Audition de Mme Nadine Morano, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, chargée de la famille et de la solidarité.
La séance est ouverte à dix-huit heures cinq
Nous recevons aujourd'hui Mme Nadine Morano, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, chargée de la famille et de la solidarité. Madame la secrétaire d'État, je souhaiterais que, comme la Garde des sceaux la semaine dernière, vous nous fassiez part de vos appréciations sur la proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes. Nous souhaitons en particulier connaître votre opinion sur les dispositions que nous proposons en matière de prévention des mariages forcés, de violences psychologiques, ainsi que de droits de visite et de garde, susceptibles ou non d'être reconnus à un conjoint violent.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j'accueille de façon très favorable les dispositions de cette proposition de loi. Face aux violences faites aux femmes, notre attitude doit être implacable. De plus, pour l'avoir vécu en tant que parlementaire, je pense qu'élaborer une proposition de loi qui transcende les clivages politiques est la meilleure façon d'aborder politiquement un sujet aussi grave et d'aboutir à des améliorations concrètes.
Vous connaissez les chiffres ; ils ont guidé votre action. 157 femmes sont mortes sous les coups de leur compagnon l'année dernière, soit 20 % des meurtres commis dans notre pays. Une femme meurt ainsi tous les deux jours et demi. Les violences conjugales sont un fléau dévastateur, indifférent aux catégories sociales, à l'âge ou à la géographie.
Le 14 janvier, une femme a été assassinée à coups de marteau à Marseille. Deux jours plus tôt, une autre l'avait été à coups de tabouret et, peu après, une autre encore a été tuée de 19 coups de couteau par son compagnon. Aujourd'hui, une dépêche de l'AFP fait état d'un meurtre semblable, à l'arme blanche. Ces drames ont longtemps été cantonnés dans la rubrique « faits divers » de la presse quotidienne régionale. Cela explique qu'aujourd'hui, nous devons faire prendre à nos concitoyens toute la mesure de la gravité de cette réalité.
La cause des femmes, c'est le combat de la dignité contre l'injustice, un enjeu de civilisation et une lutte universelle. Face à cette violence qui se tapit dans l'intimité, face à la souffrance physique et psychique, si souvent vécue dans la honte par la victime, notre nation se doit d'être implacable.
Mesdames et messieurs les députés, de quelque bord que vous soyez, vous vous êtes mobilisés pour dire non à ces injures permanentes à notre pacte républicain et à l'égalité entre les hommes et les femmes. Je tiens à saluer le remarquable travail de la mission de l'Assemblée nationale présidée par Danielle Bousquet et dont Guy Geoffroy a été le rapporteur. Elle nous permet d'apporter une réponse à la hauteur de l'enjeu.
D'ores et déjà, de nombreux progrès ont été accomplis grâce à la mobilisation de l'ensemble des acteurs, dans le cadre du deuxième plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes.
Afin de créer un véritable parcours d'orientation pour les femmes victimes de violences, et conformément au souhait du Premier ministre, 36 « référents violence », interlocuteurs uniques et de proximité des femmes victimes, ont été désignés dans 32 départements. Dix le seront très prochainement dans dix autres départements. Cet effort sera poursuivi et accéléré pour atteindre l'objectif d'un « référent violence » par département d'ici à la fin du premier semestre de 2010.
Autre élément important, les moyens de la plate-forme d'écoute téléphonique du 3919 ont été renforcés et permettent désormais de répondre à environ 80 000 appels par an.
Les efforts de création de places en CHRS (centre d'hébergement et de réinsertion sociale) ont été poursuivis. Désormais, sur 36 000 places, plus de 12 000 sont consacrées à l'accueil d'urgence des femmes victimes de violences.
Afin de sensibiliser le grand public, une campagne de communication a été lancée dès le 2 octobre 2008. Des spots ont été diffusés à la télévision, et un site Internet gouvernemental ouvert. Mais, parce qu'une grande civilisation se reconnaît aussi au sort qu'elle réserve aux femmes, le Premier ministre, à l'occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre dernier, a annoncé que ce combat serait érigé au rang de grande cause nationale pour 2010.
Cette année doit être un temps d'intense mobilisation pour progresser sur plusieurs fronts. Nous devons mieux sensibiliser nos concitoyens à ces violences. Elles ne doivent plus être vécues dans la culpabilité ; souvent, c'est le silence qui tue. À cette fin, des campagnes de communication seront lancées, des réunions d'information organisées à travers tout le territoire, et le numéro d'appel des victimes – le 3919 – encore renforcé. Des outils spécifiques seront également mis en place ; je pense notamment à une plaquette d'information destinée aux bénéficiaires du contrat d'accueil et d'intégration. Mon objectif étant d'arriver à sensibiliser l'ensemble d'une classe d'âge, j'ai aussi tenu à ce qu'une plaquette d'information soit aussi diffusée lors de la journée d'appel et de préparation à la défense.
Nous devons également – c'est l'objet de votre proposition de loi – renforcer notre arsenal juridique pour mieux protéger la victime. Le texte que vous soumettrez pour examen au Parlement comporte des avancées majeures. J'y suis favorable, comme je l'ai d'ailleurs déjà dit lors des questions d'actualité.
En matière civile, le référé-protection que vous proposez permettra aux femmes en situation de danger de bénéficier sans délai de mesures de protection, indépendamment du dépôt de la plainte ou en amont de celui-ci. L'extension aux personnes liées par un pacte civil de solidarité et aux concubins de la procédure d'éviction de l'auteur de violences, actuellement applicable aux seuls conjoints mariés, mettra un terme à des inégalités absurdes au regard de la réalité de notre société.
