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Commission des affaires européennes

Séance du 9 février 2011 à 16h15

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 9 février 2011

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 15

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner un projet de décision tendant à permettre à la République de Bulgarie et à la Roumanie d'appliquer la totalité de l'acquis de Schengen, c'est-à-dire d'entrer dans l'espace Schengen.

Ce projet de décision figure à l'ordre du jour du prochain Conseil de l'Union européenne « Justice et affaires intérieures » du 24 février 2011. Cette décision ne va pas de soi aujourd'hui. Plusieurs Etats membres ont d'ores et déjà fait part de leur opposition à l'adoption de la décision. La France, l'Allemagne, la Finlande et les Pays-Bas ont ainsi pris position contre l'entrée de la République de Bulgarie et de la Roumanie dans l'espace Schengen dès mars 2011, objectif fixé depuis 2008. Ces quatre Etats membres estiment que leur degré de préparation n'est pas suffisant. Ils rappellent en outre le contexte migratoire très préoccupant au Sud-est de l'Union, notamment à la frontière gréco turque.

La présente communication vise à traiter cette question sensible, tant pour les deux Etats membres ayant depuis plusieurs années préparé cette échéance, avec beaucoup de méthode et d'enthousiasme, que pour les Etats membres ayant à se prononcer sur une mesure dont les enjeux sont en lien direct avec leur souveraineté. La règle de l'unanimité s'appliquera pour le vote de ce projet de décision.

Je rappelle très brièvement que Schengen permet la libre circulation des personnes, en contrepartie du fait que les Etats membres prennent des engagements vis-à-vis de tous les autres quant à la surveillance des frontières extérieures de l'espace Schengen qui leur incombe. La France a ainsi la charge d'une frontière maritime étendue ainsi que de frontières aux aéroports, mentionnons également le tunnel sous la manche. Mis à part Chypre, le Royaume-Uni et l'Irlande, tous les Etats membres de l'Union appartiennent à l'espace Schengen, hormis la Bulgarie et la Roumanie. Ces deux Etats ont préparé leur entrée dans Schengen en fonction des critères que nous leur avions demandé de respecter en 2008. Rejoindre Schengen ne relève pas que d'une volonté politique. Il y a des critères à remplir et des missions d'évaluation, lesquelles ont donné lieu à des conclusions qui posent problème pour la Bulgarie mais pas pour la Roumanie. Ce sont sept chapitres d'évaluation qui ont été examinés pour chaque pays. Nous avions clairement indiqué, lors de l'ouverture des négociations sur l'adhésion à Schengen, que le sort de la Bulgarie et celui de la Roumanie seraient liés. Ce choix s'explique en particulier par la proximité géographique des deux Etats membres.

PermalienPhoto de Didier Quentin

Je remercie Jérôme Lambert pour sa présentation. Une fois qu'elles seront membres de l'espace Schengen, la Bulgarie aura la charge de la frontière extérieure avec la Serbie, la Macédoine, la Turquie et le long de la mer noire, la Roumanie ayant à assurer le contrôle de la frontière longeant la mer noire, l'Ukraine, la Moldavie et la Serbie. Avec la Finlande, cette dernière serait le pays de l'Union qui aurait une des plus grandes frontières extérieures terrestres.

Avant tout élargissement de l'espace Schengen, les Etats candidats doivent remplir des critères faisant l'objet d'une évaluation codifiée. Il a été prévu dès 2008, lors du lancement du processus de préparation, que la Bulgarie et la Roumanie devaient entrer simultanément dans l'espace Schengen. Une déclaration commune des ministres de l'Intérieur des deux Etats avait été adressée à cet égard au Conseil dès le 6 février 2008.

La commission permanente d'évaluation et d'application de Schengen, de nature intergouvernementale, est chargéede l'évaluation des pays candidats et de vérifier que les conditions préalables à l'application de l'acquis de Schengen ont été remplies ainsi que de procéder à des évaluations périodiques des Etats membres de l'espace Schengen. Ces derniers sont en effet soumis à des évaluations régulières (tous les cinq ans) afin de contrôler leur application de l'acquis.

L'évaluation Schengen relève de la compétence exclusive des Etats membres, la Commission européenne ne participant qu'en tant que simple observateur. La commission permanente mandate des groupes d'experts compétents qui établissent des rapports dans chacun des domaines d'évaluation.

Le respect des critères à remplir avant l'entrée dans l'espace Schengen est vérifié par le biais de rapports d'évaluation fondés sur des questionnaires et des visites de contrôle sur place portant sur la protection des données, la coopération policière, la délivrance de visas, les frontières aériennes, terrestres et maritimes.

Les rapports, après avoir été transmis au groupe de travail du Conseil « Evaluation Schengen » sont ensuite actés par le Conseil de l'Union européenne lorsque les difficultés ont été levées. Huit rapports sectoriels ont été réalisés pour chacun des deux Etats.

Une partie des critères étant d'ores et déjà satisfaits, la Bulgarie et la Roumanie ont été connectées au système d'information Schengen le 5 novembre 2010. La date de mars 2011 avait été fixée en 2008 comme objectif d'application de l'acquis de Schengen dans son intégralité. Les autorités hongroises font pression pour que ce calendrier soit maintenu.

Selon les informations transmises à notre Commission, le rapport relatif aux frontières terrestres de la Bulgarie pose encore des difficultés.

