Commission des affaires économiques
La commission a examiné le rapport d'application de la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux OGM (MM. Antoine Herth et Germinal Peiro, rapporteurs).
Le président Ollier. Nous allons aujourd'hui nous livrer à un exercice auquel je tiens particulièrement et dans lequel notre Commission a été pionnière, puisqu'elle l'a initié avant même qu'il ne soit rendu obligatoire par notre règlement : il s'agit du suivi de l'application de la loi. Le rôle de contrôle du Parlement me semble aussi important que son rôle de législateur.
Chacun se souvient des débats qui avaient enflammé l'hémicycle au moment de la discussion de la loi sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) : il n'est pas question aujourd'hui de rouvrir le débat mais de vérifier si les grands principes arrêtés par le législateur ont bien été mis en oeuvre.
Le rapporteur, M. Herth, et le co-rapporteur, M. Peiro, sont allés interroger les ministères, se sont déplacés à Bruxelles et ont auditionné plusieurs membres du Haut conseil des biotechnologies. Vous avez fait un excellent travail de recherche, dont vous allez nous exposer le résultat.
Au nom de mon groupe, je souhaiterais faire un rappel au règlement. Je me félicite que la réunion de la commission soit publique et ouverte à la presse. Nous acceptons de participer au contrôle de la loi mais nous ne cautionnons pas cette loi que nous n'avons pas votée. Non seulement les débats ont été vifs lors de l'examen du projet de loi, mais nous avions même trouvé une majorité pour le rejeter, et nous souhaitions d'ailleurs une motion référendaire pour que l'ensemble du peuple français puisse se prononcer sur une question qui va bousculer les générations futures. Contrôler une loi que nous n'avons pas votée, c'est faire notre travail de parlementaires, mais non pas cautionner le texte. Monsieur le Président, je pense que vous en êtes d'accord sur le principe.
Le président Ollier. Une fois de plus, nous sommes tout à fait d'accord. Ce n'est pas parce que vous ne participez pas au vote d'une loi que vous n'avez pas le droit d'en contrôler la bonne application. Il s'agit d'un exercice de contrôle de l'application de la loi, et il est bien évident que nous n'avons pas à juger du fond et de la nature mêmes du texte. Loin d'avoir à prendre parti, les co-rapporteurs n'ont à juger que de la manière dont le texte est appliqué par l'administration et les différents partenaires. La remarque de François Brottes est frappée au coin du bon sens et s'inscrit parfaitement dans le bon fonctionnement de nos institutions.
A titre liminaire, je tiens à rappeler que nos travaux avaient initialement débuté en septembre 2009, mais le Haut conseil des biotechnologies (HCB) venait juste d'être mis en place et ne s'était pas encore prononcé sur la définition du « sans OGM » : c'est pourquoi il nous avait paru préférable de prolonger, avec l'autorisation du Président Ollier, la mission de suivi afin d'avoir un peu plus de recul sur la mise en oeuvre de la loi.
Deux ans maintenant après l'adoption du texte, nous ne sommes toutefois pas beaucoup plus avancés.
Si le HCB est effectivement opérationnel, il reste une instance encore jeune et, à plus d'un titre, fragile. Quant aux autres sujets majeurs sur lesquels la loi renvoyait au pouvoir réglementaire pour en définir les modalités d'application (le « sans OGM », les conditions de coexistence, l'information du public), ils n'ont pas encore abouti, loin s'en faut. Vous disposez en annexe du rapport du tableau de suivi de la parution des textes d'application et vous pouvez constater que nombre d'entre eux sont encore en cours de rédaction ou de consultation.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation : tout d'abord, ces textes portent tous sur des sujets complexes et délicats à traiter, qui nécessitent du temps pour mener à bien les consultations nécessaires ; ensuite, dans la mesure où il n'y a plus d'OGM cultivé sur le territoire français depuis que la France a pris une clause de sauvegarde sur le MON 810, le traitement des questions de coexistence et de responsabilité a vraisemblablement dû apparaître moins urgent.
Aux yeux du législateur, le résultat est cependant le même : la loi n'est aujourd'hui pas applicable.
Elle l'est d'autant moins que de nouvelles dispositions législatives sont désormais nécessaires pour que les procédures d'autorisation d'utilisation des OGM en milieu ouvert définies dans le cadre de la loi du 25 juin 2008 puissent effectivement être mises en oeuvre.
Le Conseil d'État, dans deux arrêts du 24 juillet 2009, a en effet annulé à compter du 30 juin 2010 les dispositions réglementaires relatives à l'information et à la participation du public au motif qu'elles n'étaient pas conformes à l'article 7 de la Charte de l'environnement qui confie au seul législateur le soin de fixer les conditions et limites du droit d'information du public en matière environnementale.
Cette jurisprudence allant bien au-delà du sujet des OGM, le Gouvernement a introduit un cadre législatif général dans la loi Grenelle II : toutefois ce cadre général nécessite d'être décliné pour chaque procédure particulière d'information prévue par les textes. C'est notamment le cas des installations classées, mais également des OGM.
En conséquence, il est aujourd'hui strictement impossible d'accorder une autorisation d'essai ou de mise sur le marché en France. Faute de texte proposé par le Gouvernement, une proposition de loi, portée par notre collègue de la commission du développement durable Bertrand Pancher, serait en cours de préparation.
S'agissant des textes d'application les plus attendus, il convient d'évoquer le cas du décret définissant le « sans OGM » ou plus précisément définissant les conditions d'un étiquetage « sans OGM ».
Ce décret a été rédigé par la DGCCRF sur la base des recommandations que le comité économique, éthique et social (CEES) du Haut conseil des biotechnologies a rendues en novembre 2009, mais celui-ci doit encore être de nouveau soumis pour avis au Haut conseil puis à l'Agence nationale de sécurité sanitaire avant d'être notifié à Bruxelles puis de passer devant le Conseil d'État. Il semble donc assez improbable que ce texte soit publié avant le printemps 2011.
