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Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Séance du 25 mai 2011 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • RASED
  • absentéisme
  • décrochage
  • décrochage scolaire
  • enseignant
  • échec
  • éducative

La séance

Source

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 25 mai 2011

La séance est ouverte à dix heures.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

La Commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'examen, ouvert à la presse, sur le rapport de M. Yves Durand, de la proposition de loi de visant à lutter contre le décrochage scolaire (n° 3218)

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Je rappelle que cette proposition de loi a été inscrite par le groupe SRC à l'ordre du jour de notre Assemblée du jeudi 9 juin après-midi.

PermalienPhoto de Yves Durand

Deux raisons principales justifient le dépôt de cette proposition de loi sur le décrochage scolaire.

Tout d'abord, le décrochage est un des problèmes majeurs auxquels est confronté notre système éducatif, et ses conséquences sont extrêmement lourdes. Du point de vue économique, il est certain que l'échec scolaire a un coût élevé, même s'il n'a jamais été calculé. Or cet aspect n'est pas pris en compte dans le budget de l'éducation nationale. De même, il a des conséquences sur le plan social : la dernière enquête PISA – Programme international pour le suivi des acquis des élèves – a mis en évidence la corrélation entre milieu social et réussite scolaire, entre inégalités sociales et inégalités scolaires. Pour autant, on ne naît pas « décrocheur », on le devient.

Toutes les lois concernant l'éducation – en particulier la dernière, celle de 2005 –, ont rappelé l'objectif fixé par la stratégie de Lisbonne : permettre que 50 % d'une classe d'âge soit diplômée de l'enseignement supérieur. Pour y parvenir, la lutte contre le décrochage scolaire apparaît donc comme une nécessité.

Ensuite, la multiplicité des programmes censés combattre l'échec scolaire fait leur faiblesse. Il existe un véritable millefeuille de dispositifs mal coordonnés, à la lisibilité plus que douteuse, et dont la plupart ont atteint leurs limites. Comme l'a montré une étude récente de l'Institut Montaigne, même les programmes personnalisés de réussite éducative – PPRE –, que l'on pouvait juger positifs dans un premier temps, n'ont pas atteint leurs objectifs. Extraire les élèves du système scolaire pour les « réinjecter » ensuite, ou venir en aide aux élèves en difficulté en dehors du temps scolaire, tout cela représente plutôt des handicaps que des atouts.

Il nous a donc paru nécessaire de « changer de braquet », voire de logique : plutôt que de traiter les conséquences du décrochage scolaire, il convient de s'attaquer à ses causes. En effet, en détectant très tôt les symptômes signalant un risque d'échec, on a plus de chances d'éviter ce décrochage qu'en le « soignant ». C'est pourquoi l'article 1er de notre proposition de loi fait commencer la scolarité obligatoire dès trois ans. Certains pourraient le juger inutile dans la mesure où une grande majorité des enfants sont scolarisés dès cet âge. Néanmoins, une telle obligation aurait deux avantages. Tout d'abord, ce serait marquer que la politique en faveur de la petite enfance est une priorité pour combattre l'échec scolaire. Tous les pays qui ont réussi en matière éducative se sont d'ailleurs dotés d'une politique de la petite enfance audacieuse, dynamique et publique – non pas laissée, donc, à des intérêts privés ou aux seules familles. Ensuite, cette obligation permettrait de rappeler le rôle essentiel et spécifique joué par l'école maternelle dans la réussite scolaire.

Un autre principe directeur de la proposition de loi est de maintenir le « décrocheur », ou l'élève qui risque de le devenir, dans le système scolaire. La politique actuelle et les habitudes poussent plutôt vers une exclusion de l'élève hors de l'établissement, voire hors du système scolaire. Nous estimons pour notre part que la réponse devrait être inverse.

Parce que l'exclusion de la classe, aujourd'hui, s'apparente presque à une institutionnalisation de l'école buissonnière, les articles 2 et 3 de la proposition de loi prévoient la mise en place, dès le prononcé de l'exclusion, d'un dispositif d'accompagnement au sein même de l'établissement, afin de maintenir une véritable continuité éducative. L'objectif est, en s'appuyant non seulement sur un travail scolaire, mais aussi sur un travail « citoyen », de faire comprendre à l'élève perturbateur le sens de la sanction, et de lui apprendre les règles de la vie en collectivité. Ce n'est qu'en anticipant le décrochage que nous parviendrons à le vaincre.

Le tutorat est également un élément de cette continuité pédagogique. Certes, il existe déjà dans les établissements, mais sous une forme incohérente, parcellaire et inefficace. L'article 4 prévoit donc la prise en charge, tout au long de l'année, par des adultes – enseignants ou non –, de groupes de cinq élèves au plus, tandis que l'article 5 crée des cellules de veille éducative pluridisciplinaires. On ne peut pas, en effet, demander tout aux enseignants : le décrochage scolaire est l'affaire de tous les adultes composant l'équipe éducative – une notion qui était au coeur de la loi de 1989.