En matière pénale, l'introduction, à l'image de ce qui existe déjà en droit du travail, d'un délit de violences psychologiques au sein du couple constitue une avancée considérable. Elle permettra de tenir compte de ces violences si sournoises et pourtant si douloureuses et destructrices. Il reviendra au juge de les apprécier en se fondant sur des éléments constitutifs de preuves, qui ne manquent pas : courriels, appels, SMS, témoignages…
L'encadrement pénal du mariage forcé, cette atteinte intolérable à la liberté des femmes, nous permettra de donner enfin une réponse collective à ces pratiques. Un autre point qui me semble tout à fait pertinent est la suppression de la présomption du consentement des époux à l'acte sexuel : même dans un couple, la femme a le droit de dire non.
En matière de prévention des violences, je veux tout particulièrement saluer les dispositions en faveur d'une formation systématique des professionnels susceptibles d'avoir à traiter des situations de violence au sein du couple, et en faveur de la prévention des violences sexistes dans les médias. L'interdiction d'inciter aux préjugés sexistes au cours des émissions pour la jeunesse permettra la diffusion d'une culture plus respectueuse de l'égalité des genres. Enfin, grâce à la création d'un Observatoire national des violences faites aux femmes, nous aurons une vue exhaustive des évolutions.
D'autres actions sont possibles : comment est-il possible qu'aucune disposition ne permette de condamner les formidables incitations à la violence envers les femmes contenues dans les chansons composées par Orelsan ?
Afin d'être encore plus efficace, le texte que vous avez élaboré pourrait être complété.
La prévention de la récidive doit faire l'objet de tous nos efforts. À l'exemple de l'Espagne, je souhaite qu'on expérimente un dispositif de surveillance électronique, destiné à contrôler l'effectivité de la mesure d'éloignement du conjoint violent, soit dans le cadre des alternatives aux poursuites, soit dans celui des obligations complémentaires de la peine d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve. Votre proposition pourrait faire l'objet d'un amendement du Gouvernement allant en ce sens.
Lutter contre les violences faites aux femmes, c'est aussi combattre les stéréotypes. C'est pourquoi j'ai demandé à la commission sur l'image des femmes dans les médias, présidée par Mme Michèle Reiser, de poursuivre ses travaux pour proposer une méthodologie et des grilles d'indicateurs à partir desquelles les médias élaboreront des feuilles de route. Ces travaux seront présentés en mars 2010.
Madame la présidente, vous avez évoqué le droit de garde des parents en cas de violences. À mon sens, il faut laisser le juge apprécier les situations au cas par cas. Des examens psychologiques préalables doivent lui permettre d'éclairer sa décision soit d'accorder un droit de garde, soit, au contraire, de déchoir le conjoint violent de l'autorité parentale.
Des conjoints violentent leur femme devant leurs enfants, ce qui a sur ceux-ci des répercussions dramatiques. Avec le groupement d'intérêt public « Enfance en danger », nous allons étendre le champ couvert par le numéro de téléphone 119, de l'enfance en danger aux familles en détresse.
Par ailleurs, des hommes qui ne supportent pas la séparation peuvent en arriver à éliminer l'ensemble de leur famille. Un maire de ma circonscription a ainsi tué ses trois enfants avant de se donner la mort. Au cours de l'instruction, il est apparu que sa femme avait quitté le domicile conjugal et demandé le divorce parce qu'il la battait. Inversement, l'auteur d'un crime passionnel – qui avait tué son épouse sans avoir exercé auparavant de violences sur elle – a continué d'entretenir, au cours de son emprisonnement, des relations très étroites avec ses enfants. Il avait pleinement reconnu sa culpabilité. La question du maintien ou non de l'autorité parentale mérite donc un débat spécifique.
Je vous suis reconnaissant, madame la secrétaire d'État, d'avoir confirmé que le Gouvernement désirait voir prospérer cette initiative parlementaire. C'est pour nous un motif de satisfaction et cela nous conforte dans notre volonté d'aller au bout de cette entreprise. Nous souhaitons parvenir à l'établissement d'un ensemble cohérent de propositions et à la mise en place des éléments législatifs nécessaires au traitement de la question, tant en droit civil qu'en droit pénal.
Je souhaite évoquer plus particulièrement trois points.
Le premier concerne le mode d'action futur du Gouvernement sur ce sujet.
Nous avons écarté l'adoption d'une loi-cadre dans un souci d'efficacité concrète, car en droit français, le domaine de la loi est bien défini. Les dispositions qui pourraient entrer dans ce qui a été appelé une « loi-cadre » serait en réalité constitué à la fois d'éléments législatifs et réglementaires, mais aussi d'éléments tenant à l'action concrète des pouvoirs publics. Nous débordons là le champ de la loi. Pour cette raison, notre mission a préféré un « dispositif-cadre ». En effet, même si notre proposition de loi est déjà très ambitieuse, l'ambition de notre mission ne s'y limite pas.
Comment le Gouvernement qui a décidé de faire de la lutte contre la violence envers les femmes une grande cause nationale en 2010, compte-t-il mettre en place un « dispositif-cadre » qui reprenne le plus grand nombre possible des propositions du rapport de notre mission ? Comment y associera-t-il le Parlement ? Quelle méthode envisage-t-il pour annoncer le plus rapidement possible un corpus de dispositions, législatives et réglementaires, et de bonnes pratiques publiques, et en organiser la déclinaison sur le territoire ? Nous entendons vérifier la mise en oeuvre des dispositions de ce dispositif-cadre que nous appelons de nos voeux et dont personne, ni au Gouvernement ni ailleurs, n'a contesté la nécessité. Je souhaiterais avoir des indications sur vos orientations et sur la dynamique que vous entendez susciter.
Le deuxième est relatif à l'expérimentation d'un dispositif semblable à celui pratiqué avec succès en Espagne.
