Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire
– M. Marc Fellous, professeur de génétique, Institut Cochin
– M. Georges Pelletier, directeur de recherche, Inra-Versailles
– Mme Yvette Dattée, directrice de recherche, Inra
– M. Antoine Messéan, directeur de l'unité « Impacts écologiques des innovations en production végétale », Inra-Grignon
La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a organisé une table ronde d'information sur les OGM.
Le Président de l'Assemblée Nationale, M. Bernard Accoyer, a introduit son propos en indiquant qu'il était heureux que, à l'initiative du Président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, soutenu par beaucoup de parlementaires, notamment M. Jean-Yves Le Déaut et M. Christian Ménard, auteurs d'un rapport d'information sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) en 2005, les députés se retrouvent aujourd'hui pour faire le point sur les connaissances scientifiques en matière d'OGM.
Nous devons, au XXIe siècle, relever un défi démographique et un défi environnemental, tout en respectant certaines priorités. Un principe s'impose tout d'abord à nous, celui de la démocratie. Voilà déjà sept ans que l'Union Européenne a pris une directive sur les OGM, laquelle n'a toujours pas été transposée dans notre droit. Il devient donc urgent d'organiser un débat sur cette question pour tirer le bilan de tous les enseignements passés. Il est par ailleurs indispensable de s'appuyer sur la connaissance scientifique, sans laquelle il serait impossible de faire des choix. La science constituera toujours le socle du progrès de notre histoire. C'est elle qui nous a permis, de l'Antiquité à la Renaissance, en passant par les Lumières et la Révolution industrielle, de connaître, comprendre, agir, refuser la fatalité, pour nous ériger en acteurs de notre propre histoire.
La science, tout comme les arts et les lettres, a élevé l'homme, elle l'a sorti de l'état de nature pour le faire naître à l'état de culture. Ne sombrons pas dans l'ignorance et l'obscurantisme. Ne faisons pas nôtre cette dangereuse croyance selon laquelle pour avoir mangé le fruit de la connaissance nous serions passés de l'état de grâce à l'état de pollution. Restons les enfants de Galilée, les enfants de Pasteur. Soyons à la hauteur de leur précieux héritage. Ce n'est que dans cet esprit, ouverts à l'autre et guidés par la recherche de la vérité, loin des anathèmes, des tabous, des tyrannies idéologiques, que nous pourrons relever ces défis.
Pour décider, nous avons besoin de comprendre, aussi suis-je heureux, avec le Président Patrick Ollier et les parlementaires, d'accueillir ceux dont la passion, la vie et la contribution à l'action collective de la Nation est la recherche.
Le Président Patrick Ollier a ensuite souligné combien, lorsque l'opinion publique et la presse se sont emparées du phénomène des OGM, elles ont réagi avec une vigueur extrême, sans pour autant s'appuyer sur la connaissance scientifique. C'est pourquoi il était devenu impératif, comme l'a exposé le Président Bernard Accoyer, de faire le point sur l'état des connaissances et de contribuer à les diffuser. Le public français doit avoir confiance en ses chercheurs pour que le progrès continue de conduire la marche de notre société.
A cet égard, la question des OGM n'est pas isolée, d'autres préoccupations se font jour qui doivent trouver des réponses dans la connaissance scientifique : le changement climatique, la préservation de la ressource en eau, les nouvelles pandémies. Tous ces sujets ne peuvent être réduits à des enjeux de politique politicienne. La présence de députés de tous bords politiques démontre bien l'envie partagée de comprendre ce sujet en évitant les polémiques.
Le Président Ollier a ensuite remercié de leur présence Mme Yvette Dattée, directrice de recherche à l'INRA, M. Marc Fellous, professeur de génétique à l'Institut Cochin, M. Georges Pelletier, directeur de recherche à l'INRA, et M. Antoine Messéan, directeur de l'unité de l'INRA en charge de l'évaluation des impacts écologiques des innovations en production végétale.
a remercié les Présidents Accoyer et Ollier de l'avoir invité avant de commencer sa présentation.
Qu'est-ce qu'un OGM ? Un organisme vivant dont l'homme a modifié l'information génétique par une méthode autre que la reproduction sexuée. Les OGM ont été découverts en Belgique, mais ils ont été essentiellement exploités outre-Atlantique. Le code génétique est universel. Prenez le gène d'un poisson : si vous le transférez dans un autre poisson, ou une souris, il continuera à fonctionner de la même manière. L'OGM, c'est une technique que l'on peut appliquer aussi bien aux plantes qu'aux bactéries, virus, ou animaux. Cet outil a des implications en recherche fondamentale, mais aussi en agronomie, industrie ou médecine.
En agriculture conventionnelle, changer la couleur d'une fleur est complexe et long. Il faut opérer plusieurs croisements, et le résultat n'est obtenu qu'au bout de quelques années. La technique des OGM consiste en revanche à isoler le gène désiré, le mettre sur un produit qui permet sa replication, et le transplanter avec ce plasmide dans une cellule de la plante, soit par une méthode physique (bombardement), soit par un vecteur. En une seule étape, l'on peut ainsi changer la couleur d'une plante.
Cette technique est utilisée partout, dans tous les laboratoires, que ce soit en génétique des plantes, en génétique bactérienne, ou en génétique humaine. Cela s'appelle la transgénèse, découverte par Mario Capecchi, prix Nobel de médecine 2007.
Qu'est-ce que le gène ?
C'est tout d'abord un promoteur, en quelque sorte le point de démarrage de la lecture. Vous avez ensuite un élément de régulation en fonction duquel le gène s'exprimera plus ou moins. C'est ainsi qu'a été modifié le régulateur dans un riz pour que la vitamine A s'exprime davantage.
Il y a les gènes d'intérêt (résistance aux herbicides, aux insectes, qualités alimentaires diverses, etc…) et les marqueurs de sélection. Lorsque l'on injecte un gène dans des cellules, au maximum 10 à 20 % des cellules vont le recevoir. Les marqueurs de sélection vont permettre de sélectionner ces 10 à 20 % de cellules. Enfin, il y a un code pour dire « stop ».
