COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES
Mercredi 21 octobre 2009
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 30
Le Président Pierre Lequiller. Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous retrouver au sein de notre Commission, que vous connaissez bien. Votre audition vient à un moment crucial pour l'agriculture française et européenne.
La semaine dernière, notre Commission, après avoir débattu de la communication de M. Hervé Gaymard sur la situation du secteur laitier, a adopté à ce sujet une proposition de résolution. Nous avons salué la détermination dont vous avez fait preuve au sein du « G20 laitier », dont la France a pris l'initiative, afin d'obtenir que la PAC se préoccupe à nouveau de régulation. Je vous remercie pour vos nombreuses initiatives et aussi pour votre opiniâtreté, qui vous a conduit à vous rendre dans un grand nombre de pays européens pour y exposer les propositions françaises et les faire partager. Quels pourraient être les outils de la régulation ? Comment se fait la concertation au niveau national ? Qu'attendez-vous des travaux du groupe d'experts sur le lait présidé par M. Jean-Luc Demarty, directeur général de la Direction générale de l'agriculture et du développement rural à la Commission européenne?
Je vous demanderai de nous parler aussi des aides au secteur des fruits et légumes. En septembre, la Commission européenne a ouvert contre la France une procédure visant au remboursement des aides versées aux producteurs de fruits et légumes entre 1992 et 2002. Quelle position défendez-vous dans ce dossier, et où en est la discussion communautaire ?
Vous nous direz encore votre sentiment sur la politique de la pêche alors que les Assises de la pêche viennent de s'ouvrir sous l'égide de votre ministère.
Nous souhaitons enfin vous entendre évoquer l'articulation entre les fonds structurels, le Fonds européen agricole pour le développement rural – FEADER - et la politique de développement durable, et nous dire ce que vous entendez par « projet régional d'agriculture durable ».
Je suis très heureux de retrouver la commission chargée des affaires européennes, cette fois pour m'exprimer devant vous en qualité de ministre de l'agriculture, car les questions agricoles sont des questions européennes dont vous êtes des connaisseurs avisés, M. Hervé Gaymard en étant l'un des éminents spécialistes.
Mon analyse de la situation de l'agriculture est fondée sur deux convictions. La première est que nous sommes à un tournant. Nous sommes arrivés au bout d'un chemin parcouru le mieux possible au cours de l'histoire agricole française et européenne ; il nous faut maintenant déterminer quels objectifs assigner à l'agriculture française et européenne et quels moyens lui allouer pour les atteindre. Des enjeux économiques considérables, des intérêts nationaux divers et des visions très différentes de l'agriculture expliquent que des opinions divergentes s'affrontent à ce sujet au sein de l'Union européenne. Cela explique le très dur combat qu'il m'a fallu mener en faveur de la régulation du marché du lait.
Je suis par ailleurs convaincu que l'avenir de l'agriculture française se joue en Europe. Cela va de soi, mais je ne crains pas de le répéter. Notre intérêt est donc de travailler avec nos partenaires européens, de former des coalitions et des alliances dans le respect des règles européennes et non de nous dresser, seuls, contre ces règles que nous avons nous-mêmes choisies et adoptées.
L'Union européenne a un impact décisif sur l'agriculture française car les règles juridiques qui régissent le fonctionnement de celle-ci sont des règles européennes. Si nous ne les appliquons pas, nous nous exposons à des sanctions pour avoir enfreint les engagements par nous souscrits. Je donnerai pour exemple celui de la filière « fruits et légumes », à laquelle des aides ont été versées pendant dix ans et je rends hommage à M. Gaymard qui, alors ministre de l'agriculture, a interrompu le versement de ces aides illégales. Nous étions en procédure avec la Commission européenne depuis 2002 à ce sujet. En janvier 2009, elle a enjoint au gouvernement français de répondre à ses demandes d'éclaircissement sous peine d'un recours en manquement que nous aurions immanquablement perdu puisque nous avions reconnu que le versement de la partie publique de ces aides contrevenait aux règles communautaires. Elle nous avait donné jusqu'à mai ; M. Barnier a obtenu un ultime report au 29 juillet, étant précisé que si les explications demandées n'étaient pas fournies à cette date, la procédure de recours en manquement s'engagerait automatiquement.
Le choix qui s'offrait à moi était clair : soit je répondais positivement à la Commission européenne, ce que j'ai décidé de faire, soit, par souci de popularité, j'engageais un bras de fer qui, puisque nous avions reconnu nos torts, aurait conduit, dans les trois ou quatre mois, à une condamnation certaine de la France par la Cour de justice des communautés européennes. Nous aurions alors dû verser une amende comprise entre 70 et 90 millions, assortie d'une astreinte mensuelle de quelque 20 millions jusqu'à la complète application de la décision. Voilà pourquoi j'ai préféré accepter la décision de la Commission européenne, qui demande le remboursement de 340 millions d'aides auxquels s'ajoutent les intérêts, ce qui représente un total de 500 millions.
J'étais en la matière instruit du caractère vain et contre-productif de l'opposition systématique à la Commission européenne, que démontre l'affaire du poisson « sous taille ». Vous vous en souvenez, la Commission avait introduit un recours en manquement à l'encontre de notre pays, qui refusait de vérifier si ses pêcheurs n'utilisaient pas des filets aux mailles trop serrées, capturant ainsi des poissons de taille non réglementaire. La France, condamnée à une amende de 70 millions, avait en outre payé une astreinte de 15 millions pendant trois mois avant d'arrêter les frais et de se soumettre à la décision.
En bref, plutôt que de devoir payer une amende et des astreintes puis d'être contraint de se soumettre à une décision de la Commission, mieux vaut, quand on est en tort, respecter cette décision et négocier pied à pied le montant de l'amende pour qu'elle soit la moins forte possible. C'est ce que je fais en contestant, pour différents motifs, le bien-fondé des 500 millions demandés : certaines des aides versées n'étaient pas des aides d'Etat, d'autres ne sont pas recouvrables, d'autres encore ne sont pas documentées.