Chacun s'accorde à dire que le téléphone prêté à la victime la protège réellement et qu'à l'instar de l'ordonnance de protection que nous avons prévu d'instaurer, lui permet d'engager une démarche la conduisant à « passer à l'acte », en faisant connaître les violences. De même, imposer le port du bracelet à la personne violente apparaît comme une bonne chose.
Outre sa vision politique et philosophique très claire, j'ai été très sensible à la détermination de la ministre espagnole à apporter des réponses concrètes à chaque étape du parcours de la victime vers une reconquête de son identité. Je suis donc très intéressé par l'amendement que le Gouvernement va nous présenter, et prêt à défendre son adoption.
Enfin, madame la secrétaire d'État, il est clair que la question de l'autorité parentale ne doit pas être écartée de nos propositions. Si refuser le maintien du lien entre un père et ses enfants serait absurde, qu'il soit possible d'être en même temps un mari violent et un bon père est une idée que nous combattons fermement. Pour cette raison, notre proposition de loi précise les conditions dans lesquelles le juge pénal pourra éventuellement décider, dans les cas extrêmes, de la privation de l'autorité parentale. Nous avons cependant été sensibles à la remarque de la Chancellerie selon laquelle, dans ce dernier cas, le décès éventuel de la mère pourra rendre les enfants adoptables. Cette position pouvant ne pas leur être favorable, le choix de la délégation de l'autorité parentale permettra au juge de se saisir de la situation.
Je remercie notre présidente pour sa sensibilité sur ce point. Nous souhaitons tous proposer un dispositif, non pas systématique, mais qui permette au juge de prendre toutes les dispositions appropriées dans l'intérêt de l'enfant, que notre texte reconnaît comme une victime directe, collatérale ou potentielle de toutes les violences que peut subir la mère.
Merci à notre collègue Guy Geoffroy d'avoir abordé la question de la responsabilité, à l'égard de ses enfants, du parent auteur de violences sur sa compagne. Même s'ils ne sont pas frappés eux-mêmes, les enfants sont des victimes directes. Le lien biologique que notre société a tendance à mettre systématiquement en avant aujourd'hui, ne doit pas faire oublier le respect qui leur est dû.
Effectivement la référence à la loi-cadre espagnole n'est pas pertinente ici : la législation de ce pays était très en retard, alors que notre arsenal législatif est déjà suffisamment fourni pour ne pas avoir à recourir à une telle procédure.
Par respect pour le travail du Parlement, plutôt que de reprendre les propositions de la mission d'information dans un projet de loi en les complétant, j'ai préféré que nous partions de votre proposition de loi, quitte à l'enrichir d'amendements du Gouvernement – sur le bracelet électronique, par exemple. Il n'y a pas de meilleur message à adresser que cette mobilisation de la représentation nationale.
Je comprends bien votre souhait d'être informés des dispositifs d'application que le Gouvernement va arrêter et d'exercer un suivi du travail mené. Pour cela, nous pourrions, en 2010 année de la grande cause nationale, faire régulièrement, le point de notre action devant vous. Nous pourrions aussi vous associer à notre travail de communication. Le collectif prépare actuellement un spot télévisé qui sera diffusé gratuitement sur les chaînes nationales. Un autre, qui montre les répercussions de ces violences sur les enfants, a déjà été, diffusé, le 25 novembre. Nous vous le transmettrons. Nous souhaitons que ce message adressé aux pères violents soit vu par un public aussi large que possible et peut-être pourriez-vous installer cette vidéo sur vos sites Internet...
Enfin, en désignant des représentants de la majorité et de l'opposition auprès de l'Observatoire national des violences envers les femmes vous pourriez suivre la prise en compte de vos travaux au-delà de l'année 2010.
Je partage tout à fait votre opinion sur l'autorité parentale, je l'ai dit et je n'y reviens donc pas.
Comment se présente le dispositif espagnol ? Le bracelet électronique est un instrument imparable : il est impossible de l'enlever sans déclencher de sonnerie. La femme est munie d'un boîtier. Si son conjoint s'approche à moins de 400 mètres d'elle, une alarme se déclenche. Elle peut alors se mettre à l'abri en attendant l'arrivée des policiers, alertés de même. C'est ainsi une surveillance du conjoint violent 24 heures sur 24, sept jours sur sept, qui est assurée. Pour celui-ci, l'effet est absolument dissuasif.
Il y a, par ailleurs, un dispositif qui repose sur des téléphones de sécurité, prêtés pour une durée déterminée. Ce dispositif est assorti d'un accompagnement social effectué par un centre d'écoute, que gère la Croix-Rouge. Si la femme ne se manifeste pas, ils l'appellent systématiquement tous les quinze jours.
Le dispositif comprend aussi une aide au déménagement. À Toulon, nous avons pu constater que des victimes qui s'étaient installées hors de la région, en laissant leur ex-conjoint dans l'ignorance de leur adresse – elles n'avaient fourni qu'une boîte postale – avaient plus facilement réussi à se reconstruire : il ne pouvait plus les retrouver !
Je voudrais ajouter que j'ai constaté une extrême dilution des crédits destinés au suivi des conjoints violents. Ils dépendent des budgets de la justice, de la santé, et, pour un modeste montant de 110 000 euros, de mon département. Le ministère chargé de la santé lui-même n'a pas constitué de programme clairement identifié. Violence conjugale et alcoolisme étant assez souvent – pas toujours – liés, une partie des crédits relève de la lutte contre l'alcoolisme. D'autres concernent des consultations médicales de suivi, effectuées à la demande du juge… Il est essentiel de remédier à cette dilution, qui nous empêche d'évaluer les résultats de nos actions.
