COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES
Mardi 11 mai 2010
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 45
Le commissaire Antonio Tajani a présenté à notre commission le 1er décembre dernier la réforme de la procédure d'enquête-accident proposé par la Commission européenne de la façon suivante : « En ce qui concerne le projet de règlement sur les enquêtes-accidents, le texte proposé au Parlement européen et au Conseil repose effectivement sur un certain volontarisme. Cette étape est nécessaire car il est des domaines où il n'est pas facile d'imposer des obligations. Si l'assentiment du Parlement ne soulève pas de difficulté, tel n'est pas le cas pour le Conseil, en l'espèce. L'exemple de la sécurité routière le montre. La proposition sur les sanctions transfrontalières, destinée à éviter que les infractions commises en France avec un véhicule immatriculé dans un autre Etat membre ne soient plus sans suite, se heurte à des résistances des Etats membres. Le traité de Lisbonne apporte des améliorations, mais on est quand même dans un système de subsidiarité et non dans les Etats-Unis d'Europe. L'objectif du projet de règlement sur les enquêtes-accidents est de prévoir des coopérations renforcées avec pour objectif un partage des ressources rares sans modifier les responsabilités existantes.
S'agissant de l'information des familles, le texte prévoit certaines dispositions, à son article 23 : un plan national d'assistance aux victimes et à leurs familles ; la faculté pour les Etats membres et les pays tiers ayant des victimes de nommer un expert avec accès aux éléments de l'enquête. Par ailleurs, des sanctions, qu'il incombe aux Etats membres de préciser et de mettre en oeuvre, sont prévues à l'article 25 ».
Cela m'avait conduite à indiquer dans mon rapport sur la sécurité aérienne (n° 2164) que je considérais qu'il serait souhaitable que la législation française anticipe l'application des règles européennes en plaçant le BEA (bureau d'enquête analyses) chargé des enquêtes sur les accidents aériens sous le contrôle d'une autorité indépendante qui pourrait s'agréger à un réseau mieux que ne le ferait une administration.
Aussi, après la présentation de ce rapport, ai-je engagé la rédaction d'une proposition de loi en liaison bien sur avec le Secrétaire d'Etat aux transports et l'administration de l'aviation civile. Nous sommes tombés d'accord avec le Gouvernement sur les points principaux de ce texte auquel il ne reste plus que quelques détails à modifier. J'espère donc obtenir l'inscription dans une niche parlementaire de cette proposition de loi dont j'espère qu'elle pourra être votée à l'unanimité.
La recherche des causes des accidents aériens est souvent longue et complexe ce qui, dans une société qui privilégie l'information instantanée et simple, ouvre la voie à toutes les rumeurs relayées, bien sûr par internet. En France, cette suspicion infondée et injuste est accentuée par le fait que la carrière des plus hauts responsables français de l'aviation civile débute souvent dans l'administration de l'Etat avant de se poursuivre dans des sociétés privées du secteur aérien.
En outre, une conception restrictive du secret industriel et commercial évite d'évoquer publiquement les problèmes relevés par les autorités de contrôle de l'aviation civile au cours de leurs inspections, accentuant ainsi pour le grand public le sentiment d'opacité du secteur aérien.
Or beaucoup d'intervenants ont le sentiment que les entreprises majeures du secteur de l'aviation civile sont traitées avec bienveillance. Ce sentiment est probablement faux mais il s'alimente de l'opacité de ce secteur.
Pour conforter la confiance que doivent avoir les passagers dans leurs transporteurs et induire de nouveaux comportements, reposant moins sur le sentiment que les Français sont les meilleurs au monde et davantage sur une culture partagée du risque, ouverte sur les expériences étrangères et les questionnements « iconoclastes », il est proposé de créer une Haute autorité de la sécurité aérienne investie d'une double prérogative : veiller à la transparence et à l'objectivité de l'information et sanctionner les comportements à risque, sans aucun compromis avec les intérêts en cause. Pour cela il convient d'instituer une autorité administrative indépendante, autorité morale chargée de certifier, au sens moral et non juridique, la qualité de la sécurité aérienne qui s'appuierait, sur un collège de personnalités dont un tiers serait étrangères.
Dans le domaine des enquêtes accidents une proposition de directive européenne est actuellement en discussion et devrait rapidement être promulguée. Elle vise à renforcer l'information des victimes et surtout à créer un réseau européen des organismes d'enquêtes en matière d'accidents aériens.