L'étape suivante consistera en l'adoption de conclusions établissant, le cas échéant, le bon état de préparation des deux Etats, avant une adoption de la proposition de décision du Conseil relative à l'application de la totalité de l'acquis de Schengen par les deux Etats. Rappelons, comme le disait Jérôme Lambert, que cette matière est régie par la règle de l'unanimité. La procédure de prise de décision pour la levée des contrôles aux frontières intérieures et la pleine application de l'acquis de Schengen a été fixée dans les traités d'adhésion. Il ne sera en tout état de cause pas possible de prévoir une participation pleine et entière à l'espace Schengen tant que les rapports d'évaluation n'auront pas constaté la levée de tous les obstacles.

Les autorités bulgares et roumaines rappellent les efforts importants accomplis pour respecter les critères d'évaluation, précis et connus dès l'origine du processus de préparation. Elles rappellent leur engagement constant, tout particulièrement ces dernières années, alors que la crise économique mondiale n'a pas épargné ces deux Etats membres.

Se pose en outre la question de la mise en oeuvre du mécanisme de coopération et de vérification (MCV).

De manière inédite, les deux prochains pays à devoir entrer dans l'espace Schengen participent à un mécanisme de coopération et de vérification, mis en place dans le cadre de leur entrée dans l'Union européenne, afin de contribuer au développement d'un système judiciaire et administratif impartial, indépendant et efficace. La lutte contre la corruption est également au coeur de ce dispositif. Des changements radicaux étaient nécessaires. Le mécanisme a également trait à la lutte contre le crime organisé, pour la seule Bulgarie. La Commission européenne rend compte périodiquement – tous les six mois – des progrès accomplis et des mesures devant être réalisées.

Les autorités bulgares et roumaines rappellent que ce mécanisme de coopération et de vérification n'est en aucune manière juridiquement lié à la participation à l'espace Schengen et qu'aucun Etat membre n'avait eu à remplir d'autres critères que ceux liés à l'évaluation Schengen, avant de pouvoir accéder à l'espace Schengen. Elles jugent inacceptable que la question de leur participation à Schengen puisse être liée au MCV.

Il est vrai que le MCV est inédit et a été créé afin de rattraper les retards de la Bulgarie et de la Roumanie dans les matières touchant à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, au moment de leur adhésion le 1er janvier 2007.

Depuis cet élargissement, notre Commission a d'ailleurs à maintes reprises rappelé la nécessité absolue du respect des critères d'adhésion comportant la mise en oeuvre effective des réformes dans le domaine de l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

Une fois posé que le MCV n'a pas vocation à déterminer juridiquement l'entrée dans l'espace Schengen, faut-il pour autant l'ignorer en tous points ? Les autorités françaises ne le pensent pas, soutenues dans leur démarche par les autorités allemandes. Une lettre commune des ministres français et allemand de l'Intérieur a été adressée fin décembre 2010 aux instances européennes afin d'exposer leur position.

Auditionné par notre Commission le 14 décembre 2010, M. Gilles Briatta, secrétaire général des affaires européennes a indiqué, en réponse à une question sur l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'espace Schengen : « La Roumanie et la Bulgarie ont vocation à intégrer Schengen – les traités d'adhésion sont clairs – mais nous avons un devoir de sincérité à leur égard parce que nous sommes leurs amis et leurs partenaires : il faut au préalable que des conditions de sécurité acceptables, de deux ordres, soient réunies. D'abord, les critères habituels d'évaluation de Schengen doivent être respectés, y compris s'agissant de la sécurité des échanges d'informations sensibles ; si de gros progrès ont été accomplis en matière de contrôles frontaliers, de nombreux problèmes demeurent, le récent rapport sur la Bulgarie en atteste, et nous aidons nos partenaires à avancer. Ensuite, la confiance globale envers la capacité de ces pays de surveiller efficacement des frontières extérieures de l'Union pour le compte de l'ensemble des pays Schengen est altérée par des faiblesses reconnues en matière de fonctionnement de la justice, de lutte contre la criminalité, ou de corruption ; nous voulons être certains que les progrès réalisés seront suffisants, ce qui, d'après nos experts, n'est pas encore le cas à ce stade. C'est d'autant plus grave que les Balkans sont la zone de l'Union la plus sensible pour l'immigration illégale. La Grèce rencontre d'énormes difficultés – nous avons dû renforcer les aides bilatérales et européennes à la surveillance de ses frontières – et la Roumanie et la Bulgarie seront bientôt directement exposées. Nous souhaitons définir avec ces deux pays un plan d'action réaliste afin de les accompagner dans l'adhésion à l'espace Schengen à laquelle ils ont droit mais nous privilégierons le fond par rapport au calendrier. La sécurité de l'espace Schengen restera notre première priorité. »

Pour la France, on ne peut faire abstraction des insuffisances préoccupantes rapportées par les derniers rapports annuels. Schengen ne peut être déconnecté des questions liées à la corruption, à la criminalité organisée et aux réformes de la justice. Il convient de souligner que l'espace Schengen repose sur la confiance et la coopération policière et judiciaire, contreparties évidentes à la suppression des frontières intérieures.

Le dernier rapport rendu par la Commission européenne en juillet 2010 pour la Roumanie n'était pas positif. Il faisait état d'un relâchement dans les efforts fournis ainsi que d'un manque de volonté politique pour diriger le processus de réforme malgré l'adoption en juin 2010 des nouveaux codes de procédure civile et pénale. Des progrès trop limités ont été obtenus en matière d'efficacité du processus judiciaire et de cohérence de la jurisprudence. Etaient notamment visés la réforme affaiblissant l'agence nationale pour l'intégrité suite à un arrêt de la cour constitutionnelle ainsi que le manque de contrôles en matière de conflits d'intérêt et de corruption.