Sur le fond, nous n'avons pas eu le projet de décret en main mais nous avons été instruits sur son contenu à l'occasion de différentes auditions : il semblerait ainsi que le texte suive assez fidèlement les orientations du CEES et notamment sa proposition consistant à prévoir deux possibilités d'étiquetage pour les produits d'origine animale selon que l'alimentation des animaux est garantie sans OGM en dessous de 0,1 % ou sans OGM entre 0,1 % et 0,9 %. Les premiers produits pourraient être identifiés par la mention « nourri sans aliments OGM » et les seconds par l'expression « nourri sans utilisation d'OGM ».
Ce choix paraît cependant discutable, non seulement du point de vue de la clarté de l'information fournie au consommateur mais aussi de la signification de la « zone grise », située entre 0,1 % et 0,9 %, sauf à considérer, comme semble le faire le CEES, que la possibilité d'étiquetage « sans OGM » entre 0,1 % et 0,9 % ne serait accordée que provisoirement et accompagnée d'un « plan de progrès » pour atteindre le 0,1 %. Le CEES reconnaît cependant que son analyse nécessite d'être étayée par une véritable évaluation socio-économique des filières sans OGM : or cette étude, qui a été commandée par le Gouvernement à un cabinet, ne devrait pas être disponible avant la fin du mois de novembre. Il n'est donc pas exclu que les lignes puissent encore bouger d'ici la fin de l'année. En conclusion, sur le « sans OGM » aussi, la loi est vouée à rester inappliquée encore un moment.
Sur la coexistence, le comité scientifique du HCB a été saisi du projet d'arrêté rédigé par le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche (MAAP) et le comité économique, éthique et social s'est pour sa part autosaisi de la question. Le décret d'application du régime de responsabilité est encore en cours de rédaction et le décret relatif au seuil d'étiquetage des semences a été mis en attente le temps que le décret « sans OGM » soit publié.
Pour en venir maintenant aux dispositions de la loi effectivement mises en oeuvre, il faut signaler que les décrets d'application relatifs au Haut Conseil des Biotechnologies et au Comité de surveillance biologique du territoire ont été publiés dès le mois décembre 2008, moins de six mois après la publication de la loi. Comme vous vous en souvenez sans doute, les Commission des affaires économiques de l'Assemblée Nationale et du Sénat ont ensuite été saisies pour avis sur une première puis une seconde candidature à la présidence du Haut conseil, qui a finalement été confiée à Mme Catherine Bréchignac. Les membres du HCB ont ensuite été officiellement nommés au mois d'avril 2009 et ceux du comité de surveillance biologique du territoire en février 2010. Le Haut conseil s'est doté d'un règlement intérieur en juillet 2009 et a tout de suite commencé à fonctionner alors même qu'il n'avait ni locaux ni secrétariat propres.
Pour sa première année de fonctionnement, le HCB présente un bilan plutôt flatteur avec environ 500 avis rendus. Vous trouverez dans le rapport un encadré avec des statistiques sur l'activité du Haut conseil tiré de son premier rapport d'activité. 489 avis ont ainsi été rendus par le comité scientifique concernant des utilisations confinées d'OGM. D'une manière générale, le travail du comité scientifique n'appelle pas de remarque particulière ;
Le comité économique, éthique et social, dont nous avons auditionné plusieurs membres, suscite en revanche quelques inquiétudes. Il était clair d'emblée qu'avec sa composition sur le modèle du Grenelle, avec des membres qui sont en fait des parties prenantes, le dialogue et la recherche de consensus ne serait pas aisé. Il semblerait toutefois que la situation soit pire que ça : une personne membre du CEES a en effet parlé de « guerre de tranchées » et tous les membres auditionnés se sont accordés à dire que les conditions de travail au sein du CEES étaient particulièrement éprouvantes, en dépit des efforts de sa présidente, Mme Christine Noiville, pour apaiser les débats.
Le travail du CEES n'a en outre pas été facilité par la nécessité de traiter certains dossiers en urgence et par la mise à disposition parfois tardive de l'avis du comité scientifique. Mais le plus gênant reste néanmoins l'absence de méthodologie applicable dans le domaine de l'évaluation socioéconomique. Le CEES s'est ainsi retrouvé à produire des recommandations sans même s'être doté au préalable d'une grille d'analyse des dossiers ! Cette situation évolue progressivement, probablement dans la bonne direction, mais la démarche paraît pour le moins étonnante.
La combinaison de ces différents handicaps contribue à faire de certaines recommandations du CEES plus des catalogues de positions divergentes que des orientations opérationnelles pour l'action du Gouvernement.
Enfin, le CEES a été récemment ébranlé à l'occasion de la destruction, pour la seconde fois, de l'essai de l'INRA de Colmar, cette fois-ci par des faucheurs volontaires. La publication par le bureau du HCB d'un communiqué de presse « déplorant » cette destruction, alors que le Haut conseil avait remis trois mois plus tôt un avis positif au Gouvernement pour autoriser la poursuite de l'essai, a déclenché de vives protestations de la part des membres du CEES appartenant à des organisations solidaires des actes de fauchage ou des faucheurs. Parallèlement, d'autres membres du CEES ont été choqués d'apprendre que certains d'entre eux soutenaient des actions illégales et ont commencé à questionner la légitimité de la présence de ceux-ci au sein du Haut conseil voire à s'interroger sur leur propre participation à cette instance. Cet épisode résume à lui seul la fragilité de l'édifice construit par la loi du 25 juin 2008, dont l'initiative est certes saluée par tous mais dont la mise en oeuvre, là encore, semble très compliquée.
Enfin, ce tour d'horizon de la situation des OGM ne serait pas complet si l'on n'abordait pas l'évolution du dossier au niveau européen, car tandis que l'on peine à mettre en oeuvre les dispositions de la loi du 25 juin 2008, dont certaines sont la transposition, avec six ans de retard, de la directive 200118CE, la Commission européenne en est déjà au coup d'après. Ainsi, sans attendre d'avoir mis en oeuvre les conclusions du Conseil européen du 4 décembre 2008 qui plaidaient en faveur d'un renforcement de l'évaluation environnementale des OGM et de la prise en compte de critères socio-économiques, la Commission propose désormais de modifier la directive 200118CE en vue d'autoriser les États membres à restreindre voire interdire la culture des OGM autorisés au niveau européen sur leur territoire, sur la base de simples considérations socio-économiques. En laissant plus de latitude aux États membres sur le terrain, la Commission espère de son côté avoir plus de marges de manoeuvre pour faire avancer les demandes d'autorisations, comme elle a d'ailleurs commencé à le faire avec la pomme de terre Amflora.
