Commission des Finances, de l'économie générale et du Plan
La commission des Finances, de l'économie générale et du plan et la Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ont, au cours d'une réunion commune, entendu M. Gérard Mestrallet, président directeur général de Suez et M. Jean-François Cirelli, président de Gaz de France, sur la fusion Suez-Gaz de France.
Président de la commission des Affaires économiques, après avoir rappelé, en accord avec le Président Didier Migaud, que les auditions communes des deux commissions seraient désormais systématiquement ouvertes à la presse, a remercié MM. les Présidents Mestrallet et Cirelli d'avoir accepté de revenir devant les commissions après qu'un certain nombre de décisions - dont il sera utile de connaître le détail - ont été prises.
Lors des débats du mois de septembre dernier, la majorité avait conditionné son vote en faveur de la fusion entre Suez et GDF à plusieurs conditions : préservation du sigle de GDF, obligations de service public, instauration d'un tarif social pour le gaz, préservation du service du personnel, détention par l'État d'une minorité de blocage, création d'une action spécifique. La majorité ayant été rassurée, le projet a donc été discuté – 137 000 amendements avaient été déposés - puis voté.
Les conditions de la fusion permettent-elles aujourd'hui le respect de ces conditions ? Quel sera l'impact de ce processus pour les différentes catégories d'actionnaires? Qu'en sera-t-il des perspectives en termes d'emploi ? Quid de la place du pôle Environnement dans la stratégie du nouvel ensemble et de l'évolution des tarifs ? Enfin, de nouvelles décisions étant attendues sur le plan européen dans le cadre du paquet relatif à la libéralisation du secteur de l'énergie, comment le futur ensemble se situera-t-il dans ce contexte nouveau ?
Le Président Didier Migaud, après avoir remercié M. Patrick Ollier et souhaité la bienvenue à MM. les présidents Mestrallet et Cirelli, a considéré que cette audition commune sur la fusion des deux groupes était particulièrement utile puisque nombre de questions se posent encore, comme l'a prouvé l'audition de Mme Lagarde, ministre de l'économie, ce matin. Si beaucoup ont en effet été rassurés par les réponses qu'a apportées le Gouvernement à propos de la fusion Suez-GDF, ce n'est pas néanmoins le cas de tout le monde. Il importe donc d'entrer dans le vif du sujet.
PDG de Suez, a souligné combien M. Cirelli et lui-même étaient honorés d'exposer leurs points de vue sur l'ensemble du projet tel qu'il a été adopté par les deux conseils d'administration voilà quinze jours.
Par rapport à l'an dernier, les changements majeurs concernent principalement le pôle Environnement et les conditions posées au rapprochement des deux entreprises - qui ont été remplies.
Ce projet, en permettant de créer une des plus belles entreprises énergétiques en Europe, constitue d'autant plus une opportunité historique que dans les cinq ou six prochaines années, le marché de l'énergie se structurera autour de quelques grands groupes. La fusion est, depuis plus de cinq ans, le fruit d'un long processus : réflexion commune sur l'évolution des énergies et convergence de plus en plus sensible entre les secteurs de l'électricité et du gaz. Depuis deux ans, ce processus s'est accéléré avec, notamment, le débat d'orientation sur l'énergie puis la discussion et le vote du projet de fusion au Parlement, dont il faut saluer le travail.
Lorsque le chef de l'État, pour qui l'évolution de GDF devait répondre à l'intérêt supérieur de la nation, a posé ces conditions, le conseil d'administration de Suez a estimé à l'unanimité que la fusion constituait la meilleure orientation possible, et pour sécuriser l'approvisionnement énergétique de la France, et pour assurer la pérennité et l'intégrité de l'ensemble des activités du secteur Environnement. Lui-même a donc salué l'engagement du Président de la République mais également du Premier ministre.
La bonne volonté de tous les acteurs a permis de surmonter les difficultés et de tenir compte d'un certain nombre de contraintes inévitables pour les deux parties. L'État détiendra donc la minorité de blocage ; l'intégrité de Suez Environnement, qui sera mis en bourse et dont le nouveau groupe conservera 35 % du capital, sera garantie. Désormais, les deux leaders mondiaux dans le domaine de l'environnement seront français.