Les autorités roumaines ont signalé aux rapporteurs que la situation a évolué depuis juillet 2010, notamment s'agissant de l'Agence nationale pour l'intégrité. La première réforme de cette agence ayant été sévèrement critiquée par la Commission européenne, elle n'a pas été promulguée et une seconde réforme, conforme à la Constitution roumaine et aux engagements européens, a été adoptée en août 2010. D'autres réformes récentes du code civil et du code pénal devraient permettre une nette amélioration du jugement porté par la Commission européenne sur le MCV.

En conclusion, l'élargissement de l'espace Schengen méritant une attention particulière, intégrant les questions liées à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, il vous est proposé d'adopter une proposition de résolution sur cette question. Selon vos rapporteurs, il importe que les Etats candidats à l'entrée dans l'espace Schengen respectent des critères clairement établis et qu'un dialogue permanent se poursuive, afin de garantir concrètement la sécurité des frontières communes.

Le Président Pierre Lequiller. Je souhaite faire deux remarques après vos excellentes interventions.

Premièrement, lorsque la Roumanie et la Bulgarie ont adhéré à l'Union européenne, les critères relatifs au système judiciaire, à la lutte contre la corruption et la criminalité n'étaient pas encore intégralement respectés, d'où le mécanisme de coopération et de vérification (MCV). Cette situation a perduré et nous devons adopter à ce sujet une position qui soit à la fois ouverte, franche et courageuse.

Deuxièmement, il s'agit, pour les pays concernés, d'un enjeu important sur le plan politique mais, concrètement, l'adhésion à Schengen ne modifiera pas sensiblement le quotidien des habitants de Roumanie et de Bulgarie.

PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

Je souhaite faire part de mon inquiétude concernant la Bulgarie : comment aider ce pays s'agissant de sa frontière très stratégique avec la Turquie ? Les Turcs ont quelques difficultés par rapport à l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l'Union européenne, plus facilement acceptée que leur propre candidature.

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Cette question des frontières fait précisément l'objet d'une évaluation. L'examen des frontières terrestres de la Bulgarie n'est actuellement pas concluant, mais tout laisse à penser que les bulgares sont en train de mettre en oeuvre les moyens nécessaires.

S'agissant de la frontière avec la Turquie, il est vrai cependant que peuvent s'y concentrer un certain nombre de difficultés. Signalons par ailleurs que la Roumanie et la Bulgarie participent au renforcement de la frontière grecque dans le cadre des opérations Frontex.

Même si je comprends bien la problématique soulevée relativement à la Bulgarie, je suis certain que lorsque les conclusions de la mission d'observation indiqueront que la Bulgarie est prête, nous aurons la garantie que tel sera effectivement le cas.

PermalienPhoto de Didier Quentin

La date prévisionnelle pour la nouvelle visite d'évaluation est fixée à la mi-mars.

PermalienPhoto de Michel Piron

Les termes, soupesés, de votre résolution, comportent le mot « vigueur » (alinéa 5 de la proposition de résolution). Ne serait-il pas souhaitable de le remplacer par celui, moins ambigu, de « rigueur » ?

PermalienPhoto de Pascale Gruny

Le rapport d'évaluation relatif à la préparation de la Roumanie et de la Bulgarie est-il sorti ? En disposez-vous, sachant que le Parlement européen sera consulté mais se heurte à un refus face à ses demandes d'accès aux rapports d'évaluation Schengen?

Par ailleurs, la discrimination qui est créée vis-à-vis de ces deux Etats membres au sein de l'Union européenne m'inquiète. Nous avons intérêt à aider ces pays à entrer rapidement dans l'espace Schengen.

S'agissant de la Turquie, j'ai été coordinatrice pour mon groupe politique à la commission des pétitions de l'Union européenne et je peux vous dire que Chypre attend un signal fort, notamment pour la situation de Framagusta.

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Je connais la demande du Parlement européen relative aux rapports d'évaluation, mais ils ne lui ont pas encore été transmis. Ils indiquent que la Roumanie répond aux critères mais que cela n'est pas encore tout à fait le cas de la Bulgarie, en matière de frontières terrestres.

Didier Quentin et moi-même partageons l'avis qu'il ne faut pas créer de discrimination entre les deux pays. C'est pourquoi notre projet de résolution argumente sur le fait que les deux États sont liés, le processus de vérification concernant Schengen n'étant pas encore arrivé à son terme s'agissant de la Bulgarie. Nous n'avons pas souhaité distinguer les deux pays. Afin de donner un accord, les critères doivent être intégralement respectés. Les autorités doivent mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour y parvenir. Dernier point, nous ne vous proposons pas de dire que le MCV conditionnera directement l'entrée dans Schengen et ne demandons pas que le MCV soit intégralement achevé avant cette entrée.

PermalienPhoto de Pascale Gruny

Il aurait été souhaitable que l'Union européenne les aide à répondre aux critères.

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

C'est déjà le cas, notamment à travers les fonds européens. Les efforts accomplis sont soulignés.

Le Président Pierre Lequiller. La frontière entre la Bulgarie et la Turquie n'est pas des plus « solides ». Les termes « intégralement respectés » en paragraphe 3 sont-ils vraiment appropriés ?

PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Ne serait-il pas souhaitable de fixer une date précise pour l'adhésion à Schengen, plutôt que de rester dans le flou, vis-à-vis de nos collègues bulgares et roumains ? Si cela n'est pas possible, je propose d'inverser les termes de l'alinéa 4 de la proposition de résolution, qui deviendrait : « nous souhaitons l'entrée de la République de Bulgarie et de Roumanie dans l'espace Schengen lorsque les évaluations seront totalement satisfaisantes », afin de lui donner une connotation plus positive.

Le Président Pierre Lequiller. Nous avons été parmi les premiers à souhaiter l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'Union européenne, suivant en cela l'avis des rapporteurs de l'époque, MM. Jérôme Lambert et Jacques Myard. Des critères de lutte contre la corruption avaient été posés. Actuellement, ils ne sont pas encore véritablement respectés. Je pense que la proposition de résolution des rapporteurs devrait être maintenue en l'état.

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Je partage l'avis du président. Il faut exiger la poursuite des efforts de lutte contre la corruption, qui fait partie du mécanisme de coopération et de vérification. Mais le texte de la résolution ne doit pas lier directement le MCV à l'entrée dans Schengen. Notre position est simplement la suivante : aujourd'hui les critères pour l'entrée dans l'espace Schengen ne sont pas respectés et des efforts sont nécessaires pour assurer la sécurité d'ensemble de l'espace Schengen. N'oublions pas qu'il ne s'agit ici que d'un avis. Mais l'Assemblée nationale doit donner un signal encourageant par rapport à ces deux pays, même si l'avis ne peut être, à ce stade, favorable.

Le Président Pierre Lequiller. Je vous informe par ailleurs que, s'agissant de ce débat sur Schengen, une séance sera organisée le 2 mars, en soirée, dans l'hémicycle.

Puis la Commission a approuvé la proposition de résolution suivante :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité entre le Royaume de Belgique, la République tchèque, le Royaume de Danemark, la République fédérale d'Allemagne, la République d'Estonie, la République hellénique, le Royaume d'Espagne, la République française, l'Irlande, la République italienne, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, le grand-duché de Luxembourg, la République de Hongrie, la République de Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d'Autriche, la République de Pologne, la République portugaise, la République de Slovénie, la République slovaque, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (Etats membres de l'Union européenne) et la République de Bulgarie et la Roumanie, relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne,

Vu l'article 4 du protocole relatif aux conditions et modalités d'admission de la République de Bulgarie et de la République de Roumanie à l'Union européenne,

Vu le projet de décision du Conseil relative à l'application de la totalité des dispositions de l'acquis de Schengen dans la République de Bulgarie et la Roumanie (noE 5737),

Vu la décision du comité exécutif du 16 septembre 1998 concernant la création d'une commission permanente d'évaluation et d'application de Schengen (SCHCom-ex (98) 26 def),

1. Souligne les efforts accomplis par la République de Bulgarie et la Roumanie dans le processus de préparation à l'entrée dans l'espace Schengen ;

2. Estime que la date de leur entrée dans l'espace Schengen ne doit pas être précipitée pour des motifs politiques, mais fondée sur le respect des critères préalables à l'application de l'acquis de Schengen, établis dans le cadre des travaux du Conseil de l'Union européenne ;

3. Ces critères n'étant à l'heure actuelle pas intégralement respectés, souhaite que les évaluations se poursuivent jusqu'à leur terme ;

4. Juge que l'entrée de la République de Bulgarie et de la Roumanie dans l'espace Schengen n'est pas souhaitable, tant que les évaluations ne seront pas totalement satisfaisantes ;

5. Souhaite que les autorités bulgares et roumaines mettent en oeuvre, avec toute la rigueur nécessaire, les réformes indispensables à la réussite du mécanisme de coopération et de vérification, réformes qui auront un impact sur la sécurité de l'ensemble de l'espace Schengen. »

Enfin, la Commission a rejeté le projet de décision du Conseil, en l'état des informations dont elle dispose.

PermalienPhoto de Michel Herbillon

Le déplacement des Commissions des affaires européennes de l'Assemblée nationale et du Bundestag à Zagreb les 17 et 18 janvier 2011 constitue la deuxième visite officielle conjointe de députés français et allemands dans un pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne, après le déplacement effectué en Islande, en avril dernier, par le Président Pierre Lequiller et M. Andreas Schockenhoff, membre du Bundestag.

La délégation conjointe était conduite par le Président Gunther Krichbaum et par moi-même, en remplacement du Président Pierre Lequiller empêché, et comprenait quatre députés allemands – le Président Gunther Krichbaum (CDUCSU), M. Dietmar Nietan (SPD), M. Alexander Ulrich (Die Linke), et M. Horst Meierhofer, Président du groupe FDP au Bundestag – et trois députés français, moi-même, M. Jérôme Lambert et M. Bernard Deflesselles.

Cette visite a été très bien ressentie par nos amis croates et la délégation conjointe a eu l'honneur et le privilège de rencontrer les plus hautes autorités de l'Etat : le Président de la République (M. Josipovic), le Premier ministre (Mme Kosor), le Président du Parlement (M. Bebic) et les trois Présidents des Commissions des affaires européennes, du suivi des négociations et du Comité parlementaire mixte UE-Croatie (M. Mimica, Mme Pusic et Mme Pejcinovic-Buric), ainsi que par le Ministre des affaires étrangères (M. Jandrokovic) et le Secrétaire d'Etat aux affaires européennes (M. Plenkovic). La délégation conjointe a ensuite rencontré de nombreuses personnalités ainsi que des représentants des milieux économiques, universitaires, culturels et des ONG et la visite a eu beaucoup d'échos dans la presse et à la télévision.