Le respect des règles n'exclut pas de débattre pour modifier les règles si on les estime mauvaises. Ainsi, chaque Etat membre peut actuellement soutenir ses exploitations agricoles à hauteur de 7 500 euros par exploitation, sur trois ans. Ce plafond, correct en période normale, est insuffisant en période de crise comme nous le connaissons actuellement. Soit, faisant fi de la réglementation européenne et laissant mes successeurs se débrouiller avec un éventuel contentieux, je décidais que l'Etat verserait à ses agriculteurs plus que ce qui est autorisé, soit j'engageais la bataille sur ce plafond pour avoir une plus grande marge de manoeuvre. Au terme d'une négociation de trois mois, j'ai obtenu du Conseil européen de l'agriculture que le plafond des aides nationales de minimis soit temporairement porté à 15 000 euros par exploitation sur une période de trois ans. De même, s'agissant de la politique commune de la pêche, j'ai négocié pied à pied le nouveau règlement adopté la nuit dernière à Luxembourg, dont certaines dispositions initiales ne me paraissaient pas favorables aux pêcheurs français.
Un autre élément dit l'importance de l'Union européenne pour l'agriculture française : le montant du budget européen. Je dispose, pour l'agriculture, d'un budget d'intervention annuel de 12 milliards : 2 milliards proviennent du budget de la France et 10 milliards du budget européen. Le premier soutien à l'agriculture française, c'est l'Union européenne. La France est par ailleurs la première bénéficiaire de la PAC ; il est essentiel de garantir qu'elle continuera d'en bénéficier car elle trouve dans la PAC le premier poste de retour de sa contribution au budget européen.
L'importance de l'Union européenne pour l'agriculture française se mesure aussi aux 280 millions d'aides d'urgence au secteur laitier obtenus après une bataille homérique, dont de 50 millions seront versés aux exploitants laitiers français. Contrairement à ce que j'ai pu entendre ou lire, ce n'est pas rien, et s'il avait fallu les trouver dans le budget national, les choses n'auraient pas été simples. Enfin, c'est uniquement à l'échelle européenne que l'on peut espérer stabiliser les marchés et mieux maîtriser les prix en instaurant un marché à terme de la poudre de lait et du beurre.
L'agriculture est, je vous l'ai dit, à un tournant. Il nous faut savoir rebâtir ce qui ne fonctionne pas et fixer de nouvelles perspectives. Dans ce domaine, je tiens trois éléments pour essentiels. En premier lieu, le choix de la régulation, défendu par la France, après une expérience de dérégulation qui a pu se concevoir en son temps mais dont on voit qu'elle ne donne pas les résultats attendus. Nous nous sommes lancés dans la régulation du marché du lait parce que c'est le marché le plus en crise et celui qui concentre l'attention médiatique, mais la bataille concerne en réalité toutes les filières agricoles et c'est pourquoi elle est si féroce.
L'enjeu de la régulation est la création de nouveaux outils de stabilisation des marchés et l'extension des possibilités d'intervention publique existantes en cas de crise. La France et vingt autres Etats membres ont ainsi proposé, pour soutenir la filière laitière, de rendre le stockage public possible toute l'année et de l'étendre aux fromages. On ne pourra d'autre part pas se dispenser d'une réflexion sur les volumes, sinon, la menace de la surproduction continuera de peser.
Quels enjeux sous-tendent la nécessaire évolution de l'agriculture européenne ? En simplifiant à l'extrême, on peut dire que deux conceptions s'affrontent. Pour certains, ne compte que le prix – il faut garantir au consommateur les prix les plus bas possible pour tous les produits agricoles. S'en tenir à cela, c'est accepter d'emblée que 90 % des exploitants français mettent la clef sous la porte, car ils n'arriveront jamais à produire des tomates à un prix moindre que le Maroc, des côtes de boeuf moins cher que l'Argentine ou du lait moins cher que le lait néo-zélandais. Certes, on peut importer des pommes du Chili, de la viande d'Argentine, du poisson d'Asie, du lait de Nouvelle-Zélande et le consommateur s'y retrouvera : le prix de revient du kilo de boeuf n'est-il pas de 3 euros en France et de 1,5 euro en Argentine ? Les contempteurs de la PAC considèrent qu'en adoptant cette doctrine, l'Union économiserait de 15 à 20 milliards qu'elle pourrait redistribuer à d'autres secteurs, la recherche ou l'espace par exemple. Je considère qu'il s'agit d'une vision de court terme, qui ne garantit ni la sécurité alimentaire ni la sécurité sanitaire des consommateurs. Qui peut nous assurer qu'il n'y aura pas, un jour, un problème dans le cheptel argentin ? Je ne serai pas le ministre qui aura promu une réforme de ce type. Imaginons que le prix de la viande argentine, satisfaisant aujourd'hui, explose subitement ; si, alors, nous n'avons plus de charolais, que dirons-nous aux consommateurs sinon « je ne peux rien faire » ?
L'alternative est de considérer que la PAC sert plusieurs objectifs stratégiques pour l'Union européenne. Mais, j'y insiste, la bataille est rude car certains Etats membres ont objectivement intérêt à une concurrence par le prix. Le premier de ces objectifs est de garantir la sécurité alimentaire de 500 millions d'Européens, indépendamment de l'évolution de la situation géopolitique ou des conditions climatiques. Cela va de soi aujourd'hui, cela n'ira pas obligatoirement de soi demain. L'autre objectif est de pouvoir dire aux consommateurs européens qu'ils continueront de manger la nourriture la plus saine au monde. La France est, des pays industrialisés, celui qui connaît le moins de problèmes en matière de sécurité alimentaire, celui aussi où la proportion d'obèses dans la population est la plus faible. C'est le résultat d'une politique de sécurité alimentaire et sanitaire très rigoureuse et nous n'aurions aucun intérêt à baisser la garde. Cependant mais cette politique a un coût. Il est plus coûteux de s'astreindre à de multiples contrôles de la qualité du poulet, depuis l'oeuf et à toutes les étapes de la chaîne alimentaire, que de procéder comme le font les Américains, qui jugent notre manière de faire absurde. Il suffit, selon eux, de placer les poussins sous une lampe chauffante pour accélérer leur croissance puis d'asperger les poulets parvenus à maturité d'une solution chlorée pour que la sécurité sanitaire soit garantie. L'enjeu économique étant considérable, les Etats-Unis ont annoncé leur intention de déposer devant l'OMC un recours contre le refus européen d'importation de poulets « assainis » avec des produits chlorés, et je ne suis pas sûr du tout que nous l'emporterons.