Les modalités de ce projet sont équitables et équilibrées ; l'opération est positive pour toutes les parties prenantes : entreprises, collaborateurs, clients, actionnaires, collectivités publiques. Les garanties sociales, quant à elles, demeurent inchangées par rapport à l'an dernier. La culture d'entreprise des deux groupes sera par ailleurs respectée. Il y a en l'occurrence beaucoup à apprendre de GDF, très belle entreprise internationale qui maîtrise de hautes technologies et dont la culture du client et du service public n'est plus à démontrer.
président de GDF, a fait part du plaisir qui était le sien de participer aux travaux de la commission et a exprimé sa volonté de répondre à toutes les questions qui seront posées.
, a ensuite exposé les grandes lignes du projet visant à la création d'un leader mondial spécialisé dans l'énergie.
Il s'agit tout d'abord de mesurer l'ampleur du bouleversement ayant affecté le secteur de l'énergie en Europe depuis trois ans, notamment en ce qui concerne les conditions juridiques des activités liées à l'environnement, les différentes directives communautaires ayant en particulier dessiné un cadre nouveau. Le 1er juillet 2007 a constitué une étape majeure avec l'ouverture complète à la concurrence du secteur de l'énergie pour les 27 pays de l'Union européenne, ce qui constitua une manière d'aboutissement après la décision, voilà une dizaine d'années, de créer un grand marché de l'électricité et du gaz. La préparation d'une troisième directive étant par ailleurs en cours, ce paysage risque à nouveau d'être modifié. Quoi qu'il en soit, les frontières nationales n'abriteront plus désormais des juxtapositions de monopoles, qu'ils soient nationaux, régionaux ou locaux.
Le marché de ce secteur est en outre en pleine concentration : des entreprises en situation de monopole qui, jusqu'ici, étaient confinées sur leur territoire savent désormais qu'elles doivent aller à la conquête de nouveaux marchés puisque des concurrents pourront s'installer dans leur propre secteur. De nouveaux acteurs sont d'ores et déjà apparus et la concurrence s'est accrue. Tous les électriciens européens ont d'ailleurs développé des activités gazières, de même que les gaziers se sont associés aux électriciens – il ne reste en Europe qu'un seul gazier « célibataire », Gas Natural, en Espagne. GDF et Suez partagent en outre les mêmes considérations stratégiques, notamment s'agissant de l'offre de services à valeur ajoutée : cogénération, domaine thermique, efficacité énergétique etc.
À ces différents facteurs s'ajoute une hausse spectaculaire du prix des combustibles fossiles – pétrole, gaz, charbon. Depuis trois ans, plusieurs crises d'approvisionnement ont eu lieu, notamment en matière gazière, certains pays de l'Union européenne ayant même connu des ruptures d'approvisionnement.
a estimé qu'il fallait également répondre à quatre défis, tout d'abord à celui de la sécurité d'approvisionnement de la France et de l'Union européenne.
S'agissant du gaz, l'Europe dépend aujourd'hui à hauteur de 59 % de pays extra-européens ; demain, la proportion sera de 80 %. Puisque cette dépendance demeurera, toute la question est de savoir comment l'organiser : la diversification des fournisseurs sera de ce point de vue essentielle.
Second défi : le développement durable et les énergies renouvelables, même si le gaz sera encore l'énergie par excellence des trois prochaines décennies. Des efforts considérables devront être menés en la matière, comme les deux groupes ont d'ailleurs commencé à le faire, GDF ayant investi le domaine de l'éolien. Il n'y a pas en l'occurrence d'effet de mode : les comportements évoluent vraiment.
Troisième défi : la puissance d'investissement, sachant que ces secteurs connaissent une énorme intensité capitalistique. Les investissements prévus en Europe pour les vingt prochaines années sont supérieurs à 2 400 milliards. Chaque génération, en outre, augmente de 50 % sa consommation d'énergie - il faudra donc, notamment, financer de nouvelles infrastructures.
Quatrième défi, enfin : même si GDF a jusqu'ici vécu sur des schémas que les Français ont apprécié, le monde bouge et il faut impérativement tenir compte, en particulier, de l'environnement européen.
Face à ces quatre défis, la complémentarité des deux groupes sera fondamentale.
a ensuite explicité le positionnement concurrentiel du nouveau groupe.
