COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES
Mardi 26 janvier 2010
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission
La séance est ouverte à 17 h 30
Le Président Pierre Lequiller. Je souhaite d'abord saluer nos collègues de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) du Parlement européen, et son président Malcolm Harbour. Je remercie la commission IMCO d'avoir accepté d'organiser à notre demande cette « première », une réunion conjointe entre une commission d'un Parlement national et une commission du Parlement européen sur une proposition de directive actuellement en discussion.
Nous avons pris l'initiative de cette réunion à deux titres. Tout d'abord, la nécessité de renforcer le dialogue entre les Parlements nationaux et le Parlement européen, dans le contexte du traité de Lisbonne. Il faut que nous travaillions ensemble non seulement en matière de contrôle de la subsidiarité mais aussi sur le fond des textes. Ensuite, le choix d'un texte important, la proposition de directive relative aux droits des consommateurs.
Le Président Malcolm Harbour. Merci, Monsieur le Président. Je voudrais revenir sur cette initiative essentielle, qui est la vôtre et que vous avez proposée au mois d'octobre dernier. Le traité de Lisbonne va amener, en effet, un renforcement des relations entre le Parlement européen et les Parlements nationaux. La commission IMCO est la première commission du Parlement européen à se livrer à cet exercice avec un Parlement national.
S'agissant de la proposition de directive, nous sommes à la croisée des chemins. Après l'intervention de notre rapporteur, M. Andreas Schwab, je donnerai la parole à chacun de nos rapporteurs fictifs, qui préparent un avis sur ce texte. Je serai heureux d'entendre votre opinion sur le texte.
Avant d'évoquer le fond, je souhaite apporter un petit complément à nos modalités d'organisation du débat. A ce stade, en effet, nous ne souhaitons pas entrer dans le détail du texte.
D'abord, son ampleur et sa complexité sont telles que nous n'en avons pas le temps.
Ensuite, nous avons nous-mêmes décidé, au sein de l'Assemblée nationale, de procéder par étapes successives : une première communication en mai 2009 a été suivie d'un rapport d'étape en novembre. Nous définirons nous-mêmes ultérieurement notre point de vue détaillé, dans le cadre d'un rapport final.
Pour ce qui concerne les grands éléments incontournables que nous allons évoquer, la communication du 5 mai concluait à trois impératifs : d'abord une harmonisation ciblée, ensuite une grande souplesse en faveur des Etats membres, dans le sens du principe de subsidiarité, et enfin une protection accrue pour le consommateur.
Les conclusions du rapport d'étape de novembre dernier ont confirmé et développé ces éléments.
L'objectif est de corriger deux défauts majeurs du texte proposé : d'abord, un manque de clarté et de précision qui aboutit à des incertitudes et à une insécurité juridiques ; ensuite, une application mécanique du principe de pleine harmonisation qui conduit à un niveau insuffisant de protection du consommateur.
Ce dernier point est paradoxal. Le texte proposé est d'harmonisation maximale, mais il n'offre au consommateur qu'une protection minimale.
En effet, il contient des régressions par rapport aux règles communautaires actuelles, sans même rappeler que l'occasion d'un renforcement de la protection des consommateurs n'a pas été saisie.
Par ailleurs, le principe d'harmonisation maximale menace des dispositions essentielles de chacun de nos droits nationaux. C'est la conclusion de tous les juristes après l'intervention de l'arrêt de la Cour de Justice VTB-VAB en avril dernier. Concrètement, sont notamment menacés pour nous plusieurs avancées récentes pour les ventes à distance et hors établissement, ainsi que notre régime de garantie des vices cachés. D'autres éléments sont mentionnés dans mon rapport écrit.
Un tel nivellement par le bas n'est pas acceptable. La France est sur ce point unanime.
Pour ce qui concerne par ailleurs l'approche d'ensemble du texte, il ne faut pas surévaluer les enjeux du commerce transfrontalier, soit 7 % des transactions actuelles. Les obstacles au commerce à distance ne sont pas que juridiques. Il y a également la langue, ainsi que l'éloignement qui signifie délais de livraison accrus, réclamations téléphoniques plus coûteuses etc.
Par conséquent, pour améliorer le texte et aboutir à un réel point d'équilibre, il convient de s'en tenir à quelques grands principes :
- viser le niveau élevé de protection des consommateurs prévu par le traité ;
- recentrer le texte sur l'essentiel, conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, et préserver ainsi les compétences qui incombent aux Etats membres pour adapter, si nécessaire, dans les délais, le droit de la consommation à l'évolution des pratiques ;
- prévoir l'application du principe de l'harmonisation maximale de manière ciblée, pour les seules dispositions pour lesquels c'est nécessaire et opportun. Il faut faire preuve de pragmatisme ;
- clarifier le champ d'application de la future directive tant par rapport aux autres textes du droit communautaire qu'aux règles de droit national.