Cette proposition qui, pour le moment, est loin de susciter l'adhésion des États membres, pour des raisons à la fois politiques, juridiques et économiques, s'accompagne en outre de nouvelles lignes directrices en matière de coexistence dans lesquelles la Commission reconnaît désormais la possibilité de créer des zones « sans OGM », ce qu'elle avait toujours refusé jusqu'alors. Cette évolution questionne directement les dispositions de la loi du 25 juin 2008 qui risquent de paraître désormais obsolètes, s'agissant notamment des dispositions relatives aux parcs naturels ou aux signes de qualité, voire aux conditions techniques de coexistence.
Enfin, le dernier projet de la commission, qui ne s'est pas encore concrétisé sous la forme d'un texte, concerne les importations d'OGM destinés à l'alimentation animale et vise à autoriser un seuil de présence fortuite d'OGM non autorisés afin d'éviter de refouler des quantités trop importantes d'aliments en raison de la présence de traces dans les lots. Cette initiative met en évidence le niveau de dépendance de l'Europe en matière d'alimentation animale. Elle est également révélatrice de la duplicité ou du moins de l'incohérence de l'attitude de l'Europe sur le dossier des OGM avec des États qui, dans leur grande majorité, se montrent réticents vis-à-vis de la mise en culture voire de l'expérimentation des OGM sur leur territoire mais acceptent sans broncher l'importation de quantités énormes de soja transgénique pour l'alimentation animale. Cette remarque nous renvoie d'ailleurs directement à l'article 1er de la loi qui appelait de ses voeux la mise en place d'un plan de relance de la production de protéines végétales et demandait le dépôt d'un rapport au Parlement sur le sujet. Cette mission vient juste d'être confiée par le MAAP au Conseil général de l'alimentation, les résultats sont attendus pour la fin de l'année, soit deux ans et demi après le vote de la loi.
Le Président Ollier. Le bilan de l'application de cette loi est donc négatif, ou pour le moins mitigé. Je vous remercie pour votre sincérité.
Il faut se féliciter de la décision de contrôler l'application de cette loi. Vous pointez le fait que sur les 19 textes d'applications nécessaires seuls 9 ont été publiés parmi lesquels 4 décrets sur les 10 attendus, ces retards sont ils souvent liés à des dispositions d'origine parlementaire ? Il est clair que les expertises requièrent des délais importants mais peut être n'ont-elles pas été lancées suffisamment tôt ? En ce qui concerne le HCB on peut s'interroger sur les suites qui sont apportées ou non à ses avis. Enfin, le soutien à la recherche est fondamental, pouvez vous nous indiquez ce qui a été réalisé dans ce domaine ?
Une proposition de loi est en cours d'élaboration au sein de la commission du développement durable, cette initiative apparaît encore plus nécessaire à la lumière des conclusions de votre rapport. Je ne peux que constater que la France prend du retard sur la question des autorisations de culture d'OGM. Mais est-ce lié à un problème juridique ou à un manque de volonté ?
Tout en soulignant la qualité du travail mené par nos collègues sur ce sujet délicat, je ne peux que rappeler que le groupe SRC n'a eu de cesse lors de la discussion du projet de loi de dénoncer l'absence de protection mise en oeuvre pour les cultures sans OGM et pour les consommateurs qui souhaitent être rassurés. Il n'est dès lors pas étonnant de constater l'existence de difficultés d'application.
Il convient de s'interroger sur la fonction exacte du HCB qui est un organe de concertation permettant l'expression des différents points de vue et dont la productivité ne peut être mise en doute, 500 avis rendus en un an c'est impressionnant ! Pour autant ces avis sont-ils pris en compte d'une manière quelconque ?
Cette loi est en fait inapplicable, d'une part parce que nous ne disposons pas des expertises scientifiques permettant l'édiction de mesures d'application et, d'autre part, car elle n'est pas conforme avec les orientations qui pourraient être prises ans le cadre d'une prochaine directive européenne. Aussi serait-il judicieux de questionner le gouvernement sur cette situation inextricable afin notamment de savoir quelle sera la position française défendue à Bruxelles. Il faut répondre aux attentes très fortes de la société sur ces questions.
Ce rapport pose beaucoup de questions auxquelles il n'est pas apporté de réponses. Nous sommes face à un projet de société puisque l'on constate que l'opinion est à la fois très défavorable aux OGM et attirée par les produits issus de l'agriculture biologique. Sans doute cette situation explique-t-elle sans doute pour beaucoup les difficultés d'application de la loi.
Le fait que l'Europe donne davantage de latitude aux États pour déclarer des zones sans OGM pourrait avoir des effets positifs si notre pays décidait de se définir comme tel.
La recherche encourt un certain nombre de critiques, notamment en raison de l'orientation pro-OGM de l'INRA et le choix de ne pas avoir recours a des cultures confinées.
Il apparaît très difficile d'appliquer une loi qui n'a pas défini d'orientation claire et sur une question aussi sensible le choix de s'abstenir serait sans doute préférable. Il apparaît en revanche urgent de travailler sur la question de l'autonomie pour l'alimentation des animaux puisque là aussi le rapport demandé n'a pas été déposé.
Je tiens tout d'abord à préciser que je fais partie du HBC. Je souhaite poser les questions suivantes :
– quand cette loi sera-t-elle modifiée pour prendre en compte le remplacement, voté dans le cadre de la LMA, du terme de dissémination volontaire qui comporte une connotation négative par l'expression de culture autorisée de semence modifiée ?
