantir leurs droits. Cela passe notamment par le développement du règlement alternatif des différends et la mise en place de moyens de recours, autres que judiciaires. Il faut noter que la Commission européenne n'a toujours pas déposé de proposition de directive sur l'action de groupe, texte essentiel attendu, ou redouté, depuis plus de deux ans.
Une consultation publique, à laquelle le Gouvernement français vient de répondre, a été toutefois engagée.
Les services sont le moteur de création d'emplois en Europe: pour conforter cet atout, la Commission propose de réviser la législation sur le système européen de normalisation pour l'étendre aux services et rendre les procédures de normalisation plus efficaces, efficientes et inclusives. Cette action impliquera de notre part beaucoup de vigilance au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité.
La Commission adoptera par ailleurs des législations sur les infrastructures énergétiques et de transport pour identifier les projets stratégiques d'intérêt européen. Dans le domaine des transports la Commission européenne, conformément à ses engagements, a déposé le 28 mars dernier, un Livre blanc sur la politique des transports à l'horizon 2050, pour lequel notre Commission a désigné deux rapporteurs, nos collègues Gérard Voisin et Odile Saugues.
L'Europe a besoin d'une législation assurant la reconnaissance mutuelle de l'identification et de l'authentification électroniques à travers son territoire et d'une révision de la directive sur la signature électronique, afin de permettre une interaction par voie électronique sûre et sans entrave. Les rapporteurs ne peuvent qu'être favorable à une telle initiative.
Certaines entreprises font le choix, au-delà de la recherche légitime d'un profit financier, de poursuivre également des objectifs d'intérêt général, de développement social, éthique ou environnemental. Ce secteur est porteur de croissance et d'emplois. Pour l'encourager, il faudrait pouvoir exploiter pleinement le formidable levier financier que constitue l'industrie européenne de la gestion d'actifs. La Commission européenne proposera un cadre européen pour les fonds d'investissement solidaires, afin d'amplifier l'effet des initiatives nationales existantes, en ouvrant à ces fonds les opportunités du marché unique. Bien évidemment une telle initiative ne peut qu'être encouragée même si son impact sera probablement limité.
La réglementation fiscale de l'Union européenne n'encourage pas suffisamment les pratiques les plus économes en énergie ou les plus respectueuses de l'environnement. La Commission européenne propose, dans cet esprit, une révision de la directive sur la fiscalité de l'énergie afin d'assurer un traitement cohérent des diverses sources d'énergies pour mieux prendre en compte le contenu énergétique des produits ainsi que leurs émissions de CO2. Notre Commission a examiné hier ce projet, sous l'angle de la subsidiarité. Sur le fond, la fiscalité française est déjà largement en phase avec ces objectifs.
Pour renforcer la cohésion sociale en Europe, la Commission va faire une proposition législative destinée à renforcer l'application de la directive "détachement des travailleurs", pour prévenir et sanctionner tout abus ou détournement des règles. Elle va également proposer de clarifier l'exercice des droits sociaux fondamentaux dans le cadre de l'exercice des libertés économiques. Ces textes sont absolument fondamentaux car, dans des secteurs économiques de plus en plus nombreux, en particulier le transport aérien, nous voyons des entreprises imposer à leur personnel des contrats de travail de droit du pays d'origine.
Les entreprises voient encore trop souvent le marché unique comme un espace de contraintes et non d'opportunités. Il faut leur simplifier la vie, en réduisant les contraintes réglementaires et administratives. Pour y arriver, la Commission propose donc une simplification des directives sur les normes comptables en ce qui concerne les obligations d'information financière, et une diminution des contraintes administratives, en particulier celles pesant sur les PME.
Les autorités publiques dépensent environ 18 % du PIB de l'UE en biens, services et travaux. Cette dépense publique est un levier essentiel pour la croissance. Les législations européennes et nationales ont ouvert les marchés publics à une concurrence loyale dont la conséquence est d'offrir aux citoyens une meilleure qualité au meilleur prix. La Commission propose de moderniser ce cadre législatif pour aboutir à une politique équilibrée qui soutienne une demande pour des biens et des services respectueux de l'environnement, socialement responsables et innovants, pour offrir des procédures plus simples et plus flexibles aux pouvoirs adjudicateurs, et assurer un accès plus facile aux PME.
En effet cette question suscite de nombreuses interrogations et nécessite une étude plus approfondie.
La proposition no 17 de la communication de la Commission européenne « Vers un acte pour le marché unique » a annoncé, au plus tard en 2012, des propositions législatives visant à simplifier et moderniser la réglementation des marchés publics, notamment pour faciliter leur usage comme instrument de soutien à d'autres politiques européennes, en matière sociale, dans le domaine de l'innovation ou de l'environnement.