Nous allons également lancer dès cette année une opération de labellisation des centres de prise en charge des conjoints violents. Nous avons besoin de programmes clairement dédiés pour nous aider à analyser l'évolution de ces hommes et, par exemple, à évaluer les taux de récidive.
Enfin, nous allons réaliser une étude budgétaire sur la remise de téléphones de sécurité.
Toutes les associations qui accompagnent les hommes auteurs de violences ont souligné l'absence de suivi dans le financement des programmes, et la nécessité où elles se trouvaient de ne recourir pratiquement qu'à des bénévoles, faute de tout dispositif institutionnel. Or, nous en sommes tous convaincus, le travail avec les hommes auteurs de violences est un outil de lutte contre la récidive au moins aussi puissant que le bracelet électronique.
Il me paraît difficile qu'un homme qui bat sa femme puisse être un bon père. Le sanctionner en l'éloignant d'eux peut l'inciter à réfléchir. La sanction pourrait aussi permettre à ces enfants de prendre conscience de la gravité de tels comportements et éviter, comme cela arrive, qu'ils ne les reproduisent ensuite.
Pendant les travaux de cette mission, nous avons été en particulier marqués par les propos de Mme Marie-France Hirigoyen, psychiatre, sur la perversité. Même si la décision appartient au juge, ne pas laisser ses enfants à un homme coupable de violences envers sa femme devrait faire partie de la sanction. Les séquelles que ces comportements entraînent sont trop graves.
Enfin, l'accompagnement des auteurs de violences est essentiel. Nous avons assisté la semaine dernière à la projection du film « Ne dis rien ». Nous avons pu constater aussi – c'est terrible à dire – la douleur que peuvent ressentir des hommes violents.
Je me félicite moi aussi que le Gouvernement ait préféré partir du travail de la Mission d'information plutôt que déposer un projet de loi, et ce d'autant que l'élaboration de la proposition de loi a été pour nous un lourd travail, pendant de longs mois, et qu'elle a rassemblé, ce qui n'est pas si courant, l'ensemble des composantes politiques de l'Assemblée.
Madame la secrétaire d'État, aussi positive qu'elle soit, la diffusion d'une plaquette d'information pendant la JAPD viendra sans doute un peu tard car c'est à de jeunes majeurs qu'elle va s'adresser. Le dispositif-cadre tend à faire commencer la prévention plus précocement. Quelles actions envisagez-vous, dès le collège, ou même avant, pour lutter contre les stéréotypes de sexe, promouvoir le respect des petites filles, et répondre à la violence ? Si, aux termes de la Constitution, de telles dispositions ne sont pas de nature législative, travailler contre la violence est essentiel : elle commence parfois dès la classe de CM2.
Dès l'école maternelle.
Ensuite, comment envisagez-vous de renforcer la formation des différents intervenants, qu'ils soient policiers, gendarmes, magistrats ou travailleurs sociaux ? Aujourd'hui, même s'il existe des équipes très conscientes et bien formées, un changement d'équipe peut entraîner la perte de tout un acquis.
Enfin, nous en sommes d'accord, la suspension ou le retrait de l'autorité parentale ne sauraient être automatiques, mais doivent relever de décisions prises au cas par cas par le juge. Il reste que, même si celui-ci peut tenir compte de la violence au sein du couple, ce critère ne figure pas dans le code civil. Ce serait laisser une faille dans le dispositif que ne pas l'y introduire par voie amendement.
J'aimerais revenir sur les victimes des violences, spécialement sur les enfants. Je connais le cas douloureux d'une petite fille qui, à l'âge de deux ans, a assisté au meurtre de sa mère par son père. Les grands-parents ont dû procéder à une double adoption pour qu'à sa sortie de prison, celui-ci ne puisse avoir aucun droit de regard sur cette enfant, qu'il voulait garder auprès de lui jusqu'à sa majorité. On imagine tous ce que cela entraîne de dévastations psychologiques. Il faudra faire très attention aux dispositions que nous allons adopter et à la manière dont elles seront appliquées. Pour moi, un meurtrier reste un meurtrier et lui laisser l'enfant comporte pour celui-ci de graves risques. Un enfant doit grandir dans les meilleures conditions possibles et pouvoir construire sa personnalité dans la sérénité. Merci, madame la secrétaire d'État, de prendre en compte ce problème.
Nous avons tous en tête de tels exemples. Il nous faudra être très prudents sur la façon dont les textes seront rédigés. Mais il s'agit toujours de cas très particuliers et il faudra laisser au juge une marge d'appréciation. Vous avez dit qu'un meurtrier restait un meurtrier. Mais dans quelles circonstances est-il devenu meurtrier ? Est-ce qu'un homme – ou une femme – qui a commis un meurtre doit être condamné à perpétuité à être séparé de ses enfants ? Ce sera au juge, au regard de la situation, d'apprécier si le parent concerné doit être ou non en contact avec l'enfant, s'il doit être accompagné ou non à cette occasion, et de décider d'une éventuelle délégation d'autorité parentale.
Une fois que la loi sera votée, nous aurons à faire un effort très important d'information et de communication. Il nous faudra mettre en oeuvre des dispositifs annexes. Je pense notamment à l'accompagnement des conjoints violents, sur lequel nous aurons à travailler sérieusement.
Madame Billard, merci pour vos propos. Puisque vous avez insisté sur la nécessité de sensibiliser précocement les enfants, je vous indique que l'éducation nationale a signé une convention sur la lutte contre les stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires. Au cours de cette année 2010, il faudra mobiliser sur ce thème les nombreux publics concernés : les parents, l'éducation nationale et les pouvoirs publics, ainsi que les associations familiales.
