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Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Séance du 16 octobre 2007 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • accueil
  • asile
  • codéveloppement
  • immigration
  • intégration

La séance

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La Commission a procédé à l'audition de M. Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement sur le projet de loi de finances pour 2008.

Le Président Jean-Luc Warsmann a remercié M. Brice Hortefeux d'être venu présenter à la commission des lois les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » et rappelé qu'un certain nombre des membres de la commission avait passé, à l'occasion de l'examen des dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'asile et à l'intégration, en commission mixte paritaire, une matinée studieuse mais positive puisqu'elle avait débouché sur un accord.

PermalienBrice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement

a rappelé qu'avait été créé, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, un ministère spécifiquement chargé des politiques d'immigration, d'intégration, de codéveloppement et d'identité nationale, cette dernière n'ayant toutefois pas lieu d'être évoquée à l'occasion de la présentation du budget dans la mesure où elle est fort peu coûteuse.

Aujourd'hui, ce ministère se dote d'un budget propre ; le 1er janvier 2008, il disposera d'une véritable administration centrale. Ceci est indispensable pour mener à bien les trois missions assignées par le Président de la République et le Premier ministre dans leur lettre de mission du 9 juillet 2007.

La première de ces missions est de mettre en place une politique d'immigration « concertée » à l'image de ce qui est fait dans les grands États occidentaux, étant observé que c'est le président du Sénégal, M. Abdoulaye Wade, qui a fait part de sa préférence pour l'expression « immigration concertée » à celle d'« immigration choisie ». Concrètement, il s'agit de rééquilibrer les flux migratoires de manière à ce que, à l'horizon 2012, 50 % de ces flux soient d'origine économique. C'est d'ailleurs un résultat qu'a déjà atteint l'Espagne, pays conduit par un gouvernement socialiste et qui n'est terre d'immigration que depuis une dizaine d'années.

La deuxième de ces missions est de renforcer les moyens techniques de lutte contre l'immigration clandestine grâce à la généralisation de la biométrie en matière de visas consulaires et à la création du titre de séjour électronique.

Enfin, la troisième de ces missions est d'amplifier la lutte contre les filières d'immigration illégale et de travail clandestin.

Le ministre a estimé que les politiques d'intégration et d'accès à la citoyenneté française feront l'objet d'efforts à la hauteur de ces ambitions. Le montant des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » en témoigne.

L'immigration choisie est indissociable d'un engagement de la communauté nationale en faveur d'une intégration réussie des immigrés légaux. C'est d'ailleurs le sens du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

Ainsi, la réforme des conditions du regroupement familial subordonnera désormais ce droit à la possession de revenus suffisants pour vivre en famille. La création d'un « contrat d'accueil et d'intégration pour la famille » permettra d'associer étroitement les parents à l'intégration de leurs enfants. Enfin, l'instauration d'un test de langue et des valeurs de la République, et si nécessaire d'une formation, permettra aux personnes désireuses de s'installer durablement en France de commencer leur intégration avant même de quitter leur pays d'origine. Une fois établis en France, les migrants seront, chaque fois qu'ils le souhaitent, accompagnés dans leur démarche d'intégration professionnelle. Il faut d'ailleurs noter que le ministre travailliste de l'immigration britannique, qui a suivi le débat en France, a l'intention de demander à Gordon Brown d'introduire une telle disposition au Royaume-Uni, afin de favoriser la maîtrise des flux migratoires dans ce pays.

L'intégration des étrangers désireux de s'installer durablement en France et au-delà de solliciter l'acquisition de la nationalité française est une priorité qui se traduira par un renforcement des actions d'intégration, de formation et de promotion sociale et professionnelle conduites par les opérateurs de l'État que sont l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE).

Le ministre a ensuite précisé que, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, qui ne concerne guère un ministère de création récente et doté d'une seule direction, il entendait proposer des modifications dans l'organisation des compétences entre ces opérateurs afin que soit proposé un parcours d'intégration cohérent aux étrangers admis au séjour mais aussi aux étudiants et aux conjoints d'étrangers. Ce parcours doit être construit depuis l'accueil sur les plates formes de l'ANAEM jusqu'à l'accès au logement et à l'emploi. C'est pourquoi il paraît souhaitable d'organiser, dans chaque département, un pôle de compétences pour l'immigration et l'intégration, qui sera la cheville ouvrière du parcours personnalisé de chaque étranger à la sortie du contrat d'accueil et d'intégration. Les opérateurs nationaux seront les garants de cette organisation.