Le 27 janvier 2011, la Commission a adopté un « Livre vert sur la modernisation de la politique de l'UE en matière de marchés publics – Vers un marché européen des contrats publics plus performant » qui lance l'évaluation juridique des directives « marchés publics » de 2004, en recensant plusieurs domaines clés pouvant faire l'objet d'une réforme.
Le gouvernement considère que toute modification de la législation applicable aux marchés publics ne pourra être envisagée qu'au terme d'une évaluation juridique et économique précise. Il souhaite également attirer l'attention de la Commission européenne sur la nécessaire cohérence des initiatives qu'elle a souhaité lancer de manière parallèle dans le domaine de la commande publique. Ainsi, la réflexion sur la modernisation des règles relatives à la passation des marchés publics ne peut être dissociée de la question de la dématérialisation des procédures de passation, qui rejoint plusieurs objectifs affichés, tels que la simplification des procédures de passation, l'amélioration de la participation des entreprises innovantes ou la réduction de la charge administrative.
Par ailleurs, la Commission a annoncé qu'une initiative relative aux concessions de services serait adoptée avant l'été 2011. Le gouvernement a, à plusieurs reprises, réaffirmé son opposition à un tel texte, que le Sénat considère, à travers une résolution qu'il a récemment adoptée, contraire aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. Les rapporteurs, pour leur part, n'excluent pas une modification de portée limitée de la législation européenne.
Enfin, toute initiative visant à la modernisation de ces règles devra être se faire en conformité avec les règles sectorielles existant, notamment en matière de transports, d'énergie et de services en réseaux.
La France accorde une importance particulière à deux grandes orientations suggérées par la Commission. En premier lieu, le gouvernement est très favorable à la simplification des directives « marchés publics » à condition, toutefois, de garantir un niveau de sécurité juridique élevé pour les pouvoirs adjudicateurs. En second lieu, il soutient fortement l'utilisation des marchés publics en faveur des politiques sectorielles dans le cadre de la Stratégie Europe 2020, notamment en offrant au pouvoir adjudicateur la souplesse nécessaire à la prise en compte de ses objectifs dans la commande publique.
L'Acte pour le marché unique est le fruit d'un compromis, négocié au sein du Collège des Commissaires, où tous les souhaits du commissaire Barnier, ou d'autres commissaires, n'ont pas été retenus par le Collège, par exemple l'assouplissement des conditions d'application des règles des aides d'Etat, qui préoccupent beaucoup les collectivités locales lorsqu'elles délèguent certains services à des structures associatives, n'a pas été intégré dans l'acte pour le marché unique.
Les rapporteurs souhaitent insister particulièrement sur la notion juridique de Service d'Intérêt Economique Général (SIEG) qui, en droit communautaire, recouvre trois réalités économiques distinctes :
- les services publics qui doivent être accessibles à tous, citoyens et entreprises, car visant à satisfaire des besoins sociétaux de base ;
- les « biens publics » pour lesquels les autorités publiques doivent se substituer à un marché par définition défaillant en raison des caractéristiques propres : eau, éclairage public, voiries et autres infrastructures collectives de transport, lutte contre les incendies, sécurité civile… ;
- les biens tutélaires pour lesquels les autorités publiques se substituent aux forces du marché par la définition de normes sociales minimales et de droits d'accès fondés sur des préférences collectives : Santé, Education, Emploi, Logement, Formation, Protection sociale, autres services sociaux…
La consommation par le citoyen de services essentiels s'opère au niveau local auprès de structures organisées localement par des autorités en réponse à la demande sociale.
Le marché intérieur impacte les conditions de fourniture de ces services essentiels des points de vue :
- de leur mode d'organisation, via le contrôle des régimes d'autorisation, la justification de l'octroi de droits exclusifs ou spéciaux, les procédures de marchés publics, les règles applicables aux concessions de services ;
- de leur mode de financement par les autorités publiques, via le régime de contrôle des aides d'Etat sous la forme de compensation de service public et accessoirement via le régime communautaire d'encadrement des taux réduits de TVA applicables à ces biens essentiels.
Ces règles, contrôles et procédures visent au respect des libertés fondamentales d'établissement et de prestation de services au sein du marché intérieur, au respect des principes généraux de transparence, d'égalité de traitement et de non discrimination du Traité, mais également au respect du principe de concurrence non faussée et d'interdiction des aides d'Etat susceptibles d'induire un avantage économique non justifié aux entreprises chargées de la fourniture de ces biens publics.
La nécessité de satisfaire ces besoins essentiels par les autorités publiques des Etats-membres s'est traduite dans les traités par un principe de primauté du bon accomplissement des missions imparties à ces biens publics (art. 106.2 TFUE), sur l'application des règles du marché intérieur et de la concurrence susceptibles d'entrer en conflit avec leurs modes d'organisation et de financement.
