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Commission des affaires étrangères

Séance du 9 décembre 2009 à 10h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • criminalité
  • etat
  • israël
  • palestinien
  • ratification
  • terrorisme

La séance

Source

Israël : lutte contre la criminalité et le terrorisme – n° 1892

La séance est ouverte à dix heures quarante-cinq.

La commission examine, sur le rapport de M. Robert Lecou, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Etat d'Israël sur la lutte contre la criminalité et le terrorisme (n° 1892).

PermalienPhoto de Robert Lecou

La France est liée à une vingtaine d'Etats par des accords bilatéraux de coopération en matière de sécurité intérieure, tandis qu'une vingtaine d'accords du même type sont actuellement en cours de négociation ou de ratification. C'est d'abord avec les pays européens que de tels accords ont été conclus, mais plusieurs Etats du Proche-Orient sont aussi désormais concernés.

Conclure un tel accord avec Israël s'impose comme une évidence. D'une part, les liens entre la France et l'Etat hébreu sont très étroits, dans tous les domaines ; d'autre part, les deux pays ont beaucoup d'expériences à partager dans les domaines de la lutte contre la criminalité, le terrorisme et le trafic de drogue, et de la protection de la sécurité publique. Des actions de coopération existent d'ores et déjà, mais elles ont besoin d'un cadre normatif pour pouvoir être intensifiées.

Bien que, en ce qui concerne la question du terrorisme, Israël se trouve dans une situation particulièrement difficile, l'accord bilatéral dont le présent projet de loi vise à autoriser la ratification ne comporte pas de stipulations spécifiques. La lutte contre le terrorisme est simplement, avec la lutte contre la drogue et la sécurité publique, l'un des champs de coopération sur lesquels l'accord met l'accent.

A ce jour, les principales menaces terroristessont le fait d'organisations et de groupes radicaux palestiniens dont l'activité la plus meurtrière ces dernières années a été l'attentat de type kamikaze.

Lors de la seconde « Intifada » lancée en 2000, le nombre d'actions terroristes a atteint son apogée en 2001-2002 et tend à décroître depuis 2005. Pour nombre d'observateurs, cette diminution réelle est due à de multiples facteurs : l'efficacité des mesures prises par les services de sécurité israéliens, la mobilisation des services palestiniens en Cisjordanie, les changements de méthodes employées par les groupes radicaux (qui ont renforcé leurs capacités militaires, intensifié les tirs de roquettes et développé la pratique des enlèvements de personnes) et l'acuité croissante des affrontements intrapalestiniens (entre le Hamas et le Fatah et entre clans dans la bande de Gaza).

Mais le terrorisme n'est pas la seule menace contre la sécurité en Israël. Le crime organisé s'y est développé au cours des deux dernières décennies : il tend à s'insérer progressivement dans la société israélienne et dans son environnement international, ce qui a conduit à l'adoption de mesures institutionnelles et législatives.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement le trafic de produits stupéfiants, dont le volume s'accroît, Israël est principalement un pays de destination et, dans une moindre mesure, un pays de transit. Les principaux points d'entrée par produit sont la frontière jordanienne pour l'héroïne et le haschich (venant respectivement d'Afghanistan et du Maroc), la frontière égyptienne pour la marijuana, la frontière aérienne pour l'ecstasy venant d'Europe (dont les Pays-Bas) et la frontière maritime pour la cocaïne.

Au niveau international, on constate une implication croissante de petits groupes de trafiquants israéliens dans l'importation de produits psychotropes (ecstasy et amphétamines), de médicaments contrefaits et de cocaïne.

Afin de faciliter la lutte contre le terrorisme et contre les autres formes de criminalité organisée, Israël s'est attaché depuis plusieurs années à développer sa coopération internationale – il a ainsi conclu des accords de coopération policière avec une trentaine d'Etats et négocie actuellement un accord opérationnel avec EUROPOL.

L'accord signé le 23 juin 2008 par la France et Israël, qui renforcera encore nos relations, répond au cadre désormais classique des accords portant sur la coopération en matière de sécurité. Si l'intitulé de l'accord mentionne la lutte contre la criminalité et le terrorisme, c'est que la notion de « sécurité intérieure » n'a pas d'équivalent en Israël.