Par son chiffre d'affaires, qui s'élevait en 2006 à 72 milliards, GDF-Suez sera la première entreprise mondiale d'utilité. Si l'on ôtait de cette somme les 11 milliards du secteur Environnement, le groupe se situerait dans le trio de tête, entre E.ON et EDF. Dans le secteur de l'électricité et du gaz, les plus grosses entreprises américaines sont quant à elles quatre à cinq fois plus petites. En matière de capitalisation boursière, le nouveau groupe se situera au niveau d'E.ON.
La France disposera ainsi avec Total d'un major pétrolier mondial, avec EDF du plus grand électricien mondial, avec GDF-Suez du premier gazier européen et avec Areva, du premier fabricant de centrale nucléaire mondial.
a souligné que la nouvelle entreprise sera d'abord et avant tout un groupe industriel.
Dans le domaine du gaz, elle sera la première en Europe par le nombre de clients – 17 millions dont 11 millions en France -, par la quantité de gaz acheté – 1 000 terra wattheures – et, enfin, par la puissance des réseaux – première place pour le transport et la distribution, seconde place pour le stockage.
Dans le secteur du Gaz naturel liquide (GNL) l'entreprise sera également leader avec la première flotte mondiale. Six pays offriront du GNL au nouveau groupe dont, du côté de GDF, l'Algérie, la Norvège, l'Égypte et le Nigeria. Il sera désormais possible d'être plus performant dans les approvisionnements et l'indépendance énergétique sera mieux assurée.
a souligné que, dans le domaine de l'électricité, l'entreprise se situera au cinquième rang européen des producteurs et des « commercialisateurs » et au deuxième rang français pour la production.
Il faut appeler l'attention sur le fait que Suez, contrairement à ce qui est souvent dit un peu rapidement, n'est plus un électricien belge puisque la Belgique représente moins d'un quart des capacités de production du groupe et que, à terme, celles-ci ne seront que de 20 %. Le groupe est par ailleurs présent en Allemagne, en France, en Italie, en Hongrie, au Moyen-Orient ; il est en outre le premier producteur d'électricité privé au Brésil et le second au Chili ainsi qu'au Pérou.
Le nouveau groupe sera donc particulièrement équilibré, avec un mixte énergétique entre le nucléaire, l'hydro-électrique, les turbines à gaz et les énergies renouvelables.
a ensuite rappelé que le groupe aura 23 millions de clients pour le gaz et l'électricité, dont 11 millions en France. Connaissant l'importance des marques, la vente d'énergie continuera en France sous le label de GDF, comme sous celui d'Electrabel en Belgique.
a détaillé la stratégie du groupe.
Il s'agit pour les deux entreprises de conforter leur leadership sur les marchés domestiques en France et dans le Benelux en s'appuyant sur leur complémentarité. GDF-Suez sera alors le seul groupe européen à proposer du gaz naturel, de l'électricité et des services énergétiques à valeur ajoutée.
Le nouveau groupe sera « taillé » pour le développement, la croissance et l'investissement. Il sera doté de puissants atouts tout le long des chaînes gazière et électrique, depuis l'amont gazier jusqu'aux consommateurs. Les clients, qu'ils soient industriels ou commerciaux, se verront proposer une externalisation d'un certain nombre de leurs services. Les offres multi-énergies seront également développées et des complémentarités géographiques verront le jour.
Enfin, le groupe bénéficiera d'une grande flexibilité dans la chaîne de production et de vente et il sera également un acteur majeur du développement durable, la proportion d'énergie renouvelable étant très supérieure à celle de ses concurrents.
a insisté sur la principale force du groupe, qui repose sur ses collaborateurs : ils seront 70 000 en France et 100 000 en incluant Suez Environnement. En outre, si les approvisionnements sont aujourd'hui essentiellement concentrés en Mer du Nord, ils le seront demain en Norvège, en Algérie, en Égypte, et après-demain en Asie centrale.
Pour M. Gérard Mestrallet la fusion est également équitable pour les deux collèges d'actionnaires.
a insisté sur le rôle de l'État, qui détiendra plus de 35 % du capital, soit la minorité de blocage sur toutes les décisions fondamentales : modification de l'objet social et du capital, rapprochements avec d'autres sociétés, transfert du siège social.
L'État a souhaité par ailleurs bénéficier d'une action spécifique – golden share - sur les actifs essentiels aux intérêts nationaux français, soit, les réseaux de transport de gaz en particulier.