Je voudrais d'abord évoquer rapidement le parcours d'un pays qui se trouve au seuil de l'Union européenne quinze ans après la fin du conflit de l'ex-Yougoslavie, grâce aux réformes engagées depuis le tournant de l'an 2000 mais que la crise a rendues plus difficiles.

Je ne rappellerai pas les brûlures de l'histoire subies par ce pays qui l'ont conduit à l'indépendance en 1991 et à un conflit qui ne s'achèvera qu'en 1995. La Croatie entend le message de l'Union européenne offrant une perspective européenne à l'ensemble des pays des Balkans occidentaux au sommet de Zagreb en 2000, sous présidence française et elle décide d'opérer une triple mutation pour rejoindre l'Union européenne.

Tout d'abord, la Croatie a remplacé en 2000 le régime présidentiel autoritaire du Président Tudjman issu de la Constitution de décembre 1990 par un régime parlementaire fondé sur une bipolarisation et une cohabitation constructives.

La bipolarisation de la vie politique s'est organisée autour de deux grands partis de gouvernement, tous deux pro-européens et pivots des coalitions avec de plus petits partis : le HDZ (union démocratique croate) qui a évolué de parti nationaliste en parti de droite réformateur et le SDP, héritier du parti communiste croate qui s'est mué en parti social-démocrate moderne. Les deux forces politiques principales croates sont parvenues à instaurer une cohabitation constructive depuis 2004 entre un Président de la République SDP et un Premier ministre HDZ, aujourd'hui M. Ivo Josipovic et Mme Jadranka Kasor qui nous ont fait très grande impression.

Le consensus politique sur l'objectif d'adhésion à l'Union européenne a amené M. Josipovic et Mme Kasor à se partager harmonieusement les tâches en dépit des tensions que pourrait susciter la tenue des prochaines élections législatives en novembre 2011. Le Président de la République a pris des initiatives courageuses en faveur de la réconciliation régionale. Le Premier ministre montre une détermination sans faille dans la réalisation des trois objectifs qu'elle a fixés à son gouvernement : achever la négociation d'adhésion à l'Union européenne en juin 2011, signer le traité d'adhésion et procéder sans attendre au référendum en Croatie ; sortir le pays de la crise économique ; poursuivre une lutte acharnée contre la corruption.

En deuxième lieu,La Croatie est sortie de son isolement en choisissant l'option euro-atlantique et en s'engageant activement dans la coopération régionale.

La Croatie est entrée dans l'OTAN en avril 2009 après le sommet de l'Alliance atlantique à Strasbourg-Kehl et elle a commencé son processus d'intégration à l'Union européenne il y a dix ans. Elle a signé un accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne en 2001 qui est entré en vigueur le 1er janvier 2005. Elle a déposé sa candidature à l'entrée dans l'Union européenne le 21 mars 2003, le Conseil européen lui a reconnu le statut de candidat le 18 juin 2004 et les négociations d'adhésion se sont ouvertes le 3 octobre 2005.

La Croatie s'est par ailleurs engagée activement dans l'établissement de relations de bon voisinage qui constitue l'un des critères d'adhésion important, compte tenu du conflit et de tous les crimes de guerre commis dans la région.

Elle participe à toutes les initiatives de coopération régionale et elle prend soin de ne pas s'ingérer dans les affaires intérieures de la Bosnie-et-Herzégovine. La Croatie a reconnu le Monténégro et a établi des relations de confiance avec l'Albanie et l'Ancienne république yougoslave de Macédoine. Elle a également reconnu l'indépendance du Kosovo le 19 mars 2008. Les Présidents de Croatie et de Serbie ont multiplié les gestes de réconciliation par des rencontres dans les deux pays, puis par des visites du Président Tadic à Zagreb et dans la ville martyre de Vukovar. Les deux Présidents sont parvenus à traiter et à dépolitiser des questions pendantes aussi douloureuses que les personnes disparues, les réfugiés, les crimes de guerre, la restitution des biens culturels confisqués, les questions de frontière.

Enfin,L'économie la plus avancée de la région doit encore accomplir des réformes structurelles qu'elle a commencées mais que la crise a rendues plus difficiles en provoquant une récession en 2009 et 2010.

Dans son rapport annuel de progrès sur la Croatie, la Commission européenne conclut que « la Croatie est une économie de marché viable et qu'elle devrait être en mesure de faire face aux pressions concurrentielles et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union, pour autant qu'elle mette en oeuvre son vaste programme de réforme avec détermination en vue de surmonter ses faiblesses structurelles ».

Des restructurations sont toujours en attente dans des secteurs industriels ou des entreprises publiques qui n'investissent plus, au premier rang desquels figure le secteur emblématique des chantiers navals. D'autres réformes structurelles avancent lentement, notamment la refonte des systèmes de santé ou de retraite qui pèsent lourdement sur le budget de l'Etat et représentent environ 20 % du PIB.

Les entretiens ont porté principalement sur quatre points.

La Croatie a clos provisoirement 28 chapitres sur 35 et s'est fixé un calendrier ambitieux : achèvement des négociations en juin, signature du traité en septembre, référendum en fin d'année 2011, entrée dans l'Union européenne en 2013. Les élections législatives prévues à l'automne 2011 pourraient être reportées jusqu'en mars 2012.