L'accord s'articule autour d'un champ large qui met cependant l'accent sur la lutte contre le trafic de drogue et le terrorisme, et la sécurité publique. Les modalités de la coopération technique et opérationnelle sont diversifiées. En ce qui concerne plus particulièrement la lutte contre la drogue, l'accord prévoit que les deux Etats échangent sur demande des informations relatives aux personnes impliquées dans la production et le trafic des stupéfiants, sur les méthodes employées, les cachettes et modes de déplacement, les lieux d'origine, de transit, d'achat et de destination des différents produits, « ainsi que tous les éléments spécifiques liés aux infractions et aux moyens de les prévenir et d'y faire obstacle ». Les échanges d'informations opérationnelles concernent aussi les méthodes habituelles observées par l'une des Parties dans le domaine de ce commerce international et du blanchiment d'argent qui en résulte. Elles peuvent enfin échanger des échantillons et des informations techniques.

La coopération visant à lutter contre le terrorisme et en faveur de la sécurité intérieure passe par des échanges de bonnes pratiques dans les quatre domaines suivants : les mesures de sécurité pour protéger le public, la supervision et le maintien de l'ordre public, la sécurité des manifestations publiques et le maintien de l'ordre au sein des groupes sociaux.

Comme dans les autres accords du même type, une Partie peut refuser une demande d'information lorsqu'elle estime que, en vertu de sa législation nationale, une réponse positive à cette requête porterait atteinte aux droits fondamentaux de la personne, d'une part, si elle estime que son acceptation porterait atteinte à sa souveraineté, à la sécurité nationale, à l'ordre public, à intérêt public ou à d'autres intérêts supérieurs de l'Etat, d'autre part.

Les échanges d'informations doivent respecter les législations nationales, celle d'Israël étant protectrice des droits des personnes et en voie d'être améliorée pour se rapprocher encore davantage des standards européens dans ce domaine.

Enfin, pour assurer un suivi régulier de l'exécution de l'accord et son évaluation, l'accord crée un groupe de travail, qui se réunira tous les ans, en principe alternativement à Paris et à Jérusalem. Le groupe de travail s'est d'ores et déjà réuni une première fois en mars 2009 en Israël et sa deuxième réunion devrait se tenir à Paris en 2010.

Le présent accord vise ainsi à donner un cadre normatif et un nouvel élan à des actions de coopération bilatérales déjà menées depuis plusieurs années entre notre pays et l'Etat d'Israël, dont la situation sécuritaire est marquée à la fois par des problèmes particuliers de terrorisme liés à sa position géopolitique et par des phénomènes plus classiques de criminalité organisée. Dans ces deux domaines, la France a tout à gagner à partager son expérience et ses informations avec lui.

L'intérêt qu'Israël attache à cet accord s'est traduit par la rapidité de sa ratification, intervenue dès le 9 septembre 2008. Il est plus que temps que notre pays achève lui aussi cette procédure.

PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il n'est guère surprenant qu'Israël ait ratifié rapidement cet accord et je ne serais pas étonné non plus qu'il orchestre une campagne de communication pour donner force publicité à une ratification par la partie française. Si nous faisions cela, nous donnerions notre appui à une politique que je n'hésite pas à qualifier de terroriste – je l'ai d'ailleurs dit à M. Ehud Olmert en personne ainsi que lors de nos entretiens avec les représentants d'Israël et des Palestiniens en marge de l'Assemblée générale des Nations unies.

PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Le Président de la République avait déclaré vouloir aider Israël à sortir de la situation dans laquelle il se trouve. Ce n'est pas ainsi que nous aiderons Israël qui doit d'abord normaliser sa situation. Or avec un tel accord de coopération, la France se comporte à l'égard d'Israël comme s'il s'agissait d'un État ordinaire. Rien n'est plus faux, puisqu'il ne respecte pas ses obligations internationales. Je n'ai pas besoin de vous rappeler les événements de Gaza ni les débats actuels autour du rapport Goldstone. Le terreau du terrorisme est alimenté par cette situation. Il faut que la justice passe et la situation des Palestiniens mérite que l'on s'y intéresse. Le groupe GDR ne peut adopter un tel projet et s'opposera à l'inscription de ce texte en séance publique en procédure d'examen simplifiée.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je puis vous assurer qu'un débat aura lieu en séance publique.