– quand la loi s'appuiera-t-elle sur des définitions scientifiques des cultures sans OGM, des autres types d'agriculture raisonnées et des risques pour la santé de l'utilisation d'OGM ?
– est-il possible pour la commission d'auditionner l'INRA qui dispose d'une expertise incontestable sur ces questions ?
Je voudrais en outre souligner que le HCB ne travaille aujourd'hui que sur le sujet de la transgénèse et n'aborde pas celui des biotechnologies en général.
Je ferai tout d'abord remarquer que le concept de « faucheur volontaire » est assez étrange car il semble bien que les faucheurs sont toujours volontaires ! On ne peut, bien entendu, que condamner de telles pratiques qui constituent la négation pure et simple de l'expérimentation encadrée qui est pourtant nécessaire à une meilleure connaissance.
Je voudrais ensuite souligner que le renvoi de l'Union européenne vers les États du soin de définir la réglementation de la mise en culture des OGM est un mauvais signal dans la mesure ou il s'apparente à un aveu d'impuissance de l'Europe à se saisir des sujets majeurs. Par ailleurs, le problème principal concerne la réglementation de l'importation de produits OGM en Europe et dans ce domaine c'est bien Bruxelles qui est compétent.
Je vous rappelle que le Bureau de la commission se rendra à Bruxelles le 8 décembre prochain pour rencontrer différents commissaires européens et obtenir des réponses aux questions évoquées dans nos débats.
En écho aux conclusions très claires du rapport qui vient de nous être présenté, je fais le double constat de la rapidité de publication des premiers décrets d'application et d'une mise en oeuvre délicate et pourtant nécessaire de ce texte. Le rapport montre aussi que la présence de parties prenantes au sein d'organes décisionnels pose question.
Quant à la position de la commission européenne consistant à se défausser sur les États membres, elle m'apparaît négative car il s'agit à l'évidence d'une compétence communautaire. Il est également nécessaire de renforcer la recherche pour lever les incertitudes avant de décider s'il y a lieu ou non de légiférer à nouveau, à cet égard l'avis de l'INRA serait particulièrement éclairant.
Je voudrais tout d'abord revenir sur l'article 1er de la loi qui prévoit que six mois après sa publication, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux possibilités de développement d'un plan de relance de la production de protéines végétales alternatif aux cultures d'organismes génétiquement modifiés afin de garantir l'indépendance alimentaire de la France. Le fait que cette disposition figure en tête du texte témoigne de son importance, or ce rapport n'a toujours pas été déposé près de trois ans plus tard.
Je déplore ensuite que la composition du Comité de surveillance biologique du territoire fasse totalement l'impasse sur les associations de protection de l'environnement alors que celles-ci disposent à l'évidence de compétences avérées dans ce domaine.
Si l'activité du HCB est incontestable, il est toutefois regrettable qu'il n'ait pas publié de rapport d'activité depuis sa création en avril 2009. La surveillance biologique du territoire qui a pour objet de s'assurer de l'état sanitaire et phytosanitaire des végétaux et de suivre l'apparition éventuelle d'effets non intentionnels des pratiques agricoles sur l'environnement aurait également dû donner lieu à un rapport. Je souhaite enfin disposer d'informations sur le décret en cours d'élaboration au sujet de l'utilisation des OGM en milieu confiné.
Je m'interroge tout d'abord sur la pertinence du délai d'un an pour juger de l'application d'un texte aussi complexe que celui-ci. Quant à la composition du HCB elle apparaît clairement comme un facteur de blocage de l'application de la loi. Je suis particulièrement choqué par la situation dans le domaine de la recherche ou le dogme semble avoir pris le pas sur l'expérimentation avec la circonstance aggravante de voir les faucheurs impunis. Cette évolution est très préjudiciable dans de nombreux domaines, tel celui de la sylviculture pour lequel la recherche d'essences nouvelles pouvait fournir une réponse aux évolutions climatiques.
J'interviens sur le sujet de l'identification des produits « sans OGM ». Le HCB a préconisé d'identifier trois catégories de produits suivant des modalités décrites dans le rapport. Je voudrais savoir comment il sera possible da faire respecter cette réglementation dans la mesure où l'alimentation des animaux provient pour une large part de soja importé des États-Unis qui comprennent le plus souvent des OGM et comment identifier la présence d'OGM dans les produits alimentaires qui seront issus de ces animaux.
Je souhaite pousser un véritable cri d'alarme à la suite des conclusions de ce rapport. Il faut absolument que la loi soit appliquée et que des correctifs lui soient, le cas échéant, appliqués. S'il est légitime de s'intéresser à la situation des consommateurs, il est également important de se pencher sur l'avenir de la filière semencière qui représente un nombre considérable d'emplois. Il est préoccupant de constater que la crédibilité de la recherche n'est plus assurée en raison de l'impunité des faucheurs. Pas plus qu'une France sans onde, sans nucléaire, sans chemin de fer, sans autoroutes, il n'est possible d'imaginer une France sans OGM ? Il en va de la compétitivité de notre pays dans le contexte mondial.
Je tiens à rappeler que le groupe socialiste s'était prononcé en faveur d'une recherche publique en plein champ, seule méthode pour obtenir des éléments probants sur l'éventuelle nocivité des cultures OGM. Dans un rapport sur le principe de précaution que j'ai réalisé avec notre collègue Alain Gest, nous rappelons que le seul exemple qui ait été cité pour l'application de ce principe en 2005, c'est celui des OGM. Ce rapport développe l'idée selon laquelle il convient de mesurer la balance risquesavantages et pour cela disposer aussi bien d'experts scientifiques que d'experts en sciences humaines. Le problème est qu'à l'heure actuelle on demande à des personnalités de la société civile d'intervenir en qualité d'experts ce qui n'est pas satisfaisant. Il convient en effet de distinguer deux phases, une première phase d'expertise suivie d'une phase de débat public au sein d'instances ad hoc comme le CEES ou de l'Office des choix scientifiques.
Je m'interroge sur la publication au Journal officiel du 25 juillet dernier d'un arrêté autorisant l'inscription au Catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France de plusieurs variétés de maïs MON 810 et T 25 en dépit de la clause de sauvegarde prise en 2008, n'y a-t-il pas là une contradiction ?