Sur cette base, nous avons envisagé une première esquisse de ce que pourrait être le futur texte :
- d'abord, des définitions communes affinées et corrigées, applicables à tous les Etats membres, mais leur laissant aussi la faculté d'une éventuelle extension des protections prévues à d'autres catégories que les consommateurs. Nous souhaitons le maintien des garanties dont disposent les associations en France ;
- ensuite, des obligations d'information générales qui seraient proportionnées aux enjeux réels des transactions et du marché intérieur ;
- ensuite, pour ce qui concerne les contrats à distance et les contrats hors établissement, des obligations d'information spécifiques qui seraient renforcées pour s'adapter au niveau effectif actuel de protection. Sur le droit de rétractation plus spécifiquement, nous souhaitons le maintien de la faculté de différencier le contrat hors établissement pour lequel l'achat n'est pas dû à l'initiative du consommateur. Nous demandons que le paiement du bien comme sa livraison puissent, pour ce type de contrat, rester interdits pendant cette période. Chez nous, les difficultés matérielles de renvoi des biens et l'inquiétude quant au remboursement sont perçus comme des freins à l'exercice effectif de ce droit de rétractation ;
- ensuite, un aménagement des dispositions spécifiques à la garantie des biens apparaît nécessaire pour éviter toute régression, notamment en renonçant à la hiérarchie rigide des remèdes telle que proposée et en assurant la pérennité des mécanismes spécifiques à certains pays, tels que la garantie applicable aux vices cachés chez nous ;
- enfin, pour ce qui concerne les clauses abusives, il nous apparaît que le principe de listes européennes uniques et modifiées par la comitologie n'est pas adapté. Nous recommandons des listes européennes communes progressivement enrichies à partir des listes nationales et applicables dans les Etats membres en complément de ces mêmes listes nationales.
Pour l'instant, nous ne nous sommes intéressés qu'au fond et non aux modalités d'entrée en vigueur des futures dispositions.
Il est donc un élément de souplesse que nous n'avons pas encore envisagé et donc pris en compte, c'est celui du calendrier. Si nécessaire, nous pourrions prévoir un échelonnement des mesures de mise en oeuvre des objectifs communs.
Par ailleurs, il s'avère nécessaire de prévoir une étude d'impact précise sur les mesures proposées, comme le souhaitent les associations de consommateurs. On peut également envisager une évolution du droit de la propriété intellectuelle, ainsi que d'autres domaines de réflexion.
J'ai plaisir à voir parmi vous certains de mes collègues, notamment ceux de la région frontalière franco-allemande ! S'agissant des craintes évoquées par Mme Karamanli, nous en avons tenu compte, d'autant que ces craintes ne sont pas nouvelles et qu'elles sont exprimées non seulement dans le cadre des travaux du Parlement européen mais aussi par les Parlements nationaux. Nous entendons nous associer aux discussions avec ceux-ci.
Le marché intérieur se heurte encore à des entraves, à des obstacles. Le dépassement envisagé de la proportion de 7 % de transactions transfrontalières ne nous paraît pas indispensable à court terme. Nous nous livrons à un examen attentif des dispositions proposées. La transparence juridique n'est pas le seul obstacle. Il y a aussi la question de la langue utilisée dans les échanges transfrontaliers.
La Commission européenne a identifié un certain nombre d'obstacles aux échanges transfrontaliers. Il faut certes protéger le consommateur mais aussi prendre en compte le fractionnement du marché intérieur. L'harmonisation doit respecter plusieurs conditions, notamment l'exigence d'un haut niveau de protection des consommateurs, et la volonté des Etats membres qu'une certaine souplesse permette à leur ordre juridique national de prévoir les dispositifs appropriés. Il faut donc revoir assez largement la proposition de directive, et qu'une étude d'impact soit réalisée.
Les difficultés évoquées en ce qui concerne le droit français sont spécifiques à votre pays. Nous sommes prêts à en discuter, mais la France étant l'un des 27 Etats membres, nous devons prendre en compte aussi l'ensemble des suggestions et des critiques qui viennent des autres pays, de même que celles des entreprises et des consommateurs. Pour ma part, j'écouterai toutes les opinions.
Je suis heureuse de retrouver ici mes collègues français. Notre groupe politique a travaillé d'arrache-pied sur cette proposition, et a identifié des problèmes importants. L'harmonisation complète ou maximale prévue aboutirait à retirer des droits aux consommateurs et opèrerait un nivellement par le bas qui n'est pas acceptable. Nous préconisons une approche mixte, comportant une démarche d'harmonisation assortie de la possibilité de maintenir les droits nationaux, en associant par ailleurs à notre démarche les ONG et les associations de défense des consommateurs qui ont fait valoir des problèmes spécifiques variables selon les Etats membres. On ne peut pas opter pour l'harmonisation complète prévue à ce stade par la proposition de directive. Il faut aller de l'avant.
Un élément est certain, cette directive ne peut en aucun cas se traduire par un recul de la protection des consommateurs dans les différents Etats membres. Il faut donc que le consommateur soit correctement protégé et qu'il ne puisse pas sentir la future directive comme se traduisant par un recul pour lui : dynamiser le marché intérieur va de pair avec un niveau de confiance élevé des consommateurs. Les échanges transfrontaliers ne sont pas pour l'instant très nombreux, mais il faut anticiper les évolutions à venir, qui seront liées au développement du commerce à distance. A cet égard, une harmonisation maximale présente un avantage, à condition qu'au préalable soit assurée la défense des consommateurs.
Il faut envisager une harmonisation maximale en ce qui concerne les définitions et, peut-être, sur les ventes à distance et les ventes hors établissements commerciaux. En revanche, pour le reste, notre souci doit être de rendre compatibles les règles nationales avec le droit européen. Je souscris à la formule d'une harmonisation maximale extraordinairement ciblée.
Dans l'examen de cette directive, il ne faut pas oublier que c'est le consommateur qui est au coeur du débat. Le groupe des Verts prend très au sérieux cet enjeu, et la nécessité de se projeter dans l'avenir – sans oublier néanmoins ce qui a été fait dans le passé. Il y a des points qui doivent réellement être améliorés. Si l'on procède à une harmonisation totale et mécanique, cela pose plusieurs problèmes : une certaine insécurité juridique, notamment avec les conséquences sur la législation nationale ; l'existence d'une série de domaines dans lesquels les droits des consommateurs vont être réduits ; une attention insuffisante accordée aux échanges transfrontaliers, et le fait que cette proposition ne tient pas assez compte d'Internet, vecteur commercial de l'avenir. Le texte n'est pas visionnaire.