En France, cette tâche est exercée par le bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA), qui se trouve dans une situation curieuse, pour ne pas dire déroutante sur le plan du droit : c'est un service administratif rattaché à la direction générale de l'aviation civile, dont l'indépendance est garantie par la loi (article l 711-2 du code de l'aviation civile). Ce statut particulier rend difficile son insertion dans un réseau européen. Il est ainsi obligé de créer des fonds de concours spécifiques pour recevoir des fonds extérieurs, le recueil de la contribution d'Airbus et d'Air France pour financer les recherches relatives au crash du vol Rio-Paris s'est ainsi révélé un véritable casse-tête juridique.
Aussi est-il proposé d'ériger le BEA en établissement public à caractère administratif afin de mettre en accord son statut juridique avec l'indépendance qui lui est reconnu par le droit et qui, dans les faits, est également scrupuleusement respectée par le ministère des transports.
En outre la qualité professionnelle du BEA est unanimement reconnue dans le monde et une grande partie de son activité s'opère à l'étranger. Elle ne donne pas lieu, en règle générale, à facturation. Le statut d'établissement public conférant au BEA l'autonomie financière lui permettra de mobiliser plus facilement les financements en provenance de l'Union européenne ou des Etats tiers.
Cette présentation est très louable, on ne peut qu'être d'accord avec vous, mais le problème est la réticence des constructeurs, bien compréhensible compte tenu des enjeux économiques considérables. Si l'on peut espérer une coopération de la part d'Airbus, peut-on raisonnablement l'espérer de Boeing ?
Le BEA est saisi lorsque des passagers français sont à bord, lorsque l'avion est celui d'un transporteur français ou lorsqu'il a été fabriqué par un constructeur français. Il peut donc être appelé quand un appareil de Boeing s'écrase, si des passagers français étaient à bord, et doit alors enquêter. L'enquête du BEA est parallèle aux enquêtes judiciaires et à celle menées par les autorités des autres pays concernés. Mon sentiment est que les constructeurs joueront le jeu. Le BEA est désormais le Bureau d'enquête et d'analyse, et non plus d'enquête accidents ; après chaque accident ou incident on essaie de renforcer la sécurité aérienne. Le dispositif n'est jamais parfait, mais ce que nous proposons est une avancée. Boeing comme les autres constructeurs ont intérêt à ce que le travail d'enquête et d'analyse soit fait correctement. Et la présence, au sein du collège de la Haute autorité, d'un pilote et de personnalités étrangères permettra de combiner les compétences et les connaissances.
Je m'associe pleinement à l'initiative intéressante et indispensable de notre collègue Odile Saugues, et je voudrais souligner deux points.
Il est important de prendre, en créant cette Haute autorité, une certaine avance sur ce qui se fait au niveau européen. Dans le domaine de la sécurité aérienne encore plus que dans d'autres secteurs l'harmonisation est indispensable, et il est regrettable qu'elle ne progresse pas plus vite. Je m'interroge en particulier sur l'avancement du programme Sesar et du « ciel unique européen ».
Il faut suivre les résultats des enquêtes tant en ce qui concerne les incidents que ce qui porte sur les accidents. Le plus important n'est pas de déterminer les responsabilités mais, à partir du reporting, des analyses, d'émettre des recommandations et, par la suite, d'évaluer celles-ci : que deviennent-elles ? Sont-elles appliquées ? C'est ce qu'il faut savoir.
Je rappelle que la mission sur la sécurité du transport aérien de voyageurs, constituée suite à l'accident de Charm el-Sheikh, et que je présidait, avait conclu que le BEA avait besoin de plus d'indépendance et de plus de moyens pour bien fonctionner.
La création de la Haute autorité va dans le sens d'une plus grande indépendance. Et la proposition de loi prévoit que la Haute autorité publiera un rapport annuel. Il sera utile que ce rapport porte sur l'application des recommandations. Il est nécessaire de trouver une bonne articulation entre les différentes organisations internationales et les autorités nationales, et d'établir des bilans réguliers.
Quant aux moyens supplémentaires, ce serait ceux du nouvel établissement public administratif, qui pourrait recevoir les fonds européens. Il faut souligner qu'aujourd'hui les recherches sur le crash du vol Air France Rio-Paris sont financées avec des contributions du constructeur de l'avion et de son transporteur.