L'article 6 prévoit le renforcement – on pourrait même dire la réinstallation – des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficultés (RASED). Aujourd'hui, les RASED sont en danger, et les coupes budgétaires, en dépit des discours officiels, tendent à en remettre en cause l'existence même. Par leur caractère pluridisciplinaire, ils représentent pourtant un outil essentiel de lutte contre le décrochage scolaire, dont les causes sont multiples : elles peuvent être scolaires, affectives, psychologiques, familiales, sociales, voire tout cela à la fois. C'est pourquoi l'action de ces réseaux doit non seulement être confortée, mais étendue. Dans la mesure où la loi de 2005 et la notion de « socle commun de connaissances » incitent à l'organisation d'une certaine continuité entre l'école élémentaire et le collège, il n'est pas absurde de prévoir que les RASED, qui interviennent déjà dans l'une, puissent également travailler dans l'autre.

J'en viens à l'article 7, qui pourrait être à l'origine d'une polémique à mes yeux inutile entre nous. M. Ciotti y a fait allusion hier lors des questions au Gouvernement – d'une manière nécessairement brutale compte tenu du temps dont il disposait – : il s'agit d'abroger la loi du 28 septembre 2010 tendant à suspendre le paiement des allocations familiales en cas d'absentéisme. Nous étions déjà opposés à cette disposition lors du vote de la loi, et mon avis n'a pas changé depuis. L'article 7 n'est pas motivé par un désir de revanche, ni par la recherche d'une polémique ; il n'est que la conclusion logique de la démarche qui est la nôtre dans cette proposition de loi, fondée sur une conception éducative radicalement différente de celle qui a inspiré la « loi Ciotti ».

Celle-ci, outre qu'elle entraîne une stigmatisation des familles, n'a rien apporté de nouveau par rapport aux dispositifs antérieurs, et elle n'est pas plus efficace. Les chiffres donnés hier par M. Ciotti montrent d'ailleurs que peu de familles sont concernées par son application. Mais surtout elle s'attaque à un symptôme parmi d'autres du décrochage scolaire, l'absentéisme, et non à ses causes. Le décrochage ne se réduit pas à l'absentéisme, car on peut être un décrocheur tout en étant présent. C'est l'image caricaturale du cancre assis au fond de la classe, près du radiateur : il ne gêne personne, il est physiquement présent, mais intellectuellement absent, et tout autant en situation d'échec scolaire que l'élève qui chahute. C'est pourquoi la loi du 28 septembre 2010 me semble manquer en grande partie son objectif.

Les élèves comme les familles ressentent un écart grandissant entre la culture scolaire et celle de la rue ou du foyer. C'est d'ailleurs ce fossé qui explique en grande partie la corrélation entre l'origine sociale et l'échec scolaire, et le fait que les enfants d'immigrés soient particulièrement touchés. Pour peu que les parents aient eux-mêmes des difficultés sociales, il en résulte l'impression terrible, pour les familles, que l'échec scolaire a en quelque sorte un caractère héréditaire.

Mes chers collègues, nous ne sommes pas plus laxistes que vous, bien au contraire. S'éduquer exige des efforts, de la rigueur, de la discipline ; y consentir n'est naturel pour personne. Cela suppose donc que l'effort ait un sens. Les enseignants comme les parents d'élèves que nous avons reçus pour préparer cette proposition de loi ont donc tous insisté sur ce point : il faut redonner du sens au savoir, à l'école.

Selon une étude publiée en septembre par le ministère de l'éducation nationale, plus d'un tiers des élèves arrivent chaque matin en classe la peur au ventre. À n'en pas douter, c'est parmi ces enfants que se trouvent les bataillons de décrocheurs potentiels, que leur échec se manifeste par l'absentéisme, par le repli sur soi ou par le chahut perturbateur. C'est en redonnant le désir d'école à ceux qui l'ont perdu que nous éradiquerons le décrochage scolaire sous toutes ses formes. Telle est l'ambition de cette proposition de loi.

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Avant de donner la parole aux représentants des groupes, je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Marie-Claude Marchand, qui prend la succession de M. Patrick Roy.

PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Je reconnais à Yves Durand son opiniâtreté, ses compétences, son souci de contribuer à un meilleur fonctionnement de l'école. Il est vrai qu'entre juin 2010 et mars 2011, 254 000 jeunes ont quitté le système scolaire sans diplôme. Si 72 000 d'entre eux sont suivis par des réseaux ou par les missions locales, 180 000 sont considérés comme perdus de vue par le ministère de l'éducation nationale. Le décrochage scolaire est donc bien un fléau national. Il concerne aussi bien les filles – 47 % – que les garçons. Les jeunes de seize à dix-huit ans sont plus particulièrement concernés, puisque environ 60 % des abandons sont leur fait.

Les résultats de notre système scolaire baissent progressivement depuis dix ans. La moyenne des acquis des élèves à différents âges décroît lentement, ce mouvement étant provoqué par une baisse plus importante des résultats des élèves faibles. On comprend donc l'intention qui a prévalu lors du dépôt de cette proposition de loi.

J'observe toutefois que le Gouvernement a lancé des réformes très profondes en matière d'éducation, tant à l'université qu'au lycée ou dans l'enseignement professionnel. Il faut leur laisser le temps de s'appliquer. Cela ne signifie pas que des ajustements ne puissent se révéler nécessaires, mais le groupe UMP considère que ces réformes doivent s'inscrire dans le temps. Il faut donc éviter que l'adoption de propositions de loi sur le même sujet ne soit l'occasion de nouveaux bouleversements.

