Projet de loi de finances pour 2011 – mission Médias, livre et industries culturelles (action audiovisuelle extérieure)
La séance est ouverte à neuf heures trente.
La commission des affaires étrangères examine pour avis, sur le rapport de M. Didier Mathus, les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles (action audiovisuelle extérieure) du projet de loi de finances pour 2011.
Je vous rappelle que les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles (action audiovisuelle extérieure) du projet de loi de finances pour 2011 ont été examinés en commission élargie le jeudi 4 novembre dernier. La discussion générale est close.
Je donne la parole à Monsieur Didier Mathus pour quelques rappels.
Je voudrais tout d'abord souligner le caractère saugrenu des conditions dans lesquelles les crédits de cette mission ont été examinés en commission élargie. Madame Aurillac, qui co-présidait cette réunion, peut en attester.
Il y a unanimité au sein de la commission pour dénoncer le fonctionnement des commissions élargies. Dans la mesure où une réflexion a été lancée en vue de réformer le règlement intérieur de notre assemblée, je viens d'adresser au président Accoyer deux courriers, l'un relatif au problème de fonctionnement des commissions élargies, l'autre demandant un assouplissement de l'obligation de participation des commissaires aux réunions : il me semble que l'obligation de participation pourrait porter sur l'une des réunions organisées chaque semaine et pas nécessairement sur la séance du mercredi matin.
Le budget de l'audiovisuel extérieur est de 330 millions d'euros, somme qui couvre les subventions à une chaîne de télévision d'information : France 24, une chaîne de télévision fondée sur des partenariats avec des pays francophones : TV5 Monde, une radio : RFI, l'ensemble étant regroupé au sein de la holding Audiovisuel extérieur de la France (AEF). Ces structures traversent une succession de crises depuis une décennie. En 2008, c'étaient les partenaires francophones de TV5 Monde qui combattaient le projet de réforme élaboré par la présidence de la République ; en 2009, RFI a connu la plus longue grève de l'histoire de l'audiovisuel français ; en 2010, nous assistons à un conflit opposant le président de l'AEF à sa directrice générale déléguée. Le Guardian a même parlé à ce sujet d'une « Saint-Barthélémy ». En plus de se traduire par une succession de licenciements et de limogeages, cette mésentente nuit grandement au fonctionnement de la rédaction de la chaîne. Il semble pourtant que nous assistons davantage à une opposition de personnes que de stratégies. Le président de l'AEF dit qu'il a dû intervenir pour régler de graves problèmes de gestion et contrecarrer l'échec de la réforme éditoriale en cours.
Indépendamment de ce conflit, il faut s'interroger sur l'avenir de France 24, dont on ne peut nier l'absence de succès. Il est vrai qu'elle souffre d'un réseau de distribution faible et que ce dernier est difficile à élargir au moment où de nombreux pays sont en train de basculer vers le numérique. Mais la chaîne souffre aussi de ses contenus décevants. En résumé, elle n'a pas trouvé sa place. Elle a lancé en octobre dernier, une chaîne en arabe 24 heures sur 24 et elle fonctionne bien en Afrique francophone, où RFI est également très écoutée. Dans cette zone, se pose donc la question d'une éventuelle concurrence entre les deux médias. La chaîne court aussi le risque d'une « francisation » de sa ligne éditoriale : la tentation est grande de vouloir surtout plaire à ceux qui décident de son avenir ! Ainsi, au début de cette année, lorsque notre pays était sous la neige, elle a diffusé une interview en direct de l'un de ses reporters bloqué sur les routes : voilà qui a dû paraître étrange aux téléspectateurs qui se trouvaient loin de l'hexagone !
En ce qui concerne RFI, le plan social devrait prochainement s'achever. Il est tout de même étonnant de constater que 275 personnes ont souhaité profiter de ce plan pour quitter l'entreprise alors que 206 suppressions de postes seulement étaient prévues. Cela témoigne de doutes importants sur l'avenir de l'entreprise, qui résulte notamment de l'impression que l'AEF favorise la télévision au détriment de la radio. Au niveau mondial, on observe certes une érosion de la radio mais le modèle de la chaîne d'information, né dans les années 90, commence lui aussi à être daté : il faudrait donc favoriser un rapprochement entre les radios et les télévisions pour nourrir le contenu des sites internet.