Pour atteindre cet objectif, les autorités envisagent le calendrier de négociation suivant pour les 7 chapitres restant à négocier : la clôture en mars d'au moins deux des trois chapitres 11 (agriculture), 13 (pêche) et 22 (politique régionale et coordination des instruments structurels) ; la clôture en mai-juin des chapitres 8 (concurrence) et 23 (justice et droits fondamentaux), ainsi que 33 (dispositions financières et budgétaires) et 35 (questions diverses).

Toutes les autorités rencontrées ont souligné leur volonté de clôturer les négociations en juin et de prendre toutes les décisions nécessaires, quelles que soient les difficultés, pour être complètement prêts sans demander aucune concession. Il faut rappeler que la Commission européenne n'a proposé aucune date pour la clôture des « négociations qui devraient être achevées une fois que la Croatie remplira les critères de clôture non satisfaits ». La France et l'Allemagne soutiennent une adhésion prochaine mais la priorité est de réussir cette adhésion grâce à la qualité du processus de réforme mis en oeuvre avant l'adhésion. Tout dépendra donc maintenant des progrès réalisés dans la satisfaction des critères de fermeture des chapitres restants.

Les principales difficultés concernent les chapitres (23) sur la justice et les droits fondamentaux et (8) sur la concurrence.

La Commission européenne présentera le 11 mars un rapport d'évaluation sur le chapitre 23 (justice et droits fondamentaux). La Croatie s'inquiète de la position qu'adopteront les Pays-Bas sur la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et va entreprendre des démarches diplomatiques de ses ministres des affaires étrangères et de la justice, le 16 février.

La réforme de la justice a eu lieu au plan législatif et des progrès majeurs ont été réalisés dans la lutte contre la corruption sous l'impulsion de Mme le Premier ministre. Elle a conduit notamment à l'inculpation de son prédécesseur à la tête du gouvernement et du parti HDZ, l'ancien Premier ministre Ivo Sanader. Il importe désormais que les procédures en cours débouchent sur des jugements, en particulier au niveau le plus élevé.

Enfin, des progrès importants ont été réalisés dans les autres domaines couverts par le chapitre 23, tels que les droits de l'Homme, les droits des minorités nationales, le retour des réfugiés serbes et la poursuite des crimes de guerre, notamment avec l'arrestation en décembre 2010 d'un des principaux criminels de guerre non encore poursuivis.

Le chapitre 8 sur la concurrence pose la question de la restructuration des chantiers navals et la Croatie devra trouver très rapidement un accord avec la Commission pour ne pas compromettre l'objectif d'une clôture des négociations avant l'été. La Commission européenne a rappelé que le plan de privatisation des six chantiers navals était incomplet (un chantier manquait) et inadapté (sauf pour l'un d'entre eux rentable sans subvention) et elle a souligné la nécessité de réduire les capacités globales de 20 %.

Concernant le renforcement de la coopération régionale, la France et l'Allemagne se réjouissent des progrès récents intervenus dans les relations bilatérales avec les pays voisins, grâce aux gestes d'ouverture et de réconciliation de la Croatie et du Président Josipovic en direction de la Serbie et de la Bosnie-et-Herzégovine.

La délégation franco-allemande a également salué l'accord conclu par Mme le Premier ministre avec la Slovénie, renvoyant la délimitation de la frontière terrestre et maritime à un tribunal arbitral, statuant après l'adhésion de la Croatie. Ce succès diplomatique a permis de lever le blocage des négociations d'adhésion par la Slovénie pendant un an, en 2008-2009, en raison d'un différend bilatéral qui leur était étranger.

Le Président Pierre Lequiller. Le problème est celui de l'accès à la mer.

PermalienPhoto de Michel Herbillon

Effectivement. A ce sujet, la délégation franco-allemande s'est réjouie du soutien de la Croatie à l'adhésion, à terme, des pays de la région et de son engagement pour que les différends bilatéraux qui subsisteraient ne soient pas un obstacle.

Enfin, si toute la classe dirigeante croate se prononce en faveur de l'adhésion, une incertitude est apparue en novembre sur l'évolution de l'opinion publique croate par rapport au référendum d'adhésion avec un sondage montrant qu'une majorité de Croates serait contre l'adhésion : 43 % contre, 38 % pour, 19 % d'indécis. Les dirigeants sont conscients des difficultés et s'apprêtent à mener une campagne d'information très développée, mais ils ne doutent pas du résultat final quand les négociations auront abouti et que les Croates s'apercevront que l'Union européenne est prête à les accueillir pour leur retour dans la maison européenne.

Lors de cette visite au nom du Président Lequiller et de vous tous, nous avons, avec nos collègues allemands, délivré plusieurs messages.

D'abord, les Croates ont apprécié le soutien politique que les représentants des peuples français et allemand apportaient au peuple croate, en rappelant que l'élargissement n'est pas seulement un processus technique et administratif mais aussi un processus politique qui engage le pays et la population dans une dimension politique : celle de construire l'Europe.

Ensuite, nous avons souligné que l'effort de réforme considérable déjà entrepris pour s'aligner sur les normes démocratiques et économiques les plus élevées - les Croates doivent mettre en oeuvre 260 lois votées par leur Parlement -vaut la peine en termes de modernisation. Le peuple croate fait cet effort d'abord pour lui-même et non pas seulement pour adhérer à l'Union européenne.

Enfin, le modèle de réconciliation franco-allemande qui a donné naissance à la construction européenne est un symbole pour la région et la Croatie et ses voisins doivent s'inspirer de cet esprit européen pour se réconcilier. La Croatie veut et doit continuer à montrer le chemin de la réforme et de la paix à ses voisins.

