La Commission a examiné, sur le rapport de M. Bernard Carayon, le projet de loi, adopté par le Sénat, portant création d'une délégation parlementaire au renseignement (n° 13).
a tout d'abord indiqué que la création d'une délégation parlementaire au renseignement constituait une innovation démocratique importante. Compte tenu des prérogatives majeures de l'exécutif, notamment dans les domaines des affaires étrangères et de la défense, son emprise naturelle sur le domaine du renseignement en a été encore renforcée, expliquant l'échec des tentatives de mise en place d'un suivi parlementaire des services de renseignement, sous des gouvernements de gauche comme de droite.
Il a ensuite rappelé que ce débat avait rebondi en novembre 2005, lors de la discussion à l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme. Alors que le Parlement s'apprêtait à donner de nouveaux moyens juridiques aux services de renseignement la spécificité française en matière d'absence de suivi parlementaire du renseignement prenait de plus en plus la forme d'une anomalie difficilement justifiable. Plusieurs amendements furent alors déposés visant à la création d'une structure parlementaire de suivi : ils furent retirés à la suite de l'engagement pris par le Gouvernement de déposer un projet de loi portant création d'une délégation parlementaire au renseignement.
Le rapporteur a estimé que le projet de loi parvenait à un équilibre, toujours difficile à obtenir, entre les impératifs de la confidentialité et ceux du contrôle démocratique, termes du débat traditionnel entre les droits de l'État et l'état de droit. En effet, il ne serait pas raisonnable de souscrire à une approche anglo-saxonne, soumettant les services de renseignement au contrôle permanent et pointilleux du Parlement. Pour autant, si le renseignement est l'affaire de l'exécutif, le Parlement peut néanmoins s'interroger légitimement sur les conditions de fonctionnement des services, les moyens techniques dévolus, l'orientation des missions, les modes de recrutement et le statut des personnels. La future délégation aura donc cette mission importante, sans interférer avec les activités opérationnelles des services de renseignement.
Le rapporteur a ensuite précisé que cette délégation serait bicamérale, composée de huit membres et que son rôle serait davantage celui d'un suivi des services de renseignement que d'un contrôle de leurs activités. Ainsi, son rôle ne doit pas être confondu avec celui d'organes chargés d'un véritable contrôle, même si ceux-ci sont parfois composés en partie de parlementaires, comme la Commission consultative du secret de la défense nationale, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité ou la Commission de vérification des fonds spéciaux.
s'est félicité, au nom du groupe socialiste, de l'institution d'un contrôle parlementaire des services de renseignement. Toutefois, après avoir souligné que la France est l'un des rares pays occidentaux ne disposant pas pour l'heure d'instruments de contrôle de ces services, il a jugé insuffisant le projet de loi soumis à l'Assemblée nationale. Il a par conséquent exprimé son souhait de voir adoptés les amendements du groupe socialiste visant à renforcer le rôle de contrôle des parlementaires qui composeraient la délégation parlementaire au renseignement.
a rappelé que, lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme à l'Assemblée nationale en novembre 2005, trois amendements ayant pour objet la création d'une délégation parlementaire au renseignement, présentés respectivement par le groupe socialiste, par M. Pierre Lellouche et par M. Alain Marsaud, avaient manifesté une volonté commune de mettre fin à l'exception française. Elle a estimé que la délégation parlementaire permettrait d'apporter une protection et une sécurité aux services de renseignement. Elle a enfin souhaité que cette délégation ne soit pas un simple organe de suivi de l'activité des services de renseignement et que les améliorations qui seraient apportées au projet de loi permettent d'aboutir à un vote unanime.
En réponse aux intervenants, le rapporteur a rappelé qu'il existait deux grands modèles de contrôle parlementaire des services de renseignement. Le premier modèle, maximaliste, est celui des États-Unis, qui s'explique par la nature présidentielle du régime américain marqué par l'importance des pouvoirs du Congrès. Ce contrôle très poussé n'a d'ailleurs pas empêché d'importants dysfonctionnements du système de renseignement américain, notamment en matière de coordination. L'autre modèle a été retenu par les régimes parlementaires, il s'apparente davantage à un suivi qu'à un contrôle pointilleux. Au Royaume-Uni, il faut d'ailleurs noter que c'est le Premier ministre lui-même qui nomme les membres de la commission.
Le rapporteur a par ailleurs reconnu que des initiatives proposant la création d'une délégation parlementaire avaient été formulées tant par des parlementaires de la majorité que de l'opposition et a souhaité également que ce texte puisse être unanimement adopté.