Concrètement, prenons l'exemple du riz, aliment le plus consommé dans le monde et le plus porteur d'espoir : on fait pousser des grains sur du coton humide, et on les découpe ensuite en unités embryonnaires que l'on va bombarder avec un gène. Puis il faudra sélectionner celles qui ont reçu le gène. Enfin, deux ou trois mois plus tard, nous obtenons une plante avec le gène qui nous intéresse.
En quelques mois, nous aboutissons à un résultat qui nécessite normalement plusieurs années de travail.
Peut-on travailler uniquement en laboratoire et en serre ? Non, car une plante élevée en milieu confiné n'aura pas les mêmes propriétés que celle qui aura poussé en milieu ouvert. Il est obligatoire de tester dans les champs les découvertes faites en serre.
Les OGM ont de nombreuses implications. Ceux de la première génération permettent de résister aux herbicides, aux insectes, aux biotiques, au stress. Les États-unis ont mis au point un maïs qui peut pousser en utilisant 30 % de moins d'eau. On peut également éliminer des allergènes, modifier les qualités nutritionnelles, améliorer les performances physiologiques. L'INRA d'Orléans a mis au point un bois de peuplier qui permet de moins polluer l'eau lors de l'extraction du papier. D'autres plantes modifiées peuvent permettre de fabriquer du plastique biodégradable. Surtout, certaines peuvent conduire à la mise au point de nouveaux types de vaccins. Ainsi, au Japon, les chercheurs ont inséré dans le riz un gène qui permet de protéger du choléra, ce qui présente le triple avantage de créer une immunisation digestive, d'être facilement transportable et de ne pas nécessiter de réfrigérateur. Ce vaccin donne pour l'instant d'excellents résultats sur la souris.
Quant à l'OGM thérapie-génique, il s'agit de transplanter dans une cellule humaine malade un gène qui permettra de corriger cette cellule. Il y a eu des succès, le plus beau ayant eu lieu en France, à l'hôpital Necker.
Toutefois, depuis trois ou quatre ans, alors que l'Agence nationale de la recherche (ANR) a développé un programme de recherche sur les OGM, les chercheurs ont néanmoins des réticences à s'engager sur ces projets du fait, tout d'abord, des campagnes anti-OGM laissant penser que les OGM présentent un danger, mais également du risque de destruction des expériences menées dans les champs et, partant, de l'impossibilité de mener à bien ces recherches dans la mesure où le passage au champs est indispensable. La recherche sur les OGM est donc aujourd'hui en danger en France.
a signalé qu'en 2006, 100 millions d'hectares avaient été cultivés en OGM dans le monde. A cet égard, le soja reste la principale plante OGM, mais il existe d'autres espèces dont on parle moins, comme la papaye résistante à certains virus, le peuplier, le riz résistant aux insectes, ou encore quelques oeillets de couleur modifiée,… etc.
Aujourd'hui, on parle encore beaucoup de l'impact des PGM – plantes génétiquement modifiées – sur la santé, alors qu'en 2001, cela faisait déjà quinze ans que des tests étaient menés dans plus 400 laboratoires européens, sans qu'aucun risque supérieur à ceux inhérents à la création variétale conventionnelle n'ait jamais été détecté. Et on continue aujourd'hui encore à les chercher – est-ce bien nécessaire ?
Les effets positifs de la culture OGM, en revanche, sont avérés. On compte en effet moins de mycotoxines dans des plantes comme le maïs grâce à leur résistance à certains insectes herbivores. C'est avéré dans des pays comme l'Espagne ou l'Italie.
En outre, le fait de moins traiter les cultures par insecticides améliore la santé des agriculteurs, comme le montre l'exemple de la Chine où l'on cultive du riz et du coton résistant aux insectes.
Et la diminution de l'utilisation de matières actives comme celles présentent dans les herbicides a aussi des effets positifs sur l'environnement, sans parler de l'augmentation de rendement, par le fait de l'élimination des causes de pertes de récoltes dues aux insectes.
Par ailleurs, il y a des effets positifs sur l'environnement avec la réduction des rejets de CO2 : les cultures OGM favorisent en effet un travail moindre du sol avec moins de passage de machines agricoles. En effet, les cultures tolérantes aux herbicides permettent d'appliquer un seul herbicide. De surcroît, du fait des labours moins fréquents, le carbone se trouve séquestré dans le sol.
La culture des OGM a également des impacts positifs sur la qualité et la valeur nutritionnelle des cultures, mais aussi sur la santé par la fabrication d'anticorps ou de vaccins.
Comment, aujourd'hui, augmenter nos productions tout en préservant la qualité de l'alimentation et l'environnement ? Nous devons essayer de produire davantage, avec le même niveau d'intrants. Or, des chercheurs ont découvert que l'on pouvait augmenter le rendement d'une culture, par exemple le riz, en modifiant un gène. Il est également possible de transférer à des plantes dont la photosynthèse s'est moins adaptée à l'atmosphère actuelle le gène de plantes qui ont mieux réussi : en rendant la photosynthèse plus performante, on augmente la productivité.
Mais on est également capable d'augmenter la quantité d'huile dans les graines de colza, ou de doubler la concentration de sucre dans la canne à sucre; la même méthode pourrait d'ailleurs être appliquée à la betterave.
Il convient par ailleurs de limiter la consommation d'eau dans l'agriculture, d'autant plus qu'il faudra produire deux fois plus d'ici à 2050 si l'on veut nourrir correctement la planète. Comment obtenir des plantes qui consomment moins d'eau ?
On peut, tout d'abord, empêcher la plante d'entrer en sénescence lorsqu'elle est en déficit hydrique, en lui faisant produire, par une modification génétique, de la cytokinine, antidote de la sénescence.
Mais il est également possible, à partir d'une plante proche du colza, d'identifier un gène susceptible de permettre une meilleure résistance au stress hydrique.
De même, comment rendre possible la culture sur des terres qui souffrent d'un excès de salinisation ? En modifiant certaines plantes pour qu'elles supportent mieux le sel.