Vous avez fait un lien entre le décrochage scolaire et l'absentéisme : nous avons justement entrepris d'agir de manière forte contre ce dernier. Parce que l'absentéisme n'est pas une fatalité sociale, nous avons mis en place un système équilibré de droits et de devoirs. L'objectif est de ramener vers l'école les 300 000 élèves absents, en accompagnant et en responsabilisant leurs parents. Sans la participation et la bonne volonté de ces derniers, aucune école ne peut en effet fonctionner.

D'autres actions du Gouvernement contribuent à lutter contre l'échec scolaire, comme l'amélioration de la formation des conseillers principaux d'éducation ou la création, dans un millier d'établissements parmi les plus sensibles, de 5 000 postes de médiateurs de réussite scolaire sous contrat aidé. De même, 443 dispositifs relais – pour 8 100 enfants – sont destinés à prendre en charge temporairement des élèves dont le comportement perturbe gravement le déroulement de la classe, ce qui est parfois le signe d'un décrochage scolaire. Les microlycées, expérimentés dans l'académie de Créteil, ont également le même objectif. Quant à la « mallette des parents », ce dispositif simple et peu coûteux a été étendu à toutes les académies depuis 2010. Il repose sur l'idée que la lutte contre l'absentéisme passe par la responsabilisation des parents. C'est d'ailleurs cette responsabilisation que traduit le faible nombre de familles concernées par la suspension du paiement des allocations familiales. On ne peut que s'en réjouir.

La prévention du décrochage est déjà un objectif inscrit dans la loi du 10 mars 2010 relative au service civique. Le module Sconet-SDO permet de repérer les « décrocheurs », ou du moins les élèves en situation de rupture scolaire. L'accompagnement personnalisé des élèves leur est plus particulièrement destiné. Pour décloisonner les actions, une plateforme de coordination a été créée, tandis qu'étaient favorisés les échanges d'informations entre missions locales, écoles de la deuxième chance et service civique. Des crédits supplémentaires de 120 millions d'euros ont d'ailleurs été attribués aux missions locales pour accompagner davantage de jeunes en service civique. En 2009, 932 places supplémentaires ont été ouvertes dans les écoles de la deuxième chance, et 4 517 nouvelles places sont d'ores et déjà programmées. Toutes ces mesures visent un objectif national, celui de ramener la part de jeunes entre 18 et 24 ans sortant sans qualification du système éducatif de 11,8 % aujourd'hui à 9,5 % en 2020.

Le groupe UMP reconnaît l'intérêt d'une réflexion sur les moyens de lutter contre le décrochage scolaire. Toutefois, il lui semble inopportun d'adopter un texte qui pourrait perturber les nombreux dispositifs existants. C'est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi.

PermalienPhoto de Martine Faure

Les dernières enquêtes internationales, les rapports de l'Institut Montaigne ou de la Cour des comptes sont sans concession pour notre système scolaire, devenu totalement inégalitaire au fil des ans. Le décrochage scolaire est un des symptômes les plus inquiétants de ce dysfonctionnement. Il est donc absolument urgent d'agir avec force pour réduire le nombre croissant de « décrocheurs ». Les dispositifs et outils existants, cités par Jacques Grosperrin, restent en effet très insuffisants.

La scolarisation précoce a un impact déterminant sur l'ensemble du parcours de l'élève, et constitue donc le premier moyen de prévenir l'échec et le décrochage scolaires. Il est évident pour tous que les difficultés familiales, psychologiques ou sociales rencontrées dès la petite enfance sont de nature à compromettre l'ensemble de la scolarité. L'école maternelle est un lieu de détection, d'accompagnement et de réparation de ces difficultés. Dès lors, nous ne pouvons admettre les suppressions de postes, les restrictions budgétaires et le risque d'une remise en cause de l'enseignement avant l'âge de quatre ou cinq ans. C'est pourquoi l'article 1er rend obligatoire la scolarité dès l'âge de trois ans.

La prévention du décrochage passe aussi par la création de vraies passerelles entre la maternelle et le CP, entre le CM2 et la sixième, entre la troisième et le lycée, c'est-à-dire à des caps de la vie scolaire particulièrement difficiles à franchir. Il convient de se doter de dispositifs à même d'assurer une continuité éducative, sans heurts.

Par ailleurs, nous ne pouvons plus accepter qu'une exclusion soit prononcée sans accompagnement. Une telle sanction n'a aucun sens. Pire, elle peut avoir un effet dévastateur sur l'élève « décrocheur » et contribuer à lui barrer définitivement l'accès à l'instruction, à l'éducation et à la citoyenneté.

On l'a dit, le décrochage scolaire est un phénomène extrêmement complexe, symptôme du profond mal-être de notre « maison école ». Il convient, non de rechercher des solutions extérieures palliatives, mais bien de développer des alternatives au sein même de chaque établissement scolaire, qu'il s'agisse de l'école, du collège ou du lycée. Le tutorat, la cellule pluridisciplinaire de veille éducative, le temps du rapprochement avec les familles, l'accompagnement individuel sont autant de propositions destinées à rendre notre système éducatif plus efficace, plus juste et respectueux de chacun. C'est tout le sens de cette proposition de loi, que je vous invite à adopter quoi qu'ait dit notre collègue Grosperrin.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Nous nous réjouissons de la discussion de cette proposition de loi, occasion de débattre de mesures concrètes pour lutter contre le fléau du décrochage scolaire, qui concerne chaque année entre 120 000 et 150 000 jeunes. Le sociologue Dominique Glasman avance même le chiffre de 1 % d'élèves déscolarisés en France. Selon Eurostat, la direction des statistiques de la Commission européenne, presque 12,5 % des jeunes de 18 à 24 ans avec un niveau d'études ne dépassant pas le premier cycle de l'enseignement secondaire ne poursuivaient ni études, ni formation en France en 2009.