Je m'exprime au nom de mon collègue Adam Bielan, absent aujourd'hui car il assiste à une cérémonie en Pologne. Le groupe des Conservateurs et Réformistes européens est favorable à une harmonisation totale, pleine et entière, afin de corriger la fragmentation du cadre juridique actuel. Nous voulons également mettre l'accent sur l'information des consommateurs et sur une meilleure prise en compte du commerce électronique. Nous partageons l'avis précédent selon lequel ce dernier est la force motrice du marché intérieur.
L'harmonisation totale proposée par la Commission européenne aura pour conséquence une révision à la baisse des droits et une impossibilité pour les Etats d'avoir des règles adaptées, notamment s'agissant des garanties. Les règles proposées auront un impact négatif. La réduction des coûts pour les entreprises ne doit pas avoir pour contrepartie une réduction des droits des consommateurs. La proposition de directive limite en l'état la protection des consommateurs à un niveau minimum au nom des intérêts des entreprises. Au contraire, ce niveau doit être élevé et garanti. C'est, pour nous, une obligation et non pas une faculté.
La proposition de directive prévoit de remplacer quatre directives d'harmonisation minimale par une directive d'harmonisation maximale. C'est une tendance de fond en la matière. La directive de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales est d'harmonisation maximale. Tel est aussi le cas, avec néanmoins des nuances, de celle de 2008 sur le crédit au consommateur.
Pour les Etats membres, c'est un changement majeur. Les textes actuels, d'harmonisation minimale, leur permettent de prévoir des mesures nationales plus protectrices pour le consommateur. C'est ce que beaucoup d'entre eux ont fait. Ces textes permettent également, avec un niveau de protection similaire, l'expression d'une certaine diversité dans les solutions en vigueur dans les Etats membres.
Ce ne sera plus possible si la future directive est, dans sa totalité, d'harmonisation maximale. Les récents arrêts de la Cour de Justice d'avril 2009, VTA-VAB, et de janvier 2010, Wettbewerbszentrale, sur les pratiques commerciales déloyales ne laisse planer aucun doute sur ce point.
Par conséquent, nos conclusions vont contre l'application mécanique du principe de l'harmonisation maximale à un domaine aussi large que celui couvert par le texte, car il réduirait le niveau de protection du consommateur.
En effet, celle-ci induit la suppression de certains dispositifs légaux ou réglementaires nationaux qui assurent une protection à laquelle les consommateurs ne sauraient renoncer. Tel est notamment le cas pour certaines informations précontractuelles, la garantie des biens ou encore les clauses abusives. Ce serait source de graves problèmes.
Ensuite, il ne faut pas négliger que le droit de la consommation est un droit de la proximité qui exige le maintien de capacités d'intervention de la part des Etats membres pour répondre aux besoins réels de la protection des consommateurs et aux attentes de la société. Tout ne peut être réglé au niveau européen. Il convient de mieux faire jouer le principe de subsidiarité. Il ne faut pas figer un droit par essence évolutif.
Enfin, il n'est pas réaliste en pratique d'envisager un droit uniforme unique et garantissant qu'il n'y aura nulle part de régression dans le niveau de protection par rapport au droit actuel. Et nous sommes dans un domaine sensible où toute hypothèse de régression n'est pas envisageable pour les citoyens et leurs Gouvernements.
Par conséquent, nous sommes donc favorables à une approche pragmatique fondée sur une harmonisation maximale qui serait réellement ciblée, c'est-à-dire qui ne s'applique qu'à ce qui est strictement nécessaire.
Il y a deux approches possibles, pour le droit de la consommation, au niveau européen : l'une « marché intérieur » ; l'autre « protection des consommateurs ». Ces deux démarches ne sont pas contradictoires mais complémentaires.
Nous pensons que le texte ne repose pas sur un bon point d'équilibre entre ces deux approches. Il doit donc être corrigé. Ce diagnostic politique est partagé, notamment par le comité économique et social européen et le comité des régions. C'est ce que relèvent aussi les associations de consommateurs, qui jugent le texte plus favorable aux entreprises.
Sur le plan technique, on observe deux niveaux de régression.
Le premier concerne le droit communautaire. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la proposition de la Commission européenne propose des régressions par rapport aux textes actuels.
Le second niveau de régression concerne le droit national. En raison du principe de l'harmonisation maximale, plusieurs dispositions nationales protectrices sont menacées.
Une telle situation n'est pas acceptable. Le raisonnement suivant lequel le consommateur peut faire lui-même un bilan entre les progrès et les reculs ne tient pas. Nous savons que consommateur ne fait l'expérience de ses droits qu'à l'occasion de litiges. Il a donc connaissance des reculs, et non des avancées.
Pour terminer, un haut niveau de protection des consommateurs n'est pas contraire aux intérêts des entreprises.
Cette proposition de directive est importante et comporte des avancées intéressantes, mais soulève des problèmes. Le champ d'application de la proposition de la Commission européenne manque singulièrement de clarté.
Pour le préciser, on doit opérer notamment un travail sur les définitions. Nous ne sommes pas encore entrés dans ce niveau de détail, mais il est intéressant de recueillir d'ores et déjà vos réflexions sur ce point. On ne peut pas en effet raisonner in abstracto à ce stade, mais par référence à la situation qui prévaut dans l'ensemble des 27 Etats membres.