Le Président Ollier. D'abord, je souhaiterais répondre à M. Brottes, car je ne suis pas d'accord avec lui sur l'interprétation qu'il fait de la loi appliquée ou applicable. La loi n'est certes pas suffisamment appliquée, vous avez raison, et nous sommes là pour le constater. De là à dire qu'elle n'est pas applicable, nous ne sommes pas d'accord. J'interroge ici les rapporteurs : si j'ai bien saisi, la loi n'est pas encore appliquée parce que certains textes n'ont toujours pas été publiés.
Vous dites qu'il n'existe pas de réponse scientifique à certains sujets : sur ce point, ce sont les rapporteurs qui vont vous répondre.
S'agissant de la question européenne, vous avez raison : nous devons être capables de nous adapter à l'évolution de l'Europe. C'est pour cela que le 8 décembre, nous allons passer une journée complète à Bruxelles pour nous imprégner du sujet.
Quant à la définition du « sans OGM », le texte est actuellement examiné à Matignon : il y a donc des évolutions, et le texte devrait être envoyé assez rapidement au Haut conseil des biotechnologies et à l'Agence française de sécurité sanitaire.
S'agissant de la définition des conditions techniques de coexistence, le ministère de l'Agriculture travaille sur le sujet, sur la base du texte de loi, qui prévoit la consultation du Comité scientifique du HCB. Nous sommes donc dans un processus de mise en oeuvre, même s'il est tardif.
Eu égard à l'idée qu'il était trop tôt pour contrôler l'application de loi : bien au contraire ! Nous faisons notre travail. Le délai de contrôle est normalement de six mois après la publication de la loi. Or nous avons laissé deux ans au Gouvernement. Je vous rappelle que pour la loi de modernisation de l'économie, nous avons constaté que le Gouvernement n'avait pas fait son travail. C'est pourquoi nous avons déposé une proposition de loi relative à l'urbanisme commercial que nous avons fait voter dans un esprit de consensus. Pour cette loi-ci, je n'ai pas commis d'erreur dans l'exercice de mes responsabilités. J'ai même été très patient par rapport à celles du Gouvernement.
Concernant la définition des modalités d'information et de participation du public, il y a un problème qui ne relève pas de nous. Le Conseil d'État a annulé des dispositions qui avaient été prises, entraînant un vide juridique. D'où l'impossibilité d'appliquer la loi, qu'il nous revient désormais de compléter. M. Bertrand Pancher travaille sur une proposition de loi, et j'ai demandé à M. Antoine Herth de s'y associer. Nous sommes donc dans le contrôle de l'application de la loi et dans l'élaboration de dispositifs pour l'heure inexistants, ou qu'il faut changer. C'est un nouvel aspect de notre fonction, et je suis heureux que nous puissions l'exercer ainsi.
Je remercie M. Philippe Tourtelier car je suis tout à fait d'accord avec son propos. Mélanger le mandat « sociétal », quel qu'il soit, et la qualité d'expert, crée une confusion problématique. On pourra y réfléchir en engageant éventuellement une mission d'information relative au Haut Conseil des Biotechnologies.
En conclusion, je tiens à féliciter les deux rapporteurs pour leur excellent rapport qui a été rédigé dans la plus grande indépendance. Ce texte a une grande valeur pour moi et nous permettra – une fois que vous aurez répondu aux questions de nos collègues – d'engager la phase suivante. On ne peut pas s'arrêter là !
Il nous faut rappeler que notre mandat consistait à évaluer l'application de la loi et absolument pas à la commenter ou à refaire le débat. Les remarques qui ont été faites étaient parfois hors sujet mais vous avez eu raison de les faire, car elles nous ont ramenés au fond du problème. Quant à Antoine Herth et moi-même, nous avons essayé de faire notre travail le plus fidèlement possible et de concert. Si nous avons pris la parole à tour de rôle, c'est parce que nous étions totalement en phase sur ce que nous avons observé quant à l'application de la loi.
Ce texte illustre la difficulté de légiférer. L'idéal serait de légiférer de façon suffisamment simple et claire, évitant ainsi le recours aux décrets d'application, qui, pour certains textes, ne sont jamais publiés. On est toujours surpris lorsque l'on voit les statistiques relatives aux textes d'application des lois que nous avons votées. Cependant, il ne faut pas désespérer, car la loi sera appliquée une fois que tous ses textes d'application auront été publiés. Il y a cependant quelques problèmes. En matière d'information du public, le Conseil d'État a considéré qu'on ne pouvait recourir au décret mais qu'il fallait légiférer. Un de nos collègues a donc déposé une proposition de loi sur le sujet, donc on en re-débattra.
Cela étant, une initiative européenne vient de modifier la donne et la loi sur les OGM pourrait être remise en question, alors même qu'elle visait à transposer, avec plusieurs années de retard, la directive 200118CE. Il n'en reste pas moins qu'une fois les décrets publiés, la loi votée par le Parlement sera applicable.
Le Président Ollier. Je remercie Germinal Peiro car je suis sur la même ligne. Si les évolutions européennes nous y conduisent, il faudra modifier la loi, mais il s'agit pour l'instant de l'appliquer. Et je reconnais la difficulté que représente l'élaboration d'une loi, que l'on soit de droite ou de gauche.
En réponse à M. Serge Poignant, concernant les décrets, si l'on regarde le tableau fourni en dernière partie du rapport, on s'aperçoit que le problème majeur réside dans la définition du « sans OGM ». A partir de cette définition, la publication de tous les décrets va s'enchaîner. Qu'il s'agisse des conditions de coexistence ou de l'étiquetage des semences, tout dépend de cette définition. Actuellement, nous utilisons la référence européenne qui fixe un seuil de 0,9 %. Une concertation a été organisée avec l'ensemble des parties prenantes. Je salue en particulier la contribution du Conseil national de la Consommation qui est essentielle dans cette discussion, à côté de celle du Haut Conseil des Biotechnologies. A partir du moment où on impose à toute une filière de production un niveau de traces acceptable ou de traces autorisées pour pouvoir apposer l'allégation « sans OGM », cela implique – par ricochet – d'imposer des conditions techniques dans la fabrication du produit mais, en amont également, dans le transport des matières premières et, éventuellement, dans la mise en culture des productions agricoles, y compris, comme c'est le cas en France pour l'ensemble de la production agricole, s'il ne s'agit pas de plantes génétiquement modifiées. D'où la sensibilité du problème.