Cette communication s'inscrit dans la suite du rapport d'information que nous avions présenté en 2009 sur la deuxième analyse stratégique de la politique énergétique. Plusieurs éléments nouveaux sont en effet intervenus depuis dans le domaine de la sécurité énergétique.
L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne crée une compétence partagée entre l'Union européenne et les Etats membres en matière d'énergie, ce qui constituait le préalable à l'affirmation d'une véritable politique européenne de l'énergie. Le traité prévoit que cette politique doit s'exercer dans « un esprit de solidarité entre les Etats membres ».
La sécurité de l'approvisionnement énergétique dans l'Union est l'un des quatre grands objectifs assignés à la politique énergétique européenne, les trois autres étant le fonctionnement du marché de l'énergie, l'efficacité énergétique ainsi que les énergies renouvelables et l'interconnexion des réseaux.
Outre cette importante évolution institutionnelle, différents textes européens, adoptés ou en voie de l'être, visent à renforcer l'efficacité et la cohérence de l'action en matière de sécurité énergétique.
Une révision de la directive sur les stocks pétroliers a été adoptée en septembre 2009. Celle-ci n'introduit pas de changement majeur mais renforce le système existant ainsi que les mécanismes de crise. Le plan européen de relance économique permet le co-financement par l'Union européenne à hauteur de 2,3 milliards d'euros d'ici fin 2010 de 12 projets d'interconnexion électrique et de 31 projets gaziers, ainsi que de projets de captage et de stockage du carbone et d'éoliennes en mer pour 1,5 milliard d'euros. Des progrès sont également recherchés en ce qui concerne la coordination des politiques nationales. Un projet de règlement sur la notification à la Commission européenne des investissements dans les infrastructures énergétiques a fait l'objet d'un accord politique en mars dernier.
En juillet 2009, la Commission européenne a publié une proposition de règlement sur la sécurité de l'approvisionnement en gaz, afin de tirer les conséquences de la crise gazière russo-ukrainienne de janvier 2009.
La proposition n'impose pas aux Etats membres de disposer de stocks stratégiques de gaz comme c'est le cas pour le pétrole. La France n'était pas favorable à cette option, qu'elle ne jugeait pas adaptée à l'ensemble des Etats membres. Le principal apport est la définition de standards de sécurité d'approvisionnement en gaz communs à l'ensemble des Etats membres. En particulier, la proposition définit un indicateur dit « N-1 », qui signifie qu'en cas d'arrêt de la principale infrastructure gazière d'un Etat membre, ses autres infrastructures doivent permettre de satisfaire la demande totale de gaz pendant une période de 60 jours de demande exceptionnellement élevée.
De plus, en cas de vague de froid ou de rupture partielle de l'approvisionnement, les Etats membres devront garantir l'approvisionnement des « clients protégés », c'est-à-dire les ménages, et selon la décision de l'Etat membre, les PME, les écoles et les hôpitaux.
Le principe de la réversibilité des flux gaziers sur toutes les interconnexions est généralisé, puisqu'il est prévu que les gestionnaires de réseau de transport devront mettre en oeuvre cette réversibilité dans un délai de deux ans.
Chaque Etat membre devra évaluer les risques liés à son approvisionnement en gaz et définir un plan d'action préventive et un plan d'urgence. Ces plans devront être cohérents au niveau régional. La Commission européenne pourra donner un avis sur les plans et demander leur révision le cas échéant. Elle pourra également déclarer une urgence communautaire et prendre des mesures de coordination des actions des Etats membres. Elle disposera d'une équipe d'experts pouvant être déployée en cas de crise. Les objectifs de la proposition font l'objet d'un consensus au Conseil et au Parlement européen. Les sujets de débat concernent essentiellement la définition des standards de sécurité d'approvisionnement, les mécanismes de coordination et de prévention des crises et les moyens de développer les interconnexions et les capacités d'inversion des flux.
La France est favorable aux principes de la proposition de règlement. Elle considère cependant que les nouveaux pouvoirs de la Commission devraient être mieux circonscrits et souhaite que l'on parvienne à un « réglage fin » des indicateurs de sécurité énergétique. Elle souligne la nécessité d'une vigilance quant à la définition des « clients protégés », afin de permettre aux Etats qui le souhaitent d'offrir une protection plus étendue que les exigences minimales posées par la proposition.