Tels sont les enjeux : voulons-nous une concurrence par le prix, ou entendons-nous nous fixer des objectifs stratégiques, qui ont un coût ? Un éleveur, un agriculteur français à qui l'on demande de mettre son exploitation aux normes doit engager une dépense comprise entre 150 000 et 200 000 euros. Ce coût, que les exploitants néo-zélandais ou américains n'ont pas à supporter, se répercute dans les prix à la consommation.
Une fois les décisions prises, tant sur la régulation que sur le type d'agriculture choisi, l'Union devra définir les moyens alloués à cette politique. A cet égard, il est temps de s'interroger sur le découplage des aides et de la production et de se demander si le moment n'est pas venu de se rapprocher de la réalité.
Toutes ces questions ont une dimension mondiale évidente. Or, le marché mondial se caractérisant par la volatilité du cours des matières premières, due à l'instabilité climatique, il faut mettre au point une régulation mondiale. La valeur d'un champ de blé étant désormais équivalente à celle d'un champ pétrolifère, on assiste à la prédation grandissante des terres agricoles des pays en développement. Comment mettre fin à l'achat de milliers d'hectares à des pays africains par la Chine et par des pays du Moyen Orient ?
Par ailleurs, le Président de la République tient particulièrement à la réciprocité des échanges au sein de l'OMC. Nous sommes d'accord pour ouvrir nos frontières, mais à la condition que les productions importées soient fabriquées dans des conditions sanitaires, environnementales et de respect des droits sociaux égales aux nôtres. Accepter qu'il en aille autrement, c'est accepter la mort de l'agriculture française et européenne.
Vous m'avez interrogé sur le Fonds européen agricole pour le développement rural, qui relève du deuxième pilier de la PAC. La France en a reçu 7,6 milliards au cours de la période 2007-2013. Nous avons décidé de réorienter les aides permises par ce fonds afin de favoriser les productions « bio », le cofinancement des contrats Natura 2000 et le plan de performance énergétique pour réussir la révolution du CO2 engagée à l'échelle nationale. J'insiste sur l'importance de privilégier une programmation proche du terrain. La France se caractérise par la variété de ses paysages agricoles, qui conduit à diversifier les aides car les besoins ne sont pas les mêmes en Corse et dans les zones de montagne, en métropole et dans les départements d'outre-mer. Dans la réforme de la PAC prévue pour 2013, l'enjeu pour la France est le maintien d'un taux important de retour sur sa contribution. A cet égard, le FEADER doit demeurer dans la PAC ; serait-il intégré aux fonds structurels que nous y perdrions beaucoup.
Le Président Pierre Lequiller. Je vous remercie, Monsieur le ministre.
Vous avez exposé les enjeux et dit les ambiguïtés qu'il faudra lever dans les négociations au sein de l'Union européenne et à l'OMC et je vous approuve sans réserve. S'agissant du lait, où en est le G20 laitier ? Quel mécanisme de régulation autre que celui des quotas envisage-t-on ? Quel impact auront les interventions du Parlement européen, dans le cadre de la codécision, sur le déroulement des négociations agricoles ? Dans les négociations à venir, quelle sera la feuille de route du nouveau commissaire ? Enfin, M. Daniel Fasquelle, député du Pas-de-Calais, empêché, m'a prié de vous demander sous quels auspices se présente le prochain sommet de la pêche.
De nombreuses régions européennes viticoles connaissent des difficultés, et singulièrement, en France, le Languedoc-Roussillon. La crise, à la fois conjoncturelle et structurelle, est telle que des viticulteurs procèdent à l'arrachage de vignes et que d'autres travaillent à perte. Quels nouveaux outils prévoyez-vous ? Quelles décisions prendrez-vous ? D'autre part, les producteurs de vins à appellation d'origine ont fait connaître leur vive opposition à l'étiquetage obligatoire et immédiat de la valeur énergétique sur les bouteilles de vin. Onze pays producteurs se sont prononcés dans le même sens mais la France reste silencieuse. Quel est votre avis à ce sujet ?
Je me suis entretenu sur le terrain avec des viticulteurs, des éleveurs, des arboriculteurs qui, tous, ont exprimé devant moi une véritable angoisse de l'avenir. Ces gens, passionnés par leur métier, sont dans une situation telle qu'ils s'interrogent sur la pérennité de leur exploitation, redoutant de ne pouvoir la transmettre à leurs enfants. Il revient pourtant à l'agriculture de relever le défi de la faim, de préserver la ruralité et d'entretenir l'espace. Vous nous avez dit votre volonté de rétablir une régulation dans des filières qui ne peuvent, en effet, se satisfaire des seuls mouvements du marché. Quelles sont les résistances auxquelles vous vous heurtez en Europe ? Le constat partagé ne devrait-il pas entraîner une solidarité complète au sein de l'Union, et non la guerre des prix voulue par certains ? Sur quels alliés la France peut-elle compter pour faire aboutir une démarche qui devrait être naturelle et commune ?
Comme vous l'avez souligné, Monsieur Gaymard, s'agissant du lait, des ambiguïtés devront être levées. Les choix politiques doivent être discutés puis assumés publiquement, sinon les exploitants accumuleront déconvenues et désillusions. Le G20 laitier a pour seul objectif de faire évoluer la situation en infléchissant les choix politiques de la Commission européenne et des Etats membres. La méthode est sans doute iconoclaste et je sais qu'elle a été diversement accueillie, mais elle est sans agressivité aucune ; il s'agit d'aboutir à la solution la plus conforme à l'intérêt européen. Après que Mme Ilse Aigner, mon homologue allemande, et moi-même, nous sommes mis d'accord le 2 juillet, j'ai entrepris un tour des capitales européennes pour m'attacher à convaincre les Etats les uns après les autres, en expliquant qu'il n'était pas question de stigmatiser qui que ce soit mais d'entendre le cri d'alarme lancé par les producteurs laitiers et de trouver une solution commune. Le principe de la création d'un groupe de travail d'experts, que M. Demarty dirigera avec talent, ayant été accepté par la Commission européenne, je souhaite que les 27 Etats membres réfléchissent ensemble aux modalités d'une nouvelle régulation dont le choix a été fait.