En ce qui concerne l'émergence de cette nouvelle forme d'aide publique au développement qu'est le codéveloppement, le ministre s'est réjoui d'avoir obtenu cet été la création, au sein de la mission interministérielle « Aide publique au développement », d'un programme consacré au codéveloppement.

Cette politique de codéveloppement portera prioritairement, d'une part, sur la promotion des accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement, d'autre part, sur la contribution au développement des projets individuels ou collectifs portés par les migrants et les diasporas dans leur pays d'origine. Il faut qu'il s'agisse de projets très identifiés, très lisibles et très concrets.

La nouvelle mission « Immigration, asile et intégration » regroupe deux programmes : le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » et le programme 303 « Immigration et asile ». L'ensemble des crédits portent sur 618,3 millions d'euros en autorisation d'engagement et sur 609,6 millions d'euros en crédits de paiement. Le plafond d'emploi du ministère est fixé à 609 équivalents temps plein, ce qui en fait une sorte d'état-major, qui n'inclut pas les services d'accueil des étrangers des préfectures mais comprend en revanche les effectifs du service des étrangers en France et ceux de la sous-direction des étrangers de la direction des libertés publiques. Cette mission budgétaire est par ailleurs un exemple de mise en oeuvre des grands principes de la LOLF, en particulier en ce qu'elle regroupe les moyens directement affectés aux politiques publiques conduites par le ministre et son cabinet.

La construction de la mission « Immigration, asile et intégration » s'est faite par transfert de crédits en provenance d'autres missions budgétaires relevant de plusieurs ministères pour un montant total, en autorisation d'engagement, de 613,3 millions d'euros et, en crédits de paiements, de 604,6 millions d'euros, 5 millions d'euros correspondant aux moyens de la nouvelle administration centrale.

Les crédits transférés concernent principalement quatre ministères : celui du travail pour 430 millions d'euros ; le ministère de l'intérieur pour 77 millions d'euros ; le ministère des affaires étrangères pour 64 millions d'euros ; le ministère de la défense pour 2,5 millions d'euros. En outre, le ministère de l'économie et le ministère du budget, participent à hauteur de 4 millions d'euros aux moyens de fonctionnement de l'administration centrale et du cabinet.

Cette dotation est complétée par la création de 100 emplois et le redéploiement de 509 autres en provenance des quatre ministères évoqués précédemment : 239 du ministère du travail, 110 du ministère de l'intérieur, 140 du ministère des affaires étrangères, 20 des ministères de l'économie et du budget.

Le ministre a souhaité insister sur la répartition des crédits par grandes politiques publiques. Le premier poste de dépenses, qui a trait à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile, représente 50 % des crédits de paiement, avec 304,5 millions d'euros.

Le programme 303 « Immigration et asile » porte sur l'ensemble des dépenses de fonctionnement des CADA, qui ont bénéficié d'un effort assez important puisque l'on atteindra 20 700 places à la fin de 2007. Cela demeure insuffisant mais permet d'atteindre les objectifs lancés en 2005 au titre du plan de cohésion sociale, afin de dédier un hébergement spécifique aux demandeurs d'asile en cours de procédure.

La subvention versée à l'OFPRA par l'État est rattachée au programme 303 et à l'action 2 « Garantie du droit d'asile ». Elle permettra de poursuivre en 2008 les efforts de réduction des délais d'instruction de la demande d'asile et de réduire progressivement les stocks de dossiers d'appel des décisions de l'office devant la commission de recours des réfugiés. M. Brice Hortefeux a souligné que, comme il l'a annoncé lors de la présentation du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'asile et à l'intégration, il engagera en 2009 une réforme ambitieuse de la CRR qui se traduira par l'autonomie budgétaire de la commission et par une réforme des formations de jugement.