A ce stade, quel est donc l'état de vos interrogations sur les services, sachant que ceux-ci sont définis d'une manière assez large par le traité dans le cadre des dispositions sur la libre prestation de services, comme de la directive « services » ?
De même, pensez-vous que l'on puisse conserver celle des produits, qui vise l'ensemble des biens et services, y compris les biens, obligations et droits immobiliers ?
Par ailleurs, il y a aussi débat sur les enchères, sur les enchères via Internet, qui passent par les plates-formes informatiques. Le rapport présenté par Mme Karamanli a évoqué à juste titre la légitimité de permettre aux consommateurs qui concluent une transaction avec un professionnel par ce moyen-là de bénéficier des mêmes droits que lorsque les modalités de la transaction sont classiques.
La Commission européenne invoque, pour s'opposer au droit de rétractation, le droit des renchérisseurs évincés car n'ayant pas remis l'offre la plus élevée. Ce n'est pas très convaincant. Où en êtes vous à ce stade ?
La Commission européenne propose un champ d'action et d'application large, applicable à tous les contrats de consommation portant sur l'ensemble des biens meubles et sur tous les services, y compris portant sur des immeubles.
Une telle approche pose deux types de problèmes.
D'abord, on a parfois du mal à saisir l'articulation avec les autres directives communautaires applicables. Il y en a un grand nombre en la matière. Il ne s'agit pas uniquement des textes sectoriels, comme ceux sur le tourisme, ou les services financiers, mais également de textes transversaux avec notamment la directive « services » 2006123CE et, surtout, la directive 200031CE sur certains aspects du commerce électronique, qui porte sur l'ensemble des contrats conclus par voie électronique.
Ensuite, on identifie pour un certain nombre de secteurs des difficultés précises. La Commission européenne en a conscience puisque les dispositions qu'elle propose sont régulièrement émaillées d'exclusions ou d'exceptions, sans que leur portée soit d'ailleurs claire, créant de ce fait un texte incomplet.
A ce stade, nous n'avons pas encore de vision certaine et définitive de cette question, mais nous souhaitons connaître votre premier point de vue sur quelques secteurs qui semblent devoir faire l'objet d'un examen particulier car susceptibles de faire l'objet de mesures d'exclusion, au moins partielles.
Pour s'en tenir aux principaux secteurs, on a pu identifier les services financiers, les opérations sur l'immobilier autres que les mutations de propriété, notamment les locations et constructions – je rappelle que nous avons en matière de bâtiment un régime particulier de responsabilité décennale des constructeurs – ainsi que les services de transport, pour lesquels il existe aussi des textes spécifiques bien que portant sur des aspects différents.
Peut-être avez-vous identifié, pour votre part, d'autres secteurs qui doivent aussi relever d'une réflexion spécifique ?
Parmi les sujets que nous n'avons pas abordés, il est en un qui l'a été au niveau communautaire, notamment dans le cadre du groupe de travail préparatoire au Conseil, et sur lequel il convient d'ores et déjà de manifester notre opinion, c'est celui des services sociaux.
C'est un sujet auquel je me suis intéressée l'an dernier, dans le cadre d'un rapport que nous avons établi avec trois de mes collègues, sur les services sociaux d'intérêt général, les SSIG.
J'ai pu mesurer que nous étions, en Europe, en la matière, le terrain d'élection de la diversité. C'est d'ailleurs un paradoxe, car nous présentons au-delà de cette diversité, une physionomie sociale qui nous distingue du reste du monde, notamment des Etats-Unis.
La conclusion qui vient naturellement à l'esprit est que seul le respect du principe de subsidiarité permet de respecter cette diversité et les spécificités de chacun d'entre nous.
Sur le fond, c'est donc avec une grande perplexité que nous apprenons qu'il ne va de soi que les services sociaux sont hors champ.
De notre point de vue, les services sociaux délivrent des prestations qui ne s'adressent pas au consommateur, mais à des publics particuliers, des publics fragiles, pour assumer des besoins spécifiques dans un but social : cohésion sociale, réinsertion sur le marché du travail ou autre. Ce sont des règles d'autant plus spécifiques que le bénéficiaire de ces services n'est pas toujours dans une situation de face à face avec le prestataire, mais dans une relation triangulaire avec l'intervention d'un tiers, personne publique, collectivité territoriale, soit pour assumer les coûts, soit encore, comme en matière de formation, pour définir et encadrer la prestation concernée.
Nous pensons donc que cet élément doit clairement ressortir d'une manière non ambiguë et nous ne souhaitons certainement pas une exclusion ou une exception dans le corps du texte, modalité qui pourrait laisser penser qu'au niveau européen, le choix politique d'une inclusion aurait pu intervenir.
Les dispositions sur les contrats à distance et hors établissement ont beaucoup d'influence sur les transactions transfrontalières qui ne représentent que 7 % du total des transactions.
Un certain nombre de points du texte proposé doivent être corrigés.
Tout d'abord, des obligations d'information spécifiques renforcées sont nécessaires comme, par exemple, la fourniture du numéro de téléphone du professionnel afin que le droit français, très récent en la matière, ne soit pas mis en défaut par le futur droit européen.
Concernant le principe d'harmonisation maximale, il faut rester pragmatique et permettre aux Etats membres, autorités responsables pour les consommateurs, d'adopter des règles adaptées aux situations nouvelles.
Enfin, il ne faut pas appliquer les mêmes règles aux contrats à distance et à ceux conclus hors établissement commercial, comme c'est le cas du démarchage à domicile. Pour les contrats hors établissement, on est très attaché en France à ce qu'il n'y ait ni livraison ni paiement durant le délai de rétractation. Il faut que le consommateur puisse réfléchir tranquillement à son achat sans devoir être contraint d'entrer dans les éventuelles difficultés des démarches, compliquées, de renvoi du bien et de demande de remboursement.