J'observe que les producteurs de lait américains sont dans la même situation que les nôtres. Quand on sait qu'aux Etats-Unis un litre de lait coûte moins cher qu'un litre de Coca-Cola, on se demande en effet quelle est l'erreur ! Les Etats-Unis se sont donné deux ans pour trouver un nouveau modèle et mettre sur pied des instruments ; pour ce qui nous concerne, nous souhaitons avoir abouti en juin 2010.
S'agissant de la régulation proprement dite, il va de soi que les instruments actuels doivent être modifiés pour mieux fonctionner. Cela vaut pour le stockage qui doit être plus réactif, tout le monde en est d'accord. De même, le consensus s'est fait sur le principe d'une réflexion sur la création d'un marché à terme non spéculatif du beurre et de la poudre de lait, car chacun est convaincu que cela améliorera la situation.
En revanche, la réflexion est encore inaboutie sur les volumes, et c'est sur ce point que les débats seront les plus vifs. L'Europe a connu à ce sujet des situations très différentes au fil des ans. Au cours des années 1970-1980, aucun contrôle n'existait, si bien qu'il a fallu évacuer des montagnes de produits – ce qui n'est plus possible économiquement et, surtout, est moralement condamnable : le système des restitutions, consistant à vendre ces produits, à un prix garanti au producteur, à des pays tiers maintenait ces derniers dans la dépendance, sinon la tête sous l'eau. On a ensuite institué un contrôle par le biais de quotas indépassables alloués à chaque Etat. L'attitude responsable consiste à dire que l'on ne reviendra pas à ce système, parce qu'il est injuste et que certains Etats membres s'y opposent catégoriquement. Mon homologue danoise présente les choses de manière frappante. Si l'on pousse la logique à son terme, explique-t-elle, le régime des quotas revient à dire que le constructeur suédois Saab, sous prétexte que c'est une entreprise d'un petit pays, devrait ne produire que 5 000 voitures par an. Or ce sont de bonnes voitures ; pourquoi Saab n'en vendrait-il pas autant qu'il trouve d'acheteurs ? Chacun doit s'en convaincre, on ne parviendra pas à mettre au point un système de production de lait organisé sur le modèle « petit Etat, petite production ».
Pour autant, je suis convaincu que nous devrons aborder la question des quantités. Mettra-t-on au point un système de volume indicatif ? Lui préférera-t-on un mécanisme de supervision européenne ? On peut toujours ralentir la production pour mieux contrôler les quantités arrivant sur le marché et ainsi mieux contrôler les prix. Cela a été fait cette année en France à hauteur de 4 % de la production. Dans tous les cas, il faudra une forme d'intervention, fût-elle réduite à de l'information, mais l'on ne peut évacuer la question des volumes et ce serait une erreur de penser que le marché la traitera. La Commission européenne a indiqué qu'elle sera abordée dans le cadre du groupe de travail sur la régulation. La Cour des comptes européenne a d'ailleurs appuyé cette vision des choses dans un rapport paru la semaine dernière. Elle estime indispensable que la question des volumes soit traitée.
L'un des points majeurs du traité de Lisbonne est de faire du Parlement européen un co-décisionnaire en matière agricole ; en bon Normand, je dirai qu'il y a à cela des avantages et des inconvénients.
Le Parlement européen est très précieux pour ce qui est de la régulation et du maintien des outils de contrôle, mais il l'est surtout en raison de sa sensibilité politique. Lors de la crise du lait, ses membres ont ainsi su tirer la sonnette d'alarme, parce qu'ils sont au contact de la population et sur le terrain, et la commission de l'agriculture dirigée par Paolo De Castro a senti ce qui se passait et a apporté son soutien aux efforts de régulation. Nous n'aurions pas obtenu les 280 millions d'euros si cette demande n'avait pas été relayée par 21 Etats européens et par le Parlement européen qui, par l'intermédiaire de M. Alain Lamassoure, auquel je rends hommage, a déposé une résolution demandant le déblocage de 300 millions d'euros.
Les inconvénients tiennent à la très grande sensibilité du Parlement européen à tout ce qui a trait à l'environnement. Nous devons donc nous attendre à des difficultés, notamment sur les questions touchant à la pêche. Il faudra trouver un bon équilibre, en gardant à l'esprit que ce choix en faveur de l'environnement, s'il fait l'objet d'un consensus, fera aussi peser des contraintes majeures sur les agriculteurs et les pêcheurs.
S'agissant de la feuille de route de la négociation, notre intérêt est évidemment de garder un taux de retour le plus satisfaisant possible. Il est actuellement de 18 % et nous souhaitons qu'il reste aussi positif dans les années à venir. Mais la renégociation de la PAC sera difficile pour nous. Après avoir été gagnants pendant des années, nous devons tenir compte de la réalité des équilibres économiques et budgétaires dans les autres Etats membres.
Un exemple : aujourd'hui calculés sur une base historique, les droits à paiement unique (DPU) pour les céréaliers, qui s'élèvent en moyenne, à l'hectare, à 350 euros en France, contre 150 en Roumanie et 120 en Bulgarie, ne pourront être maintenus, et les agriculteurs le savent. Mais il ne faut pas cependant que nous perdions des montants trop importants et la négociation sera donc compliquée.
Faire passer les questions budgétaires avant la redéfinition stratégique de la PAC serait une erreur. Aujourd'hui, tout mon travail consiste à revenir au bon ordre : définissons, d'abord, ce que nous attendons de la PAC ; parlons, ensuite, argent. J'ai proposé de faire de l'alimentation l'objectif numéro un de la politique agricole européenne, en rebaptisant la PAC « politique alimentaire et agricole européenne ». Les citoyens européens acceptent difficilement que 40 milliards d'euros soient dépensés chaque année pour la politique agricole, alors qu'ils sont 30 millions sur 500 à être mal nourris. Il faut donc donner la priorité à la définition des objectifs politiques, en levant, comme vous le dites, Monsieur le député, les ambiguïtés. C'est sur la base de ces objectifs que l'on pourra traiter du financement.
