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Intervention de Didier Mathus

Réunion du 10 novembre 2010 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Mathus, rapporteur pour avis :

Le budget de l'audiovisuel extérieur est de 330 millions d'euros, somme qui couvre les subventions à une chaîne de télévision d'information : France 24, une chaîne de télévision fondée sur des partenariats avec des pays francophones : TV5 Monde, une radio : RFI, l'ensemble étant regroupé au sein de la holding Audiovisuel extérieur de la France (AEF). Ces structures traversent une succession de crises depuis une décennie. En 2008, c'étaient les partenaires francophones de TV5 Monde qui combattaient le projet de réforme élaboré par la présidence de la République ; en 2009, RFI a connu la plus longue grève de l'histoire de l'audiovisuel français ; en 2010, nous assistons à un conflit opposant le président de l'AEF à sa directrice générale déléguée. Le Guardian a même parlé à ce sujet d'une « Saint-Barthélémy ». En plus de se traduire par une succession de licenciements et de limogeages, cette mésentente nuit grandement au fonctionnement de la rédaction de la chaîne. Il semble pourtant que nous assistons davantage à une opposition de personnes que de stratégies. Le président de l'AEF dit qu'il a dû intervenir pour régler de graves problèmes de gestion et contrecarrer l'échec de la réforme éditoriale en cours.

Indépendamment de ce conflit, il faut s'interroger sur l'avenir de France 24, dont on ne peut nier l'absence de succès. Il est vrai qu'elle souffre d'un réseau de distribution faible et que ce dernier est difficile à élargir au moment où de nombreux pays sont en train de basculer vers le numérique. Mais la chaîne souffre aussi de ses contenus décevants. En résumé, elle n'a pas trouvé sa place. Elle a lancé en octobre dernier, une chaîne en arabe 24 heures sur 24 et elle fonctionne bien en Afrique francophone, où RFI est également très écoutée. Dans cette zone, se pose donc la question d'une éventuelle concurrence entre les deux médias. La chaîne court aussi le risque d'une « francisation » de sa ligne éditoriale : la tentation est grande de vouloir surtout plaire à ceux qui décident de son avenir ! Ainsi, au début de cette année, lorsque notre pays était sous la neige, elle a diffusé une interview en direct de l'un de ses reporters bloqué sur les routes : voilà qui a dû paraître étrange aux téléspectateurs qui se trouvaient loin de l'hexagone !

En ce qui concerne RFI, le plan social devrait prochainement s'achever. Il est tout de même étonnant de constater que 275 personnes ont souhaité profiter de ce plan pour quitter l'entreprise alors que 206 suppressions de postes seulement étaient prévues. Cela témoigne de doutes importants sur l'avenir de l'entreprise, qui résulte notamment de l'impression que l'AEF favorise la télévision au détriment de la radio. Au niveau mondial, on observe certes une érosion de la radio mais le modèle de la chaîne d'information, né dans les années 90, commence lui aussi à être daté : il faudrait donc favoriser un rapprochement entre les radios et les télévisions pour nourrir le contenu des sites internet.

TV5 Monde est une chaîne intéressante même si elle est souvent critiquée. Il faut rappeler que c'est la seule chaîne généraliste mondiale et qu'elle dispose du troisième réseau de distribution après CNN et BBC. Ses programmes sont apportés par différentes chaînes francophones et il est vrai que tous ne présentent pas le même degré d'intérêt pour des téléspectateurs vivant aux quatre coins de la planète.

La réflexion sur l'avenir de ces structures doit conduire à s'interroger sur leurs lignes éditoriales, et notamment sur la question de savoir en quoi consiste le « regard français sur le monde » que France 24 est censée diffuser. Le regroupement au sein d'une holding visait à favoriser les synergies, ce qui était une bonne idée, mais a conduit à un grand nombre d'erreurs qui expliquent que le dispositif soit loin d'avoir trouvé aujourd'hui sa vitesse de croisière. Je regrette en particulier que l'audiovisuel extérieur ne soit pas adossé à un grand groupe des médias, ce qui nuit à la qualité des contenus.

Pour ce qui est de formuler un avis sur le vote des crédits de cette mission, il faut distinguer la question purement budgétaire de celle de l'orientation donnée à notre audiovisuel extérieur. Le budget augmentera d'environ 2 % en 2011 au profit principalement de France 24, conformément à des engagements pris antérieurement. La chaîne devrait recevoir une subvention avoisinant les 115 millions d'euros, somme qui peut apparaître faible de manière absolue, mais qui est à comparer aux 50 millions de livres dont bénéficie annuellement BBC World. Pour ce qui est de la conduite de notre audiovisuel extérieur, il faut bien reconnaître que des erreurs tactiques ont été commises, au premier rang desquelles la désignation de la compagne du ministre des affaires étrangères et européennes à la tête d'une chaîne de portée internationale.

Je m'en remets donc à la sagesse de la commission.

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