Le Président de la République a annoncé le 29 septembre 2009 que la lutte contre le décrochage scolaire constituait une priorité nationale, mais les initiatives qui se multiplient en ce domaine ne sont pas de nature à s'attaquer aux racines du fléau – quand elles n'aggravent pas dangereusement la situation. Ainsi, la proposition de loi visant à faciliter la suppression des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire a été adoptée alors que tous les rapports sérieux montraient depuis longtemps l'inefficacité de mesures pénalisant les familles.

De son côté, le Gouvernement ne semble envisager le règlement de ce problème que sous l'angle de la réorientation des jeunes vers des structures autres que scolaires. Ainsi, la circulaire du 9 février 2011, qui prétend lutter contre le décrochage scolaire, se borne à préciser l'organisation et la mise en oeuvre de la loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle et de la loi relative au service civique, s'agissant de l'accompagnement des jeunes sortant sans diplôme du système de formation initiale. La même conception a prévalu lors de l'installation par la secrétaire d'État à la jeunesse, le 23 mai, à la préfecture de Nanterre, de la première « cellule jeunes quartiers entreprises », destinée à compléter les dispositifs existants en matière de lutte contre le décrochage scolaire. Mais les « décrocheurs » ne sont pas tous en âge de travailler, et les conséquences ne doivent pas être confondues avec les causes.

Le décrochage a des causes diverses et individualisées. Il est souvent la conséquence de difficultés sociales, familiales, psychologiques, etc. rencontrées dès la petite enfance et au cours de la scolarité. Dès lors, que fait le Gouvernement pour aider l'éducation nationale à accueillir les élèves et à favoriser leur réussite ? Si même l'Association des maires de France en est venue à contester l'élaboration de la carte scolaire, qui prévoit la suppression de 8 967 postes d'enseignants dans les écoles du premier degré à la rentrée prochaine, c'est aussi parce que les maires craignent une brutale dégradation des conditions d'accueil qui aurait de lourdes conséquences sur la cohésion sociale et renforcerait l'exclusion de milliers de jeunes.

La proposition de loi n'évoque pas le rôle joué par ces décisions du Gouvernement dans l'aggravation de l'échec scolaire. Nous proposerons donc un amendement pour réclamer un rapport sur les conséquences des suppressions de postes en matière de réussite scolaire et de prévention du décrochage.

D'une façon générale, les dispositions contenues dans le texte nous satisfont, en particulier l'article 1er, qui fixe l'âge de l'obligation scolaire à trois ans au lieu de six. Nous pensons toutefois que l'État devrait garantir un droit à la scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans quand les parents en font la demande.

De même, nous sommes favorables aux articles 2 et 3, qui tendent à instituer des mesures de continuité éducative au sein des établissements en cas d'exclusion. Il semblerait toutefois nécessaire de préciser que ces mesures ne sauraient comprendre un travail d'intérêt général au sens que lui donne le code pénal. Quant à l'article 5, tendant à créer des cellules de veille éducative dans tous les établissements scolaires, il a le mérite de remettre l'éducation nationale au coeur des dispositifs de lutte contre l'échec scolaire qui, aujourd'hui, ne doivent parfois leur existence qu'à une initiative des collectivités locales.

En revanche, la proposition, présentée à l'article 6, de permettre aux RASED du premier degré de venir en aide aux collégiens ne nous semble pas réaliste en l'état de ces structures, d'autant que leur démantèlement sera considérablement aggravé à la rentrée prochaine. Le travail de prévention de l'échec scolaire effectué dans le premier degré est indispensable ; il doit être renforcé, car il conditionne souvent, au moment de l'adolescence, l'attitude face à l'acquisition de savoirs. Il serait donc plus efficace que ce type de structures s'implante directement dans les établissements du second degré, au plus près des équipes éducatives. Nous souhaiterions que la proposition de loi soit ainsi complétée.

PermalienPhoto de Frédéric Reiss

Pour moi, le seul combat qui vaille est celui d'une meilleure prise en compte de la difficulté scolaire. Je ne peux donc qu'approuver les principes sur lesquels se fonde cette proposition de loi.

L'idée d'une scolarité obligatoire à partir de trois ans est séduisante. Mais qu'en est-il de la scolarisation dès l'âge de deux ans ? Par ailleurs, l'organisation en cycles, prévue par la loi Jospin de 1989, n'est pas mise en oeuvre correctement. Il convient d'établir une meilleure continuité entre l'école maternelle et l'école primaire.

Je suis totalement favorable à l'idée d'une expérimentation sur le terrain. À condition de leur en donner les moyens, les enseignants et les collectivités territoriales peuvent accomplir énormément de choses.