Le second poste de dépenses concerne l'accueil, la présence et l'intégration des étrangers légaux avec 29,6 % des crédits, soit 180,5 millions d'euros. En l'espèce, le projet de budget conforte la politique engagée depuis 2003 en amplifiant le montant des subventions :

— à l'ANAEM pour l'accueil des étrangers primo arrivants (visite médicale, bilan de compétences, contrat d'accueil et d'intégration) et pour le financement de ses nouvelles missions en matière de regroupement familial et de codéveloppement ;

— à l'ACSE dans les domaines de l'insertion durable par l'emploi et le logement des migrants et de la lutte contre les discriminations.

Le troisième poste de dépenses concerne la lutte contre l'immigration illégale, avec 14 % des crédits de paiement et près de 85 millions d'euros. Cette dotation doit permettre d'assumer les engagements pris en matière de gestion des 2 400 places en centres de rétention administrative (CRA) qui sont attendues fin 2008 en application du plan triennal lancé en 2005 par le comité interministériel de contrôle de l'immigration. À ce propos, alors qu'en France les concessions au secteur privé ne concernent guère que l'entretien courant et le ménage, on peut observer qu'au Royaume-Uni, sur les dix centres existants, sept sont totalement privés.

L'augmentation de 23 % des crédits consacrés à la prise en charge sanitaire et sociale des étrangers en CRA confirme que la France respecte intégralement ses obligations communautaires au plan humanitaire.

Dans ce budget, les dépenses d'éloignement ne concernent sur le programme 303 que les seuls frais de transport pour 39,6 millions d'euros. Les autres crédits relatifs notamment aux services de police (PAF et sécurité publique), restent imputés sur le programme 176 « Police nationale » de la mission « Sécurité ».

Le montant de 39,6 millions d'euros a été calculé pour financer 26 000 reconduites effectives, chiffre qui représente non pas un objectif fixé aux services mais une estimation budgétaire, qui sera adaptée lorsque l'on disposera des résultats de l'année 2007. En lien étroit avec le ministère de l'intérieur et le ministère de la défense, M. Brice Hortefeux s'est montré résolu à obtenir de la Commission européenne un abondement de ces dépenses par l'intervention du Fonds européen pour le retour et du Fonds européen pour les frontières extérieures, dont la dotation globale pour la France est évaluée à 13 millions d'euros.

Au sein du programme 303, le ministère disposera également des crédits de développement de deux grandes applications nationales : GREGOIRE qui prendra à la mi-2009 le relais du système d'information AGDREF, devenu obsolète, pour la gestion des dossiers individuels des ressortissants d'origine étrangère, et EURODAC – base de données européennes de reconnaissance des empreintes digitales – avec la poursuite en 2008 de l'implantation de 10 nouvelles bornes, qui s'ajouteront à la trentaine existante. L'efficacité de la politique de contrôle aux frontières et de délivrance des titres ou des visas biométriques, nécessitera de regrouper au sein de cette mission, en 2009, l'ensemble des crédits informatiques y compris ceux de l'application « Réseau mondial visa ».

Enfin, les crédits répartis sur deux actions spécifiques, créées au sein des deux programmes 104 et 303, regroupent pour 38,2 millions d'euros les dépenses de personnel et de fonctionnement du ministère. Les services actuellement implantés à Nantes – la sous-direction des naturalisations et la sous-direction de la circulation des étrangers – et leurs 256 agents sont bien entendu comptabilisés dans ce total. Au total, 42 % des personnels d'administration centrale du ministère sont déployés en province : c'est le taux le plus important au sein de l'État.

L'organisation de la future administration centrale sera resserrée, efficace et moderne. Le projet de décret d'organisation en cours d'élaboration sous l'égide de M Patrick Stéfanini, qui sera le secrétaire général du ministère à compter du 1er janvier 2008 fera la part belle aux synergies fonctionnelles dans les domaines de l'asile, du séjour, du travail et de l'éloignement. Un service de stratégie, directement rattaché au secrétaire général, sera en charge du contrôle de gestion, c'est-à-dire du pilotage de la performance des missions du ministère, des statistiques – car il est préjudiciable de ne pouvoir disposer pour l'instant d'aucun chiffre absolument fiable et incontestable –, des études mais aussi de la stratégie d'ensemble des systèmes d'information.