Puis la Commission est passée à l'examen de l'article unique du projet de loi.
Article unique (art. 6 nonies [nouveau] de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958) : Création d'une délégation parlementaire au renseignement :
a présenté un amendement de réécriture globale de l'article unique. Après avoir exposé que cet amendement visait à exclure la présence des présidents des commissions permanentes de chacune des deux assemblées chargées respectivement des affaires de sécurité intérieure et de défense comme membres de droit de la délégation, il a justifié cette exclusion par la lourdeur de la charge de travail des présidents de commissions permanentes, qui ne leur permettrait pas de se consacrer pleinement à la délégation. Il a signalé que cet amendement avait également pour objet d'élargir le champ des personnes pouvant être auditionnées par la délégation, afin d'y inclure toute personne placée sous l'autorité des directeurs des services de renseignement et déléguée par eux ainsi que toute personne étrangère aux services mais dont l'audition serait jugée utile par les membres de la délégation. Il a ajouté que cet amendement visait à supprimer les restrictions à la possibilité pour la délégation de connaître des informations ou des éléments d'appréciation protégés au titre du secret de la défense nationale.
Le rapporteur s'est déclaré défavorable à l'adoption de cet amendement, qui aurait pour effet de créer une délégation de contrôle des services de renseignement, alors que l'objet du projet de loi est de créer une délégation de suivi de ces services. Concernant la composition de la délégation, il a annoncé qu'un des amendements qu'il proposait permettrait à un parlementaire n'étant pas membre de droit de la délégation d'en être le président. Enfin, il a indiqué qu'un deuxième amendement permettrait d'auditionner toute personne relevant de l'autorité des directeurs des services de renseignement et déléguée par eux et satisferait donc l'un des objets de l'amendement présenté par M. Jérôme Lambert.
s'est étonné du refus du rapporteur de donner un pouvoir de contrôle significatif à la délégation, en s'appuyant sur des exemples étrangers, notamment celui de la Belgique où le contrôle de la commission parlementaire sur les services de renseignement est approfondi et soumis uniquement aux restrictions que peut y apporter le Premier ministre. Il a jugé insatisfaisant d'empêcher la délégation d'évoquer des opérations de renseignement closes.
a estimé que l'adoption de l'amendement permettrait la création d'une délégation au renseignement sérieuse et crédible. Elle a évoqué les exemples étrangers, qui prévoient non pas un encadrement initial des documents pouvant être communiqués à la commission parlementaire mais un dialogue entre la commission parlementaire et le Gouvernement permettant, le cas échéant, au Gouvernement de s'opposer à la communication d'informations sur un sujet qui serait jugé trop sensible.
Le rapporteur a précisé que l'intensité du contrôle parlementaire en Belgique a eu pour effet de faire perdre la confiance des services de renseignement étrangers dans les services de renseignement belges, en raison du risque de divulgation d'informations. Il a justifié le maintien de règles protégeant la confidentialité des documents par la nécessaire sécurité de l'État ainsi que des personnels des services de renseignement. Craignant que le mieux soit l'ennemi du bien, il a plaidé en faveur d'une conception plus restrictive des pouvoirs de la délégation au renseignement mais qui permette d'établir un dialogue fructueux et une relation de confiance entre cette délégation et le Gouvernement. Enfin, il a rappelé que, dès 2002, il avait obtenu la création d'un rapport budgétaire consacré spécifiquement au Secrétariat général de la défense nationale et aux services de renseignement, ce qui avait permis de rendre publiques un grand nombre d'informations relatives à ces services.
La Commission a alors rejeté l'amendement.
La Commission a ensuite rejeté un deuxième amendement présenté par M. Jérôme Lambert, relatif à la composition de la délégation.
Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, elle a examiné un amendement du même auteur supprimant l'automaticité de la présidence de la délégation par l'un de ses membres de droit. Le rapporteur a fait valoir qu'il lui semblait important de favoriser une désignation aussi libre que possible du président de la délégation par les membres de celle-ci, ce que le projet de loi ne prévoyait pas en confiant cette fonction à l'un des présidents des commissions permanentes qui en feront partie.
Le Président Jean-Luc Warsmann s'est personnellement déclaré très ouvert à une telle initiative.
Après que M. Jérôme Lambert eut rappelé les désaccords du groupe SRC avec le maintien de la présence ès qualités des présidents de commissions permanentes compétentes au sein de la délégation, M. Bernard Roman s'est interrogé sur la finalité poursuivie par l'amendement du rapporteur, estimant que si son but était de satisfaire les ambitions de tel ou tel, sa portée serait finalement dérisoire.