Pour finir, il faut signaler que l'on peut également fabriquer des plantes résistantes aux coléoptères ou au mildiou, pour éviter l'épandage d'insecticides ou de fongicides – la France a malheureusement refusé en 2007 les plants transgéniques de pommes de terre résistants au mildiou, malgré l'avis positif de la commission de génie biomoléculaire à laquelle nous appartenions.
a renchéri sur les propos précédents en insistant sur le fait que, depuis cinquante ans, les plantes s'étaient considérablement améliorées. En témoigne notamment la remarquable régularité des champs. Mais cette amélioration a commencé voici des millénaires, lorsque l'Homme a choisi les espèces qu'il allait cultiver pour se nourrir.
Chaque année, en France, nous autorisons à la vente environ 400 nouvelles variétés, sur les mille qui sont présentées. Au niveau de l'Europe, ce sont 600 nouvelles variétés qui sont autorisées à la commercialisation chaque année. De nombreux caractères de ces variétés ont été améliorés – la production, la régularité de production, la qualité, la précocité, la tolérance aux maladies, aux stress, … etc.
Ces résultats sont le fruit d'une recherche pluridisciplinaire qui intègre la génétique, la physiologie, la botanique, la pathologie végétale et l'agronomie. L'homme a toujours eu recours à des outils nouveaux pour améliorer les plantes, qu'il s'agisse du greffage, du bouturage, de la culture de méristème ou, plus récemment, d'autres techniques utilisant la facilité de régénération de plantes entières par la culture in vitro et la régénération de plantes haploïdes à partir de cellules reproductrices. Bon nombre de variétés commerciales sont déjà produites grâce à ces techniques.
Aujourd'hui, chez les végétaux, comme chez l'homme, la biologie moléculaire permet des progrès spectaculaires : identification et marquage du génome, détermination des zones chromosomiques impliquées dans tel ou tel caractère d'intérêt, suivi de l'introgression de gènes, par exemple un gène de coloration de la fleur.
Ces outils ont progressé en même temps que la science et la technique ont permis de les impliquer dans les cultures.
La transgénèse est l'un de ces outils. Elle n'a rien de bien différent des autres si ce n'est qu'elle permet d'intégrer dans la plante des gènes provenant d'espèces très éloignées. En revanche, c'est la première fois que l'accent est mis sur la technologie d'obtention plutôt que sur le produit obtenu.
Peut-être le vocabulaire est-il inadapté ? Les chercheurs ont essayé, au début, d'utiliser un vocabulaire plus scientifique, en parlant de variété ou de plante génétiquement modifiée, mais ce n'est pas passé dans les médias.
Que veut dire « détecter un OGM dans un yaourt » ? Rien, si ce n'est rechercher dans un produit consommable des traces du transgène qui a été introduit dans la plante cultivée dans un champ comme toute autre variété. Je crains que les mots employés aujourd'hui, outre qu'ils font peur, ne reflètent pas la réalité du travail scientifique.
S'agissant de la place des OGM dans le monde, il faut rappeler qu'en 2006, nous sommes passés à une centaine de millions d'hectares cultivés en plantes transgéniques ; la France se place loin derrière le Brésil, l'Argentine, l'Afrique du Sud, l'Australie, la Chine, … etc.
Quels sont les risques pris en freinant le développement de cette technique ? Tout d'abord, la France ne sera bientôt plus dans la course pour la recherche. Je travaille à l'école doctorale d'Orsay, et je me rends bien compte que les jeunes doctorants ne veulent plus choisir ces sujets, car ils savent que leur travail ne trouvera pas d'application.
Nous pourrions par ailleurs devenir dépendants des multinationales qui créent les plantes transgéniques, lesquelles seront utilisées par les firmes semencières. Les laboratoires privés se décentraliseront et nous ne pourrons plus bénéficier des progrès agronomiques qui vont justement dans le sens d'une agriculture durable.
Dans ce domaine, la recherche française était pourtant au premier rang il y a une vingtaine d'années avec la Belgique, l'Allemagne, l'Angleterre. La France fut même la première, en 1994, à prévenir qu'il fallait encadrer cette culture par une biovigilance, ce qui fut repris par la directive de 2001. Lorsque la première variété de maïs transgénique a été inscrite en France, une clause avait ainsi déjà prévu la surveillance de l'évolution des pyrales sur cette variété.
a ensuite abordé la question de la coexistence entre la culture OGM, la culture conventionnelle et la culture biologique, après avoir rappelé qu'en tant qu'agronome il travaillait sur la question des impacts de la culture des OGM depuis 20 ans. Le principe de coexistence a été édicté par l'Union européenne en 2003, afin de garantir la liberté de choix des agriculteurs. En effet, les champs OGM peuvent disperser leur pollen vers les autres champs de la même espèce, mais également avec les graines, notamment au niveau des équipements, du transport, de la transformation. Ces questions ne sont pas spécifiques aux OGM et la dispersion de pollen n'a pas nécessairement en elle-même un impact.
La réglementation européenne impose néanmoins d'édicter comme OGM toute production qui contiendrait plus de 0,9 % d'OGM – et certaines filières (par exemple l'amidonnerie, la semoulerie mais également l'agriculture biologique) s'imposent un taux plus faible, voire nul. Ainsi, même s'il n'y a pas de risque associé à la dispersion d'OGM, ceux-ci étant présumés sans risque car autorisés, il faut tenir compte du fait que la présence d'OGM dans la production d'autres filières pourrait affecter la compétitivité voire la pérennité des autres filières.
La coexistence est donc une question de recherche en tant que telle, que l'INRA, avec de nombreux autres partenaires français et européens, traite depuis assez longtemps. Ainsi, un projet de recherche européen, rassemblant 44 partenaires, nous permet désormais de bien connaître aujourd'hui les modalités de dispersion des gènes chez certaines espèces, notamment le maïs ou le colza.
Celle-ci peut toucher des champs assez éloignés des cultures OGM. Les risques varient en fonction du climat, des parcelles agricoles, des pratiques des agriculteurs. Ainsi, s'il n'y a pas de coïncidence de floraison entre les parcelles OGM et les parcelles conventionnelles, il n'y a pas de risque de croisement. Du fait de cette variabilité, il est impossible de recommander une règle commune à tous, des modèles mathématiques ont été développés qui permettent de prédire le taux d'OGM dans la production conventionnelle pour chaque situation particulière. Il est ainsi possible de savoir, pour le maïs et le colza, ce qu'il se passerait si, dans telle région, l'on introduisait des OGM. Comment, dans ces circonstances, organiser spatialement les cultures pour maintenir dans les limites des différents seuils la présence fortuite d'OGM dans les cultures conventionnelles ?