J'ai tenu à diffuser, à l'occasion de la JAPD, une plaquette pour toucher l'ensemble d'une classe d'âge. Mais je suis de votre avis : il faut convaincre l'ensemble de la société qu'on ne doit pas lever la main sur une femme. C'est pourquoi nous avons prévu aussi de distribuer un guide aux primo-arrivants pour leur faire savoir qu'en France on est intraitable sur ces sujets.
Je voudrais appeler votre attention sur le rôle de l'Internet dans la propagation des images violentes. Un seul clic et les jeunes ont accès, par exemple, à des scènes pornographiques dans lesquelles des femmes sont traitées d'une façon qui fait frémir. Il faudra bien un jour se préoccuper de réguler au niveau international un tel outil. Mais les programmes de télévision véhiculent aussi des scènes de violence. Sans compter les jeux violents, contre lesquels il convient de lutter !
Le Président de la République m'a chargée d'organiser les États généraux de l'enfance, ce que je ferai très prochainement. J'ouvrirai à cette occasion un atelier spécifique sur les jeux dangereux – jeu du foulard et jeux diffusés. La violence pratiquée entre garçons favorise la pratique de la violence des garçons contre les filles.
Madame Quéré, les violences psychologiques sont en effet encore plus insidieuses que les violences physiques. J'ai entendu certaines femmes, détruites psychologiquement, me dire qu'elles avaient peur de quitter leur conjoint parce que le monde extérieur leur paraissait encore plus terrifiant. L'introduction de la notion de violences psychologiques dans cette proposition de loi me semble essentielle.
Mais il existe une autre forme de violence psychologique, exercée cette fois sur les enfants par l'un des parents, pour atteindre l'autre : l'aliénation parentale. Ce problème avait été évoqué par la mission d'information parlementaire sur les droits de l'enfant et de la famille, à laquelle j'avais participé. Est-on un bon père ou une bonne mère quand on se sert de l'enfant pour atteindre l'autre parent ? L'aliénation parentale fait des dégâts énormes chez les enfants. J'ai été très intéressée par le dispositif mis au point au Québec pour combattre de tels comportements. On y a en particulier développé, bien plus que nous ne l'avons fait, la médiation familiale. En intervenant précocement, on peut résoudre plus facilement les problèmes et on évite des situations dramatiques qui débouchent parfois sur des meurtres d'enfants ou de conjoints. Il faudrait donc suivre cet exemple.
Je m'en réjouis, mais je me permets de vous rappeler qu'en 1982 déjà, Yvette Roudy avait signé une convention similaire contre les stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires. Or l'état des manuels scolaires est toujours à peu près le même. Je souhaite vraiment qu'un tel travail, qui est très important, puisse être mené à bien.
S'agissant de l'Internet, auquel nos jeunes consacrent effectivement beaucoup de temps mais qui ignore les frontières, il est difficile d'intervenir efficacement. Il n'en est pas de même, en revanche, pour ce qui est des jeux dont certains constituent de véritables incitations à la violence, notamment à l'encontre des filles et des femmes.
La volonté de la Mission est d'aboutir à un outil législatif capable de protéger les femmes victimes de violences. Il ressort des quelque quatre-vingts auditions que nous avons menées et des rencontres que j'ai pu faire dans mon département que la police comme la gendarmerie ont accompli un travail colossal. Mais nous ne sommes pas sûrs de la volonté des parquets, dont l'attitude peut varier d'un endroit à l'autre.
Il y a quelques jours, toujours à Marseille, un homme a tué sa femme à coups de marteau. On n'avait pas su résoudre en amont les problèmes que connaissait cette famille, par exemple en trouvant un appartement à cette femme pour lui permettre de partir. On peut toujours instituer un système de surveillance électronique, un dispositif d'accompagnement téléphonique, mais il me semble que le vrai problème tient au manque de volonté du milieu judiciaire. Il faudrait inciter les parquets à aller jusqu'au bout, à prendre en considération les plaintes afin d'assurer la meilleure protection possible à la femme victime de violences.
Madame la secrétaire d'État, vous nous avez indiqué que vous souhaitiez introduire dans la loi un dispositif de surveillance électronique par bracelet. En Espagne, ce dispositif couplé avec une veille téléphonique, est placé sous la responsabilité de la Croix-Rouge...
Non : sous celle des services de la justice qui s'en remettent, sur le plan technique, à l'entreprise Securitas, qui est leur prestataire. Le dispositif téléphonique et l'accompagnement social sont en revanche pris en charge par la Croix-Rouge.
Je signale qu'en Seine-Saint-Denis, grâce à un partenariat, a été mis en place un dispositif téléphonique, qui donne déjà de très bons résultats.
L'ordonnance de protection est la disposition phare de cette proposition de loi. Cependant, des questions très concrètes vont se poser une fois qu'une telle ordonnance aura été prise. Ainsi la femme co-titulaire d'un bail sera déliée de son obligation de contribuer au loyer du domicile qu'elle quittera, mais il lui faudra bien se reloger. Vos services ne pourraient-ils favoriser des accords interbailleurs, en sorte qu'elle puisse retrouver rapidement un logement adapté à sa nouvelle situation, sachant que la validité de l'ordonnance n'est que de quatre mois au plus ?
Par ailleurs, cette femme risque de rencontrer des problèmes financiers : avez-vous l'intention de renforcer le fonds de solidarité pour le logement ? Sinon, la charge risque de retomber, soit sur les bailleurs, soit sur les collectivités territoriales qui gèrent le FSL.
La proposition de loi ne traite pas le cas des femmes copropriétaires qui auraient un emprunt en cours. Pensez-vous qu'il serait possible de les délier de leurs obligations de remboursement pendant un certain temps, afin qu'elles puissent assumer les frais d'un nouveau logement ?