S'agissant de la pêche, nous avons reçu de la Commission européenne les enveloppes TAC et quotas – totaux admissibles de captures et quotas de pêche autorisés par espèce. Dans cette négociation, nous souhaitons que soient dorénavant pris en compte les avis des scientifiques sur le renouvellement des espèces et sur les ressources halieutiques disponibles, afin de sortir des marchandages auxquels nous étions accoutumés.
Nous avons adopté un nouveau règlement de contrôle lundi. Le commissaire chargé de la pêche, Joe Borg, a su défendre la nécessité d'une nouvelle réglementation, seule à même de garantir de bons prix pour les pêcheurs, tout en prenant en compte nos préoccupations à propos du projet de permis à points et des systèmes de contrôle. Il a compris que tout cela exigeait du temps, et que les sanctions ne devaient pas menacer l'existence économique des pêcheries françaises et européennes, mais viser à un changement des comportements.
Je voulais dire à Monsieur Philippe Armand Martin que, même si je n'ai pas eu beaucoup l'occasion de m'exprimer sur le sujet, la viticulture figure en bonne place parmi mes préoccupations. Nous travaillons à réorganiser l'ensemble de la filière, à valoriser les vins nationaux et à améliorer leur commercialisation, toutes tâches à mener à bien rapidement.
Sur l'étiquetage de la valeur énergétique, les professionnels sont divisés, certains y voyant la possibilité de montrer que cette valeur est moindre pour le vin que pour beaucoup d'autres boissons alcoolisées. La position que je défends au niveau interministériel, rejoignant malgré tout l'avis de la majorité des professionnels, est que nous n'avons pas intérêt à cet étiquetage. D'après moi, les indications en termes de santé sur le vin sont suffisantes, et mieux vaut mener une politique publique de l'alimentation plus globale, assortie de recommandations nutritionnelles – auxquelles je travaille avec l'intention d'aboutir dans les mois à venir –, plutôt que de cibler un produit après l'autre, au risque de menacer chaque fois l'équilibre économique du secteur.
Je le précise : je ne suis pas certain d'avoir gain de cause en interministériel ! D'autres ministères sont favorables à cet étiquetage. A vous de faire le travail de persuasion nécessaire.
Je répondrais à Monsieur Lecou que certains de nos partenaires européens ont une vision différente de la nôtre sur la question du prix, tout simplement parce que leur situation géographique n'est pas la même. Prenons le cas du Danemark : nous avons d'excellentes relations avec ce pays et avons travaillé main dans la main pour ce qui est de la pêche – j'ai par exemple soutenu sa proposition de simplifier les règles existantes avant d'adopter le nouveau règlement contrôle –, mais le Danemark n'est pas la France. De par ses caractéristiques géographiques, ce pays a pu développer, notamment dans le secteur du lait, de grandes fermes totalement intégrées, avec une seule organisation de producteurs, une seule coopérative et un seul industriel agroalimentaire. Ainsi, il réduit ses coûts de production et est beaucoup plus compétitif que nous. En ce qui nous concerne, garder nos vaches en Haute-Savoie ou dans le Massif Central, où l'accès et la collecte sont plus difficiles et donc les prix de revient plus élevés, est d'intérêt stratégique. C'est là que nos intérêts divergent : le Danemark n'a pas d'alpages sur son territoire et ne veut pas payer pour les alpages français pour lesquels nous demandons le soutien de l'Union européenne. Si je comprends parfaitement cette position, je suis déterminé à maintenir des vaches dans nos zones de montagne.
Une des solutions – et c'est un de mes objectifs stratégiques pour cette filière du lait – est de s'orienter vers des produits dont les coûts de production élevés sont compensés par une valorisation plus forte. Un exemple parfait en est la filière du Roquefort, où la valorisation de l'AOC conduit à un amortissement parfait des coûts de production du lait. Il faudrait qu'il en soit de même pour le Beaufort, le Comté et le Salers.
La PAC prendra fin en 2013 – et, l'échéance se rapprochant, il serait d'ailleurs bon de savoir si ce sera au 1er janvier ou au 31 décembre. Vos propos sont allés plus loin que tout ce que j'ai entendu jusqu'à présent dans la préfiguration des positions que défendra la France lors de la renégociation de la politique agricole. Le moment est effectivement venu de commencer à affirmer ses options.
Vous avez donné beaucoup d'éléments, notamment sur les instruments et sur la notion, essentielle, de volume. Comment voyez-vous le calendrier de la renégociation ?
Vous n'avez pas évoqué un aspect, très important à mes yeux, de la crise du lait : le problème des règles de concurrence telles qu'elles sont interprétées au niveau communautaire. Certains pays, comme les Pays-Bas, ont un système très concentré avec de grandes coopératives et ne tombent pas sous le coup des règles de la concurrence ; le nôtre est malheureusement beaucoup plus éclaté et nous sommes davantage soumis à ces règles. Cet élément devrait être discuté dans le cadre de cette réforme de la PAC.
Par ailleurs, si vous avez évoqué un grand nombre d'enjeux liés à l'agriculture, l'aspect aménagement du territoire est très important. La notion de territoires ne doit-elle pas être mieux prise en compte dans le cadre de la réforme de la PAC ?
Je termine par les mesures d'urgence. Beaucoup de jeunes producteurs laitiers ont considérablement investi ces dernières années. Il faut le dire : on les y a encouragés, en leur demandant de respecter les règles d'écoconditionnalité et en leur expliquant qu'ils seraient plus compétitifs. Or leur situation est aujourd'hui souvent désespérée. Vous avez évoqué le doublement des aides de minimis : l'Europe nous donnera-t-elle ainsi un peu plus de marges de manoeuvre ?
Vous avez dit, Monsieur le ministre, que nous sommes à un tournant. Vous avez parfaitement présenté tout le travail à mener pour remettre les choses en bon ordre et nous avez éclairés sur la conception de la PAC.
Ce travail nous amènera jusqu'en 2013. Or M. José Manuel Barroso a d'ores et déjà donné certaines indications sur ses intentions.
D'une part, il a émis l'idée qu'après 2013, seulement 25 % des crédits communautaires – contre à peu près 75 % aujourd'hui – seraient affectés aux politiques agricoles et de cohésion, pourtant seules véritables politiques de l'Union. La fonction de redistribution assurée par le budget européen est-elle remise en cause ? Qu'en sera-t-il de la solidarité financière entre les Etats membres ?