Compte tenu de l'importance de ses objectifs et du réel apport que représente la définition de standards communs, et sous réserve de la préservation de la possibilité pour les Etats membres d'offrir une protection plus étendue aux consommateurs, nous vous proposons d'approuver la proposition de règlement, sur laquelle la présidence espagnole souhaite obtenir un accord politique avant fin juin.
La diversification des voies d'approvisionnement progresse à travers les projets de gazoducs internationaux, même si des incertitudes subsistent. On peut rappeler que trois grands projets de gazoducs vers l'Europe visent à diversifier les voies d'approvisionnement : Nord Stream, South Stream et Nabucco.
Nord Stream est le projet le plus avancé. Il vise à relier la Russie à l'Europe du Nord, en passant sous la mer Baltique. Sa mise en service est prévue pour 2012. South Stream reliera la Russie à la Bulgarie par la mer Noire puis se divisera en deux branches, l'une vers la Roumanie, la Hongrie et la Slovénie, l'autre vers la Grèce et l'Italie. Il est prévu qu'il soit opérationnel en 2015 mais il pourrait prendre du retard en raison de difficultés de financement.
Ces deux projets sont pilotés par Gazprom. Ils ont pour point commun de contourner l'Ukraine et la Biélorussie. Des entreprises européennes y participent, dont GDF Suez pour Nord Stream et EDF prochainement pour South Stream.
Enfin, Nabucco est un projet visant à acheminer le gaz des pays riverains de la mer Caspienne via la Turquie, dans un objectif de diversification des fournisseurs. Nabucco pourrait aussi permettre d'acheminer du gaz d'Iran et d'Irak. Un accord intergouvernemental a été signé en juin 2009. Le début des travaux est prévu en 2011 et la mise en service en 2014. Ce projet suscite cependant depuis longtemps des doutes sur les quantités de gaz susceptibles d'être acheminées, tant pour des raisons physiques que politiques. La Russie est fermement opposée à Nabucco.
La récente annonce de la prise de participation d'EDF et de GDF-Suez aux projets South Stream et Nord Stream a pu être interprétée comme une prise de distance de la France par rapport à Nabucco, défendu par la Commission européenne. Cependant la France soutient toujours officiellement Nabucco.
Enfin, les relations entre la Russie et l'Ukraine ont connu d'importantes évolutions susceptibles d'avoir des conséquences sur la situation énergétique de l'Union européenne.
L'Union européenne importe un quart de son gaz de Russie et 80 % de ce gaz transite par l'Ukraine. La crise de 2009 a montré les conséquences qu'un différend russo-ukrainien pouvait avoir sur la sécurité d'approvisionnement de l'Union européenne.
L'élection de Viktor Ianoukovitch à la présidence de l'Ukraine en janvier dernier a permis un rapprochement entre les deux pays. Un accord a été conclu en avril sur la fourniture de gaz : il prévoit une baisse de 30 % de la facture de gaz de l'Ukraine jusqu'en 2019 (en échange du maintien de la flotte russe en Crimée), ce qui écarte le risque d'une rupture d'approvisionnement de l'Union européenne.
Cependant, cette amélioration de la situation ne doit pas occulter la nécessité d'une modernisation des infrastructures de transit en Ukraine. Un accord avait en effet été conclu en mars 2009 entre la Commission européenne et l'Ukraine sur cette modernisation, accord auquel la Russie n'avait pas été associée.
L'évolution des relations entre les deux pays pourrait modifier la situation. Vladimir Poutine a même récemment proposé une fusion de l'entreprise gazière ukrainienne Naftogaz avec Gazprom, que le gouvernement ukrainien souhaite examiner « avec prudence ».
Une révision de la législation ukrainienne sur le gaz est également nécessaire. Elle conditionne l'adhésion à la Communauté de l'énergie, qui institue un marché intégré de l'énergie entre l'Union européenne et les pays d'Europe du Sud-Est et implique l'application de l'acquis communautaire dans le domaine de l'énergie.
En ce qui concerne les relations avec la Russie, les aspects politiques sont bien évidemment très importants. La Russie est sortie du processus de ratification du traité sur la Charte de l'énergie, qui constitue le cadre de la coopération entre les pays d'Europe et les autres pays industrialisés. L'Union européenne souhaite à présent que les principes du traité soient repris dans le nouvel accord de partenariat en cours de négociation avec la Russie.