Cette mission très intéressante nous a réconfortés sur ce que veut dire adhérer à l'Union européenne.

PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Je remercie le rapporteur d'avoir donné toutes ces précisions sur ce sujet passionnant qu'est l'évolution de la perspective d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne. De vrais efforts ont en effet été faits par ce pays, même si ce n'est pas le nombre de lois votées qui permet de lutter réellement contre la corruption.

N'y a-t-il pas encore un risque, d'ici 2012, sur la question du conflit frontalier avec la Slovénie qui a levé en 2009 son veto à l'adhésion de la Croatie avec l'acceptation de la compétence d'un tribunal international ?

PermalienPhoto de Jérôme Lambert

Je sais gré au rapporteur d'avoir présenté ses conclusions tout à fait dans l'esprit de notre mission commune en Croatie.

Je peux en effet témoigner que nous avons tous les trois éprouvé une très forte émotion lors de ce déplacement et que nous avons ressenti cette mission commune à Zagreb comme un rapprochement doublement symbolique, envers les Croates et envers nos amis allemands. Ce qui s'est passé se situe dans le prolongement des initiatives du Président Lequiller et de nous tous, mais nous étions vraiment sur un point d'orgue en Croatie.

PermalienPhoto de Gérard Voisin

Ce rapport est excellent. Mais je souhaiterais que le dernier paragraphe de la proposition de conclusions mentionne plutôt l'amitié que la réconciliation franco-allemande.

PermalienPhoto de Lucien Degauchy

Ayant accompagné le Premier ministre au dernier sommet des pays des Balkans, j'ai pu me rendre compte de la volonté de la Croatie, qui a fait des concessions très importantes, de se rapprocher de l'Europe. Je suis persuadé que ce pays sera un excellent partenaire et non une charge à porter à bout de bras.

PermalienPhoto de Pascale Gruny

Quelle est l'attitude de la population quant à l'adhésion ?

PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

Ce rapport est excellent et j'ai perçu l'émotion que vous avez ressentie. Avez-vous évoqué la situation du Kosovo avec les parlementaires allemands ?

PermalienPhoto de Michel Herbillon

Je vous remercie de vos commentaires. J'ai aussi ressenti la double émotion évoquée par M. Jérôme Lambert.

Il faut souligner à quel point la vraie volonté et l'enthousiasme pour l'Europe en Croatie, où flottent force drapeaux européens, contraste fortement avec l'europessimisme régnant en France et dans certains Etats membres. La Croatie conjugue depuis dix ans les efforts, tant des autorités que de la société civile pour être prête à entrer dans l'Europe.

Il était important de se rendre en Croatie avec des parlementaires allemands pour marquer tout l'intérêt pour cette candidature de deux pays qui ont su surmonter leur conflit et dont l'amitié n'est pas une incantation, mais est devenue une vraie réalité qu'il faut en effet inscrire dans nos conclusions.

Le conflit frontalier avec la Slovénie n'est certes pas réglé mais l'état d'esprit a changé dans la région. Prédomine en effet maintenant la volonté de rapprochement et de coopération. La résolution de ce différend a été repoussée après l'adhésion de la Croatie et il sera réglé par un tribunal arbitral.

Les relations avec la Serbie ont été abordées avec les visites réciproques des deux Présidents et, notamment, du Président serbe dans ce lieu très symbolique de Vukovar.

Le Kosovo n'a pas été évoqué avec nos collègues allemands. Le Président de la République et le ministre des affaires étrangères en ont parlé mais ils ont mis l'accent sur les normalisations des relations avec la Serbie et sur l'évolution de la Bosnie-et-Herzégovine, avec la volonté de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures d'un pays où 11 % de la population bosniaque est d'origine croate.

Le Président Pierre Lequiller. Les populations sont en effet extraordinairement imbriquées dans cette région où les problèmes de minorités sont très compliqués.

Sur proposition du rapporteur, la Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« La Commission des affaires européennes,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la stratégie d'élargissement et les principaux défis 2010-2011 et le rapport de progrès 2010 sur la Croatie du 9 novembre 2010 (COM (2010) 660 et SEC (2010) 1326),

Vu les conclusions du Conseil affaires générales du 14 décembre 2010,

En conclusion de la visite d'une délégation conjointe des commissions des affaires européennes de l'Assemblée nationale et du Bundestag à Zagreb les 17 et 18 janvier 2011 pour s'entretenir avec les autorités croates de l'achèvement du processus d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne,

1. Salue la détermination des autorités croates à réaliser toutes les réformes nécessaires à l'achèvement des négociations en juin 2011 sur les sept chapitres restants, quelles que soient les difficultés concernant en particulier les chapitres (23) sur la justice et les droits fondamentaux et (8) sur la concurrence, avec l'ambition d'entrer dans l'Union européenne en 2013 ;

2. Souligne que la lutte contre la corruption et la réforme de la justice sont des domaines essentiels où les progrès majeurs déjà accomplis doivent être rendus irréversibles avant l'adhésion, afin d'établir un rapport de confiance entre anciens et nouveaux Etats membres ;

3. Se réjouit des progrès intervenus dans les relations bilatérales avec les pays voisins grâce aux initiatives courageuses de la Croatie en faveur de la réconciliation régionale et se félicite de son engagement pour que les différends bilatéraux qui subsisteraient ne soient pas un obstacle à l'adhésion, à terme, des autres pays de la région ;