En matière d'harmonisation maximale, comme l'a évoqué la rapporteure, deux points posent problème.
Le premier concerne les obligations d'information contractuelle. La proposition de la Commission européenne n'est pas convaincante, car elle harmonise sans laisser de marge de manoeuvre aux Etats membres en matière d'information des consommateurs et, notamment d'affichage des prix. C'est une application pour le moins curieuse du principe de subsidiarité alors que n'est en cause aucun enjeu européen, ni en termes de marché intérieur, ni, dans la plupart des cas, en termes de montant des transactions.
Le deuxième a trait aux clauses contractuelles abusives. Sur le fond il y accord tant avec la définition proposée, celle déjà en vigueur, qu'avec avec le maintien des conséquences du caractère abusif d'une clause.
En revanche, il y a désaccord sur deux éléments. Il faut d'abord éviter tout recul sur les clauses négociées individuellement, car celles-ci, et pas seulement les clauses pré-rédigées, peuvent traduire le déséquilibre des relations entre professionnel et consommateur. Ensuite, la démarche d'harmonisation maximale est inadaptée pour les listes, qu'elles soient « noires » (clauses abusives en toutes circonstances) ou « grises » (clauses réputées abusives). Il ne faut donc pas des listes uniques applicables telles quelles dans tous les pays, mais plutôt des listes communes applicables en complément des listes nationales et progressivement enrichies à partir d'elles.
Les dispositions du chapitre spécifique aux biens soulèvent deux objections principales.
La première objection est assez partagée. Elle concerne les droits du consommateur, à savoir les remèdes, ou les recours, en cas de mise en jeu de la garantie. La proposition de la Commission introduit une rigidité en laissant notamment au professionnel seul le choix de procéder, au premier stade, soit à la réparation, soit au remplacement. Nous souhaitons nous au contraire conserver toute la souplesse du texte de la directive de 1999, qui donne au consommateur une faculté de choix.
La deuxième objection est d'ordre juridique. La rédaction proposée ne permet d'avoir aucune certitude sur la pérennité de la garantie des vices cachés pour les biens de consommation. C'est une disposition essentielle de notre code civil qui s'applique à toutes les transactions, pas seulement aux biens de consommation.
Savoir si elle pourra continuer à s'appliquer dès lors que la garantie fait l'objet au niveau européen d'une directive d'harmonisation maximale, relève d'un débat juridique sur lequel personne ne peut donner d'assurance. Comme pour les pratiques commerciales déloyales avec l'arrêt VTB-VAB d'avril dernier, la question sera tranchée par la Cour de Justice à l'occasion d'un contentieux.
Le maintien de ce dispositif est essentiel pour nous et fait clairement partie des incontournables.
Le Président Malcolm Harbour. Merci pour vos interventions qui concernent beaucoup de sujets.
Je souhaite d'abord saluer cette initiative de débat entre nos deux commissions, qui constitue une première en Europe.
Je suis d'accord sur la nécessité d'avoir un nouveau texte, mais j'identifie, sur cette proposition de directive, les mêmes difficultés que Mme Karamanli, les mêmes incertitudes et les mêmes solutions. Il faut un niveau de protection élevé du consommateur, qui est la base de la confiance dont dépend le développement du commerce transfrontalier. On peut envisager une harmonisation maximale sur les définitions et certains éléments du droit de rétractation de 14 jours. Il est nécessaire de continuer à travailler pour régler les difficultés sur les garanties légales et les vices cachés. Avec le rapporteur notamment, nous sommes attachés à trouver des solutions pour que rien ne menace les droits des consommateurs.
Nous sommes en train de mettre en oeuvre de manière pratique le traité de Lisbonne, avec l'examen de ce dossier, très important. L'Europe n'est pas apparue très protectrice pendant la dernière campagne électorale et nous avons donc besoin de montrer qu'elle peut l'être avec ce texte. Le droit de la consommation représente, en effet, 80 % des règles qui régissent la vie quotidienne. Il y aura sans doute un accord sur le fait qu'il faut une vision européenne. Il ne faut pas, cependant, une harmonisation qui contraigne mais une harmonisation qui assure la protection la plus élevée possible pour les consommateurs. Le principe de subsidiarité doit également être respecté. S'agissant des contrats, un important travail reste à faire sur leurs détails, car il s'agit de la vie quotidienne. Même si ce n'est pas toujours facile, je pense que nous parviendrons à un accord car il y en a la volonté de part et d'autre.
Entre le Parlement européen et le Parlement français, il y a un très grand nombre d'interrogations qui sont partagées. Je voudrais plus particulièrement répondre à Mme Grommerch. Concernant la vente hors établissement, il est possible de supprimer la disposition qui interdirait aux Etats membres de suspendre l'exécution du contrat pendant le délai de rétractation. Je suis par ailleurs très sensible au problème des clauses abusives, car il sera difficile d'arriver à une harmonisation maximale dans la mesure où chaque pays a les siennes et où certains Etats n'ont pas de liste. De même, il ne me semble pas possible de s'en remettre à la comitologie pour avoir une actualisation rapide de listes européennes.
Je ne suis pas un zélateur de l'harmonisation maximale mais une solution européenne en la matière sera certainement un élément positif pour donner plus de droits aux consommateurs et avoir ainsi un meilleur cadre pour les transactions transfrontalières. Il y a déjà beaucoup de citoyens qui achètent des produits dans les autres Etats membres, par exemple dans les régions frontalières. Il faut bien se rendre compte que si on campe sur la position où aucun Etat membre ne veut faire de concession, on ne parviendra pas à améliorer la situation au niveau européen. Il faut donc une démarche graduelle et progressive.