PermalienPhoto de Éric Raoult

Je ne m'exprime pas contre notre collègue Jean-Paul Lecoq mais contre ses propos qui ne peuvent s'expliquer que par une méconnaissance de la situation.

L'accord de coopération soumis à notre examen ne traite pas de politique internationale mais de lutte contre la grande criminalité et le terrorisme. L'excellent travail du Rapporteur montre que les problèmes soulevés concernent des civils et non des militaires. Ce sont les civils qui sont victimes du terrorisme et de l'insécurité, à Ashdod, Eilat ou Tel Aviv. Parmi eux il y a des francophones, et même des communistes ! Chacun des vingt derniers attentats perpétrés en Israël a fait des victimes qui avaient de la famille dans la communauté juive de France. Il faut saluer l'objectivité du Rapporteur, saluer la politique de normalisation de nos relations bilatérales conduite par le Président Nicolas Sarkozy et redire que l'accord du 23 juin 2008 renforce l'estime et l'amitié entre nos deux États. Israël est un petit pays qui fait des miracles mais où un 11-septembre est possible tous les jours. Nous pourrions au moins nous montrer unanimes pour souhaiter la libération rapide de notre compatriote Gilad Shalit avant Noël.

PermalienPhoto de Jean-Marc Roubaud

Je pense que cet accord va dans le bon sens. L'État d'Israël est une cible très sensible. Les populations civiles sont en effet les premières visées. L'accord prévoit-il des mesures particulières pour la préservation des infrastructures vitales du pays ? Par ailleurs, la question du mur qui participe à la sécurisation de l'Etat d'Israël est-elle évoquée ?

PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Je dois dire mon étonnement devant l'inscription de ce projet de loi à l'ordre du jour. Si je comprends les besoins de coopération en matière de lutte contre le blanchiment d'argent ou le trafic illicite de stupéfiants, la situation est extraordinairement ambiguë s'agissant du terrorisme : en ce moment se déroule une discussion sur le rapport Goldstone, approuvé par l'Assemblée générale des Nations unies, la France s'étant abstenue. Les États membres de l'Union européenne doivent par ailleurs prendre position conjointement sur la question israélo-palestinienne et la possibilité d'une future reconnaissance d'un État palestinien. Le rapport Goldstone fait état de manquements à la licéité internationale aussi bien de la part d'Israël que de la part du Hamas. Sans être un État terroriste, Israël viole ses obligations internationales. Dans ce contexte, l'article 4 du texte de l'accord est étonnant : à quoi correspond l'échange de bonnes pratiques s'agissant du « maintien de l'ordre au sein des groupes sociaux » évoqué au point 4 ? Ce genre de questions devrait être traité à l'échelle de l'Union européenne. Les Palestiniens risquent de nourrir un sentiment d'isolement devant la ratification d'un tel accord.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je vous rappelle qu'en tant qu'État souverain, la France a toute capacité pour conclure ce type d'accords bilatéraux.

PermalienPhoto de Patrick Labaune

Notre débat a débordé sur le terrain politique. Pour en revenir au texte, je souscris à l'analyse de M. Daniel Garrigue sur les points 3 et 4 de l'article 4 de l'accord : en quoi la République française a-t-elle à se mêler du contrôle des rassemblements publics en Israël et du maintien de l'ordre au sein des groupes sociaux ?

PermalienPhoto de François Loncle

Sur un sujet aussi sensible, je pense que toutes les opinions sont respectables, et ne doivent pas donner lieu à des admonestations entre personnes. Je suis moi-même également étonné du moment choisi pour présenter ce projet de loi, et du caractère assez partiel du rapport de notre collègue.

Certains ont déjà souligné les anomalies de cet accord. Nous nous apprêtons à autoriser la ratification d'un accord avec un pays en guerre, qui fait l'objet d'enquêtes internationales depuis l'intervention militaire à Gaza. La France, si elle n'a pas voté en faveur du rapport Goldstone, plaide pour que soit menée une autre enquête afin d'établir la vérité sur ces événements.