La proposition de loi évoque le rôle des chefs d'établissement, qui seraient chargés de désigner un tuteur. Je déplore qu'il n'en existe pas dans le premier degré, où doit être concentrée la lutte contre le décrochage scolaire. Je souhaiterais donc la création d'un statut pour les directeurs d'écoles d'une certaine taille. Un maître E ou un maître G pourraient faire partie de l'équipe éducative.

Par ailleurs, la formation des enseignants comprend des lacunes. La mission parlementaire d'information sur la formation et le recrutement des enseignants, confiée à M. Jacques Grosperrin, devrait être l'occasion d'explorer de nouvelles pistes en ce domaine.

Enfin, l'abrogation du dispositif de lutte contre l'absentéisme, adopté il y a peu de temps, n'est pas d'actualité. Il s'agit d'une bonne mesure, même si son application doit concerner le moins de monde possible. Dans ce domaine, il est certes essentiel de faire oeuvre de prévention, mais le recours à la sanction doit rester possible.

PermalienPhoto de Monique Boulestin

Cette proposition de loi constitue à la fois une avancée et une rupture.

Une avancée, tout d'abord. Les chiffres du système interministériel d'échanges d'information mettent en évidence le nombre de jeunes de plus de 16 ans – environ 180 000 – qui quittent chaque année le système scolaire sans diplôme et ne sont recensés ni par les missions locales, ni par Pôle emploi. Afin de préserver l'accès à l'instruction sur le long terme, la proposition de loi prévoit donc la mise en place systématique d'un dispositif d'accompagnement de l'exclusion.

Nous le savons, les exclus de l'école vont très souvent grossir les rangs des chômeurs, voire ceux des délinquants. C'est pourquoi il convient de prendre en compte le coût économique et social du décrochage scolaire dans notre réflexion sur le sujet.

Une rupture, ensuite : il s'agit moins de lutter contre l'échec scolaire que de définir les outils permettant de le prévenir. Parce que nous défendons résolument une politique axée sur la prévention, et non sur la seule sanction, nous proposons le maintien de la continuité éducative pour les élèves exclus. C'est une véritable rupture par rapport au cadre existant. En particulier, l'institution d'un tutorat pour aider les élèves en difficulté est une mesure phare pour lutter contre le décrochage scolaire, dont l'absentéisme n'est qu'une des formes.

Ce débat doit être l'occasion de trouver d'autres réponses à l'échec scolaire que celles avancées depuis septembre 2010.

PermalienPhoto de René Couanau

Le terme « décrocheur », emprunté aux Québécois, est porteur d'une certaine stigmatisation, c'est pourquoi je préfère parler d'échec scolaire.

Nous sommes tous d'accord sur le diagnostic : si l'échec scolaire frappe 10 % d'une classe d'âge, soit 80 000 enfants, c'est au bout de dix ans l'équivalent d'une classe d'âge entière – 800 000 enfants ! – qui sortira sans rien du système scolaire. C'est considérable !

Nous sommes également unanimes pour tenter d'y remédier. Cependant, les mesures partielles qui ont été prises ne sont pas efficaces : elles manquent de lisibilité et ne sont pas appliquées partout, et le taux d'échec n'a pas baissé si bien que, depuis février dernier, on a créé des « plateformes de suivi et d'appui aux décrocheurs », aux niveaux départemental et régional. En ces temps de RGPP, sans doute serait-il instructif de comparer le coût de ce traitement « compensatoire » et celui d'aides qui seraient dispensées aux élèves dès l'école primaire…

La vraie solution réside d'abord dans une meilleure formation des maîtres, dont on sait qu'elle n'est pas adaptée, actuellement, au traitement des difficultés scolaires et aux exigences d'un suivi individuel des élèves. Il faudrait ensuite définir le rapport optimal entre les effectifs d'élèves et le nombre d'enseignants : c'est là une vieille question qu'il faudrait enfin trancher et il est regrettable que nous n'ayons pas mené à cet effet des expérimentations de longue durée, à partir d'options diverses – recours aux RASED, mise à disposition d'un maître supplémentaire… Nous disposerions aujourd'hui d'évaluations que nous pourrions opposer au ministre !

Le Gouvernement a joué sur trois variables d'ajustement en supprimant l'accueil des enfants de deux ans, en baissant le taux de remplacement des enseignants et en amputant les RASED. C'est une politique quantitative et financière, mais non une politique éducative. Celle-ci supposerait un effectif d'enseignants adéquat, une bonne organisation de l'école et un traitement efficace des difficultés scolaires.

En bref, je suis favorable à cette proposition de loi qui, bien qu'insuffisante, a le mérite de poser un problème que personne n'a jamais vraiment voulu poser.

PermalienPhoto de Michel Françaix

Notre collègue René Couanau, lui, pose les véritables questions.

Nous sommes tous d'accord pour dire que notre système scolaire ne fonctionne pas, qu'il est inégalitaire et qu'il y a urgence à agir. Lorsque nous évoquons l'aspect quantitatif du problème, par exemple le nombre d'enseignants, le ministre nous répond que nous, les députés socialistes, ne comprenons rien. Lorsque nous abordons la question sous l'angle qualitatif, il nous demande d'attendre que les dispositions prises portent leurs fruits. Quand l'immobilisme est en marche, rien ne l'arrête…

Nous ne nions pas qu'il y ait, dans le millefeuille dont parlait le rapporteur, des dispositions intéressantes, mais ce n'est pas suffisant et il faut en effet changer de braquet. Il ne s'agit pas de revenir sur tout ce qui a été fait mais d'aborder différemment les dossiers. Ce texte, qui d'ailleurs peut être encore amélioré, devrait faire l'unanimité et servir de base pour préparer l'avenir.