En conclusion, il faut souligner que l'attention renforcée portée à la sécurité énergétique au niveau européen constitue une évolution positive. Il est essentiel pour l'Union européenne d'améliorer les mécanismes de prévention et de gestion des crises, de développer les infrastructures mais aussi d'adopter une approche stratégique des relations avec les pays fournisseurs et de transit.
Plus globalement, les questions de sécurité énergétique amènent à s'interroger sur la capacité de l'Union européenne à mener une véritable politique commune de l'énergie, y compris vis-à-vis des pays tiers. Les possibilités ouvertes par le traité de Lisbonne créent des conditions plus favorables mais une réelle volonté politique reste bien entendu nécessaire.
La dépendance énergétique européenne s'est-elle encore alourdie, confirmant les sombres perspectives tracées par le Livre vert de 2000 qui tablait pour 20202030 sur l'importation de 70 % de nos besoins ? La stratégie européenne qui se dessine vous semble-t-elle, dans ce contexte, offrir des garanties crédibles pour un avenir proche ?
Si les progrès que vous nous décrivez sont manifestes dans la gestion et la prévention des crises d'approvisionnement, qu'en est-il de la question centrale de nos excessives dépendances à l'égard d'une zone géographique précise, l'ancienne aire soviétique, et je dirais même à l'égard d'un acteur particulier, Gazprom ? Sommes-nous prêts à tenir un discours ferme ? L'attitude de nos deux entreprises nationales sur le projet Nabucco préjuge mal de la cohérence de notre action. Je remarque en outre qu'un élément décisif de la sécurisation et de la diversification de nos approvisionnement réside dans le développement des méthaniers, qui me semblent absents de la politique européenne que vous nous avez décrite.
Si les perspectives statistiques ont peu évolué depuis 2000, tel n'est heureusement pas le cas de la politique européenne. A une stratégie souple d'objectifs non contraignants faisant la part belle aux égoïsmes nationaux a succédé, en particulier aux lendemains des crises gazières entre la Russie et l'Ukraine, une réelle prise de conscience du besoin de coordination. Aujourd'hui, l'Europe inscrit son ambition dans une entre-deux, dépassant les simples objectifs incitatifs mais n'allant pas jusqu'à prescrire des politiques entièrement intégrées. S'agissant de la question du méthane, comme celle d'ailleurs des autres énergies comme l'éolien, les choses ont peu bougé depuis notre rapport, et c'est pourquoi nous n'en parlons pas. Nous avons en effet préféré nous concentrer à ce stade sur les domaines où l'initiative repart comme, par exemple, la question de l'inversion des flux.
Je crois en effet nécessaire de concentrer aujourd'hui nos débats sur les questions porteuses d'avenir. L'élément fondamental est le changement de nature de notre dépendance énergétique. Dès lors que l'Europe demeurait le quasi unique client de la Russie, c'est d'interdépendance qu'il fallait parler. Or Gazprom poursuit résolument aujourd'hui une stratégie de diversification de ses clients, en particulier en direction de l'Asie, qui pourrait considérablement compliquer la gestion de notre dépendance. De même, les ambiguïtés de nos entreprises sur Nabucco ne sont guère de nature à rassurer. Il est vrai que la résolution des conflits entre la Russie et l'Ukraine est un vrai gage de progrès. Mais sachons anticiper sur la prochaine étape, qui pourrait être celle du contrôle des réseaux de distribution, la perspective de la Russie détenant des parts dans nos réseaux locaux de transits du gaz n'étant pas si lointaine.
Je pense néanmoins que le développement des ports méthaniers est un aspect essentiel de notre indépendance énergétique, afin de nous permettre de gérer les à-coups de l'approvisionnement gazier et de nous ouvrir à de nouveaux fournisseurs, en particulier en Amérique latine.
Le Président Pierre Lequiller. Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur exposé. La sécurité énergétique est un des fronts décisifs de l'intégration et de l'avenir européens, et cette question éminemment politique exige que notre Commission lui accorde une attention soutenue et régulière.
Dans le rapport que je vous ai présenté le 2 décembre 2009 sur les systèmes de transport intelligents je soulignais que l'intégration dans le champ de la directive de l'appel d'urgence ne doit pas conduire au transfert à l'Union européenne de l'organisation des secours d'urgence.