Si l'on s'en tient au seuil règlementaire de 0,9 %, dans la plupart des situations, il est clair que la coexistence est techniquement possible, même à des seuils inférieurs lorsqu'il y a des distances d'isolement.
S'agissant en revanche des filières qui s'imposent des seuils beaucoup plus bas, voire l'absence absolue d'OGM, la coexistence à l'échelle locale est impossible.
Pour ce qui est des risques pour la santé et l'environnement, l'on ne peut pas parler des OGM en général. En effet, pour citer un seul exemple, un soja dont l'on a modifié la qualité de l'huile n'a rien à voir avec un colza que l'on aurait rendu tolérant à un herbicide. L'évaluation ne peut se faire qu'OGM par OGM.
S'agissant des effets indirects des OGM, on peut se référer à l'exemple de la biodiversité par le biais d'une étude réalisée par les Britanniques a étudié l'impact de la culture d'OGM sur la faune et la flore pour trois cultures, et pour un caractère particulier, la tolérance à un herbicide. Il apparaît que la culture du colza résistant à un herbicide réduirait la biodiversité des champs. Ce fait n'est pas lié à la plante OGM elle-même, mais au changement d'herbicide. La lutte contre les mauvaises herbes étant plus efficace, il s'en trouve en effet moins dans les champs, et les pollinisateurs, les papillons, vont ailleurs. Par ailleurs, le changement d'herbicide facilite, voire supprime le travail au sol, ce qui a un impact écologique. De même, l'agriculteur n'aura pas besoin d'autant utiliser ses machines, d'où une baisse de la consommation de carburant, et un impact sur l'effet de serre. Enfin, il faut étudier l'impact de la culture de ce colza OGM sur la biodiversité de manière globale : peut-être limite-t-elle la biodiversité par rapport à un colza non OGM, mais ne la limite t-elle pas autant voire moins qu'une autre culture, conventionnelle ou non ?
Ces réflexions nous interrogent sur les limites de l'évaluation. Jusqu'où doit-on aller ? Quels critères d'évaluation retenir ? Qui doit arbitrer ?
S'il est nécessaire d'appréhender les effets indirects, l'exercice est difficile, car il touche à l'ensemble de la logique du système agricole.
La culture d'OGM est aujourd'hui proposée aux agriculteurs européens, et l'on demande aux scientifiques d'en évaluer les impacts, éventuellement de proposer des modalités de gestion. Or tout dépend du modèle de production agricole que l'on souhaite. Si l'on s'oriente ainsi vers un modèle d'exportation, il est évident que l'on voudra produire davantage. Il en va de même de la détermination du seuil d'OGM dans les aliments. La question n'a toujours pas été tranchée par les autorités politiques et économiques. Si les scientifiques peuvent mettre en lumière les impacts des OGM, ils ne sauraient conclure par eux-mêmes cette question qui reste politique.
Le Président Patrick Ollier a souligné la pertinence des propos de M. Antoine Messéan, estimant qu'il avait eu raison de rappeler les politiques à leurs responsabilités. C'est bien pourquoi il sera procédé à de nombreuses autres auditions afin que ces responsabilités soient prises en toute clarté.
Il a ensuite passé la parole à MM. Jean-Yves Le Déaut et Christian Ménard, qui ont porté témoignage des travaux de la mission d'information sur les OGM constituée en 2004 par l'Assemblée.
ancien président de la mission d'information, a tout d'abord rendu hommage à la commission du génie biomoléculaire, présidée par le professeur de médecine Marc Fellous, qui a eu le travail ingrat d'autoriser ou non des plantes ou des médicaments génétiquement modifiés. Il faut en effet se souvenir qu'en 1991, lors de la première transposition de directive européenne, pas une association n'a demandé à être entendue. Le sujet n'était pas conflictuel : Daniel Chevallier, à l'époque rapporteur de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, peut en témoigner. La situation s'est compliquée à partir de 1996 avec les premières importations d'OGM, notamment avec un ministre de l'agriculture et un ministre de l'environnement, qui, l'un, voulait les cultiver, l'autre refuser leur importation. Enfin, c'est en 1998 que j'ai organisé la première conférence de citoyens, avant d'être nommé parmi les quatre Sages en 2002, présidant alors l'Office parlementaire, puis président de la mission d'information en 2005.
Comme l'a montré le professeur Pelletier, et d'autres avec lui, le sujet est complexe. Pourtant, à la différence des scientifiques, certaines personnes ont des certitudes. Aussi, j'apprécie particulièrement la pondération d'Antoine Messéan, qui laisse la décision aux politiques, même si aucune loi ne peut régler le problème car il n'y a pas un OGM, mais autant d'OGM qu'il y a de transformations possibles. C'est d'ailleurs ce qui implique de travailler au cas par cas, comme pour le Monsanto 810, encore que cette semence ne soit pas un exemple de la meilleure manière de travailler en la matière, mais je ne reviendrai pas sur un sujet de polémique avec la Haute autorité provisoire sur les OGM.
La mission d'information, dans son rapport adopté pratiquement à l'unanimité – à l'exception, en effet, d'une collègue, devenue aujourd'hui ministre, et d'un député Vert – a souligné la nécessité de la recherche en précisant que « chacun a entendu qu'après les essais en milieu confiné, il était nécessaire, voire indispensable, que certains d'entre eux soient poursuivis en plein champ » Comment pourrait-on d'ailleurs admettre qu'il n'y ait pas de recherche à partir du moment où certains parlent de danger ?
Il faudra, de même, traiter de la question des seuils, car, dans de bonnes conditions de fertilisation, 1100 000 de pollen de maïs projeté à dix kilomètres peut fertiliser. Certes, on parvient à faire coexister différents types de maïs, mais si l'on veut une filière avec zéro OGM, à la limite de détection, des règles doivent être édictées. Traiter de la question des seuils permettra d'ailleurs de traiter de la coexistence éventuelle des cultures, sans oublier le droit à la transparence, car si nos concitoyens manquent d'information en la matière c'est sur les parlementaires qu'ils en rejetteront la faute. Il faut donc informer sur les filières OGM, sans pour autant que cela conduise à se prononcer sur leur caractère dangereux ou non, mais il est inimaginable que les pouvoirs publics puissent autoriser des produits dangereux.