Nous avons d'ailleurs noté des différences d'approche, sur ce point, entre ce qui a été retenu en Allemagne et ce qui est à l'étude en France. Cela pose donc le problème des distorsions de concurrence éventuelles entre des produits de différents pays européens sur lesquels serait apposée l'allégation « sans OGM » sans respecter nécessairement des règles aussi strictes qu'au niveau français. Nous avons déjà eu ce type de débat sur d'autres sujets tels que l'agriculture biologique.
Dès lors que la rédaction du décret sur le « sans OGM » sera clairement stabilisée, les autres décrets pourront être rédigés en cohérence avec celui-ci.
L'essentiel des décrets prévoient l'application de dispositions issues du projet de loi du Gouvernement. S'agissant des décrets d'application de dispositions issues d'amendements parlementaires, celui qui concerne l'agrément des laboratoires pose plusieurs problèmes. Tout d'abord, ces laboratoires font déjà l'objet d'un contrôle : faut-il aller plus loin ? En outre, l'ensemble des procédures d'analyse font l'objet de normalisations qui seront reconnues au niveau international : la France doit-elle s'engager, à titre unilatéral, dans un processus de modification de toutes les normes d'analyse ? Ce système d'agrément des laboratoires pourrait être superfétatoire.
En matière de recherche, vous trouverez en page 40 du rapport l'état des discussions sur le sujet au niveau européen : elles concernent la réforme des procédures d'analyse et d'expertise scientifique de l'Agence européenne de sécurité des aliments. Or, si cette amélioration repose sur les contributions des États membres, en l'état actuel des choses, la France aura beaucoup de mal à participer de façon proactive à cette discussion en l'absence d'essais permettant des observations concrètes. Cela est apparu à plusieurs reprises dans les interventions de nos interlocuteurs.
Par ailleurs, François Brottes suggère d'attendre que le débat ait été suffisamment clarifié et soit stabilisé au niveau européen pour prendre en conséquence des dispositions nationales. Or nous nous trouvons dans une situation où l'un attend l'autre et où l'Europe attend également que les États membres apportent leur contribution à la discussion. A cet égard, une grande partie de l'activité du Haut Conseil des Biotechnologies a consisté à répondre à des saisines du Gouvernement afin que celui-ci prenne position dans la discussion européenne. En d'autres termes, une partie importante des travaux du HCB ne porte pas sur des problèmes franco-français mais sur une interrogation européenne à laquelle le Gouvernement français se doit de répondre.
En réponse à Mme Anny Poursinoff, j'ai bien compris que vous vous interrogiez sur la pertinence de l'essai de Colmar. Germinal Peiro et moi-même avons eu la chance de nous entretenir longuement avec le Président de l'INRA de Colmar ainsi qu'avec des personnes parties prenantes du comité de suivi qui a été mis en place. Ce comité a également travaillé en amont de l'essai, dans le cadre d'une co-construction avec les scientifiques du protocole de l'essai. La volonté d'auditionner la présidente de l'INRA a été évoquée à plusieurs reprises. Il serait également intéressant d'auditionner M. Jean Masson, président de l'INRA de Colmar : il a beaucoup à dire, au-delà de la question des OGM, sur la manière dont le chercheur peut travailler en interface avec la société civile et les autres acteurs du domaine scientifique concernés, en réunissant autour d'une table des producteurs agricoles et des militants associatifs pour que la communication s'établisse entre les uns et les autres. Ainsi, le scientifique s'oblige à expliciter sa réflexion scientifique afin qu'elle réponde aux attentes de la population.
S'agissant des conditions techniques de mise en oeuvre de l'essai, vous remettez en cause l'absence de confinement. Or nous avons visité le site : c'est un essai sur le court noué de la vigne. Il porte sur le porte-greffe, c'est-à-dire les racines, dans le sol, qui supportent un greffon, qui est à l'air libre. D'après le protocole de l'essai qui a été co-construit avec le monde associatif, il a été décidé que l'ensemble des inflorescences, c'est-à-dire toute la partie aérienne, allaient être détruites, que les feuilles allaient êtres détruites dès lors que le cycle végétatif toucherait à sa fin, à l'automne, et qu'en ce qui concerne tout ce qui est en contact avec le sol, c'est-à-dire les racines, il y aurait une reconstitution du sol. On a en effet creusé le sol, posé une bâche étanche, remis de la terre et replanté. Le terrain est entouré d'une clôture - qui n'est certes pas infranchissable puisqu'un certain nombre de personnes ont réussi à la franchir. La question du confinement a donc été étudiée et intégrée en amont, lors la réalisation du protocole. Visiblement, celui-ci a donné satisfaction à l'ensemble des parties prenantes – y compris celles dont les représentants nationaux revendiquent aujourd'hui le soutien aux actes de destruction qui ont été commis. Il y a donc clairement une différence de point de vue entre les représentants au niveau national, qui ont accordé la priorité à des considérations de stratégie politique, dans une posture de communication, et ceux qui sont partie prenante d'un débat au niveau du terrain, qui voient les choses avec réalisme, et sans doute davantage d'objectivité.
Le comité de suivi de l'essai avait également pour vocation d'accompagner l'analyse des résultats des essais. Aujourd'hui, ce n'est plus possible puisque l'essai a été détruit. Il semblerait cependant que l'on puisse en tirer des enseignements très intéressants, qui ne pourront probablement pas faire l'objet d'une publication scientifique car les conclusions sont pour l'instant parcellaires. Nous pourrons interroger la présidente de l'INRA à ce sujet. Ces enseignements indiquent qu'il semblerait que le transgène ait pu communiquer avec la micro-faune du sol. Dans les débats que nous avons eus, cette question a été posée. Or, nous avons ici un essai qui nous fournit une indication sur le sujet. C'est extrêmement important et cela peut conduire la France à prendre une position dans le débat au niveau européen sur l'expertise scientifique européenne. Cependant, cet essai a été détruit.