Dans un premier temps, la Commission européenne avait invité les Etats membres à déployer le système « eCall » de leur propre initiative, d'ici à 2009, mais la réticence d'un petit nombre d'entre eux, dont la France, a provoqué des retards. Elle vient de demander une dernière fois aux Etats membres de l'Union européenne d'accélérer la mise en oeuvre – non obligatoire – du nouveau système de communication embarqué « eCall », qui, selon elle, pourrait permettre de sauver 2 500 vies chaque année. En cas d'accident grave, ce système compose automatiquement le 112, le numéro d'appel d'urgence unique européen, et indique au service d'urgence le plus proche l'endroit où se trouve le véhicule. Ce service peut réduire de moitié, selon la Commission, le délai d'intervention des secours, limiter la gravitédes blessures et sauver la vie de personnes qui ignorent où elles se trouvent ou qui sont dans l'incapacité de parler.
Pour le moment, aucune obligation n'incombe aux pouvoirs publics, aux constructeurs automobiles ou aux opérateurs de téléphonie mobile en ce qui concerne son déploiement. Le système n'est encore devenu opérationnel dans aucun pays de l'Union européenne.
Dans un document adopté le 21 août 2009, la Commission indique que, si le déploiement du système n'est marqué par aucune avancée significative d'ici à la fin de 2009, elle pourrait proposer des mesures réglementaires visant à rendre opérationnelle le plus rapidement possible dans toute l'Europe cette technologie.
La Commission a présenté un document dans lequel elle expose sa stratégie, d'ici à 2014, pour équiper à moindres frais tous les véhicules neufs fabriqués en Europe d'un système embarqué d'appel d'urgence. Les premiers véhicules ainsi équipés seraient mis en circulation dès l'année prochaine. Le système « eCall » se déclenche automatiquement si les passagers ne peuvent le faire eux-mêmes. Les mesures proposées par la Commission garantiraient le fonctionnement du système « eCall » dans tous les Etats membres de l'Union européenne, quels que soient la marque et le pays d'origine du véhicule. La mise en oeuvre de ce système ne se fera pas sans l'entière collaboration des secteurs de l'automobile et des télécommunications, ainsi que des administrations nationales de tous les Etats membres, qui doivent veiller à ce que leurs services d'urgence possèdent l'équipement nécessaire pour traiter les appels « eCall ». Bien que la technologie soit au point et que les normes communes européennes aient été arrêtées par le secteur, six pays de l'Union européenne (le Danemark, la France, l'Irlande, la Lettonie, Malte et le Royaume-Uni) hésitent à s'engager pour des raisons financières.
Le Gouvernement français, sur cette question, pourrait être mis en minorité. Il s'oppose à la Commission, car notre pays souhaite garder son système du n° 15 qui fonctionne relativement bien et ne voit pas l'utilité du recours à un système basé sur le n° 112. Il n'y a effectivement aucune utilité sur le plan fonctionnel, mais j'ai pu mesurer, lors de son déplacement à Bruxelles, l'attachement de la Commission européenne à la symbolique représenté par le 112.
Faut-il sacrifier des crédits à la symbolique européenne alors que les services d'urgence ont d'autres priorités ? Les raisons de la réticence française sont d'abord matérielles.
Le système proposé actuellement par les constructeurs français, implique le recours à une société privée qui filtre et oriente les appels : la généralisation en France de ce système impliquerait que son financement ne repose plus sur les constructeurs automobiles mais sur les pouvoirs publics.
En outre le système « eCall » que souhaite promouvoir Bruxelles repose sur une licence américaine mise gratuitement à disposition des européens pour la fonction d'appel d'urgence mais payante pour les services associés. Nos constructeurs automobiles ont développé leur propre système. L'action européenne est légitime pour imposer des normes destinés à rendre compatibles les systèmes entre eux, mais il n'est pas acceptable que la Commission cherche à imposer le recours à un système propriétaire.
Je suis donc favorable au développement de l'« eCall » ; mais je ne le suis pas à celui de la Silicon Valley, au travers de l'obligation, pour les constructeurs automobiles, de recourir à des licences américaines.
C'est pourquoi je vous propose de soutenir la position du gouvernement français.
Puis la Commission a adopté les conclusions suivantes :
« La Commission des affaires européennes,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu l'article 207 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le déploiement de systèmes de transport intelligents dans le domaine du transport routier et d'interfaces avec d'autres modes de transport (E 4200),
1. Se félicite de l'adoption prochaine de la proposition de directive par le Parlement européen et le Conseil ;
2. Souligne qu'elle partage pleinement l'objectif de mise en oeuvre au niveau communautaire d'un système interopérable d'appels d'urgence embarqués (« eCall ») qui devra permettre des progrès en matière de sécurité routière.