PermalienPhoto de Alain Marc

Nous souscrivons tous aux objectifs qu'est censée servir cette proposition de loi mais l'efficacité des RASED, mise en avant par certains, n'est pas démontrée car ils n'ont jamais fait l'objet d'une évaluation. Je l'ai constaté lorsque j'étais directeur d'école : les enseignants de RASED n'interviennent en un an que lors d'une vingtaine de séances, de vingt minutes chacune. Permettez-moi de douter des effets d'un tel dispositif ! Il est donc indispensable d'évaluer l'efficacité de ces réseaux, car ces enseignants dont je ne mets pas en doute la compétence pourraient peut-être servir plus utilement l'école en devenant des conseillers pédagogiques.

PermalienPhoto de Colette Langlade

Les élèves qui décrochent sont souvent des enfants qui ont accumulé beaucoup de problèmes personnels. Notre système scolaire reproduit des inégalités : nous devons le faire évoluer pour redonner du sens à l'école et au savoir.

Lorsqu'on évoque le coût de l'éducation pour la nation, on oublie trop souvent le coût économique et social de l'échec scolaire consécutif au décrochage, coût qui, lui, ne figure pas dans le budget de l'État.

Je soutiens naturellement la proposition de loi d'Yves Durand, d'abord parce qu'elle s'attaque aux causes de l'échec scolaire et fait de la politique de la petite enfance une priorité. Ensuite parce qu'elle maintient le décrocheur dans le système scolaire et remplace l'exclusion par un accompagnement à l'intérieur de l'établissement, afin de maintenir la vie en groupe et le lien avec la famille – le tutorat, sous sa forme actuelle, est notoirement insuffisant. Enfin, cette proposition prévoit de maintenir les réseaux d'aides spécialisées, les RASED, en leur donnant des ordres de mission très précis. En bref, cette proposition de loi remet les jeunes et la famille au centre de nos préoccupations.

PermalienPhoto de Xavier Breton

Il est dommage que, partageant les constats, nous nous crispions dès qu'on en vient à certains sujets ! Proposer l'abrogation de la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire n'est qu'une provocation inutile, car nous n'avons pas encore eu le temps d'en évaluer les effets.

Monsieur le rapporteur, est-il bien opportun d'abaisser l'âge de la scolarité obligatoire tant que nous ne savons pas combien d'enfants de moins de six ans ne vont pas à l'école dans notre pays, ni quel est leur profil. S'agit-il d'enfants de milieux défavorisés ou d'enfants dont les parents ont fait le choix de ne pas les scolariser ?

La création, prévue à l'article 5, d'une cellule de veille éducative pluridisciplinaire dans tous les établissements scolaires me paraît intéressante. Pour permettre la détection précoce des enfants en difficulté, cette disposition devrait même être étendue aux écoles maternelles. Certes, nous devons nous méfier du déterminisme qui pourrait nous amener à dire que tel enfant issu d'un milieu défavorisé connaîtra forcément un échec scolaire – tout comme nous devons nous garder d'utiliser cette explication en sens inverse, a posteriori, pour assigner à un échec scolaire constaté une cause d'ordre sociologique. Il nous faut étudier sereinement cette question, en prenant en compte les expériences menées à l'étranger. Le Canada, par exemple, a mis en place un repérage précoce des difficultés en faisant intervenir des équipes pluridisciplinaires.

PermalienPhoto de Michel Ménard

J'espérais que cette proposition de loi ferait l'unanimité au sein de notre Commission, or cela ne me paraît pas être le cas…

La lutte contre le décrochage scolaire est une exigence. Lorsqu'on voit des élèves exclus temporairement venir narguer leurs camarades à la sortie du collège, leur disant qu'ils se sont levés tard et ont passé leur journée sur des jeux vidéo pendant qu'eux travaillaient, on comprend que l'exclusion temporaire n'est pas un gage de réussite… Les élèves exclus et leur famille doivent être pris en charge par des adultes qui les amènent à réfléchir sur les difficultés rencontrées, le sens de la sanction, la vie collective, l'intérêt d'apprendre : c'est le rôle de l'école. Il faut en outre que les élèves exclus puissent poursuivre leur travail scolaire en petits groupes. D'où l'intérêt de l'article 2.

L'article 6 propose l'intervention des RASED dans les collèges : cela suppose que le Gouvernement non seulement cesse de supprimer des postes de RASED mais qu'il en crée ! Je suis persuadé que la prise en charge individualisée, tout au long de l'année, par un enseignant spécialisé est de nature à faire régresser le décrochage scolaire. Il serait donc utile en effet de l'étendre au collège car les enfants âgés de onze à seize ans traversent une période difficile et un certain nombre d'entre eux se retrouvent en situation d'échec.

En ce qui concerne les autres articles, je souscris pleinement aux propos du rapporteur et à ceux de Martine Faure, qui est intervenue au nom du groupe SRC.