La création d'un Observatoire national sera une bonne chose, mais vos services ne pourraient-ils inciter à la création d'observatoires départementaux qui permettraient aux professionnels d'échanger entre eux et de créer des réseaux, à l'instar des réseaux ville-hôpital constitués au bénéfice des malades du sida ?
Enfin, la proposition de loi précise que l'ordonnance de protection peut être sollicitée dans un commissariat. Mais on sait bien que, dans les commissariats, l'écoute n'est pas toujours optimale. D'où la nécessité d'y affecter des intervenants sociaux. Votre ministère peut-il travailler en ce sens ? Et qui financera ces postes ?
Monsieur Jibrayel, j'ai constaté comme vous une amélioration de l'accueil dans les commissariats, surtout depuis la mise en place du numéro d'appel téléphonique 3919 et depuis toutes les campagnes de communication qui ont encouragé les femmes à en franchir le seuil. Quant aux parquets, je ferai part de vos observations à Michèle Alliot-Marie, car cela est de sa compétence. Le dispositif du référé-protection devrait en tout état de cause inciter les parquets à être plus réactifs.
Madame Lacuey, notre priorité ira au dispositif du bracelet électronique. Cela étant, le téléphone de sécurité mis au point en Espagne – qui diffère de celui qui a été expérimenté à Bobigny –, couplé avec un accompagnement social, nous a semblé très intéressant et il m'a paru utile de commander une expertise, à la fois financière et technique sur ce dispositif.
Monsieur Goldberg, de nombreuses communes disposent d'appartements d'urgence qui peuvent accueillir les femmes victimes de violences. Par ailleurs, sur l'ensemble des places dédiées en CHRS, 12 000 leur sont consacrées. Le juge pourra donc apprécier, au cas par cas, la meilleure façon d'assurer un logement à la personne concernée.
Vous souhaitez des observatoires départementaux. Mais il existe déjà, depuis juillet 2006, des conseils départementaux de prévention de la délinquance, d'aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes – les CDPD. On en compte à peu près 90, soit presque un par département. Des commissions restreintes, plus souples, ont également été installées. Il y en a 80 environ, qui sont spécialement dédiées aux violences faites aux femmes.
S'il est légitime que la proposition de loi délie la femme qui quitte son domicile de l'obligation de contribuer au loyer, il serait très compliqué d'imaginer une disposition analogue s'agissant du remboursement d'un emprunt.
Des accompagnements financiers annexes sont possibles, notamment venant des CCAS. L'Espagne, quant à elle, a institué un dispositif d'aide au déménagement pour les femmes victimes de violences, pour leur permettre de s'éloigner et de commencer une nouvelle vie.
C'est en effet une mesure à laquelle on pourrait réfléchir, en commençant par une expertise financière.
Nous souhaitons tous que l'on mène une politique de prévention dans les écoles, dès le plus jeune âge, pour que les garçons cessent de frapper les filles. Mais un enfant ne va-t-il pas vivre dans une dichotomie totale si, à la maison, son père frappe sa mère ? Comment lui faire prendre conscience que ce modèle familial n'est ni normal ni acceptable, sans faire ingérence dans la famille ?
L'article 3 met en avant l'intérêt de l'enfant. C'est au juge de l'apprécier, avec l'aide des travailleurs sociaux et des psychologues. Mais il ne faut pas que l'enfant soit instrumentalisé et devienne une arme « anti-récidive » à l'encontre du père. On ne peut pas priver un père violent de son enfant. Même s'il est un meurtrier, il n'en reste pas moins le père – je veux le rappeler, quitte à choquer.
L'article 11 traite de la formation, initiale et continue, de tous les intervenants. Or, dans les prisons, les moyens sont loin d'être en place pour faire comprendre le sens de la peine. Des détenus ne saisissent pas pourquoi ils ont été condamnés pour avoir frappé leur femme. C'était en quelque sorte une récidive annoncée. Un effort s'impose donc en la matière.
Je suis élu d'un territoire frontalier de la Belgique. Si, dans un couple franco-belge, la femme française porte plainte à la suite de violences et que son mari retourne en Belgique, il est très difficile de parvenir à le juger. De telles situations arrivent assez fréquemment. Peut-être faudrait-il harmoniser les textes relatifs aux poursuites.
Je ne pense pas qu'on puisse renoncer à intervenir dans le cas des emprunts immobiliers : il arrive que des femmes se soient portées cautions et, lorsqu'ils ne parviennent pas à se faire rembourser par le mari, les organismes financiers se retournent contre elle, qui se retrouve une seconde fois victime…
Un enfant témoin de violences est complètement traumatisé et toutes ses relations sont affectées. Avez-vous envisagé un accompagnement systématique pour ceux qui sont dans ce cas ?
Enfin, on ne saurait trop insister sur l'importance de la communication, en appui à cette loi. À l'adresse des enfants et en procédant aux adaptations nécessaires, il faut répéter le message – à l'école, mais aussi à la télévision, outil probablement le plus adapté pour soutenir le travail mené par les enseignants, de la maternelle jusqu'au collège et au lycée.
Il faut d'autant plus parler de l'enfant que la moitié des violences conjugales commencent pendant la grossesse. On pourrait croire que, dans une société qui devient de plus en plus cultivée et civilisée, les violences faites aux femmes diminuent. Malheureusement, c'est le contraire qui se produit. Quand ils grandissent, les garçons sont très désemparés face à des femmes qui ont l'air d'être indépendantes, qui font des études, peuvent gagner leur vie, attendent des bébés. Ayant du mal à trouver leur place, ils peuvent devenir violents. Les femmes, de leur côté, ont du mal à réagir face à cette violence. Leur fragilité tient à deux causes : leur fréquente dépendance financière, et la présence d'enfants dont elles peuvent craindre qu'ils ne soient placés si elles venaient à porter plainte. C'est en effet ce qui risque de se produire lorsque les plaintes émanent à la fois de la femme et du mari.