Les enjeux de la politique de codéveloppement en direction des pays de l'Afrique subsaharienne et du Maghreb, conduiront à doter le ministère d'un département des affaires internationales et du codéveloppement. De même, la perspective de la présidence française de l'Union Européenne au second semestre 2008 entraînera la création d'un département des affaires européennes, appelé à faire prospérer l'idée d'un pacte européen sur l'immigration, déjà accueillie très favorablement en Espagne et, de façon plus surprenante, en Grande-Bretagne.

En conclusion, le ministre a fait valoir que la tâche n'était pas facile, mais qu'il avait commencé à agir et qu'il était déterminé à réussir.

PermalienPhoto de Éric Diard

, s'est réjoui de la création de la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration », qui s'inscrit dans la suite logique de la mise en place d'un ministère de l'immigration et concorde parfaitement avec l'esprit de la LOLF, dont l'objectif est de présenter de manière plus lisible les grandes politiques de l'État et les dépenses qui leur sont associées.

Estimant que les dotations prévues pour 2008 répondent aux enjeux, il a indiqué qu'il inviterait la commission à émettre un avis favorable à leur adoption. Il a néanmoins souhaité obtenir quelques éclaircissements.

En premier lieu, les crédits destinés aux garanties de l'exercice du droit d'asile représentent près de la moitié des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration ». Quelles sont les justifications des paramètres retenus pour en définir le montant ?

En deuxième lieu, le taux des reconduites effectives à la frontière n'excède jamais 30 %, 2006 ayant été à cet égard une année record. Quelles sont les raisons de cette situation ? Comment ces chiffres ont-ils évolué au premier semestre 2007 ? Quelles actions le ministre entend-il mettre en oeuvre pour améliorer l'application des décisions de justice ou des décisions administratives d'éloignement ?

Par ailleurs, certaines dispositions de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'asile et à l'intégration auront des conséquences financières dès 2008 – CAI famille, évaluation dans les pays d'origine sur les connaissances linguistiques. Quels sont les coûts attendus de ces mesures ? Ce budget permettra-t-il d'en couvrir l'intégralité ?

Enfin, le codéveloppement fait, pour la première fois, l'objet d'un programme budgétaire à part entière, mais il est rattaché à la mission « Aide publique au développement ». D'un strict point de vue budgétaire, cela ne soulève pas de difficultés car le secrétaire général du ministère en sera le responsable. Toutefois, pour une meilleure appréhension des moyens de la politique dont le ministre a la charge, n'aurait-il pas été préférable de rattacher ce programme à la mission « Immigration, asile et intégration » ?

PermalienPhoto de Thierry Mariani

a rappelé que la revue générale des politiques publiques a pour objet de rationaliser les dépenses de l'État. Est-il envisagé dans ce cadre de s'intéresser aux dispositifs actuels d'intégration des étrangers, notamment aux interférences éventuelles entre l'ANAEM et l'ACSE pour la délivrance de formations linguistiques ? Est-il prévu de revoir ce dispositif d'intégration à l'occasion de la mise en place des structures du ministère ?

Par ailleurs, le programme 303 ne prévoit pas les crédits destinés au développement de l'application « Réseau mondial visa ». Pourquoi ces crédits ne sont-ils pas rattachés à la mission « Immigration, asile et intégration », ce qui serait pourtant le plus logique ?

Enfin, dans un certain nombre de consulats, on délivre des visas à plus de 90 %. Autant il existe des endroits où il faut être ferme et vigilant, autant dans des pays comme l'Afrique du Sud et la Russie, cette formalité apparaît superflue au regard du faible risque migratoire. Les contraintes imposées, en particulier dans le cadre du passage à la biométrie, risquent de faire fuir une partie de la clientèle touristique. Ne conviendrait-il pas de revoir, dans le cadre des discussions européennes, l'obligation de visa pour certains pays ?

PermalienPhoto de Serge Blisko

a souhaité interroger plus particulièrement le ministre sur les questions relatives à l'asile, dont les crédits représentent la moitié du total des crédits d'intervention de son ministère.

Le projet de loi de finances pour 2008 repose sur la prévision d'une réduction de 10 % du nombre de demandeurs d'asile l'an prochain, avec un budget de l'OFPRA en diminution de 2 257 000 euros par rapport à la loi de finances initiales pour 2007. Mais comment peut-on être aussi précis dans un contexte géopolitique qui ne met pas un abri d'une crise qui pourrait au contraire entraîner un surcroît de demandeurs d'asile ?