Pas sur la production, a noté M. Henri Emmanuelli.
a rappelé par ailleurs que le contrat de service public avec l'État se terminait à la fin de l'année et qu'il souhaitait qu'un nouveau contrat soit signé avant la fusion afin de mettre en avant un certain nombre de préoccupations : exigences en matière de sécurité d'approvisionnement et de qualité du service mais également quant aux moyens permettant d'assurer l'accès aux services publics, à l'évolution des tarifs du gaz et à la politique de recherche et de développement.
Le lien contractuel avec l'État sera donc maintenu. Les compétences de ce dernier en tant que régulateur ne seront pas modifiées, l'État conservant en particulier ses prérogatives sur les tarifs administrés et continuant d'organiser le marché du gaz et de l'électricité.
La fusion ne modifiera pas l'organisation de la distribution d'énergie en France, l'obligation de filialiser les activités de distribution étant le fait des directives européennes. Le maintien d'un service commun de distribution entre EDF et GDF a été décidé par la loi. Les relations avec les collectivités locales, notamment s'agissant du régime des concessions, ne seront pas modifiées.
Il existe en la matière deux régimes : le régime de monopole sur les concessions attribuées avant 2003 ; la concurrence après cette date. Le monopole de la distribution de gaz confié à GDF – communes desservies avant 2003 – a été confirmé par le Conseil constitutionnel. Le nouveau groupe est par ailleurs attaché au maintien de la mixité entre EDF et GDF sur les réseaux de distribution. En la matière, il n'y a pas de concurrence : c'est l'intérêt de tous.
Enfin, le statut des personnels des IEG, qui est un statut de branche, sera intégralement maintenu.
a noté que nombre d'informations données étaient connues et il a affirmé que ce n'était pas forcément au Conseil constitutionnel de trancher quant à l'euro-compatibilité de certaines dispositions.
Il a en outre rappelé que, contrairement au voeu de M. Cirelli, le contrat de service public, selon Mme la ministre de l'économie, ne changerait pas.
De surcroît, le président de la Commission européenne s'étant exprimé aujourd'hui même sur les intentions de la Commission en matière énergétique, il sera peut-être opportun de reconsidérer certaines propositions, puisque celle-ci souhaite par exemple séparer la production de la distribution. Quel sera l'impact d'une telle décision, lorsque l'on connaît le poids des réseaux pour GDF ? M. Cirelli a rappelé que la loi a décidé de la constitution d'un opérateur commun mais il est possible que l'Europe, dans un contexte de forte concurrence, dénonce un risque d'entente dans le secteur de la distribution. Le Conseil constitutionnel s'est en effet exprimé sur la question des concessions, mais certains concurrents européens considéreront sans doute qu'être les héritiers d'un monopole de fait est préjudiciable à la libre concurrence. Comment le groupe réagira-t-il face à des risques de contestation ?
Il est intéressant de connaître ce que permet la minorité de blocage, mais il l'aurait été tout autant de savoir ce qu'elle ne permet pas.
Qu'en sera-t-il, également, du projet nucléaire du nouveau groupe ? Qu'en sera-t-il en outre de la valorisation de Suez Environnement sachant que cette entreprise fonctionne essentiellement à partir des contrats de délégation de service public ? A-t-on agi comme si tous ces contrats seraient automatiquement reconduits ou a-t-on pris en compte d'autres éléments ?
Enfin, dans un contexte européen fortement évolutif, que pensent les Belges et les Espagnols de ce projet ?
a insisté sur la satisfaction de nombreux parlementaires présents à voir ce projet aboutir, même si c'est dans des formes différentes de celles de l'an dernier. Tout ce qui a été dit justifie l'élan donné à ce projet en 2006, tant en ce qui concerne la sécurité de l'approvisionnement que le mouvement de concentration et les perspectives de croissance hors de l'Union européenne. Les parlementaires ont adhéré à un véritable projet industriel et ils sont gré à MM. Mestrallet et Cirelli de l'avoir mené à bien.
Qu'en est-il de l'environnement du futur groupe par rapport à ses différents partenaires ? Existe-t-il des perspectives d'alliances ? Quel est précisément l'environnement gazier en Europe suite à l'annonce de la fusion ?
S'agissant de la distribution, comment les relations sont-elles envisagées entre des cultures d'entreprises différentes ? Quelles seront les perspectives de carrière des salariés ? Quel est l'avis de MM. Mestrallet et Cirelli sur la troisième directive annoncée ?