L'écoute de la femme est une question cruciale. Or on disqualifie souvent sa parole, de la même façon qu'on disqualifie la parole de l'enfant. À condition de respecter des conditions extrêmement précises, on peut se former à cette écoute et déceler la vérité du propos. Le dispositif du bracelet électronique constituera un progrès important, mais il ne pourra être utilisé qu'après le jugement, alors que l'écoute intervient en amont. Comment faire pour dépister à temps toutes ces femmes qui n'osent rien dire parce qu'elles risquent de se retrouver à la rue, voire accusées d'abandon du domicile conjugal ?
Les associations nous ont dit leur crainte que l'introduction de la notion de violence psychologique ne fournisse au conjoint violent une arme facile à utiliser, qu'il pourrait tourner contre sa victime. Ces associations nous ont donc mis en garde.
Enfin, on parle beaucoup d'éducation sexuelle à l'école. Mais l'éducation à la parentalité est également très importante. On devrait demander aux mairies de l'organiser, avec le secours peut-être d'associations, à l'occasion d'une préparation au PACS et au mariage.
Madame Lemorton, vous avez parlé du nécessaire accompagnement des hommes violents dans les prisons. J'ai donc pris bonne note de votre remarque. Il est exact que l'on n'a pas vraiment de programmes à cet effet, en raison de la dispersion des actions entre le ministère de la santé, celui de la justice et mon secrétariat d'État. Un tel accompagnement serait utile : il permettrait une prise de conscience et contribuerait à éviter la récidive.
Monsieur Pérat, pour le cas des couples binationaux, il existe un mandat européen. La France a des moyens d'agir avec l'ensemble de ses partenaires en matière judiciaire.
Vous avez dit qu'il faudrait développer la communication, afin de faire connaître la future loi. Cela relèvera des pouvoirs publics, mais j'espère aussi que les membres de la mission communiqueront beaucoup, au cours de cette année, sur leur travail.
Vous avez insisté sur l'accompagnement psychologique des victimes, et en particulier des enfants. En cas de violences faites aux femmes, lorsque le juge aura pris la mesure de la situation et pris, éventuellement, un référé-protection, je me demande s'il ne pourrait pas systématiquement demander, ou du moins conseiller, que les enfants bénéficient d'un tel accompagnement, ou en tout cas de la visite d'un médecin.
En l'état actuel du droit, au sein d'un couple, le père – ou la mère – peut s'opposer à un suivi psychologique.
L'accord des deux parents est en effet nécessaire. Peut-être la loi pourrait-elle disposer que ce suivi ne nécessitera l'accord que d'un seul parent, ou qu'il sera décidé par le juge.
Madame Antier, vous avez soulevé le problème des violences commises au moment de la grossesse. Lors des États généraux de l'enfance qui vont se tenir très prochainement, nous mettrons en place des ateliers sur la périnatalité et, dans ce cadre, nous ferons des propositions qui viendront compléter cette loi contre les violences faites aux femmes.
Pour réussir, il faut agir de manière globale et s'occuper aussi bien des femmes que des enfants, des mariés comme des pacsés.
Des associations émettent des réserves, avez-vous dit, sur la notion de violences psychologiques. Pour ma part, je fais confiance au juge sur sa capacité à analyser une situation et à prendre les décisions qu'il convient.
J'ai été très heureux de vous entendre rendre hommage à l'initiative des parlementaires. Ce n'était pas exactement ce qu'il m'avait semblé au mois de novembre dernier, lorsque, répondant à une question en séance publique, vous aviez parlé non pas d'un amendement gouvernemental, mais d'un projet de loi. Fort heureusement, le lendemain, Guy Geoffroy vous posa à peu près la même question et, dans votre réponse, vous réhabilitiez notre initiative.
Ce petit point étant réglé, je suis fier de vous annoncer que nous avons également fait preuve d'initiative la semaine dernière, en commission, en transformant la JAPD en « journée défensecitoyenneté ». J'espère que nous profiterons de ce contact avec les adolescents pour faire passer des messages, y compris sur le sujet qui nous intéresse aujourd'hui.
Je partage l'analyse de Mme Antier sur l'importance de l'éducation à la parentalité. Il ne faudrait pas que, dans l'émotion, nous fassions un amalgame entre autorité parentale et exercice du droit de garde, du droit de visite et d'hébergement que le juge doit adapter, dans le court terme, en cas de violences, dans le cadre de l'ordonnance de protection. Toucher de façon définitive à l'autorité parentale d'un père, fût-il un criminel, c'est lui nier toute humanité et donc s'interdire de pouvoir agir sur la délinquance dont il a été l'auteur.
Enfin, la Cimade nous a envoyés peu avant cette réunion un document concernant les femmes étrangères victimes de violences. Quel est votre sentiment sur sa suggestion d'instituer pour ces femmes un « référent violence » ?
Dans notre proposition de loi, c'est la victime elle-même, ou la police ou la gendarmerie, qui saisit le juge délégué aux victimes, pour qu'il prononce éventuellement une ordonnance de protection. Il est délicat, pour une femme étrangère, même victime d'une infraction ou d'une violence, de se rendre dans un commissariat, surtout si elle est en situation irrégulière. Or la simple humanité nous commande de faire en sorte que ces femmes-là aient accès à notre nouveau dispositif judiciaire au même titre que les autres.
Monsieur Lesterlin, ce référent violence serait-il une personne qui accompagne la victime ou quelqu'un qui agit à sa place ?
Il pourrait saisir le juge au nom et à la place de la personne qui hésiterait à aller spontanément dans un commissariat.