Il n'est pas possible d'envisager une harmonisation complète. Il y a de grandes difficultés pour le droit de rétractation. Les points de départ des délais sont très différents en Europe, lorsque toutes les informations n'ont pas été fournies en temps exigé au consommateur et il n'est pas possible d'avoir une règle uniforme sur ce point. Les citoyens ne comprendraient pas qu'il y ait recul dans la mesure où les droits en cause sont des droits acquis, obtenus de haute lutte. S'agissant, en revanche, des définitions, la faculté d'une harmonisation est envisageable. En définitive, on aurait une harmonisation « panachée ».
Il est important d'avoir, en la matière, le point de vue de la France et d'entendre ainsi des positions différentes. Les droits nationaux, notamment le droit contractuel de chaque Etat, doivent être pris en compte lorsque l'on élabore les textes européens.
Je n'ai pas le sentiment que les problèmes posés par la France soient spécifiques. Il s'agit en effet de problèmes que rencontrent d'autres pays européens et pas uniquement nationaux et certaines organisations. Il faut certainement encore débattre pour clarifier la question de l'harmonisation maximale, car il ne faut pas remettre en cause les droits des consommateurs, dont le niveau de protection doit rester élevé. L'harmonisation maximale ciblée est envisageable pour certains éléments, mais aussi l'harmonisation minimale.
Pour conclure ce débat, je voudrai d'abord rappeler que nous devons nous demander de quel niveau d'harmonisation nous avons besoin, au regard de l'exemple des Etats-Unis où le marché intérieur est très intégré, avec une pluralité de législation. Sur le fond, les différents problèmes que ne nous avons évoqués ne sont pas spécifiquement français, mais sont partagés par des membres du Parlement européen, de toutes tendances et originaires de divers pays.
Le droit de la consommation est un enjeu essentiel. C'est sur lui que repose la confiance des consommateurs. La garantie, la fiabilité des produits, mais aussi la question des services associés et celle des produits numériques doivent trouver des solutions adaptées.
C'est difficile, mais il faut rappeler l'expression de Condorcet selon laquelle les lois doivent faire souffrir les inégalités. Or, celles-ci sont actuellement importantes en Europe, non seulement entre les territoires, mais aussi, sur un même territoire, entre les consommateurs, selon leur niveau effectif d'information et leur connaissance des règles.
En l'état, on peut donc éventuellement envisager l'harmonisation maximale sur les définitions et sans doute sur certains aspects du droit de rétractation.
Une étude d'impact est cependant indispensable pour que les travaux sur la proposition de directive puissent avancer le mieux possible, sachant qu'il y a également à côté d'autres sujets tels que les actions de groupe.
Comme je l'ai déjà dit, il ne faut pas opposer le marché et la protection des consommateurs, qui sont les deux faces d'une même réalité. Il faut éviter de les comprendre comme des opposés.
Le marché intérieur doit promouvoir le développement des transactions transfrontières, mais il faut bien entendu rehausser le niveau de protection des consommateurs. Nous sommes donc d'accord. Il ne faut pas répéter l'erreur de la directive sur le crédit à la consommation qui a prévu une multitude de dérogations à la règle européenne, suivant l'idée selon laquelle le droit national est irréprochable. La législation doit être, au contraire, claire, transparente et facile à comprendre. L'harmonisation doit être ciblée et également judicieuse et facilement compréhensible par tous.
La France rencontre des difficultés particulières, mais il faut également tenir compte des autres Etats membres. Il faut trouver des solutions adaptées, notamment sur les ventes aux enchères en ligne où l'on peut estimer que l'acheteur doit avoir le même droit de rétractation que celui dont il bénéficie sur un site de ventes en ligne, par exemple. Ceci ne porte préjudice à personne.
Le cadre juridique des transactions devient, en outre, plus complexe en Europe avec, notamment, ROME I et les arrêts de la Cour de justice, dont le débat juridique lié à l'affaire Alpenhof. Il faut trouver des solutions constructives applicables à tous les citoyens. Un nouvel échange de vues sera bienvenu sur ce sujet.
Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie chaleureusement d'avoir accepté cette réunion commune qui en appelle certainement d'autres.
Le travail doit être poursuivi sur ce sujet qui a montré un accord entre les membres de l'Assemblée nationale, de la majorité et ceux de l'opposition, ainsi qu'avec le gouvernement français, accord qui rejoint la position d'autres pays. Les éléments en sont les suivants : pas de recul dans le niveau actuel de la protection des consommateurs ; maintien de la capacité des Etats membres à faire face aux évolutions qu'exige le droit de la consommation, conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ; harmonisation maximale ciblée, de manière pragmatique, sur ce qui est strictement nécessaire. Le texte devra répondre aux attentes des consommateurs européens.
Le Président Malcolm Harbour. Je vous remercie également pour cette réunion qui a donné lieu à des échanges courts et précis. Je constate que vous êtes favorables à des solutions pragmatiques pour ce débat qui arrive au bon moment. L'expérience est à renouveler pour l'avenir.
La tentative d'attentat du 25 décembre dernier sur le vol Amsterdam-Detroit conduit aujourd'hui les Européens à renforcer les mesures de contrôle dans le transport aérien par le recours à des procédés nouveaux (scanners corporels) ou en facilitant les échanges de données relatives aux passagers. Je tenais à faire à ce propos devant vous un rapide point d'actualité.