Le groupe socialiste, radical et citoyen demande que ce texte fasse l'objet d'un débat en séance. Pour ma part, je ne peux appeler à voter ce projet visant à autoriser la ratification d'un tel accord de coopération en raison des zones d'ombre déjà évoquées ici.

PermalienPhoto de Jean-Michel Ferrand

L'accord porte sur la criminalité organisée et la lutte contre le terrorisme. Une évolution des règles d'extradition entre la France et Israël est-elle intervenue ou en cours ? J'ai souvent constaté des difficultés dans ce domaine.

PermalienPhoto de André Schneider

Ma question portait également sur le thème de l'extradition. Je souhaiterais aussi obtenir des précisions sur le type d'informations qui pourraient être échangées à la demande de l'un des pays, comme le présent accord le prévoit. De manière générale, le thème de cet accord est délicat, et il doit être manié avec prudence.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Les échanges d'informations ne sont pas réalisés sur simple demande d'un Etat, mais sur décision souveraine de l'Etat auquel la demande est faite.

PermalienPhoto de Jean-Pierre Dufau

Je tiens à remercier le rapporteur pour son travail, dont l'étendue couvre exactement celle de l'accord en discussion aujourd'hui. Le problème est tout autre, et concerne le moment retenu pour discuter de ce projet de loi, qui soulève des questions d'ordre politique. Faut-il y voir un calcul de la part du Gouvernement ? La discussion de ce projet avant les événements de Gaza aurait été entourée de beaucoup moins d'ambiguïté.

Il n'est pas question d'être contre l'Etat d'Israël. La France a toujours cherché à mener une politique équilibrée, reconnaissant les droits de l'Etat israélien, et le droit des Palestiniens à avoir un Etat. Or, on sait que, depuis l'intervention à Gaza, et alors que le rapport Goldstone fait débat, tout mouvement diplomatique dans un sens ou dans un autre sera interprété comme un choix partisan.

Le problème principal de l'accord réside dans son article 4, comme on l'a dit. Le rapporteur affirme que la France a tout à gagner à la ratification de cet accord : je n'en suis pas persuadé. Je ne pense pas non plus qu'Israël ait tout à gagner à la mise en oeuvre de cet accord. Je pense en tout cas qu'il n'est pas possible de le ratifier en ce moment, car cela va à l'encontre de la tradition d'une politique française équilibrée dans la région. J'estime qu'en l'état il serait malvenu d'adopter ce projet de loi.

PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

En ce qui concerne le terrorisme, je mesure le caractère très délicat de ce projet de loi. Ma question porte sur la criminalité organisée : est-elle le fait de réseaux internationaux qui opèrent dans le monde entier, ou bien l'expression permet-elle de cibler la criminalité organisée dans les pays arabes, dont il est rarement fait mention ?

PermalienPhoto de Jacques Myard

Il faut garder la tête froide dans cette affaire. Nous avons de bonnes relations avec Israël, mais nous menons une politique équilibrée appelant également à la viabilité du futur Etat palestinien.

Sur l'accord qui nous occupe, il faut rappeler qu'en matière de lutte anti-terroriste, une coopération existe à tous les niveaux entre les services spécialisés. L'accord ne porte pas non plus sur les pratiques judiciaires, mais sur des domaines de coopération très généraux, et pas directement opérationnels. Auparavant, un accord comme celui-là n'aurait pas eu besoin de l'autorisation du Parlement pour être ratifié.

La question du moment de la ratification mérite d'être posée, car cette décision sera, de toutes façons, instrumentalisée par les parties belligérantes. Il serait donc souhaitable pour la commission d'auditionner au préalable le ministre en charge des affaires étrangères, et d'obtenir de la part du gouvernement un engagement ferme à signer des accords comparables avec tous les Etats de la région (Syrie, Egypte, Jordanie…).