, ancien rapporteur de la mission d'information, a ensuite indiqué que la mission, qui comptait trente et un députés, avait auditionné des dizaines de scientifiques, de représentants des médias, de syndicalistes et de défenseurs de l'environnement afin de traiter cinq chapitres principaux relatifs aux enjeux sanitaires, à l'environnement, à l'encadrement juridique, aux enjeux économiques et à l'information.
S'agissant des OGM et de la santé, aucun risque n'a été signalé parmi les centaines de témoignages recueillis, d'autant que les États-Unis ont un recul de dix à quinze ans. En revanche, de nombreux bénéfices ont été cités : enrichissement nutritionnel des plantes, réduction notable des mycotoxines – élément dont on ne parle d'ailleurs pas suffisamment – moindre allergénicité, fabrication de médicaments à base de plantes comme la lipase utile au traitement de la mucoviscidose, production d'insuline, d'hormones de croissance et d'anticancéreux, plus de 50 % des médicaments mis sur le marché aux États-Unis étant issus du génie génétique.
En matière environnementale, des avantages peuvent également être attendus de l'utilisation des OGM, qu'il s'agisse de la réduction des herbicides et des insecticides, de l'amélioration de la gestion de la ressource en eau avec des plantes nécessitant 30 % d'eau en moins, ou encore de la captation de l'azote de l'air par les plantes avec diminution des intrants azotés, sans oublier les applications industrielles.
Si produire du maïs ne comporte pas – tout en restant aussi prudent que les scientifiques – de risque, la question peut en revanche se poser pour le colza génétiquement modifié qui peut se croiser avec des plantes voisines. La grande majorité des membres de la mission s'est cependant prononcée pour l'autorisation des expérimentations en plein champ en raison, d'une part, de l'impossibilité de réaliser, comme l'a souligné Marc Fellous, de vraies expérimentations en conditions confinées et, d'autre part, du coût prohibitif des grandes serres. Il ne s'agit pas pour autant d'un blanc-seing, car il faut traiter au cas par cas, mesurer les pollinisations, veiller aux populations d'insectes, et régir les règles de la coexistence.
Pour ce qui est de l'encadrement juridique, sans revenir sur le retard pris pour la transposition de la directive européenne 2001-18, la création d'un système d'assurance est possible à moyen terme si l'on établit un seuil de présence fortuite d'OGM, sans doute de 0,9 %. S'agissant de la gouvernance, une Haute autorité doit être créée, certains auraient préféré un Haut conseil. Il convient, en tout cas, que cette instance puisse réagir à des études erronées, surtout si elles sont immédiatement reprises par les médias.
Quant aux enjeux économiques, toute la question est de savoir si l'on veut que la France du XXIe siècle reste à l'écart en se passant des OGM et en laissant à d'autres pays le monopole de la recherche en la matière, ce qui serait faire preuve d'incompétence et d'imprévoyance. Il est vrai que le sujet ne laisse pas d'étonner : 80 % des Français se déclarent contre les OGM sans savoir, à 90 %, ce que cela recouvre, alors que 95 % des scientifiques sont pour l'expérimentation en plein champ des OGM !
a ensuite souligné que les hommes étaient eux-mêmes des OGM en raison de leur adaptabilité au milieu, laquelle a pris des milliers d'années. Or aujourd'hui, ce qui fait peur, à tort, c'est à la fois la possibilité d'adapter des plantes et l'instantanéité. Heureusement pourtant qu'il y a eu des OGM ! Pour la vigne, par exemple, n'est-ce pas une OGM naturelle provenant des États-Unis qui a permis de lutter contre le phylloxéra ? De même pour les médicaments : si l'on supprime les OGM, ce sont tous les traitements en développement que l'on condamnera, sans compter qu'une telle suppression nous placerait à la traîne sur le plan économique. Pour autant, la technologie « Terminator », qui empêche de replanter des semences issues des récoltes, ne peut-elle être considérée comme une petite arnaque économique, ainsi que le font remarquer les agriculteurs concernés ?
a regretté, en tant que médecin, un certain manque d'information. Ainsi, la réduction des mycotoxines a été présentée comme l'un des avantages des OGM. Peut-être faudrait-il déjà expliquer le danger que représentent les toxines ! De même pour la dispersion. On parle de la règle européenne des 0,9 % d'OGM. Ne faudrait-il pas également expliquer ce qu'il en serait dans le cas où ce taux serait de 0,01 ou 0,02 % ? Quant à se demander, comme Christian Ménard, s'il ne faudrait-il pas prendre le risque de cultiver le colza génétiquement modifié dans notre pays, c'est oublier que l'on en importe 1,5 tonne par an pour nourrir les animaux. Pourquoi, dans ces conditions, ne pourrait-on pas le cultiver nous-mêmes ? S'agissant de la production d'insuline ou d'hormones de croissance, pourquoi faudrait-il nécessairement une culture en plein champ ? Enfin, depuis quinze ans que des cultures OGM sont consommées, a-t-on connaissance de problèmes de santé ? Ce sont là des sujets qui préoccupent nos concitoyens.