3. Considère toutefois que toute décision sur les spécifications fonctionnelles et techniques du système eCall devra être précédée de nouvelles analyses d'impact et du rapport coût-bénéfice du système envisagé ;
4. Souhaite que les experts nationaux soient dûment associés à ces travaux, dans la mesure où la mise en oeuvre d'un système eCall relèverait de la responsabilité des États membres ;
5. Rappelle qu'en tant que solution unique, l'eCall paneuropéen, proposé par la Commission, a été écarté par le Conseil et le Parlement européen. La formulation adoptée par les co-législateurs permet ainsi la coexistence de systèmes interopérables, incluant les systèmes existants, conformément aux principes de l'annexe I de la proposition de directive ;
6. Réitère ses fortes réserves sur l'eCall paneuropéen, dans la mesure où la technologie retenue ne permet pas une couverture optimale du territoire de l'Union et où la Commission n'a pas donné de garantie suffisante en réponse au risque de désorganisation des services d'urgence des Etats membres. »
Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.
l Textes « actés »
Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :
Ø Environnement
- projet de règlement de la Commission modifiant les annexes II et III du règlement n° 3962005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus de certains pesticides présents dans ou sur certains produits (documentE 5273) ;
- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux comptes économiques européens de l'environnement (documentE 5276).
Ø PESC et relations extérieures
- proposition de décision du Conseil et de la Commission définissant la position à adopter par le conseil de stabilisation et d'association UE-Monténégro sur son règlement intérieur (documentE 5225).
Ø Questions fiscales
- proposition de décision d'exécution du Conseil autorisant l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche à instaurer une mesure particulière dérogeant à l'article 193 de la directive 2006112CE et modifiant la décision 2007250CE de manière à proroger la validité de l'autorisation accordée au Royaume–Uni (documentE 5283).
Ø Sécurité alimentaire
- projet de Règlement de la Commission portant modification de l'annexe II du règlement (CE) n° 8542004 du Parlement européen et du Conseil fixant les règles spécifiques d'organisation des contrôles officiels concernant les produits d'origine animale destinés à la consommation humaine (documentE 5171).
l Point B
Ø Pêche
- proposition de décision du Conseil concernant l'approbation, au nom de l'Union européenne, de certains amendements à la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest (documentE 5176).
La Commission a approuvé ce texte.
Ø Politique sociale
- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, en application du point 28 de l'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire et la bonne gestion financière (EGF2010000 TA 2010 - Assistance technique à l'initiative de la Commission) (documentE 5284).
Après l'intervention de M. Michel Herbillon, rapporteur, la Commission a approuvé ce texte.
l Procédure d'examen en urgence
La Commission a pris acte de l'approbation, selon la procédure d'examen en urgence, des textes suivants :
- projet de règlement (UE) de la Commission concernant les exigences pour la réception des dispositifs de dégivrage et de désembuage du pare-brise de certains véhicules à moteur et mettant en oeuvre le règlement (CE) n° 6612009 du Parlement européen et du Conseil concernant les prescriptions pour l'homologation relatives à la sécurité générale des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, composants et entités techniques distinctes qui leur sont destinés (documentE 5272) ;
- recommandation de décision du Conseil relative à la désignation des Capitales européennes de la culture 2014 (documentE 5280).
l Accords tacites de la Commission
En application de la procédure adoptée par la Commission les 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :
- décision du Conseil portant nomination des membres titulaires et des membres suppléants du conseil d'administration de l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes (documentE 5286) ;
- décision du Conseil portant nomination d'un membre du conseil d'administration de l'Agence européenne des produits chimiques (documentE 5287) ;
- proposition de virement de crédits n° DEC102010 - Section III - Commission - Budget général - Exercice 2010 (documentE 5296) ;
- décision du Conseil modifiant l'action commune 2005889PESC établissant une mission de l'Union européenne d'assistance à la frontière au point de passage de Rafah (EU BAM Rafah) (documentE 5306) ;
- projet de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1942008 du Conseil renouvelant et renforçant les mesures restrictives instituées à l'encontre de la Birmaniedu Myanmar (documentE 5307).
Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Commission a nommé rapporteurs d'information :
- MM. André Schneider et Philippe Tourtelier sur « Les enjeux de sécurité du changement climatique ».
La séance est levée à 17 h 45.