Cela me paraît être les conditions nécessaires pour préserver l'image de la France au Proche-Orient. Si de telles précautions n'étaient pas prises, cela susciterait une polémique, y compris hors de cette région, et la France apparaîtrait partiale.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je vous confirme que je demanderai que ce projet de loi soit discuté en séance publique et que ce sera l'occasion d'interpeller le ministre sur le contenu de l'accord, mais je vous inviterai tout à l'heure à approuver le projet de loi dont le calendrier de discussion n'a rien que de très ordinaire.

PermalienPhoto de François Asensi

Je suis également troublé par ce texte. Je veux redire tout d'abord qu'il n'est pas question de remettre en cause l'attachement des membres de mon groupe à ce qu'Israël ait des frontières sûres : c'est un principe fort de nos positions. Cela étant dit, notre rapporteur a fait référence au droit international et je voudrais lui faire remarquer qu'Israël est précisément un Etat qui n'applique pas le droit international, comme en témoigne la construction du mur ou d'autres de ses actions. Cet accord pose problème en ce qu'il peut amener la France à aller au-delà de ce qui est prévu. Je rappelle aussi que, il n'y a pas si longtemps, Israël soutenait le Hamas contre l'Autorité palestinienne. Les choses sont des plus compliquées et rien ne nous dit que les dispositions prévues ne seront pas utilisées dans le cadre d'une politique coercitive.

PermalienPhoto de Didier Mathus

Je ressens également un malaise sur le rapport de notre collègue Robert Lecou. Le débat que nous avons montre qu'il s'agit d'un texte qui n'est pas que technique et l'on n'échappera pas à la récupération. Israël n'est pas un Etat banal. Il se refuse au respect du droit international. Il n'est pas envisageable que notre Assemblée autorise la ratification de cet accord tant qu'il contiendra des dispositions telles que celles de l'article 4, alors qu'il y a le mur de séparation. Je suis allé sur place à de nombreuses reprises, je connais bien la situation, et je sais notamment comment on maintient l'ordre au sein des groupes sociaux dans l'Etat d'Israël.

PermalienPhoto de Henri Plagnol

Je rejoins notre collègue Jacques Myard sur la question de la portée de l'accord qui ne fait que formaliser une pratique existante. Quant à la question de l'opportunité, il est clair, hélas, que ce n'est jamais le moment, s'agissant de cette région du monde. Il y aura toujours surinterprétation de part et d'autre, quelque décision que l'on prenne. C'est un piège dans lequel nous devons nous garder de tomber en donnant à ce texte une portée qu'il n'a pas.

Sur le fond, je suis favorable à cet accord, à une réserve près. Israël est une démocratie, c'est un Etat de droit, qui est cependant en lutte permanente pour sa sécurité, dans le cadre d'une guerre parfois sale, mais il y a une Cour suprême et il existe une procédure parlementaire pour ratifier des textes, ce qui n'est pas le cas dans d'autres pays dans la région. Nous avons de plus conclu des accords similaires avec d'autres Etats, comme l'Arabie saoudite, nous sommes même intervenus à La Mecque, lorsqu'il y a eu des insurrections, et dans beaucoup d'autres pays pour les aider à maintenir l'ordre public et leur stabilité.

En revanche, je suis réservé sur la notion de « groupes sociaux » qui, pour autant que je sache, est une notion qui n'existe pas en droit français. Il y a pour le moins ici une maladresse. Cela étant, les hésitations doivent être levées car le texte comporte des clauses de sauvegarde très claires, aux articles 7 d'une part et 10 d'autre part, qui pose notamment le principe du refus de coopérer que l'on peut opposer aux demandes. Il y a des garanties et il serait anormal de ne pas ratifier cet accord à un moment où l'on entend précisément rééquilibrer notre politique dans la région pour peser et faire aboutir le processus de paix.

PermalienPhoto de Jean-Michel Boucheron

S'il ne s'agissait que de conclure un accord avec Israël il n'y aurait pas de problème. Mais Israël occupe aujourd'hui un certain nombre de territoires sur des régions voisines et, même avec les clauses de sauvegarde qui ont été rappelées, personne ne pourra être certain que les moyens seront utilisés uniquement sur le territoire historique d'Israël et non sur tous les territoires qu'il administre. Cette éventualité est insupportable. Il y a au minimum une grande maladresse, notamment dans l'article 4, et il est souhaitable que cette partie soit réécrite.