Le rapporteur a indiqué que l'objectif de son amendement était de conférer davantage de souplesse au fonctionnement de la délégation, lequel nécessitera une forte implication personnelle de son président au quotidien. Observant que les activités des présidents de commissions permanentes compétentes étaient d'ores et déjà accaparantes, il a justifié son initiative par le souci de permettre la désignation d'un parlementaire disponible pour assumer les tâches importantes qui seront dévolues au président de la délégation.
a regretté l'initiative du rapporteur, en estimant que le fait de confier la présidence de la délégation à l'un des présidents de commissions permanentes compétentes constituait un moyen efficace d'asseoir l'autorité et le rôle institutionnel de cette nouvelle instance parlementaire.
Le rapporteur a souligné que la position de M. Serge Blisko était contradictoire avec celle du groupe SRC, qui propose que les présidents de commissions permanentes compétentes ne puissent être membres de droit de la délégation.
Après que le Président Jean-Luc Warsmann se fut déclaré favorable à l'introduction d'une certaine souplesse dans le dispositif, la Commission a adopté cet amendement.
La Commission a ensuite examiné deux amendements identiques : l'amendement n° 1 de la commission de la Défense et un amendement du rapporteur incluant la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et la cellule de renseignement financier TRACFIN dans le champ de compétences de la délégation, son auteur faisant prévaloir que ces services participent à la communauté française du renseignement.
Après que M. Jérôme Lambert eut souligné l'accord du groupe SRC avec cet amendement, M. Michel Hunault s'est interrogé sur sa constitutionnalité. Il a rappelé que dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, la troisième directive de l'Union européenne, qui doit être prochainement transposé en droit français, renforce le rôle de la cellule de renseignement financier TRACFIN, auprès de laquelle sont transmises les déclarations de soupçon. Précisant que les parlementaires font partie des « personnalités exposées » au sens de cette directive, M. Michel Hunault s'est en conséquence interrogé sur l'opportunité d'inclure TRACFIN dans le champ de compétences de la Délégation au renseignement.
Le rapporteur a rappelé que la délégation parlementaire n'aura pas vocation à connaître des activités opérationnelles des services relevant de son suivi. Il a estimé que le risque envisagé apparaissait par conséquent très improbable, tout en observant par ailleurs que d'autres services de renseignement, tels les renseignements généraux, pouvaient être conduits à s'intéresser aux parlementaires sans que cela n'ait suscité le même type de craintes.
La Commission a alors adopté ces deux amendements identiques.
La Commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.
Puis elle a examiné un amendement présenté par M. Jérôme Lambert, prévoyant que la délégation pourra entendre toute personne étrangère aux services de renseignement.
Le rapporteur s'est déclaré défavorable à cet amendement au motif que, conformément aux règles de fonctionnement des assemblées parlementaires, il sera parfaitement loisible à la délégation d'entendre des spécialistes, des journalistes et d'autres personnes extérieures aux services, sans le prévoir dans un texte législatif. Il a observé que la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne procédait elle-même à de nombreuses auditions sans que les textes n'énumèrent la qualité des personnes qu'elle peut entendre.
a justifié son amendement par le fait que le projet de loi prévoit que seuls les directeurs de service pourront être entendus.
Le rapporteur a souligné qu'il n'était pas nécessaire d'inscrire dans le texte un principe qui trouvera à s'appliquer s'agissant des personnes étrangères aux services, le projet de loi n'apportant des précisions que sur le cas des agents des services de renseignement, qui relèvent de l'autorité du pouvoir exécutif.
a estimé que les auditions de personnalités extérieures aux services devraient se tenir en séance plénière. Elle a souligné que le champ des personnes pouvant être auditionnées, déjà élargi par le rapporteur aux services relevant du ministère des finances devait être plus vaste, pour permettre, par exemple, l'audition du président de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ou de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Considérant que le point soulevé par l'amendement méritait d'être approfondi, elle a appelé le rapporteur à proposer une solution consensuelle au cours de la séance publique.
Le rapporteur a indiqué que, compte tenu des modifications apportées par le Sénat, rien n'interdira à la délégation, si elle le souhaite, d'entendre le président de la CNIL ou celui de toute autre autorité administrative indépendante. Il a également souligné que les craintes soulevées par le groupe SRC quant à l'étendue des personnes susceptibles d'être entendues trouveraient une réponse dans un amendement ultérieur.