Le groupe SRC restera vigilant à l'égard de l'autonomie budgétaire de la CRR à l'horizon 2009, puisque ce sujet devrait être abordé l'an prochain.

S'agissant des CADA, on comprend mal le glissement qui est prévu des plates-formes associatives vers l'ANAEM. Cette dernière est-elle appelée à gérer l'ensemble des plates-formes ? Est-on assuré que cela représentera une économie ? Ne s'agit-il pas en fait d'une forme d'ostracisme vis-à-vis d'un certain nombre d'associations qui font un excellent travail ?

Si l'on ne peut que se réjouir que l'on soit passé en quelques années de 7000 à 20 000 places dans les CADA, on sait que ces créations sont insuffisantes et que ces centres sont rapidement saturés, d'autant qu'ils sont obligés de consacrer un certain nombre de places à l'hébergement d'urgence. On a dit souvent que les demandeurs d'asile « embolisaient » les structures d'urgence et il n'est guère conforme à la convention de Genève qu'ils se retrouvent dans des centres pour SDF.

Enfin, il semble qu'il soit prévu qu'une subvention de l'ACSE de 3 millions d'euros sera destinée au financement de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. Pourtant, lors du débat de 2007, Mme Béatrice Pavy, rapporteure spéciale de la commission des Finances, s'était vu promettre que l'ensemble du financement incomberait au ministère de la culture. Cela semblerait d'autant plus justifié que l'on montrerait ainsi que l'histoire de l'immigration se distingue clairement de la politique d'immigration.

PermalienPhoto de George Pau-Langevin

s'est étonnée d'un budget en stagnation par rapport aux crédits antérieurement consacrés à l'immigration, l'asile et l'intégration des étrangers, alors que la création d'un ministère traitant de ces questions semblait montrer la volonté de leur donner une importance accrue. Sans doute le ministre expliquera-t-il que des gains de productivité et des redéploiements sont possibles mais on voit mal comment il pourrait mener une politique plus active si ses crédits stagnent.

Par ailleurs, si l'exécution des reconduites à la frontière est meilleure, l'augmentation des dépenses de personnel devrait être bien supérieure. On peut donc s'interroger sur l'effectivité de la politique qui a été annoncée.

Lors de l'examen du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, certains sénateurs avaient proposé de ramener à quinze jours la durée de la formation à la langue française. Si la commission mixte paritaire, qui vient de se réunir, est revenue à deux mois, c'est au motif que les formations devront être complètes et bien faites. Or, on ignore quels crédits sont destinés à ces actions, qui devraient concerner 19 000 personnes. Qu'adviendra-t-il en particulier de la partie qui n'est pas prise en charge par l'ANAEM ?

On ne voit pas davantage où sont les crédits qui permettront de mener les bilans de compétences instaurés lors du débat.

On peut aussi s'interroger sur le financement des tests ADN dont on a tant parlé. S'il devait être assuré par l'augmentation des frais de timbre, serait-il bien raisonnable d'accroître à l'excès le coût de l'immigration régulière ?

Enfin, alors que chacun s'accorde à considérer que le codéveloppement et la véritable solution, comment ne pas être déçu par les crédits insignifiants affectés à cette politique, qui ne permettront d'engager aucune action véritablement importante ?

PermalienPhoto de Philippe Goujon

s'est réjoui du caractère ambitieux des objectifs que s'est fixés le gouvernement en matière d'éloignement mais a souligné que cela supposait une augmentation des capacités des centres de rétention administrative. L'ouverture d'un certain nombre de places supplémentaires est-elle prévue en 2008 ? Un nouveau plan triennal d'investissement est-il envisagé pour assurer l'hébergement de tous ceux qui sont en voie d'éloignement ?

PermalienPhoto de Éric Ciotti

a rappelé que le ministre a tracé les contours de l'administration qui sera directement rattachée à son ministère et placée sous l'autorité de Patrick Stefanini. Mais pour garantir la pérennité de cette administration, il convient de lui trouver des locaux. Quelle sera la stratégie du ministère en la matière, en particulier afin de regrouper la Direction de la population et des migrations et l'ANAEM ?