PermalienPhoto de Marie-Odile Bouillé

Les causes du décrochage scolaire étant multiples – psychologiques, sociales et affectives –, il me semblerait intéressant de définir concrètement la place à faire aux parents d'élèves dans le dispositif que nous entendons mettre en place. Certains ont connu eux-mêmes des difficultés à l'école : quelle image donnent-ils à leurs enfants de la scolarité, de la réussite scolaire et de l'apprentissage ?

PermalienPhoto de Pascal Deguilhem

Force est de constater, mes chers collègues, que si nous avons une ambition commune, les outils que nous proposons sont différents. Permettez-moi un parallèle, peut-être osé, entre la santé publique et le système scolaire. Pour assurer le développement de leurs enfants, les parents s'en remettent au médecin généraliste. Mais, lorsque ces enfants rencontrent des ennuis de santé, ils font appel au spécialiste. À l'école, le développement des enfants est assuré par les maîtres, ce qui réussit à la majorité d'entre eux, mais quelques-uns nécessitent une prise en charge particulière. Je ne comprends donc pas pourquoi, monsieur Marc, vous remettez en question le rôle des RASED. Dans mon département, les enseignants RASED ne se déplacent plus dans les écoles car leurs frais de déplacement ne sont pas remboursés. Au lieu de douter de leur efficacité, il faut augmenter le temps que ces enseignants consacrent à chaque enfant et surtout préserver leur spécificité – leur spécialisation.

PermalienPhoto de Jean-Luc Pérat

Face au décrochage scolaire et aux dégâts humains et sociaux qu'il provoque, nous devons nous fixer des objectifs à atteindre : l'égalité des chances, l'épanouissement de chaque élève, son éducation à la citoyenneté... Je suis pour ma part favorable à une scolarisation anticipée et aux classes passerelles qui offrent aux parents une place au sein de l'école.

Chaque jeune en difficulté doit bénéficier d'un suivi spécifique. Il faut en outre renforcer le rôle du professeur référent, du professeur principal, et surveiller tout particulièrement les phases de transition que sont les passages entre le CM2 et la sixième, et entre la troisième et la seconde. Les chefs d'établissement doivent accompagner les jeunes, y compris ceux qui ne poursuivent pas leurs études.

La sanction est un pas vers la citoyenneté, le civisme et le respect d'autrui, mais cela suppose qu'elle ait une dimension pédagogique. Or, trop souvent, elle met aujourd'hui l'élève à l'index, le privant d'activités qui lui auraient permis de se valoriser, comme le sport ou certaines disciplines culturelles.

PermalienPhoto de Françoise Imbert

Nous sommes interpellés dans nos circonscriptions par des parents qui organisent eux-mêmes l'instruction de leurs enfants et que cette proposition de loi inquiète. Il va de soi que l'on entend par scolarité le temps consacré à étudier, et non le fait de suivre régulièrement les cours d'un établissement d'enseignement. Pouvons-nous les rassurer ?

PermalienPhoto de Martine Martinel

Je ne reviens pas sur l'intérêt de cette proposition de loi, dont le meilleur avocat est notre collègue René Couanau, qui a eu raison d'insister sur la formation des maîtres.

J'insisterai en revanche sur l'intérêt d'abroger la loi visant à lutter contre l'absentéisme scolaire et, en particulier, à revenir sur sa mesure phare, à savoir la suspension des allocations familiales. Cette disposition ne traite que les symptômes et, de surcroît, son efficacité à cet égard n'est même pas démontrée si l'on en juge par le « tableau de chasse » dont M. Éric Ciotti a fait état hier.

PermalienPhoto de Claude Greff

Nous avons effectivement en commun le souci de faire en sorte que nos enfants bénéficient d'un enseignement approprié et d'en finir avec le décrochage scolaire. Mais, pour cela, Yves Durand et le ministre de l'éducation nationale ne proposent pas les mêmes moyens.

N'étant favorable qu'au premier des huit articles que comporte cette proposition de loi, je ne la soutiendrai pas.

PermalienPhoto de Yves Durand

Je remercie mes collègues du groupe SRC de leur soutien et je suis favorable à plusieurs de leurs propositions, en particulier à celle qui consiste à renforcer le rôle du professeur principal.

Je remercie également mes collègues du groupe UMP de l'intérêt qu'ils ont pris à cette proposition de loi et de leur accord sur les principes qui la sous-tendent. Et je remercie ceux d'entre eux, plus rares, qui ont exprimé leur intérêt pour les moyens que nous prévoyons. Quelle que soit leur position, je leur sais gré de reconnaître la réalité du problème et d'admettre qu'il n'est pas traité.

En effet, madame Greff, les moyens ne sont pas les mêmes pour le ministère de l'éducation nationale et pour nous, car nous obéissons à une autre logique. Mais le nombre d'enfants en échec, qui croît au fil des années, doit nous pousser à nous attaquer d'urgence à ce fléau. Je vous invite donc à voter non seulement l'article 1er,mais également tous les autres. Il serait dommage que nos collègues de l'UMP reconnaissent le bien-fondé de notre entreprise, mais s'interdisent de voter notre proposition de loi au motif qu'ils appartiennent à la majorité…

Monsieur Breton, depuis dix ans, le nombre d'élèves scolarisés dans les écoles élémentaires est resté stable. En revanche, le nombre d'élèves des écoles pré-élémentaires, donc des enfants de trois ans, a enregistré une baisse notable qui n'est pas due à la natalité. Quant aux enfants de deux ans, depuis la dernière rentrée, ils ne sont plus comptabilisés dans ces effectifs, d'où une chute brutale. Ne pouvant instituer la scolarité obligatoire dès deux ans, nous ne l'avons pas inscrite dans la proposition de loi, mais le fait que nous rendions cette scolarité obligatoire à partir de trois ans serait de nature à inciter les familles qui le souhaitent à scolariser leurs enfants entre deux et trois ans.