La Commission a alors rejeté cet amendement.
Elle a ensuite examiné un amendement du rapporteur supprimant la référence explicite au secrétaire général de la défense nationale, afin de tenir compte de l'inclusion par le Sénat du Premier ministre parmi les personnalités susceptibles d'être auditionnées, et précisant que les personnes relevant de l'autorité d'un membre du Gouvernement ou des directeurs des services pourraient être entendues, sur autorisation expresse de ceux-ci.
a jugé que cet amendement exprimait une conception restrictive du champ des personnes auditionnées par la Délégation.
Le rapporteur a souligné que le projet de loi se bornait à mentionner clairement les personnes relevant de l'autorité du pouvoir exécutif susceptibles d'être auditionnées, ce qui n'empêchera aucunement la délégation d'entendre qui elle voudra par ailleurs.
La Commission a adopté cet amendement.
Puis, par cohérence avec son vote précédent, elle a rejeté l'amendement n° 2 de la commission de la Défense, ayant un objet similaire.
La Commission a ensuite été saisie d'un amendement du rapporteur disposant que le rapport public annuel sur l'activité de la Délégation ne pourrait comporter aucune information couverte par le secret défense et prévoyant la possibilité pour la délégation d'adresser des notes ou observations couvertes par le secret de la défense nationale au Président de la République, au Premier ministre ainsi qu'aux Présidents des deux assemblées. Le rapporteur a précisé qu'il rectifiait son amendement, en supprimant les dispositions relatives aux notes ou observations couvertes par le secret de la défense nationale, en estimant que, sur ce point précis, l'amendement n° 3 de la commission de la Défense apparaissait plus approprié.
a indiqué que le premier des amendements du groupe SRC prévoyait l'élaboration d'un rapport non public, la publicité d'un tel document risquant de rendre l'exercice très formel alors que l'absence de publicité paraît plus propice à la mise en place de relations de travail confiantes entre la délégation et les services.
Le rapporteur a expliqué que les mêmes raisons l'avaient conduit à une solution différente, consistant à prévoir un rapport public sur l'activité de la délégation et la possibilité d'établir des notes présentant des observations couvertes par le secret de la défense nationale, destinées au pouvoir exécutif.
La commission a adopté cet amendement ainsi que l'amendement n° 3 de la commission de la Défense.
Elle a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.
Puis elle a adopté l'article unique ainsi modifié.
Après l'article unique (art. 154 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002) :
La Commission a été saisie d'un amendement de M. Jérôme Lambert, visant à permettre aux membres de la Délégation d'être destinataires du rapport de la commission de vérification des fonds spéciaux.
Le rapporteur a estimé qu'il ne fallait pas confondre une commission administrative avec une délégation parlementaire, la commission de vérification des fonds spéciaux poursuivant une mission de comptabilité publique, avec des vérifications sur pièce et sur place, et non de contrôle de l'activité des services de renseignement. Observant que la commission de vérification des fonds spéciaux est informée de la teneur de certaines activités opérationnelles qui ne seront pas portées à la connaissance de la délégation parlementaire, il a appelé à ne pas confondre les moyens budgétaires dévolus aux services et ceux spécifiquement prévus pour leurs missions opérationnelles.
a estimé qu'il était regrettable que les parlementaires de la délégation ne puissent pas avoir connaissance des informations détenues par les parlementaires de la commission de vérification des comptes spéciaux.
La Commission a rejeté cet amendement.
La Commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié, M. Jérôme Lambert faisant part de l'abstention des députés du groupe SRC.
Rappelant que l'exécution des décisions de justice pénale constitue une difficulté récurrente du système judiciaire, le Président Jean-Luc Warsmann a ensuite proposé la création d'une mission d'information pluraliste sur ce sujet. Cette mission pourrait se composer de 15 membres de la commission des Lois, soit selon la représentation proportionnelle des groupes : 8 sièges pour le groupe UMP, 5 pour le groupe Socialiste, radical et citoyen, 1 pour le groupe Nouveau centre et 1 pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. La mission pourrait par ailleurs décider de s'adjoindre 1 député non-inscrit.
Les candidatures devront être transmises au secrétariat de la Commission avant le lundi 23 juillet à 17 heures. La mission pourrait ainsi tenir sa première réunion le jeudi 26 juillet pour établir son plan de travail et son programme de déplacements et d'auditions.
La Commission a approuvé à l'unanimité la création de cette mission d'information.
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