PermalienPhoto de Marie-Line Reynaud

a relevé qu'à la plupart des autorisations d'engagements et des crédits de paiement évoqués par le ministre correspondent des programmes européens. Comment entend-il obtenir un abondement des fonds européen pour le retour et pour les frontières extérieures ? A-t-il par ailleurs l'intention de mobiliser les autres fonds européens destinés à l'accueil, à l'hébergement et au droit d'asile ?

En réponse aux intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

— les crédits consacrés à l'action budgétaire de garantie du droit d'asile représentent 50 % de ceux de la mission. Le montant de 304,5 millions d'euros s'inscrit dans la continuité de l'évolution des crédits qui s'établissaient en 2006, subvention OFPRA comprise, à 364,8 millions d'euros. La baisse est la conséquence de la diminution du nombre de demandes d'asile ainsi que de la réduction progressive des délais de procédure ;

— le taux de reconduite effective à la frontière est un sujet de préoccupation. Il ne dépasse quasiment jamais 30 %, 2006 ayant en effet été une année record avec 29,5 %, contre 27 % en 2005. Il y a eu 23 831 reconduites en 2006 contre 11 692 en 2003. Il faut s'attaquer résolument aux causes de ces difficultés. Cela suppose en premier lieu d'améliorer les capacités de représentation des préfectures devant le juge des libertés et de la détention. Pendant longtemps les représentants de l'État qui en avaient la charge n'étaient pas les plus performants et les préfectures ont ainsi subi des revers procéduraux. Dans plusieurs départements, comme le Rhône, le Nord et le Puy de Dôme, les choses ont commencé à bouger : on fait appel à des réservistes de la police ou de la gendarmerie et on professionnalise les fonctionnaires. Il faut ensuite engager une réforme de fond afin de confier le contentieux de l'éloignement à une seule juridiction. C'est un sujet qui pourrait faire l'objet d'un assez large accord. Aujourd'hui, pour des questions de procédure, les décisions prises par les juges des libertés et de la détention viennent parfois un peu perturber les mesures d'éloignement, ce qui est source d'inefficacité. Un débat sera ouvert à ce propos, avec la création d'un groupe de travail. Enfin, le taux de délivrance des laissez-passer consulaires est parfois très insatisfaisant. Même si l'on a des relations anciennes et amicales avec certains pays, force est de constater que les choses ne fonctionnent pas, par exemple avec la Tunisie dans le département du Rhône et avec le Maroc dans le Nord et dans les Alpes-Maritimes. Il faut donc, en direction des États les moins coopératifs, une politique très claire, qui a commencé à être menée, en liaison avec le Quai d'Orsay ;

— le coût du contrat d'accueil et d'intégration familial a été évalué à 0,5 million d'euros et celui des formations linguistiques à l'étranger à 2,8 millions. Ces sommes seront couvertes par une revalorisation de l'attestation d'accueil dont le montant est perçu par l'ANAEM, la recette supplémentaire attendue s'élevant à 3,6 millions d'euros. Par ailleurs, la subvention de l'ANAEM sera maintenue. Le bilan de compétences doit pour sa part être couvert par les ressources propres de l'ANAEM ;

— le codéveloppement fait l'objet pour la première fois d'un programme budgétaire à part entière mais il est rattaché à la mission « Aide publique au développement ». Aurait-il été préférable de le rattacher à la mission « Immigration, asile et intégration » ? La réflexion s'était d'abord orientée en ce sens, mais, dans le cadre de la LOLF, la solution retenue a semblé plus cohérente. Le Président de la République a voulu faire du codéveloppement un axe important de la coopération internationale, il est donc logique de lier ce programme à la mission consacrée à cette politique. À l'origine, le Quai d'Orsay souhaitait que l'on institue un droit de tirage. Il aurait néanmoins été néfaste que les interlocuteurs étrangers du ministre chargé du codéveloppement aient l'impression qu'aucun crédit ne venait soutenir l'idée de codéveloppement. On est donc parvenu à une solution équilibrée, avec un budget identifié qui n'est peut-être pas très important mais qui n'est pas négligeable, auquel s'ajoute un droit de tirage, par exemple pour les opérations engagées au Gabon et au Sénégal et pour celles qui le seront prochainement au Congo et au Bénin. Cela fait de ce programme le troisième acteur de l'aide publique au développement, ce qui se traduira d'ailleurs par le partage entre les trois ministères du secrétariat permanent du comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Le programme 301 est constitué en grande partie de crédits ouverts sur le programme de la DGCID et consacrés au codéveloppement ;