Cet essai a aussi montré que ce qui fonctionnait sous serre ne semblait pas fonctionner dans les conditions d'un essai en semi-confinement, avec exposition aux conditions climatiques normales. En d'autres termes, la résistance attendue n'a pas été aussi évidente que prévu.
Un dernier élément doit enfin être connu : cet essai avait été mis « en concurrence » avec d'autres expérimentations portant sur des méthodes alternatives, jachère, cultures biologiques … Il s'agissait donc bien d'examiner toutes les possibilités techniques pour lutter contre une maladie de la vigne.
Vous voyez que c'est tout un processus qui a été détruit. Ce processus n'avait pas vocation à produire une plante génétiquement modifiée en vue de sa commercialisation dans la production agricole. Autrement, les vignerons alsaciens n'auraient jamais accepté que ces essais soient faits en Alsace, car il n'est pas question de recourir aux OGM pour le vignoble alsacien.
Il s'agissait donc clairement de faire le pont entre :
– la recherche fondamentale que j'ai pu voir dans le cadre de mes auditions sur le projet de loi, par exemple à l'université de Strasbourg ou à l'institut de biologie moléculaire des plantes, où l'on essaye de comprendre le fonctionnement du génome,
– et la recherche en début d'application, telle qu'elle est faite à l'INRA.
Ces enjeux sont extrêmement importants et méritent d'être exposés devant l'Assemblée nationale. Il en va de la capacité de la France à être partie prenante au débat scientifique et aux enjeux économiques que cela représente.
M. Serge Poignant nous a interrogés sur ce qu'il en est du soutien à la recherche. La loi prévoit que les pouvoirs publics favorisent la mobilité des chercheurs qui s'engagent dans l'expertise scientifique et mentionne la recherche publique. Si la loi affiche cette bonne intention, nous n'avons pas eu d'élément concret d'évaluation sur ce point. Le mieux serait d'auditionner Marion Guillou, directrice de l'INRA.
Sur la question de savoir si la mise en culture relève d'un problème de volonté ou s'il faut légiférer : nous avons légiféré et la loi sera mise en oeuvre dès lors que les décrets s'appliqueront.
En réponse à Mme Frédérique Massat, il est vrai que la loi prévoyait que nous disposerions du rapport sur les protéines végétales, ce qui n'est pas le cas. Nous l'indiquons donc dans le rapport. Il faut néanmoins noter que le bilan de santé de la PAC a permis de souligner le déficit français en matière de protéines végétales et de réorienter notre politique. Cela étant, nous avons été saisi d'effroi lorsqu'il nous a été dit à Bruxelles qu'il serait très difficile de résorber ce déficit. Je pensais naïvement qu'il suffisait que l'on se mette à produire du soja pour y arriver. Ce n'est pas le cas : le handicap est en réalité beaucoup plus sérieux qu'on ne le pense. C'est un sujet sur lequel nous devons nous concentrer parce qu'il est à peu près sûr que suivant l'évolution d'aujourd'hui, il n'y aura quasiment plus de soja non-OGM en provenance d'Amérique du Sud dans quelques années. La tendance est telle qu'on enregistre désormais un taux de 70 % de soja OGM. Il est de plus en plus difficile de trouver des filières non OGM.
Mme Frédérique Massat nous a interrogés sur un décret relatif aux utilisations en milieu confiné. Nous en parlons dans le rapport mais nous n'avons pas émis d'avis car le décret est encore en cours de préparation – au stade de la consultation. Nous avons recueilli les avis des pétitionnaires dont nous faisons état.
M. Jean-Louis Léonard nous demande si le HCB ne constitue pas un facteur de blocage. Ce n'est pas notre avis. Il a été instauré par la loi pour émettre des avis, et non pour prendre des décisions : ni à la place des parlementaires qui légifèrent ni à la place du Gouvernement. Il est composé d'un comité scientifique et d'un comité économique, éthique et social. Cette composition relève d'une volonté de trouver le consensus. Il faut également noter que le HCB n'a pu commencer à fonctionner qu'un an après le vote de la loi, car il a eu besoin de temps pour s'installer. Mais suivant l'avis de tous, il a beaucoup travaillé depuis un an.
En réponse à Mme Marie-Lou Marcel, pour garantir un soja sans OGM, il faut une traçabilité. Nous n'avons pas d'autre solution que d'exercer des contrôles, soit à l'arrivée des bateaux dans les ports européens – et non seulement français – soit grâce à la traçabilité des documents. Tous nos interlocuteurs ont affirmé que ce serait plus difficile à l'avenir.
En réponse à M. Jean-Charles Taugourdeau, c'est la loi qui permet d'assurer la sécurité des essais. Ceux qui ont détruit les essais de Colmar se sont mis hors-la-loi. Ils le savent et certains, même, le revendiquent.
Je rappellerai ce qu'a indiqué M. Philippe Tourtelier : le parti socialiste est favorable à la recherche publique et aux essais, y compris en plein champ si nécessaire. Nous condamnons ce qui s'est passé à Colmar car il y a un an, avec Antoine Herth, nous avons eu l'occasion de rencontrer le président de l'INRA après le premier arrachage. Nous avons fait un travail d'investigation et avons rencontré des personnes qui avaient réussi à établir le consensus sur le plan local, y compris avec certaines associations environnementales, pour mener à bien ces essais. Après le premier arrachage, les faucheurs ont été découragés pour un temps. Puis il y en a eu un deuxième.
Mme Annick Le Loch nous interroge sur l'arrêté pris en juillet autorisant l'inscription de plusieurs variétés de maïs transgénique sur le catalogue. C'est le Conseil d'Etat qui a invité le Gouvernement à prendre cet arrêté car il s'agissait de variétés déjà autorisées.