Enfin, si l'on a souvent tendance à associer GDF et Suez exclusivement au domaine gazier, la production d'électricité prend une place de plus en plus importante dans le groupe. Quelles sont les perspectives de production, notamment sur le plan nucléaire ? Mme la ministre de l'économie a considéré qu'il n'y avait aucune opposition de principe au développement de ce secteur.
a indiqué ne pas adhérer aux propos de M. Lenoir. Il a considéré qu'il n'y avait à ce jour aucune information nouvelle dans la chronique d'une évolution annoncée dont les conséquences sont elles aussi fort bien connues. Puisqu'il est beaucoup question de stratégies industrielles, ne peut-on pas se demander si ces dernières ne sont pas inféodées aux stratégies financières ? Il semble bien que la réponse soit en l'occurrence positive.
En outre, quelles seront les conditions de l'évolution de Suez Environnement aux États-Unis ? L'État américain jouera-t-il un rôle comparable à celui de la Commission européenne ? Qu'en est-il de la date effective de la fusion ? Février 2008 ? Octobre 2008 ?
Par ailleurs, GDF, à la différence de Suez, n'était pas jusqu'ici membre d'Uprigaz, le « MEDEF » du secteur du gaz. L'État acceptera-t-il que le nouveau groupe en soit membre, sachant que les responsables de ce dernier se sont déclarés favorables à la fin des tarifs régulés, comme d'ailleurs la Commission européenne ? Quelle sera la position de GDF-Suez ? En attendant la suppression des tarifs régulés, Uprigaz a de surcroît demandé que ce soit le régulateur qui les fixe et non l'État. Le régulateur pourrait-il être plus malléable que la puissance publique ?
Enfin, dans le domaine nucléaire, le nouveau groupe est-il toujours intéressé par un EPR ?
s'exprimant au nom du groupe Nouveau Centre, a évoqué à son tour les trois semaines de débat en séance publique au cours de la précédente législature. Le groupe UDF s'était alors prononcé contre le projet, considérant qu'il y avait un sens à conserver une part prépondérante de l'État dans un secteur aussi stratégique que celui de l'énergie. Ce point de vue est maintenu par le groupe Nouveau Centre, à un moment où la question de la durabilité va être largement discutée, notamment dans le cadre du Grenelle de l'environnement.
Comme l'a reconnu M. Mestrallet, le projet présenté à la commission est très différent de celui qui a été débattu, puisque le nouveau groupe participera à hauteur de 35 %, et non plus de 100 %, dans le pôle environnement. Le Président de la République a appelé de ses voeux un groupe centré sur l'énergie et le Nouveau Centre a approuvé cette exigence logique. Pour quelles raisons, dès lors, GDF et Suez ont-ils voulu conserver ces 35 % ? Il est probable que ce choix répond à une logique financière sur laquelle on aimerait des éclaircissements.
La vente de cette participation n'aurait-elle pas pu servir au désendettement, au renforcement des capacités d'investissement et à l'augmentation du poids de GDF – et donc de l'État qui, via des actionnaires comme la Caisse des dépôts, aurait pu se rapprocher d'une vraie majorité – dans le nouveau groupe ? Du reste, cette part restera-t-elle durablement dans le capital du nouveau groupe ?
En second lieu, quel est l'avenir de l'entité GDFSuez-EDF Distribution ? Ne s'agit-il pas d'un montage de transition ? La distribution, qui suppose l'accès aux fichiers des clients, ne peut manquer d'attiser la concurrence. Ne serait-il pas plus conforme à la réalité d'établir un calendrier menant, à terme, à une séparation ?
Enfin, que devient le pôle environnement après la distribution de 65 % aux actionnaires de Suez ? Il est important pour les collectivités territoriales de savoir qui est le patron de Suez Environnement, à un moment où les problèmes d'eau et de déchets prennent une importance considérable.
abordant tout d'abord la question des réseaux de distribution et du projet de troisième directive, a précisé que le réseau de transport ne représentait que 15 % des revenus de Gaz de France. Si l'entreprise souhaitait conserver ce secteur, c'est qu'il serait contraire à son intérêt (et ce ne serait pas non plus l'intérêt de la France et de l'Europe) de s'en défaire : qui, alors, réaliserait l'intégration européenne ?