— la revue générale des politiques publiques a pour objectif de rationaliser les dépenses de l'État quand cela est possible. Elle est coordonnée par M. Claude Guéant, secrétaire général de la Présidence de la République. La deuxième phase de ses travaux concernant le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement sera consacrée au volet relatif à l'intégration de ses compétences. En réalité, la future administration centrale du ministère fait une large place à l'intégration et la citoyenneté, un service ou une sous-direction devant être consacré aux objectifs des politiques publiques, même s'il y aura forcément moins à faire dans une administration en cours de constitution ;

— même si le Quai d'Orsay considère que cela relève pour partie des consulats, on peut en effet s'étonner que les crédits de développement de l'application « Réseau mondial visa » ne soient pas rattachés au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement ;

— l'idée d'un assouplissement de l'obligation de visa pour les pays où le risque migratoire est inexistant paraît bonne. Il faut en parler avec les partenaires européens de la France au sein de l'espace Schengen ;

— la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, que le ministre a eu l'occasion de visiter avant son ouverture au public, exerce une mission essentielle pour la compréhension de ce qu'est la France du XXIe siècle. Un financement de 2,7 millions d'euros a été alloué directement par la direction de la population et des migrations dans le cadre du budget du ministère. La Cité reçoit par ailleurs des crédits en provenance de la mission « ville et logement » et de la mission « culture ». Son président, M. Jacques Toubon, n'a pas semblé insatisfait des dotations prévues ;

— le nombre des demandes d'asile a diminué de 10 % en 2005, de 35 % en 2006 et de 14 % au cours des neuf premiers mois de 2007. Une hypothèse assez prudente d'une diminution de 10 % a été retenue pour 2008 et, de toute manière, les réserves de productivité de l'OFPRA lui permettraient de faire face à une diminution moindre, ses effectifs étant restés stables depuis trois ans alors que la demande a chuté de moitié ;

— l'objectif n'est pas de supprimer les plates-formes associatives mais de mieux coordonner leurs actions avec celles des plates-formes de l'ANAEM. L'État n'a pas vocation à financer des structures privées alors que son principal opérateur est un établissement public qui peut faire le même travail à un coût moindre ;

— la priorité est que tous les demandeurs d'asile qui le souhaitent puissent être hébergés dans des CADA. Aujourd'hui, 26 % des places sont occupées par des déboutés ou par des réfugiés. Il faut qu'elles soient libérées pour être affectées aux seuls demandeurs d'asile dont la demande est en cours d'instruction. L'objectif est de ne plus accueillir de demandeurs d'asile dans des centres d'hébergement de droit commun. À Paris, où il n'y a pas de CADA intra-muros, l'hébergement en hôtel coûte 45 millions d'euros.

PermalienPhoto de Serge Blisko

a alors précisé que la Ville de Paris souhaitait la construction d'un CADA sur son territoire.

Poursuivant ses réponses, le ministre a observé que Mme George Pau-Langevin s'était montrée particulièrement négative dans ses appréciations alors que ce budget devait être jugé à l'aune des résultats qu'il aura produits dans un an. Il a en outre déduit de ses propos qu'elle semblait considérer qu'il n'y avait pas assez de moyens pour lutter contre l'immigration clandestine.

PermalienPhoto de George Pau-Langevin

a indiqué qu'elle avait voulu mettre en lumière le décalage entre les mesures annoncées et les moyens qui y sont effectivement consacrés.

Le ministre a souligné qu'il s'agissait de domaines dans lesquels on pouvait faire beaucoup pour peu que l'on en ait la volonté et que l'on sache mobiliser les services. Ainsi, dans la lutte contre les filières d'immigration irrégulière, le nombre des interpellations de passeurs a augmenté de 156 % entre 2002 et 2006, les résultats pour 2007 devant être communiqués dans les prochains jours.