, reprenant l'interrogation de Bernard Debré sur les OGM stériles, a demandé s'il existait des semences de maïs ou de colza OGM non stériles, ce qui permettrait de rassurer les agriculteurs intéressés ?
a interrogé M. Marc Fellous sur la question des poissons génétiquement modifiés pour accélérer leur croissance. Le problème d'éthique que cela soulève ne doit-il pas conduire à définir des familles d'OGM, allant de la sélection classique jusqu'à la transgénèse entre le monde animal et le monde végétal, qui seraient abordées différemment ? Par ailleurs, si une plante doit produire un vaccin, un devoir de vigilance renforcé ne s'impose-t-il pas ? Ne faut-il pas également demander aux chercheurs qui proposent un produit abouti, de le doubler d'un « antidote » afin de lutter contre le fantasme populaire selon lequel l'OGM envahit la nature ? Enfin, comment peut-on faire en sorte de relancer et de protéger la recherche ?
s'est dit convaincu de la nécessité des essais en plein champ afin que la recherche soit exhaustive. Quelles sont en la matière les possibilités pour la recherche publique française ? Quels sont les protocoles à appliquer ? Quels sont les organismes publics à même de conduire de tels essais – CNRS, INRA, IRD, CEMAGREF ou autres – et quelles garanties peut-on donner que ces essais ne donneront pas lieu à dissémination ?
a tenu à remercier, en tant que littéraire, tous les intervenants de l'avoir autant passionnée et même émue. Tel fut particulièrement le cas avec le professeur Fellous et Mme Dattée lorsqu'ils ont évoqué l'anéantissement de leur travail. Comment l'un et l'autre vivent-ils cette intolérance vis-à-vis de leurs recherches alors que celles-ci tendent à une agriculture qui soit de plus en plus efficace tout en étant de moins en moins consommatrice d'eau ou encore de pesticides, conformément au Grenelle de l'environnement ? Comment envisagent-ils le positionnement futur de la recherche française par rapport à la recherche internationale, alors que l'on vient de stopper leurs essais et que notre pays est l'un de ceux où les réactions sont particulièrement violentes ?
a souligné le côté irrationnel de la situation : l'homme accepte les organismes génétiquement modifiés lorsqu'il s'agit de médicament, mais pas lorsqu'il s'agit de plantes. S'agissant de la vache folle, que l'homme a mangé il est vrai sans le savoir, à l'époque, un consensus s'est dessiné entre la communauté scientifique et la communauté médiatique pour dénoncer la situation, avant que des décisions drastiques conduisent à séparer ce qui était contaminé de ce qui ne l'était pas – bien que le risque fût relativement faible sur le plan qualitatif. En revanche, pour ce qui est des OGM, il n'y a pas de consensus : tandis que les médias y sont plutôt hostiles, la communauté scientifique y est plutôt favorable, les anti-OGM faisant, pour leur part, beaucoup de battage. Or, plus les scientifiques développent des arguments pour justifier leur position favorable, moins leur impact est fort, car le public étant relativement méfiant vis-à-vis du discours rationnel, il se réfugie alors dans l'irrationnel. Dans ces conditions, s'il faut continuer à développer des arguments rationnels, ne faut-il pas, parallèlement, s'efforcer à montrer combien sont irrationnels les arguments des opposants aux OGM ?
s'est tout d'abord demandé s'il n'y avait pas un problème sémantique avec le sigle OGM qui ne signifie rien en lui-même ? Ne devrait-on pas plutôt parler de plante améliorée par biotechnologie ? Par ailleurs, sait-on ce que devient, après avoir été consommé par un animal ou par un représentant de l'espèce humaine, le produit du gène, c'est-à-dire l'élément qui fait qu'une plante est, par exemple, anti-insectes ? Quant au Haut comité, son rôle ne devrait-il pas être de définir les variétés à cultiver en distinguant celles qui peuvent présenter un risque pour l'environnement des autres, tel le maïs dit « Terminator » évoqué par Bernard Debré ? Pour ce qui est du taux de 0,9 %, n'est-il pas le signe d'une certaine faiblesse politique, le curseur pouvant tout à fait être déplacé si le public est suffisamment informé ? Quant à la coexistence entre différentes plantes, est-elle maîtrisable ? Enfin, quels arguments peuvent êtres clairement avancés contre le principe de sauvegarde afin d'éviter que la filière des biotechnologies ne soit détruite, à l'exemple de ce qui s'est passé pour la filière nucléaire qui a pris trente ans de retard alors qu'elle avait vingt ans d'avance ?
a estimé que dès qu'il était question d'alimentaire, on tombait dans l'irrationnel. Une solution simple ne serait-elle pas de dire que l'estomac est tellement acide que les acides nucléiques, ADN et ARN, sont détruits ? On parle de défendre la nature que l'on prétend originelle, mais l'homme a bouleversé son système. C'est ainsi que pas une seule forêt en Europe occidentale n'est originelle. Sans l'intervention humaine cette nature d'ailleurs disparaîtrait. Enfin, comme le rappelait le professeur de physique de Nicolas Dhuicq, femme de prix Nobel, toute question ne vaut que si l'univers considéré est défini. Les scientifiques ne peuvent en effet apporter des réponses que dans le cadre de l'univers bien défini qu'il leur est demandé d'étudier. Il faut donc s'attendre à ce que certaines réponses ne soient pas apportées.
a indiqué que le sujet était à ses yeux d'autant plus complexe que la situation politique d'aujourd'hui ne permettait pas au grand public de s'y reconnaître : d'un côté, le Gouvernement active la clause de sauvegarde, de l'autre, un projet de loi sera discuté au Sénat mardi prochain qui, de fait légalise la culture OGM en plein champ. Il a précisé que, pour lui, des doutes subsistent, même après avoir fait partie de la mission d'information. Il ne s'agit pas des médicaments, qui ne posent aucun problème. Si nous sommes, comme l'a souligné Bernard Debré, des OGM, nous sommes avant tout des OGM naturels, sans gênes provenant d'autres êtres vivants.
Il est utile que la commission organise de tels débats. Serait-il possible qu'une prochaine fois des scientifiques opposés à l'expérimentation en plein champ soient également entendus ?
a rappelé que le Président Ollier avait parlé, dans son propos liminaire, d'attendre la vérité scientifique pour pouvoir décider, mais toute vérité scientifique n'est-elle pas celle du moment, avant que la science ne progresse à nouveau ? Pour avoir également participé à la mission d'information, Philippe Tourtelier indique avoir retenu qu'un recul de quinze ans était trop court pour pouvoir tirer des conclusions épidémiologiques et toxicologiques définitives. On ne peut aujourd'hui avoir l'assurance qu'aucun insecte ne développera de résistance. Quant au transfert de gènes par la technique du bombardement, il semble que celle-ci puisse provoquer des effets collatéraux, des gènes « dormants » pouvant se révéler ensuite de façon aléatoire et imprévisible.