Ainsi, toute mesure nécessaire, non discriminatoire et proportionnée à l'imposition d'une telle obligation extracontractuelle par une autorité publique et à l'accomplissement d'une mission particulière est in fine conforme aux dispositions du traité, même si elle déroge à l'application des règles du marché intérieur et de la concurrence.
Cette pratique dérogatoire, réservée en droit communautaire aux SIEG, s'applique aux structures d'offre qui sont explicitement « chargées » par les autorités publiques de les fournir.
L'approche par dérogation au cas par cas aux libertés économiques du marché intérieur pratiquée par la Commission l'amène à circonscrire le champ des biens publics reconnus comme tels par les Etats-membres, et à introduire une exigence de justification a posteriori de toute mesure d'organisation et de financement de l'offre contraire à ces principes. Car, dès lors que les échanges intra-communautaires sont susceptibles d'être affectés et que le bien public est offert sur un marché donné ou sur un marché potentiel, qu'il soit ou non défaillant, les règles communautaires de concurrence opposables aux entreprises entrent en application.
Cette application extensive entraîne le développement d'une charge bureaucratique de contrôle systématique pesant sur les acteurs locaux, autorités organisatrices et opérateurs, dont la pertinence et la proportionnalité restent discutables au regard de l'incidence effective des mesures d'encadrement et de financement des biens publics sur les échanges intracommunautaires.
Les directives sectorielles relatives à des biens publics de nature essentiellement technique, ainsi que la jurisprudence de la CJUE en la matière, ont conduit progressivement à définir la notion communautaire de services d'intérêt général en tant que « services soumis à des obligations de service public afin d'accomplir des objectifs d'intérêt général », ainsi que la notion de « mandatement » des entreprises explicitement chargées de les fournir, conformément à la formulation de l'article 106.2 TFUE permettant d'activer la clause de dérogation.
Les aides publiques nécessaires à la fourniture des biens publics ont ainsi été soumises, à l'exigence de notification préalable à la Commission et au contrôle de juste compensation des obligations extracontractuelles de fournir les biens publics en question.
Dans l'impossibilité matérielle d'assurer la charge potentielle de cette notification par près de 80 000 autorités publiques de l'Union européenne, la Commission a transféré cette charge de contrôle de juste compensation qui lui incombe en tant qu'autorité de concurrence, à ces 80 000 autorités publiques au moyen d'une décision de compatibilité a priori conditionnée à la mise en place d'un tel « contrôle régulier de juste compensation » par l'autorité publique organisatrice sur base d'un « acte officiel de mandatement ».
Le 23 mars dernier, M. Joaquin Almunia, commissaire européen à la concurrence, a présenté l'état des réflexions de la Commission pour améliorer le Paquet Monti-Kroes, qui fixe les règles de compensation financière des services d'intérêt économique général. En proposant de clarifier les notions de services marchands et non marchands, de simplifier l'application des règles pour les services publics ayant peu ou pas d'impact sur les échanges intra-communautaires et d'adopter une approche plus diversifiée en fonction des types de services, la Commission va dans le sens des propositions avancées par les élus locaux et régionaux. Les propositions concrètes de la Commission dans ce domaine sont attendues pour juillet ou début septembre.
Il convient de noter également que dans leur contribution à l'Acte pour le Marché unique, les députés européens ont, le 6 avril dernier, invité la Commission à utiliser les dispositions législatives prévues dans le Traité de Lisbonne pour prendre les initiatives législatives propres à garantir les SIEG, y compris les services sociaux d'intérêt général (SSIG).
Ce vote conforte la position des associations pour la défense de la pérennité et la qualité des services publics locaux, il constitue une de leurs premières priorités et il semble aux rapporteurs que notre Commission doit appuyer cette démarche.
Les rapporteurs ne peuvent que se féliciter de la démarche de la Commission européenne et des avancées enregistrées dans les douze axes prioritaires qu'elle a dégagé. Avec le dossier des Services d'intérêt économique généraux nous voyons apparaître les limites d'une approche trop libérale du droit de la concurrence. La Commission européenne semble en avoir pris conscience.
Que voulez-vous dire par « la Commission va dans le sens des propositions avancées par les élus locaux et régionaux » et par « nous voyons apparaître les limites d'une approche trop libérale du droit de la concurrence » ?
L'association d'élus locaux que nous avons auditionnée a adopté une déclaration visant à défendre les prérogatives des collectivités locales qui veulent continuer à pouvoir organiser sans trop de contraintes européennes leurs propres services publics, notamment en matière de formation professionnelle.
Concernant l'encadrement des aides d'Etat, la subsidiarité devrait être plus fortement appliquée et la Commission devrait laisser plus de liberté et de souplesse aux collectivités locales pour l'organisation de leurs propres services publics, dans la mesure où l'ouverture systématique à la concurrence a parfois des effets inattendus.
Puis la Commission a autorisé la publication de cette communication sous la forme d'un rapport d'information.
La séance est levée à 18 heures