TV5 Monde est une chaîne intéressante même si elle est souvent critiquée. Il faut rappeler que c'est la seule chaîne généraliste mondiale et qu'elle dispose du troisième réseau de distribution après CNN et BBC. Ses programmes sont apportés par différentes chaînes francophones et il est vrai que tous ne présentent pas le même degré d'intérêt pour des téléspectateurs vivant aux quatre coins de la planète.
La réflexion sur l'avenir de ces structures doit conduire à s'interroger sur leurs lignes éditoriales, et notamment sur la question de savoir en quoi consiste le « regard français sur le monde » que France 24 est censée diffuser. Le regroupement au sein d'une holding visait à favoriser les synergies, ce qui était une bonne idée, mais a conduit à un grand nombre d'erreurs qui expliquent que le dispositif soit loin d'avoir trouvé aujourd'hui sa vitesse de croisière. Je regrette en particulier que l'audiovisuel extérieur ne soit pas adossé à un grand groupe des médias, ce qui nuit à la qualité des contenus.
Pour ce qui est de formuler un avis sur le vote des crédits de cette mission, il faut distinguer la question purement budgétaire de celle de l'orientation donnée à notre audiovisuel extérieur. Le budget augmentera d'environ 2 % en 2011 au profit principalement de France 24, conformément à des engagements pris antérieurement. La chaîne devrait recevoir une subvention avoisinant les 115 millions d'euros, somme qui peut apparaître faible de manière absolue, mais qui est à comparer aux 50 millions de livres dont bénéficie annuellement BBC World. Pour ce qui est de la conduite de notre audiovisuel extérieur, il faut bien reconnaître que des erreurs tactiques ont été commises, au premier rang desquelles la désignation de la compagne du ministre des affaires étrangères et européennes à la tête d'une chaîne de portée internationale.
Je m'en remets donc à la sagesse de la commission.
Je vous rappelle que la discussion générale a déjà eu lieu, nous en venons donc aux explications de vote
Le groupe Union pour un Mouvement Populaire votera ce projet de budget. Mais je souhaiterais dire un mot sur Euronews, dont le siège se situe dans la région lyonnaise. Or le déménagement en cours à grands frais de la chaîne d'Ecully à Lyon est très consommateur de crédits. Je souhaiterais qu'on s'intéresse à la question d'Euronews l'année prochaine. Cette parenthèse faite, notre groupe votera en faveur des crédits de la mission Médias, livres et industries culturelles.
Le groupe Nouveau Centre votera aussi en faveur des crédits proposés. Mais je tiens à souligner qu'il faudrait quand même que France 24 soit davantage diffusé hors de nos frontières. Quand on voyage à l'étranger, et qu'on séjourne dans des hôtels, le plus souvent, la seule chaîne en langue française qui soit diffusée est TV5.
Le groupe Socialiste Radical Citoyen ne votera pas les crédits proposés pour les raisons évoquées par le rapporteur dans la seconde partie de son argument. Nous avons assisté récemment à une présentation du budget, longue de trois heures, par le ministre de la culture. Il nous a fait une description effarante du conflit de personnes à la tête de France 24. Il nous a dit avoir tenté de faire une médiation. Mais la situation s'est empirée après cette médiation.
Il est vrai que les crédits de la mission Médias, livres et industries culturelles sont d'un montant plutôt modeste. Mais il ne faut pas pour autant négliger ce que les anglo-saxons appellent le soft power, autrement dit la stratégie d'influence, car c'est aujourd'hui un enjeu majeur.
C'est ainsi qu'il y a deux ans, une chaîne chinoise d'information internationale a été créée. Entre le réseau des Instituts Confucius et l'audiovisuel, la Chine consacre un budget de 19 milliards d'euros à son rayonnement culturel.
C'est sans parler de TV Brasil International, ni même des initiatives de la Turquie et de l'Iran dans le secteur. Les pays émergents ont pris la mesure de la capacité d'influence qu'ils peuvent acquérir à travers le soft power.
Les chaînes d'information internationale que l'on a coutume d'appeler les « Big Five » sont aujourd'hui très concurrencées.
La commission émet alors un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles (action audiovisuelle extérieure) pour 2011.
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