Favorable aux cultures en plein champ, il a par ailleurs noté que la plante réagissait différemment selon qu'elle était en milieu confiné ou en plein champ. Ces différences de réaction de la plante peuvent-elles, de même, être extrapolées de la souris à l'homme ? Quant à traiter au cas par cas, ne faut-il pas surtout faire attention à l'irréversibilité d'une mesure ? Un tel caractère peut en effet changer l'appréciation du risque encouru par rapport aux avantages escomptés, même si la demande en la matière est davantage sociale qu'économique.
a tout d'abord souligné que les scientifiques eux-mêmes avaient des doutes. Ceux-ci ne font aucunement preuve de certitude lorsqu'ils disent : « Avec ce que je sais aujourd'hui, voilà ce que je peux dire ». Certains journalistes en ont aussitôt déduit, de manière malveillante, que l'on n'était sûr de rien. Mais qui peut être sûr de ce qui peut arriver ? C'est notre fragilité d'homme que de vivre avec des doutes. Malheureusement, la société française n'a pas, dans son fonctionnement, intégré la culture du doute, contrairement aux États-Unis. Pourquoi, à la différence de la France, n'y a-t-il pas de problème en matière de plantes transgéniques aux États-Unis, au Canada, au Brésil, en Espagne, en Israël, sinon que le problème est d'ordre culturel ? La génétique a pris cinquante ans de retard en France, au point qu'il a fallu, pour nommer le premier professeur de génétique, Boris Ephrussi, aller le chercher aux États-Unis.
Pour ce qui est des toxines, elles sont dangereuses car, qu'il s'agisse de fumonisines ou de mycotoxines, elles créent chez l'animal des cancers de l'oesophage et des malformations comme le spina bifida. En France le taux des mycotoxines a même été à un moment tellement élevé qu'il a fallu augmenter le seuil pour le maïs bio qui, sinon, aurait été interdit. De même, en Italie, les concentrations de fumonisines dans les grains de maïs sont telles, avec 4 milligrammes par kilo, qu'il ne faut surtout pas en consommer sur place. Or le maïs Bt, avec un seuil en toxines pratiquement de zéro, protège, lui, contre ces toxines connues.
Quant à la règle des 0,9 %, un taux de 0,1 % ou de 50 % ne changerait rien au risque, s'il est prouvé que le maïs n'est pas dangereux. Ne fait-on pas manger aujourd'hui à des souris ou à des rats du maïs à 50 % sans que l'on trouve rien d'anormal, quoi qu'en disent les opposants ? Entre un rat nourri au maïs conventionnel et un autre nourri au maïs Bt, aucune différence n'apparaît, sinon au niveau du poids, mais démonstration a été faite que cela ne pouvait entre en compte statistiquement. De ce point de vue, il serait souhaitable qu'une autorité intervienne pour dire ce qui est vrai et ce qui est faux, car le grand public n'y comprend effectivement plus rien.
Une remarque a été faite selon laquelle l'homme a peur de ce qu'il mange alors qu'il accepte le médicament. Mais si l'on prend un médicament, c'est parce que l'on pense immédiatement au côté bénéfique de telle ou telle molécule. À cet égard, un maïs qui produit un vaccin devra être encore plus surveillé, comme le soulignait M. Antoine Herth, qu'un maïs Bt. En tout cas, voilà un maïs, le Bt, issu d'un bacille que l'on trouve dans le sol. Or, entre un médicament composé d'une molécule nouvelle et un plant dont la molécule existe dans la nature, c'est le médicament qui est accepté alors qu'il peut comporter des risques !
Les innovations technologiques, qu'il s'agisse d'une plante, d'un laser ou d'un poisson génétiquement modifié, pour reprendre l'exemple cité, soulèvent, outre la question éthique, tout le problème du risque perçu et du risque réel. Aussi faut-il, si l'on veut éviter les rumeurs, favoriser une approche multidisciplinaire de ces questions, qui réunisse le scientifique, le sociologue, l'ethnologue ou encore le psychologue, méthode que nous pratiquons à l'Agence nationale de la recherche.
a pour sa part indiqué que le groupe d'études et de contrôle des variétés des semences (GEVES) qu'elle présidait, avait pratiqué des essais de variétés génétiquement modifiées, identifiées par les journalistes comme des « semences mortes », c'est-à-dire de semences dont les agriculteurs ne peuvent se resservir pour semer leurs champs l'année suivante. Or c'est le cas pour de nombreuses espèces. Si le maïs habituellement cultivé, c'est-à-dire le maïs hybride, issu d'un croisement entre deux lignées elles-mêmes homogènes, est ressemé, il donnera lieu à une ségrégation, en ce sens que le champ ainsi planté aura des plantes de toutes les tailles et de toutes les formes, ce qui n'est pas de l'intérêt des agriculteurs. De même, de nombreux facteurs pathologiques empêchent de re-ensemencer. En effet, les semences mises en vente sont certifiées pour leur qualité physiologique et sanitaire et pour leur pureté. Il convient donc de bien distinguer la semence qu'achète l'agriculteur et qu'il sème, du grain qu'il récolte et qui est consommé. Seules les espèces autogames, principalement le blé et, à un moindre degré, le colza, permettent à l'agriculteur de re-ensemencer, étant précisé que tout agriculteur qui veut se resservir de sa récolte de blé comme semence, doit cotiser à un fonds par le biais d'une CVO (cotisation volontaire obligatoire) destinée à rémunérer les obtenteurs et financer la recherche de nouvelles variétés.
Quelques agriculteurs ont aujourd'hui le souci de cultiver du maïs population, c'est-à-dire du maïs hétérogène, non hybride, qui peut être ressemé, mais objectivement celui-ci est plus adapté aux conditions de culture des pays en développement qu'à notre culture intensive. Ils ne peuvent donc rien au fait que, dans les pays développés, le maïs cultivé est le maïs hybride, que les agriculteurs ne ressèment pas, préférant acheter les semences.
a réagi à la question de M. Antoine Herth concernant la mise au point d'« antidote » : celle-ci doit être réglée au cas par cas, mais il faut savoir que, mis à part le cas particulier du maïs population, si l'on arrêtait de cultiver le maïs en France, il disparaîtrait. Une telle réversibilité serait en revanche plus compliquée à assurer pour d'autres espèces, surtout si l'on souhaite une garantie de non-dissémination. S'agissant, par exemple, de savoir ce que devient le produit du gène, il est probable que la toxine persistera dans les organismes du sol à long terme. Pour autant, cela ne signifie pas un impact sur l'environnement, comme je l'ai montré pour la dissémination du pollen. En revanche, si l'on souhaite une exposition zéro, mieux vaut tout arrêter tout de suite.