Cette politique de sûreté est propre au transport aérien. Rappelons que les attentats les plus meurtriers commis en Europe ces dernières années visaient des bus (56 morts et 700 blessés à Londres, le 7 juillet 2005) ou des trains (191 morts et 1 400 blessés à Madrid, le 11 mars 2004). Malgré cela les passagers des bus ou des trains de banlieue ne sont pas aujourd'hui fouillés.
Ce rappel est nécessaire car il est en effet de la responsabilité des pouvoirs publics de définir le point d'équilibre entre le niveau de sécurité souhaité et des contraintes difficiles à supporter pour les passagers, en termes de temps d'attente, d'intrusion dans la vie privée (échanges de données) et d'intimité (fouille).
Il est important également de relever que la plupart des attentats commis sur des avions en vol ont eu lieu par le biais des bagages de soute, par exemple, le DC 10 d'UTA et que l'efficacité des contrôles a en tout état de cause ses limites. Les autorités slovaques ont ainsi démontré, à travers un exercice, discutable sur le plan de la déontologie, le 2 janvier dernier, qu'il était possible d'introduire sur un vol à destination de l'Irlande 90 grammes d'un explosif militaire très puissant, le RDX, sans que les contrôles ne le repèrent. Dans ce cas précis, le renforcement des contrôles des passagers n'aurait servi à rien.
Dans ce contexte, l'Union européenne est dans une position délicate car elle doit dégager une position commune tout en étant confrontée aux exigences « déraisonnables » de certains Etats dans ce domaine, comme la Grande-Bretagne en ce qui concerne la communication de données personnelles.
Or, il est nécessaire que l'Union européenne obtienne rapidement une harmonisation des positions des Etats, car aujourd'hui, les acteurs du transport aérien peuvent être confrontés à des situations ingérables du fait des différences de législation.
Le président de la CNIL, par un courrier du 30 décembre 2009 au Président Lequiller, a fait part de son inquiétude devant la mise en oeuvre prochaine du dispositif de renforcement des contrôles frontaliers « e-borders », qui implique la transmission à l'United Kingdom Borders Agency (UKBA) de nombre de données personnelles concernant les voyageurs et membres d'équipage à destination du Royaume-Uni.
Ce dispositif a suscité des critiques en Grande-Bretagne même. Le Comité des affaires intérieures de la Chambre des communes a ainsi demandé le 19 décembre 2009 à l'UKBA de surseoir au déploiement d'« e-borders » jusqu'en février 2010, compte tenu du risque d'illégalité du dispositif au regard des traités européens. Ce dispositif place les compagnies aériennes opérant au départ du territoire français dans une situation délicate car la CNIL a demandé à Air France de surseoir à la transmission des données dans l'attente d'une position claire de la Commission européenne à ce sujet. J'ai présenté, avec notre collègue Didier Quentin, devant notre Commission, le 2 décembre 2008 une communication sur l'utilisation des scanners corporels pour les contrôles de sécurité des aéroports, qui concluait à l'impossibilité juridique de leur déploiement. La mise en oeuvre de ces dispositifs ne peut en effet pas être assimilé à une simple palpation de sécurité pouvant être mise en oeuvre par des agents de sécurité. Ces considérations demeurent d'actualité et la légalité du déploiement des scanners corporels par les autorités française reste discutée.
Le Parlement européen a obtenu de la Commission européenne qu'elle renonce à autoriser par la procédure de comitologie le déploiement de ce procédé dans l'Union européenne. Le débat a surtout porté sur la procédure, à savoir que ce type de mesure, par son incidence sur les libertés publiques, ne peut relever que d'un processus législatif de codécision.
La Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la France ont annoncé récemment, entre autres Etats, la volonté de recourir à ce dispositif.
Il est important de souligner également que Mme Viviane Reding, commissaire européen, a émis des réserves sur le déploiement des scanners corporels. Le commissaire européen considère, en particulier, qu'ils ne sont pas la panacée et, lors de son audition devant le Parlement européen, elle a insisté sur la nécessité de ne pas se laisser « guider par la peur ».
Il convient, en outre, de noter qu'Israël, pays concerné au premier chef par la lutte antiterroriste, a renoncé à ces scanners pour l'aéroport de Tel Aviv.
En ce qui concerne les contrôles physiques de sécurité, pour le commissaire aux transports, M. Antonio Tajani, « il est mieux d'avoir un règlement européen que de laisser les Etats membres décider ou non d'introduire les body scanners ». Aussi envisage-t-il une initiative dans ce domaine.
Même si la Commission européenne avait en 2008 renoncé à encadrer les conditions de leur utilisation, sous la pression du Parlement européen, la question des scanners corporels est donc bel et bien à nouveau à l'agenda. « La Commission discutera avec les Etats membres et le Parlement », a ainsi précisé M. Antonio Tajani. La prudence reste toutefois de mise et chaque allusion à ces appareils s'accompagne de déclarations quant au nécessaire respect de la vie privée et d'assurance en matière de santé. M. Antonio Tajani a d'ailleurs indiqué qu'avant toute initiative en ce domaine, la Commission complètera l'évaluation en cours sur l'impact des scanners. Cette évaluation avait été demandée par les députés européens l'année dernière.
Le débat ne se limite pas aux scanners corporels. L'échange de données entre les compagnies et les autorités étatiques a donné lieu à l'adoption d'une résolution par notre Commission, sur la proposition de M. Guy Geoffroy le 11 février 2009, et à un rapport de la Commission des lois. La proposition de résolution adoptée par notre Commission soulignait que, si les données PNR constituent un outil nécessaire à la lutte contre le terrorisme et les formes graves de criminalité, des questions fondamentales n'étaient pas résolues, notamment le droit à la vie privée et le droit à la protection des données.