La difficulté réside dans le temps de latence entre les autorisations accordées dans l'Union européenne et le processus de mise en culture de plantes OGM en Amérique. Aujourd'hui, ce décalage est tel que nous allons nous retrouver un jour avec l'arrivée de bateaux dans des ports comme Rotterdam, contenant des produits non autorisés en Europe. Cela mettra en péril l'alimentation du bétail. Tous les élevages, en particulier les porcs et la volaille, sont nourris de protéines qui arrivent d'outre-Atlantique. Cela nous ramène à la question de notre auto-suffisance en matière de protéines végétales. De ce point de vue, il est évident que l'Europe a failli.
Je voudrais apporter une précision complémentaire au sujet de la traçabilité des OGM en prenant l'exemple non du soja mais de la filière maïs alsacienne. Cette filière présente l'originalité d'être destinée à 80 % à l'alimentation humaine. Un effort de traçabilité a été mis en place par les filières céréalières, avec un surcoût destiné à garantir un maïs sans OGM. En effet, si le maïs OGM n'est pas autorisé à la culture en France, on peut quand même retrouver des traces d'OGM dans le maïs cultivé sur notre territoire, du fait notamment des semences importées, ce qui justifie les efforts de traçabilité engagés.
S'agissant de l'industrie semencière, je signalerai à M. Taugourdeau que le débat essentiel aujourd'hui est le suivant : où s'arrêtent et où commencent les OGM ? Cet été, nous avons assisté à la destruction de tournesols qui n'étaient pas obtenus par transgénèse mais par mutagénèse, procédé qui est désormais considéré par certaines associations comme une modification génétique.
Je voudrais également compléter la réponse de M. Peiro à la question sur les variétés autorisées. Si elles sont autorisées au niveau européen, la France a obligation de les inscrire dans son catalogue. En pratique, cette obligation n'autorise pas pour autant la culture des OGM sur le territoire français dès lors qu'avec la clause de sauvegarde, il n'y a pas d'autorisation de mise en culture au niveau national. En revanche, cette inscription simplifie l'importation de maïs car l'importation de produits dans lesquels on retrouve des traces des variétés inscrites est autorisée. Les cargaisons de produits dans lesquels on retrouve des traces de variétés non autorisées seraient, elles, rejetées.
Pour finir, M. le Président, je rappellerai les conséquences de l'annulation par le Conseil d'État de la possibilité de préciser par voie de décret les conditions d'information du public, et de la nécessité de réemprunter la voie législative sur ce sujet. Il est pour l'instant impossible de cultiver des OGM ou bien de mettre en place des expérimentations, ce qui représente le seul blocage à l'application de la loi sur les organismes génétiquement modifiés, sous réserve de la parution des décrets d'application pour les autres dispositions. A court terme, il est gênant de ne pas pouvoir autoriser de nouveaux essais en France. Tant que le Parlement n'aura pas de nouveau légiféré, la recherche ne pourra pas reprendre.
Je crois que l'on peut féliciter et remercier nos deux co-rapporteurs pour l'excellent travail qu'ils ont réalisé. Avant de procéder au vote sur la publication du rapport, MM. François Brottes et Jean-Charles Taugourdeau désireraient intervenir.
Je m'étonne du fait que le Conseil d'État ait fait une observation sur un point du texte adopté qu'il n'avait pas relevé lors de son examen préalable sur le projet de loi.
Le décret qui a été annulé date de 2007 et anticipait donc sur l'adoption de la loi du 25 juin 2008. En effet, la France était en retard dans la transposition de directives européennes – elle a d'ailleurs été condamnée à une amende forfaitaire de dix millions d'euros pour ce retard – et avait dans un premier temps entrepris de transposer par voie de décret.
Grâce à vos explications, je comprends mieux comment nous en sommes arrivés à une telle situation. J'estime cependant que le Gouvernement doit s'exprimer rapidement à la suite de ce rapport pour que la loi ne reste pas inapplicable. Il est de votre ressort de convoquer le Gouvernement, M. le président.
Malgré tout le respect que je porte à votre fonction et l'amitié que j'éprouve pour votre personne, je vous signalerai qu'il n'est pas du vôtre de me dicter la conduite à suivre. Néanmoins, je vous informe qu'il est prévu que le ministre compétent soit interrogé sur les suites à donner à ce rapport, à une date restant à déterminer. Par ailleurs, le partage des compétences entre la Commission du développement durable et notre commission est particulièrement problématique s'agissant de décrets qui peuvent comporter jusqu'à sept ministres signataires. Cette loi a été adoptée avant la scission en deux parties de la Commission des affaires économiques. Nous conservons notre compétence car nous parlons d'organismes cultivés, donc d'agriculture, sujet que nous avons conservé dans notre portefeuille. Fort de cette compétence, je ferai en sorte de convoquer les ministres de l'agriculture et de l'écologie, de manière à ce que nous ayons les réponses à nos interrogations.
Je voudrais signaler à quel point je trouve extrêmement grave d'entendre les propos tenus par certains au sujet des OGM, mais aussi des produits phytosanitaires. Nous avons affaire à des personnes dogmatiques, voire même fanatiques, qui manipulent des collectifs au mépris le plus souverain de l'intérêt général. Ces personnes sont, selon moi, aussi condamnables que celles qui prônent l'arrêt des recherches sur le génome humain pour lutter contre la mucoviscidose ou la myopathie par exemple, ou encore les transfusions sanguines.
Je trouve au contraire extrêmement graves les propos qui viennent d'être tenus. Les personnes qui se posent des questions ne sont pas forcément archaïques.
La question que vous avez soulevée, M. Herth, est fort intéressante : où commencent les OGM ? Ne serait-il pas intéressant que nous puissions bénéficier d'auditions de scientifiques qui nous éclairent sur le sujet ?
Après avoir entendu l'ensemble des interventions, qui ont constitué un débat riche et approfondi, nous allons procéder au vote sur la publication de ce rapport.
La Commission autorise à l'unanimité la publication du rapport.
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Informations relatives à la commission