PermalienPhoto de Patrick Balkany

La lutte contre le terrorisme est cruciale pour nous tous, et pas seulement pour Israël. Les services spéciaux français pensent avant tout à protéger la France. Les spécialistes sont particulièrement inquiets quant à la possibilité d'attaques terroristes en France et en Europe, et pas seulement dans les pays belligérants. Par conséquent, tout accord de coopération avec Israël, comme avec l'ensemble des pays du Proche-Orient, est indispensable. On a besoin de leurs informations pour mieux se protéger, et quelles que soient les imperfections de tel ou tel article de l'accord, il faut autoriser sa ratification. C'est important pour notre propre sécurité.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Je constate qu'il s'agit plus ici d'un débat d'opinions que de questions précises. Je cède la parole à notre rapporteur pour répondre sur les principaux points, puis nous passerons au vote.

PermalienPhoto de Robert Lecou

Les interventions sont nombreuses et multiples. Je voudrais dire pour commencer que cet accord porte sur une coopération qui existe déjà entre les deux Etats et à laquelle il s'agit de donner un cadre normatif. Nous avons déjà signé de tels accords avec d'autres Etats de la région : avec l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Liban, la Libye. Israël de son côté a signé des accords avec de nombreux Etats, dont la Russie, l'Ukraine, la Hongrie, la Roumanie, la Grèce, la Lituanie, l'Italie, la Bulgarie, l'Espagne, l'Allemagne, la Serbie et la Croatie, les Etats-Unis, le Canada, trois pays d'Amérique latine (Argentine, Mexique, Panama) et la Jordanie. Ces informations vous permettent de resituer cet accord dans le contexte des accords bilatéraux.

Je rappelle qu'il ne contient aucune dimension militaire. Il s'agit de lutter contre la grande criminalité, les actes de terrorisme, le trafic de drogue. De nombreux Français ont déjà été victimes de réseaux de fraudes sur internet implantés en Israël. Il ne s'agit pas seulement d'apporter de l'aide à Israël mais aussi de renforcer notre propre sécurité. Par ailleurs, au niveau européen, un accord avec Europol est en négociation avec Israël. Il y a également un programme communautaire pour la formation de la police palestinienne, intitulé Eupol Copps, auquel notre pays participe. Il y a donc aussi une coopération dans ce domaine avec l'Autorité palestinienne.

Pour répondre à la question de mon collègue Jean-Michel Ferrand, je confirme qu'il n'y a pas d'accord d'extradition franco-israélien mais qu'il existe un accord d'entraide judiciaire en matière pénale.

Cet accord de coopération est un accord technique dont le calendrier, qui a souvent été évoqué, a été le suivant : signature en juin 2008 à l'occasion de la visite du Président de la République en Israël, dépôt du projet de loi en août 2009. Il est donc normal que nous en soyons saisis cet automne. Je rappelle donc que c'est un accord technique de coopération en matière de lutte contre la criminalité organisée qui est un fléau qui gagne lentement Israël, et le terrorisme. Récemment, dans ma région, une prise exceptionnelle de cinq tonnes de stupéfiants a été réalisée, en relation avec des trafics étant passés par Israël.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Mes chers collègues, je vous invite à approuver cet accord. Il est vrai que dès que l'on parle d'Israël, les choses sont extrêmement sensibles. Il s'agit d'un accord peu contraignant, en particulier avec son article 10, qui permet à chaque Etat de refuser de coopérer s'il ne souhaite pas le faire. J'estime que le fait de ne pas approuver l'accord serait une façon d'aggraver la situation et je ne crois pas, étant donné que c'est un sujet éminemment politique, que la position de chacun serait modifiée par une nouvelle rédaction de l'accord ou par la multiplication des auditions. Je considère que ce serait grave si la Commission des affaires étrangères n'approuvait pas ce projet de loi. Bien évidemment, personne ne peut être accusé d'être partisan en donnant son approbation. Il y a toujours eu de la part de notre pays la préoccupation d'adopter une position équilibrée prenant en compte les aspirations des Israéliens et des Palestiniens. Il convient de continuer en ce sens.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 1892).

La séance est levée à onze heures quarante.