4. Prend note avec satisfaction de l'unanimité des partis politiques représentés au Parlement en faveur de l'adhésion et de la confiance des responsables politiques sur le résultat final du référendum, après que l'achèvement des négociations aura montré au peuple croate que l'Union européenne est prête à l'accueillir ;

5. Renouvelle les messages délivrés par la délégation conjointe :

– cette visite marque le soutien politique des peuples français et allemands par la voix de leurs représentants au peuple croate et la délégation dit au peuple croate qu'il n'est pas seul dans sa marche vers l'adhésion, qu'il appartient à l'Europe et qu'il sera le bienvenu dans l'Union européenne, que la France et l'Allemagne soutiennent l'adhésion de la Croatie mais qu'elle doit être réellement prête avant l'adhésion ;

– l'effort de réforme vaut la peine en terme de modernisation et le peuple croate fait d'abord cet effort pour lui-même et non pas seulement pour adhérer à l'Union européenne ;

– la Croatie et ses voisins peuvent s'inspirer de l'amitié franco-allemande pour se réconcilier et la Croatie doit continuer à montrer le chemin de la réforme et de la paix à ses voisins. »

Puis la Commission a autorisé la publication de ce rapport d'information.

PermalienPhoto de Gérard Voisin

Comme vous pourrez le constater à la lecture du rapport que je présenterai le 8 mars prochain sur la libéralisation des transports ferroviaires, ce secteur connaît beaucoup de pesanteurs protectionnistes et un matériel homologué en France ne l'est pas nécessairement en Allemagne. Il est donc extrêmement important de poursuivre le mouvement d'harmonisation déjà engagé.

Au-delà du matériel, les systèmes d'exploitation et de gestion du trafic sont absolument au coeur de la gestion des chemins de fer.

Le règlement communautaire d'avril 2004 instituant une Agence ferroviaire européenne prévoit que cette agence veille à ce que les spécifications techniques d'interopérabilité, les « STI », soient adaptées au progrès technique, aux évolutions du marché et aux exigences sociales et qu'elle propose à la Commission les modifications des STI qu'elle estime nécessaires.

Le projet de décision de la Commission se situe donc dans ce cadre. Il appelle quatre observations principales de notre part. J'ai en effet pu constater lors de mon déplacement en Allemagne, en me penchant sur la question de la sécurité avec l'Office fédéral, que des divergences nombreuses pouvaient exister avec son homologue français et qu'il convenait de disposer à ce propos de textes suffisamment précis. Le texte qui nous est soumis reste un texte très général, qui ne permet pas une réelle interopérabilité, vu la trop grande liberté d'interprétation laissée aux gestionnaires d'infrastructures.

1. Les entreprises ferroviaires sont confrontées à de nombreuses spécificités nationales, qui complexifient l'exploitation de services internationaux, alors même que celles-ci ne sont pas justifiées par des infrastructures historiquement différentes : par exemple l'absence d'obligation pour les gestionnaires d'infrastructures de délivrer les données à fournir par les entreprises ferroviaires aux agents de conduite, dans un format commun.

2. Ce texte n'est pas assez explicite en matière de responsabilité des différents intervenants en matière de chargement.

L'Agence ferroviaire européenne et la Commission auraient dû tenir compte des obligations reposant respectivement sur l'expéditeur, le destinataire, le chargeur, le remplisseur et l'exploitant de wagon-citerne au titre des annexes de la Convention relative aux transports internationaux ferroviaires, dont certains aspects ont été intégrés au droit européen par une directive de 2008. Or, le texte proposé fait porter la responsabilité uniquement sur les entreprises ferroviaires, en contradiction avec le droit européen en vigueur.

3. L'article 4.8 du projet de décision n'est pas conforme à la directive 200857CE.

Contrairement à ce que cet article indique, les gestionnaires d'infrastructures nationales et européennes sont des éléments essentiels pour permettre à l'entreprise ferroviaire de s'assurer de la compatibilité entre son matériel roulant et les lignes sur lesquelles il va circuler.

4. Il est anormal de constater que, selon cette proposition, le respect de ses exigences se fait au travers du seul système de gestion de la sécurité de l'entreprise ferroviaire, en contradiction avec la directive 200449CE.

L'Agence ferroviaire européenne et la Commission anticipent en réalité sur l'évolution de la directive 200449CE, qui comporte deux parties en matière de certificat de sécurité, l'une valable dans toute l'Union européenne et l'autre correspondant aux spécificités nationales.

Sur proposition du rapporteur, la Commission a ensuite adopté les conclusions suivantes :

« « La Commission des affaires européennes,

Vu le projet de décision de la Commission concernant la spécification technique d'interopérabilité relative au sous-système "Exploitation et gestion du trafic" du système ferroviaire transeuropéen conventionnel (E 5949),

Estime qu'aux termes de l'article 4 § 4 de la directive 200449CE, la responsabilité du transport des wagons citernes ne saurait reposer sur la seule responsabilité des entreprises ferroviaires et que la proposition de décision de la Commission doit être modifiée sur ce point ;

Considère que l'article 4.8 du projet de décision n'est pas conforme à la directive 200857CE ;

Considère que l'Agence ferroviaire européenne ne doit pas anticiper dans ses propositions à la Commission européenne sur les évolutions éventuelles de la réglementation européenne relative au certificat de sécurité ;

Sous ces réserves, et en l'état des informations dont elle dispose, approuve la proposition d'acte communautaire. »

La séance est levée à 18 h 15