D'autre part, au travers des propositions qu'il présentera prochainement, M. Barroso viserait à introduire le cofinancement pour les aides directes à l'agriculture. Serait-ce alors une forme de renationalisation de la politique agricole commune ?
Monsieur le ministre, vous avez raison : l'avenir de l'agriculture française se joue en Europe, mais pas seulement. Les négociations menées dans le cadre de l'OMC, même si elles sont enlisées aujourd'hui, méritent aussi toute notre attention.
Vous avez dit que les produits qui entrent sur le territoire européen doivent se voir appliquer les mêmes règles qu'aux productions européennes. Mais nous savons que s'exerce une très forte pression sur l'Union pour qu'elle abaisse ses barrières douanières : là aussi, se jouera notre capacité à assurer un revenu à nos producteurs.
Vous avez beaucoup parlé de régulation. La conjonction des prix de soutien et des quotas était déjà une régulation publique. Sans filet de sécurité, il ne peut effectivement pas y avoir de régulation, mais un filet de sécurité suppose la possibilité de retirer les produits du marché. Comment cela fonctionnera-t-il ? A quel moment ces produits seront-ils réintroduits ?
J'ai entendu parler de régulation privée, avec un engagement sur des volumes et des volumes supplémentaires au prix du marché. Or cela ne pourra jamais fonctionner, car tous les industriels seront à la recherche des volumes supplémentaires moins chers pour mettre des produits sur le même marché.
Dans les années 1975-1980, j'expliquais déjà à mes collègues socialistes qu'un tel système ne pourrait jamais fonctionner.
Une chose au moins est claire : la politique consistant à donner des chèques aux agriculteurs pour qu'ils ne produisent pas ou produisent sans contrôle a montré ses limites. Il coûte moins cher de soutenir les marchés que d'assurer le revenu par des subventions européennes. C'est une réalité : le budget de l'Union européenne y serait consacré en totalité si l'on voulait assurer le revenu des agriculteurs par des primes, et on en a la preuve aujourd'hui.
S'agissant de l'aide d'urgence, un collègue a évoqué hier dans l'hémicycle la somme de 600 euros par exploitation, soit trois millièmes d'euro par litre pour une exploitation produisant 200 000 litres de lait, alors que les éleveurs demandent entre quatre et six centimes d'euro. Monsieur le ministre, cela ne semble pas être votre position et je ne mésestime pas vos efforts, mais qu'envisagez-vous ?
Je rejoins mon collègue Bourguignon : l'augmentation des aides de minimis n'est-elle pas envisagée à Bruxelles comme le prélude à une renationalisation des aides ?
Enfin, qu'entendez-vous par « année blanche » ? Des allégements seront-ils possibles, les charges seront-elles différées, dans la mesure où, pour un certain nombre d'agriculteurs, année blanche signifie sans doute dépôt de bilan ?
Parmi les réponses à apporter à la crise du lait, à côté du nécessaire soutien aux agriculteurs via les 280 millions d'euros accordés par Bruxelles – mais encore faut-il s'assurer que le Conseil ne procédera pas à des coupes –, figure la relance de la consommation, d'autant que les problèmes des producteurs de lait trouvent écho chez les producteurs de fruits. Quelles mesures l'Union européenne a-t-elle prises ou va-t-elle prendre à cet égard ?
Deuxièmement, s'agissant des produits importés de pays hors Union européenne, que fait-on pour s'assurer qu'ils respectent les normes sociales et environnementales auxquelles sont soumises les productions des agriculteurs européens. Qu'en est-il spécialement pour le lait et les fruits ?
Enfin, les bas prix payés aux agriculteurs ne se répercutent pas toujours sur les prix payés par les consommateurs. L'Observatoire des prix et des marges relève, en septembre, un glissement annuel négatif de 2,04 % pour le prix du lait en grandes et moyennes surfaces, et de 2,76 % pour les produits laitiers. Comment ont varié les marges de la distribution dans un contexte de grand effritement de la consommation ? Comment l'Europe entend-elle aider les agriculteurs dans ce domaine ? Certains demandent non seulement la mobilisation des fonds communautaires non utilisés, mais aussi un prélèvement solidaire sur les marges bénéficiaires de la distribution. Qu'en pensez-vous ?
On aurait tout intérêt à analyser de façon très détaillée les causes mêmes de la crise laitière. En effet, comment s'accorder avec nos partenaires européens sur le contenu d'une politique de régulation si nous ne sommes pas, au départ, d'accord sur ce qui rend nécessaire cette régulation ? Sur ce point, nous sommes aujourd'hui opposés à nos partenaires de l'Europe du Nord notamment, car nos intérêts, mais aussi notre culture économique divergent. Pour eux, un développement ordonné du marché est affaire de prix ; selon nous, seule la régulation peut assurer la survie de l'agriculture. A leurs yeux, la source de la crise réside dans l'existence même des quotas ; pour notre part, nous mettons au contraire en cause la fin progressive de ces quotas.
Est-il possible d'arriver à une analyse partagée sur ce sujet avec nos partenaires européens, Monsieur le ministre, sachant qu'un accord risque d'être fragile dans le cas contraire ?
Monsieur le ministre, vous avez évoqué deux options stratégiques : d'une part, le prix ne peut pas compter…
Pas uniquement !
…D'autre part, il faut assurer la nourriture la plus saine possible à 500 millions d'Européens.
Or, pour le lait, la viande et les maraîchages, il en sera comme pour les carburants. La grande distribution a réglé le problème : les petits distributeurs ont disparu à cause des prix !
Aujourd'hui, les prix comptent énormément pour les consommateurs là où ils sont les plus bas, à savoir dans la grande distribution qui est la seule solution pour l'écoulement de nos produits, les épiceries de quartier ayant disparu.
Le prix est donc l'élément premier.
Je n'ai jamais dit qu'il fallait ignorer le prix – je ne suis pas naïf à ce point. Mais si la concurrence ne se fait que par les prix sans tenir compte d'éléments comme la santé, l'aménagement du territoire et la préservation de l'environnement – étant entendu que ces contraintes doivent être compensées –, il n'y aura plus d'agriculture européenne.