Il est un peu compliqué de parler de ce que je n'ai pas lu…
Il faudrait former les travailleurs sociaux, dépendant du conseil général, qui s'occupent des femmes étrangères afin qu'ils puissent servir d'intermédiaires avec la police et les autres acteurs.
Madame la secrétaire d'État, il va vous falloir beaucoup de courage. L'ensemble de ce dispositif ne pourra se mettre en place que si une véritable dynamique s'instaure et si chacun des ministres compétents se mobilise.
Dans certains tribunaux, cette mobilisation est déjà perceptible. Lors d'un stage à Grenoble, j'ai pu constater que le procureur avait nommé une substitut, précisément pour travailler avec lui sur ces problèmes de violences. Cela signifie que la ministre doit donner des indications très fortes pour faire en sorte que, dans chaque tribunal, le juge ne se retrouve pas seul face aux problèmes posés par les violences faites aux femmes. Il faut qu'aucun élément ne fasse défaut dans l'action qui va être menée.
Il est écrit dans la proposition de loi que c'est la victime qui prend l'initiative de la demande d'ordonnance de protection. On peut comprendre cette notion de victime au sens large, à savoir la victime en tant que telle, éventuellement assistée de toute personne de choix – un proche ou une association –, mais je ne crois pas qu'il soit juridiquement utile de le préciser. Le Gouvernement pourra toujours s'appuyer sur l'intention du législateur, telle qu'elle ressortira de nos débats – notamment lorsqu'il adressera des directives aux juridictions et aux forces de police et de gendarmerie. À trop vouloir préciser les choses, on finit par limiter le champ d'action.
La demande d'une ordonnance de protection est dissociée du dépôt de plainte. Elle peut avoir lieu très en amont et permettre à la femme de s'interroger sur l'opportunité ou non d'aller vers le pénal ou le civil. Dans le cadre de l'ordonnance, le juge peut statuer sur la résidence séparée, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage. Cette disposition permet-elle au juge de suspendre, le temps de l'ordonnance, la contribution du conjoint au remboursement d'un crédit immobilier, ou faut-il la préciser pour que ce soit possible ? Pour ma part, je suis prêt à étudier les moyens d'établir un parallélisme avec les dispositions prises pour délier une victime colocataire de son obligation de contribuer au loyer, à partir du moment où elle a quitté le logement.
M. Jibrayel considère avec raison que la justice doit être plus cohérente dans la prise en charge de ces situations, sous tous leurs aspects. Nous avons dialogué avec la Chancellerie et il en est ressorti que celle-ci avait d'ores et déjà prévu d'inscrire dans le décret l'automaticité de la transmission de l'ordonnance de protection aux parquets. Le guide de l'action publique et les directives d'ordre général données par le ministre au parquet devraient aller dans ce sens.
Au titre de la commission des Lois, j'ai siégé quelque temps à la commission de contrôle des publications destinées à la jeunesse. Cette commission, qui dépend du ministère de la justice, réfléchit depuis de nombreuses années aux moyens de se réformer pour revaloriser son rôle et étendre sa capacité d'action. Ne serait-ce pas l'occasion de faire qu'elle puisse aborder toutes les questions relatives aux publications de toute nature, et surtout de l'inviter à contrôler le contenu des publications destinées à la jeunesse, non plus pour en évaluer seulement le caractère pornographique ou non, mais aussi pour vérifier l'image qu'elles véhiculent des relations entre hommes et femmes ?
Monsieur le rapporteur, votre proposition me semble extrêmement pertinente et mérite en tout cas examen.
Monsieur Lesterlin, de mémoire, lors de la séance de questions à laquelle vous faites allusion, ce n'est pas moi qui ai prononcé les termes « projet de loi », je me suis contentée d'indiquer que je m'appuierai sur les travaux de la mission parlementaire, mon intention au fond étant que le « véhicule » législatif utilisé soit une proposition de loi.
Madame Crozon, la mobilisation du Gouvernement est en effet nécessaire. Je ferai évidemment le maximum pour mobiliser mes collègues au service de cette grande cause nationale qu'est la lutte contre la violence faite aux femmes. Je voudrais également rendre hommage aux associations : le collectif, que j'ai reçu dernièrement, fait un travail remarquable pour que l'information soit démultipliée sur le territoire national.
Merci, madame la secrétaire d'État. Vous avez bien compris à quel point nous tenions à l'ordonnance de protection. J'insiste aussi sur le fait que certaines des préconisations que nous avons inscrites dans la proposition de loi ne pourront aboutir que si tous les professionnels – ceux du monde judiciaire, ceux de la petite enfance, etc. – qui ont à voir avec ces situations de violence sont formés.
Sommes-nous certains, madame la secrétaire d'État, d'obtenir la mission d'accompagnement que vous avez proposée tout à l'heure ?
Je pense en effet qu'il faut un comité de suivi.
Cela dépend de l'Assemblée mais, de mon côté, en tant que secrétaire d'État, je peux prendre l'initiative de vous associer régulièrement…
L'audition prend fin à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Edwige Antier, Mme Martine Billard, Mme Monique Boulestin, Mme Danielle Bousquet, Mme Françoise Briand, Mme Chantal Brunel, Mme Pascale Crozon, M. Pascal Deguilhem, M. Guy Geoffroy, M. Daniel Goldberg, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Henri Jibrayel, Mme Conchita Lacuey, Mme Annick Le Loch, Mme Colette Le Moal, Mme Catherine Lemorton, M. Bernard Lesterlin, M. Daniel Mach, M. Jean-Luc Pérat, Mme Catherine Quéré
Excusés. - M. Gilles Cocquempot, Mme Geneviève Levy, M. Frédéric Reiss, Mme Marie-Jo Zimmermann