Le traité de Lisbonne doit permettre d'associer le Parlement européen à la renégociation de l'accord de juillet 2007 entre l'Union européenne et les Etats-Unis. En effet, il n'avait pu, jusqu'à présent, qu'émettre un avis, très critique, sur une décision relevant du Conseil et non de la procédure de codécision.
En conclusion, la question de la sûreté aérienne, concerne directement des millions de nos concitoyens. Nous devons par conséquent rester vigilant à ce propos. Je ne manquerai pas de vous tenir informés des initiatives qui pourraient être prévues au niveau communautaire dans ce domaine.
Il faut éviter que les Etats n'agissent en ordre dispersé. La demande américaine de déploiement en Europe n'a pas été acceptée pour le moment par les états européens.
Je souhaite que l'Union européenne évite de se lancer dans une surenchère sécuritaire à chaque attentat. Il sera important d'avoir un débat à l'Assemblée lors du vote de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Je vais totalement dans le sens et l'esprit de la communication de Mme Karamanli et veux d'abord souligner le fait que d'anecdotique il y a deux ans et demi, l'accord Union européenne-Etats-Unis sur les données PNR s'est installé de manière récurrente dans nos débats et est devenu un vrai sujet de préoccupation.
Il faut avoir le souci de ne pas baisser la garde par rapport au terrorisme et à nos partenaires américains qui très légitimement y sont très sensibles, ainsi que par rapport aux exigences concernant le monde libre. Mais il ne faudrait pas, sous prétexte d'être solidaires au maximum, se livrer soit à une surenchère, soit à une dispersion dans notre réaction, ce qui peut aller de pair.
Il convient donc qu'au niveau européen soit menée une vraie politique concertée, coordonnée et harmonisée qui évite que chacun parte dans sa propre direction et fasse de la surenchère, ce qui nous affaiblit tous, y compris ceux qui prennent des initiatives par rapport aux Etats-Unis. Il faut que l'on sache garder la mesure sur ce qui est important pour améliorer la sécurité et dissuader des tentatives terroristes, tout en ayant conscience que toutes les mesures prises, même les moins respectueuses des libertés, ont des limites en terme d'efficacité.
Il faut rappeler l'exemple de l'avion qui a explosé en plein vol parce que l'explosif se trouvait en soute et ne pas oublier que l'attentat du 11 septembre a été provoqué par des avions des lignes intérieures et non par des avions venant de l'extérieur des Etats-Unis.
Dans nos relations avec les Etats-Unis, il ne s'agit pas de tempérer leurs ardeurs mais de tout faire pour être dans une relation équilibrée. Depuis que nous avons examiné le rapport sur les données PNR à la Commission des lois, nous faisons partager nos préoccupations et conclusions par tous les ministres qui se succèdent : il faut un accord européen sur les données PNR à l'intérieur du territoire de l'Union européenne pour renégocier en position de force un accord avec les Etats-Unis. Cette démarche est d'ailleurs également valable pour les autres sujets relatifs à la sécurité aérienne dans la mesure où il existe à ce propos une même différence d'appréciation entre nous et les Etats-Unis.
Cette communication me convient parfaitement. Par rapport aux Etats-Unis, nous devons établir une solidarité et une coordination des mesures mais ne pas agir avec servilité. Ils devraient d'ailleurs balayer devant leur porte, car leurs seize services de renseignement n'ont pas suffisamment coordonné leur travail et ont manifesté une véritable carence à cet égard.
Ensuite les attentats les plus meurtriers n'ont pas eu lieu dans les avions. Donc nous devons avoir une extrême prudence pour ne pas contraindre les passagers à abandonner une part de leur liberté. Il est déjà difficile maintenant de transiter dans les aéroports et le respect de la liberté des citoyens doit passer avant tout.
L'installation de scanners en France nécessitera l'examen d'un texte législatif et il ne faudra pas qu'elle ait lieu n'importe où, n'importe quand, n'importe comment. Il faudra éviter son application à toutes les lignes et limiter l'utilisation de ce type d'outil.
En outre, en matière de terrorisme, il n'y a pas vraiment de mesures pour maîtriser des personnes décidées à sacrifier leur vie. Enfin, il est très facile d'introduire des produits dangereux entre la sortie des bagages du couloir menant à la soute et la soute elle-même. Notre collègue Charles de Courson a fait des expériences éclairantes à ce sujet. Il faut être vigilant mais sans faire peur aux gens ni céder à la peur.
Je me réjouis que nous soyons tous en phase sur un sujet à propos duquel nous devons rester vigilants pour ne pas réagir sous le coup de la peur et de l'émotion. Il faudra prendre du recul lorsque nous serons amenés à prendre position dans le cadre du débat sur la loi sur la sécurité intérieure. Nous devrons insister sur le caractère exceptionnel des scanners corporels et définir leur durée et les lignes concernées. Ils ne pourront de toute façon jamais remplacer le travail de renseignement et d'observation du comportement qui se fait dans certains pays. Par ailleurs, il est toujours gênant pour le législateur de légaliser un système qui n'est pas autorisé et n'est de toute façon pas concluant. Le 11 septembre a eu lieu effectivement avec des avions des lignes intérieures alors que des scanners étaient déjà installés. C'est en plus un système coûteux et attentatoire aux libertés des citoyens. Nous devons donc prendre le temps d'examiner ces questions entre les différentes commissions, mais aussi avec nos collègues européens.
La séance est levée à 19 heures