Nous assistons donc à une véritable dégradation de la scolarisation à trois ans. Or nous avons besoin d'une école maternelle qui tienne la place qui lui revient dans la politique en faveur de la petite enfance. Disposer en son sein d'une cellule de veille éducative, naturellement sous une forme plus souple qu'aux autres niveaux, permettrait de détecter les prémices de l'échec scolaire et du décrochage – notamment les problèmes d'acquisition du langage, qui sont parfois d'ordre médical et à ce titre relèvent de l'orthophonie –, ce qui n'a rien à voir avec le déterminisme que certains voudraient associer à l'échec scolaire.

Cette proposition de loi n'est pas uniquement une construction intellectuelle, elle est fondée sur des expériences existantes, comme celle du conseil général du département de Seine-Saint-Denis – qui fait l'objet d'une évaluation ! – et celle du collège Clisthène à Bordeaux, dont l'action contre le décrochage scolaire a inspiré les articles 4, 5 et 6 de la proposition de loi.

Jacques Grosperrin a énuméré les multiples dispositifs existants, mais aucun d'entre eux n'a atteint les objectifs qui lui étaient assignés. Nous souhaitons remplacer ce puzzle par une politique cohérente.

Oui, madame Greff, nous défendons des logiques différentes : nous, nous voulons prévenir l'échec scolaire et le décrochage, et non les guérir. Tous les dispositifs cités par Jacques Grosperrin – les missions locales, l'école de la deuxième chance… – ne sont que des réponses qui interviennent alors qu'il est déjà trop tard.

J'en viens par avance aux trois amendements proposés par le groupe GDR. Je suis naturellement favorable, à titre personnel, à l'amendement AC 1, mais je m'en remettrai à la sagesse de mes collègues. Nous sommes bien entendu opposés aux suppressions de postes, mais ce sujet n'entre pas tout à fait dans le champ de la proposition de loi. Il en est d'ailleurs de même en ce qui concerne la formation des maîtres, thème abordé par René Couanau…

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Notre Commission a justement créé une mission d'information sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants.

PermalienPhoto de Yves Durand

Je me prononcerai en revanche pour l'adoption de l'amendement AC 2, qui exclut de mettre les travaux d'intérêt général au nombre des mesures de continuité éducative, ainsi qu'à l'amendement AC 3, qui tend à la création de réseaux d'aides spécialisées spécifiquement dédiés aux collégiens.

Enfin, chers collègues de la majorité, la loi portant suspension des allocations familiales ne provoque aucune crispation au sein du groupe SRC : simplement, nous préférons la prévention et l'anticipation à votre logique de punition.

La Commission passe à l'examen des articles de la proposition de loi.

Avant l'article 1er

La Commission est saisie de l'amendement AC 1, de Mme Marie-Hélène Amiable, portant article additionnel avant l'article 1er.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l'impact des mesures prises depuis 2007 sur la prévention du décrochage scolaire.

PermalienPhoto de René Couanau

Je voterai cet amendement, mais je regrette que les familles qui le souhaitent ne puissent pas inscrire leurs enfants en maternelle avant l'âge de trois ans, car bien souvent elles ne trouvent pas de mode de garde satisfaisant.

PermalienPhoto de Claude Greff

L'éducation nationale n'est pas une garderie !

PermalienPhoto de Yves Durand

Je serais tout disposé à inscrire dans la proposition de loi à la fois l'obligation de scolariser dès trois ans et la possibilité de scolariser entre deux et trois ans.

PermalienPhoto de Xavier Breton

Nous ne pouvons entrer dans cette logique qui fait de l'école un mode de garde parmi d'autres.

La Commission rejette l'amendement.

Article 1er : Abaissement de l'âge de l'obligation scolaire.

La Commission rejette l'article 1er.

Article 2 : Mise en place systématique d'un dispositif d'accompagnement de l'exclusion

La Commission rejette l'article 2.

Article 3 : Maintien de la continuité éducative pour les élèves exclus

Contre l'avis du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 2 de Mme Marie-Hélène Amiable.

Puis elle rejette l'article 3.

Article 4 : Tutorat des élèves en difficulté

La Commission rejette l'article 4.

Article 5 : Création d'une cellule de veille éducative pluridisciplinaire dans chaque établissement scolaire

La Commission rejette l'article 5

Article 6 : Intervention des enseignants du réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED)

Contre l'avis du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 3 de Mme Marie-Hélène Amiable.

Puis elle rejette l'article 6.

Article 7 : Abrogation de la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire

La Commission rejette l'article 7.

Article 8 : Gage

La Commission rejette l'article 8.

Elle rejette ensuite l'ensemble de la proposition de loi.

La séance est levée à onze heures trente.