En réponse à Monsieur Garrigue, je précise que la fin des perspectives financières de la PAC étant fixée au 31 décembre 2013, il nous faudra impérativement avoir redéfini le montant des enveloppes financières de la PAC et leur attribution au moins un an avant cette date. Nous devrons connaître à la fin de l'année qui vient les nouvelles propositions de la Commission en matière financière. Par conséquent, dès le début de 2010, nous devrons commencer à travailler à la fois sur les perspectives financières et sur les orientations politiques de la PAC.
Sur les règles de concurrence, je demande l'ouverture, le plus rapidement possible, de l'Organisation commune de marché (OCM) unique pour permettre aux producteurs, notamment de lait, de mieux s'organiser entre eux et de négocier de meilleure façon leurs accords avec les industriels. Cela fait partie de la régulation que je propose.
Les producteurs de lait ont souhaité mieux s'organiser, mais ont été sanctionnés par la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes, pour qui cette organisation est anticoncurrentielle sur la base des règles européennes. Par conséquent, pour arriver à changer la donne, il faut d'abord changer les règles européennes de concurrence. Voilà pourquoi l'Europe est importante : elle fixe les règles. Quoi qu'il arrive, je respecterai ces règles et, si elles ne conviennent pas, je demanderai leur modification, comme dans le cadre de l'OCM unique.
Le territoire fait bien entendu partie des aspects importants de la politique agricole commune.
S'agissant des mesures d'urgence, ayant obtenu le doublement de la règle de minimis, le montant de l'enveloppe est passé de 30 millions à 60 millions d'aides pour les exploitants laitiers. Ce mécanisme est temporaire et ne vaut que pour 2009 et 2010. Il doit être un dispositif d'urgence permettant aux Etats d'apporter, s'ils le souhaitent, une aide supplémentaire à leurs exploitants, et non une règle durable, qui préfigurerait effectivement une renationalisation de la PAC, avec toutes les difficultés qui en découleraient.
Je souhaiterais indiquer à Monsieur Bourguignon que nous sommes en désaccord avec le document sur lequel nous avons uniquement des indications préliminaires et qui serait – j'emploie le conditionnel – le document préfigurateur de la Commission. Il ne correspond absolument pas à la vision de l'agriculture européenne défendue devant le Parlement européen par M. Barroso, avec qui j'ai eu l'occasion de parler d'agriculture il y a quelques semaines. Il a parfaitement conscience que l'agriculture n'est pas un bien comme les autres. Par conséquent, ce document ne correspond pas à la position officielle de la Commission européenne aujourd'hui. L'agriculture y est présentée comme un sous-produit du changement climatique, raisonnement qu'il est précisément nécessaire de contrer : il faut refaire de l'agriculture un secteur stratégique et montrer à quel point il est essentiel pour l'Europe.
En outre, d'après ce document, la PAC serait la seule variable d'ajustement du budget européen et, par conséquent, le seul moyen de se procurer des marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires. Je ne suis pas d'accord : il y a aussi une marge de manoeuvre du côté du chèque britannique.
Sur ces points, nous nous battrons. Mais j'ai la ferme conviction – j'espère ne pas me tromper – que ce document n'exprime pas la position officielle de la Commission européenne.
Ne vous inquiétez pas, je suis vigilant. Mais j'ai parlé avec M. José Manuel Barroso. Je lui fais confiance car je n'ai aucune raison de douter de sa parole.
S'agissant des négociations à l'OMC évoquées par Monsieur Gaubert, nous sommes allés à l'extrême limite de ce qu'il était concevable d'accepter sur le volet agricole. Il n'est donc pas possible d'aller plus loin sans risquer de porter atteinte aux équilibres économiques de notre agriculture.
Mon objectif n'est pas de m'en tenir à une régulation privée, car elle ne suffira pas. Si des accords entre industriels et producteurs dans le domaine du lait me paraissent indispensables sur des volumes et sur des prix, encore faut-il que les termes de ces accords soient définis. Pour éviter des accords différents d'un point à l'autre du territoire, leurs modalités seront définies dans la loi que je vous proposerai.
Comme l'a dit M. Gaubert, les revenus ne doivent pas être garantis par les subventions. Il faut donc trouver d'autres solutions. C'est un des objectifs stratégiques de la nouvelle politique alimentaire et agricole européenne, d'abord, parce que les bénéficiaires de ces aides préféreraient vivre de leur activité économique, ensuite, parce que ces aides sont certainement le meilleur moyen de délégitimer la PAC aux yeux des autres citoyens européens, qui ne les comprennent pas.
Il y a effectivement beaucoup de confusion sur la notion d'année blanche. Certains responsables syndicaux m'ont dit que l'année blanche signifiait la suppression de tous les remboursements d'intérêts d'emprunt pour 2009, capital compris. Si c'était le cas, nous arriverions à des montants inconcevables, de plusieurs milliards d'euros. L'objectif est de concentrer notre action sur ceux qui en ont le plus besoin, notamment par des allégements de trésorerie et de cotisations MSA.
Je dirais que la relance de la consommation peut être importante, notamment par le biais de la valorisation des produits et par un meilleur étiquetage des produits. Pour ce dernier, on est encore à l'âge de pierre : chez le poissonnier, l'étiquetage n'indique pas si le poisson a déjà été congelé une fois ou pas, mais simplement qu'il ne faut pas recongeler ; or il faut comprendre qu'il a déjà été congelé. Une indication précise serait de bon sens, comme pour bon nombre de produits agricoles. Beaucoup de progrès restent à faire dans l'intérêt du consommateur comme du producteur.
Je précise qu'un problème intra-européen de compétitivité se pose pour nos agriculteurs, car nos choix en matière de développement durable, que je soutiens, consistent à avoir toujours un temps d'avance sur les autres pays européens. Or, dans un marché unique comme l'est le marché agricole, cela crée des difficultés. Pour produire nos tomates par exemple, nous avons refusé des produits phytosanitaires que continuent d'utiliser les Espagnols ou les Italiens, nos principaux concurrents en matière de fruits et légumes. Autre exemple, relatif aux bandes enherbées, l'objectif fixé à l'échelle européenne est de 2 % ou 3 % ; nous avons rajouté une bande à 5 %, ce qui nous défavorise en termes de production agricole. Par conséquent, nos agriculteurs craignent qu'à force de vouloir être en permanence les « mieux-disants » en matière d'environnement, cela n'entraîne pour eux des difficultés économiques.