Pour ce qui est du projet de loi, la représentation nationale devrait mettre en place un dispositif de surveillance biologique, ou biovigilance, et prévoir les ressources nécessaires pour les organismes de recherche, car si l'on veut comprendre les effets spécifiques de l'OGM, encore faut-il observer tout le système de culture autour.
Il a été demandé d'organiser des réunions avec des anti-OGM. Il est toujours utile d'entendre tous les arguments, mais il faut remarquer que si l'on ne s'affiche pas ouvertement anti-OGM, on est alors considéré comme pro-OGM. Il faut défendre le droit de participer à un débat sans être toujours perçu comme un pro ou un anti-OGM. L'expert ne peut faire la balance – il ne peut que donner des éléments de réflexion –, mais le politique, lequel doit plus s'investir dans les comités d'expert.
a souligné, s'agissant de la recherche publique, que le désengagement de l'INRA en matière d'OGM était tel que les essais en plein champ du programme de Génoplante étaient sous-traités à des entreprises privées de façon que ce soient elles qui prennent les risques. C'est au point que les dossiers arrivent sous la signature de ces dernières à la commission du génie biomoléculaire, les chefs de domaine de l'Institut étant réticents à s'occuper de ces plantes. Ce retrait de l'INRA se constate également au niveau des laboratoires et des programmes de recherche puisque la direction a interrompu les recherches sur les pommes de terre et le colza après que des destructions sont intervenues, situation que l'on retrouve d'ailleurs au Royaume-Uni où elles ont été le fait de Greenpeace.
Si l'on veut redresser la situation, il faut afficher une volonté politique, réfléchir à des structures, certainement autres que l'INRA, capables de mener la recherche dans ce domaine, et, enfin, se donner des moyens : les 45 millions d'euros annoncés par la ministre de la recherche pour calmer les scientifiques seront-ils vraiment investis dans la recherche sur les OGM ?
Il est, par ailleurs, toujours difficile d'entendre parler de naturel et d'artificiel à propos des OGM. Que se passe t-il lorsque l'on insère un morceau d'ADN à une cellule et qu'il s'intègre dans les chromosomes ? C'est simple, la cellule dispose de mécanismes anciens de réparation de son ADN qui lui permettent de ne pas accumuler les anomalies. Ces mécanismes, issus de l'évolution, sont plus naturels que les croisements. Pour l'anecdote, cette technique relevait chez les Assyriens des prêtres, seuls autorisés à polliniser les palmiers dattiers afin de récolter plus de dattes, et cette technique fut plus ou moins combattue au XVIIIe siècle. Je ne suis donc pas sûr qu'il soit plus naturel de procéder à une hybridation entre deux espèces poussant sur deux continents séparés que d'intégrer un morceau d'ADN dans le noyau d'une cellule en utilisant des mécanismes plus anciens que la sexualité.
a, en conclusion, remercié le Président Bernard Accoyer d'avoir accueilli la table ronde à l'Hôtel de Lassay et émis le souhait que d'autres réunions y soient organisées, notamment pour connaître les débats qui, au-delà de la France, ont lieu en Europe sur ce même sujet.
Le président Bernard Accoyer a estimé que la France, pour n'avoir pas transposé la directive 200118 et pour avoir laissé le Parlement être contourné, paye aujourd'hui les conséquences d'un vide juridique dans lequel se sont insinuées l'imprécision et la peur. Alors qu'en 1997, 115 cultures expérimentales d'organismes génétiquement modifiés avaient été autorisées en plein champ contre 13 en 2007, il n'est pas besoin d'être grand mathématicien pour imaginer combien on pourra dénombrer en 2008.
L'irrationalité a atteint son comble au point que l'on confond, dans un débat de société, idéologie et évolution de la connaissance. Quand l'humanité va passer de 6 à 9 milliards d'être humains, qui peut prétendre qu'il existe un autre défi plus pressant que celui du développement ? Comment pourrait-on en effet maîtriser la démographie sans le développement de l'humanité elle-même, c'est-à-dire l'augmentation du niveau de vie ? On ne peut en tout cas demander un débat honnête, fondé sur l'histoire et sur la connaissance, et s'en remettre en même temps à la passion et, d'une certaine façon, au dogmatisme. En tant que citoyen et responsable du respect du Parlement, on ne peut que souhaiter des échanges mieux maîtrisés.
Aujourd'hui, une large majorité de nos compatriotes, influencée, connaît non seulement le doute, mais également la peur vis-à-vis des organismes génétiquement modifiés. Que s'est-il passé, en effet ? Des gens, qui ont des convictions que je respecte même si je ne les comprends pas, opposés par principe à une évolution d'ordre à la fois scientifique, technique et agronomique, ont réussi à imposer leur point de vue en usant de ces vieilles pratiques que sont l'amalgame, l'anathème, la disqualification d'emblée de ceux qui ne sont pas d'accord avec eux. C'est donc de tout coeur que je souhaite, sous la houlette de Patrick Ollier, la poursuite de nos échanges de façon qu'avec vous, les scientifiques, même avec les positions les plus diverses, nous arrivions à faire progresser l'opinion.
Un scientifique expliquant derrière son microscope au journal de vingt heures qu'il pourrait aider à relever le défi d'une meilleure alimentation de l'humanité, sera toujours moins médiatique qu'un faucheur volontaire filmé après avoir foulé au pied le travail du paysan et méprisé celui des chercheurs. Il ne faut cependant jamais abandonner une cause, surtout lorsque l'on y croit et qu'elle est porteuse d'espérance pour l'humanité. Or cette espérance réside dans le progrès et les biotechnologies. Faisons donc en sorte, tous ensemble, que, dans les débats à venir, ce ne soit pas une nouvelle fois l'intolérance et l'intransigeance qui s'imposent.