Par ailleurs il est très difficile de savoir combien il y aura de tests ADN. Le gouvernement travailliste britannique en a réalisé 12 000. Compte tenu des particularités françaises, on en atteindra peut-être 1000 à 1500 en 2008. Il convient de souligner que de tels tests sont réalisés en Espagne, pays dirigé par le gouvernement sans doute le plus à gauche d'Europe.

PermalienPhoto de George Pau-Langevin

a observé que, dans ce pays, on avait préalablement procédé à une très importante régularisation.

Le ministre a répondu que les membres du gouvernement espagnol récusaient l'idée de « régularisation », lui préférant, compte tenu des particularités de leur économie et de leur démographie, celle de « normalisation » qui signifie que la mesure ne concerne pas tout le monde – à la différence de ce qui a été fait en France en 1997 – mais seulement ceux qui disposent d'un contrat de travail. Cela étant, il ne faut pas jeter la pierre à ceux qui ont pensé de bonne foi, à un moment donné, que la solution était de remettre les compteurs à zéro. Simplement, il faut reconnaître que cela n'a pas fonctionné.

PermalienPhoto de Christophe Caresche

a rappelé qu'en 1997, le gouvernement d'alors avait appliqué des critères de régularisation puisque, sur 150 000 candidats, 80 000 seulement l'avaient été. Et le système mis en place avait effectivement fonctionné, puisque le précédent ministre de l'intérieur a usé et abusé des dispositions de la loi de 1998.

Le ministre a expliqué que cette régularisation n'avait pas fonctionné tout simplement parce qu'elle avait créé un appel d'air, le nombre des demandes ayant été multiplié par quatre entre 1997 et 2002.

— S'agissant du coût des tests ADN, le ministre a rappelé que M. Robert Badinter, - qui, au vu de la teneur des débats, avait fait au Sénat une intervention plutôt mesurée - avait indiqué qu'il avait découvert sur Internet qu'il était possible de réaliser de tels tests pour 80 euros. Si l'on retient plutôt un coût moyen de 150 euros, 150 000 euros seront nécessaires. Il ne s'agit donc pas d'une dépense massive et elle sera couverte en partie par les crédits des frais de justice et en partie par ceux du ministère de l'immigration ;

— le codéveloppement, qui se voit pour la première fois doté d'un programme budgétaire, bénéficie de 60 millions d'euros en autorisation d'engagements et de 29 millions d'euros en crédits de paiement, contre 9 millions d'euros en 2007, noyés dans la mission « Action extérieure de l'État ». Sans doute pourrait-on faire encore mieux, mais le triplement des crédits méritait d'être signalé ;

— l'exécution du plan triennal en faveur des centres de rétention administrative permettra d'atteindre fin 2008 l'objectif de 2 400 places. Il faudra attendre les conclusions de la révision générale des politiques publiques en cours pour envisager de donner une suite à ce plan ;

— la future localisation du ministère est en cours d'analyse avec le ministère du budget. Plusieurs hypothèses d'implantation sont envisagées à Paris et en proche banlieue. Actuellement, le ministère est installé rue de Grenelle et un bâtiment voisin fait l'objet de travaux particulièrement importants. Si le coût est raisonnable, il pourrait être envisagé d'y regrouper une partie des services, à condition que Bercy, qui est toujours enclin à envoyer les autres en banlieue mais qui montre peu l'exemple, l'accepte ;

— le Fonds européen pour les frontières extérieures est destiné à financer Frontex, mais force est de constater que le système ne fonctionne pas. Chaque État annonce qu'il affectera des moyens à ce programme, mais rien ne se concrétise dans les faits. Ainsi, l'Espagne ne peut compter que sur elle-même pour assurer la surveillance des Canaries. Pour sa part, la France a respecté son engagement en affectant un Falcon 500 de la marine nationale, mais il faudra bien un jour faire le bilan de ce programme.

PermalienPhoto de George Pau-Langevin

a rappelé qu'en dépit de la courtoisie du ministre, le résultat de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'asile et à l'intégration, ainsi que la présentation des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » faisaient de cette journée un mauvais jour pour l'immigration.

Après le départ du ministre, la Commission a examiné les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2008.

Sur proposition de M. Eric Diard, rapporteur pour avis, elle a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.