Enfin, je préciserais à Monsieur Diefenbacher que ce qui rend la régulation indispensable à l'échelle européenne comme à l'échelle mondiale est la variation des cours des matières premières et des prix. Personne ne peut s'y retrouver avec des variations des cours aussi importantes sur les intrants, les phytosanitaires et les produits agricoles de base. Combien va payer un agriculteur pour produire un quintal de blé s'il ignore combien coûteront les intrants ? Combien va-t-il gagner à la sortie du processus de production, dans la mesure où le cours du blé peut passer, en quelques mois, de 300 euros à 120 euros la tonne – c'est le cas aujourd'hui –, soit une division par trois ? Ces incertitudes posent des problèmes majeurs en termes de revenus.
Comme l'a montré l'INSEE dans son analyse de l'évolution des revenus de 1990 à 2009, le revenu agricole a non seulement été le plus instable, notamment au cours des deux dernières années où il a chuté de plus de 30 %, mais il a constamment évolué en dessous du revenu moyen des Français, dont l'augmentation a été constante et régulière. Telle est la réalité de la situation économique de l'agriculture en France aujourd'hui.
Le Président Pierre Lequiller. Merci infiniment, Monsieur le ministre, d'avoir répondu aussi précisément à toutes les questions.
Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.
l Point B
Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :
Ø Agriculture
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2472006 portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union (document E 4812).
Ø Environnement
- projet de décision de la Commission modifiant l'annexe II de la directive 200053CE du Parlement européen et du Conseil relative aux véhicules hors d'usage (document E 4790) ;
- proposition de décision du Conseil définissant la position à adopter, au nom de la Communauté européenne, en ce qui concerne la proposition d'adoption de plans d'action régionaux dans le cadre de l'application de l'article 15 du protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution provenant de sources et activités situées à terre (document E 4815) ;
- proposition de décision du Conseil concernant la participation de la Communauté européenne aux négociations relatives à un régime international sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages dans le cadre de la Convention […] sur la diversité biologique (document E 4846).
Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice
- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3772004 du Conseil relatif à la création d'un réseau d'officiers de liaison « Immigration » (document E 4589).
Ø Pêche
- proposition de règlement du Conseil établissant, pour 2010, les possibilités de pêche et les conditions y afférentes applicables en mer Noire pour certains stocks halieutiques (document E 4803).
Ø PESC et relations extérieures
- proposition de décision du Conseil établissant la procédure relative aux dérogations aux règles d'origine fixées dans les protocoles sur l'origine joints aux accords de partenariat économique conclus avec les Etats ACP (document E 4640) ;
- proposition de décision du Conseil relative à la signature d'un accord-cadre global de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Indonésie, d'autre part (document E 4774) ;
- proposition de décision du Conseil accordant une assistance macrofinancière à la Serbie (document E 4813) ;
- recommandation de la Commission au Conseil autorisant la Commission à ouvrir des négociations avec les Etats de l'AELE, les pays signataires du processus de Barcelone, les pays participant au processus de stabilisation et d'association et les îles Féroé en ce qui concerne la convention régionale sur les règles d'origine préférentielles paneuroméditerranéennes (document E 4816).
l Accords tacites de la Commission
En application de la procédure adoptée par la Commission les 29 octobre 2008 (virements de crédits) et 28 janvier 2009 (actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :
- budget général de l'Union européenne section VII. Comité des régions. Virement de crédits Inf 32009 (documentE 4817) ;
- position commune du Conseil concernant l'accueil temporaire de certains Palestiniens par des Etats membres de l'Union européenne (document E 4825) ;
- action commune du Conseil modifiant l'action commune 2007405PESC relative à la mission de police de l'Union européenne menée dans le cadre de la réforme du secteur de la sécurité (RSS) et son interface avec la justice en République démocratique du Congo (EUPOL RD Congo) (document E 4826).
l Adoption en Conseil
Enfin, la Commission a pris acte de l'adoption en Conseil des textes suivants :
- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil sur la participation de la Communauté à un programme européen de recherche en métrologie entrepris par plusieurs Etats membres (documentE 4168) (Conseil du 16 septembre 2009) ;
- projet de règlement (CE) n° ..... de la Commission modifiant le règlement (CE) n° 11262008 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) n° 16062002 du Parlement européen et du Conseil, pour ce qui concerne l'interprétation IFRIC 15 de l'International Financial Reporting Interpretations Committee (IFRIC) (documentE 4379) (Conseil du 22 juillet 2009) ;
- décision du Conseil portant nomination d'un membre du conseil d'administration de l'Agence européenne des produits chimiques (documentE 4569) ;
- décision du Conseil portant nomination d'un membre roumain du Comité économique et social européen (documentE 4580) (Conseil du 27 juillet 2009) ;
- décision du Conseil portant nomination d'un suppléant britannique du Comité des régions (documentE 4586) (Conseil du 27 juillet 2009) ;
- décision du Conseil portant nomination d'un membre du conseil d'administration de l'Agence européenne des produits chimiques (NL) (documentE 4595) ;
- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de la procédure de consultation avec la République de Guinée au titre de l'article 96 de l'Accord de Cotonou révisé (documentE 4646) (Conseil du 27 juillet 2009) ;
- renouvellement du conseil d'administration du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (CEDEFOP) (document E 4680) (Conseil du 14 septembre 2009) ;
- décision du Conseil modifiant la décision 199970CE concernant les commissaires aux comptes extérieurs des Banques centrales nationales en ce qui concerne le commissaire aux comptes extérieur de la Národná banka Slovenska (document E 4715) (Conseil du 14 septembre 2009).
Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Commission a nommé rapporteur d'information :
- M. Yves Bur, sur la protection des droits fondamentaux en Europe et les relations entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne.
La Commission a décidé de publier le rapport d'information du Président Pierre Lequiller sur la comitologie, examiné au cours de sa réunion du 22 septembre 2009.
La séance est levée à 18 heures