S'agissant de la troisième directive, l'entreprise ne pourra qu'appliquer la loi française une fois que celle-ci aura transcrit le texte européen, ce qui ne saurait être immédiat. Néanmoins, le président de Gaz de France ne peut qu'être opposé à la séparation patrimoniale : l'ISO (independent system operator) n'est absolument pas dans l'intérêt des Européens. Il s'agit d'une démarche très idéologique et nullement pragmatique. Les véritables problèmes qui se posent actuellement à l'entreprise tiennent aux différences de spécificités techniques qui empêchent les échanges entre réseaux nationaux. C'est sur ce point qu'il faudrait travailler en propriété.
Gaz de France fera donc tout son possible pour éclairer le Parlement européen et le Conseil des ministres de l'Union européenne. L'objection selon laquelle GDF est un vieux monopole continental opposé à la concurrence ne tient pas.
Cela dit, le « paquet » en question contient également des éléments très positifs. La Commission propose ainsi des schémas de développement sur dix ans : c'est la première fois que l'on tente de programmer les investissements dans les réseaux de transport en Europe.
S'agissant de la question du monopole des concessions, évoquée par M. Brottes, tout changement suppose le vote d'une loi par le Parlement. Or il faut noter que le monopole n'a pas été contesté par Bruxelles, qui n'a jamais abordé ce sujet dans ses discussions avec GDF.
L'avenir de EDF-GDF Distribution constitue un vrai sujet, qu'il y ait fusion ou non entre Suez ou GDF. Depuis soixante ans, des personnels travaillent ensemble pour deux entreprises, EDF et GDF. La nouvelle réglementation européenne leur interdit désormais de communiquer entre eux, de même qu'elle leur interdit de faire du commerce tout en les obligeant à travailler pour l'ensemble des commerçants. Même si avec Suez la fusion n'avait pas lieu, GDF aurait donc à gérer des personnels devant travailler pour POWEO, Distrigaz, Suez, Total, et non plus simplement pour EDF et GDF. La complexité de la mutation ne saurait être niée, mais l'entreprise se doit d'appliquer la loi et de réorganiser de fond en comble – structure managériale, méthodes, système informatique… – son système de distribution pour être neutre et indépendante vis-à-vis de l'ensemble des fournisseurs. GDF s'emploie à prendre cette complexité à son compte, de manière à ne pas la répercuter sur le client.
Par ailleurs, la Commission européenne ne devrait pas s'opposer à l'action spécifique détenue par l'État français dans le nouveau groupe, dans la mesure où la France demande exactement la même chose que ce que l'État belge avait demandé, et obtenu de la Commission, pour ses réseaux. De plus, l'État sera le premier actionnaire du groupe et détiendra une minorité de blocage. Il sera donc parfaitement en mesure de donner des orientations stratégiques à l'entreprise : on n'a jamais vu de société fonctionner contre son premier actionnaire.
Pour ce qui est des associations de gaziers en France, il convient de distinguer l'AFG (Association française du gaz) et Uprigaz (Union professionnelle des industries privées du gaz). Depuis plusieurs années, GDF demande leur fusion. Quelle que soit la forme juridique des entreprises, il faut en effet s'unir pour défendre des positions communes, notamment devant Bruxelles.
Enfin, GDF ne demande pas la suppression des tarifs réglementés, mais l'application de la loi française, laquelle impose que les tarifs reflètent les coûts d'approvisionnement. Tant que cela est prévu par la loi, les tarifs réglementés seront maintenus, si tant est qu'un contentieux ne nous oppose pas à l'Union européenne sur ce sujet. Ce dispositif correspond aux souhaits des clients de l'entreprise et celle-ci s'en accommode fort bien.
à l'appui des critiques de M. Cirelli sur la séparation des réseaux, a relevé que Suez a été un utilisateur tant de RTE que du réseau de distribution de gaz et que l'entreprise n'a jamais eu à s'en plaindre. Le bon fonctionnement du système tient non seulement à l'autonomie de gestion de RTE, mais aussi à l'existence, en France, d'un régulateur très vigilant, la Commission de régulation de l'énergie.
Cependant, hormis cet aspect, les propositions de la Commission européenne comportent des points positifs, notamment la coordination des régulateurs ou encore celle des opérateurs de transport, qui devrait permettre une augmentation des capacités d'interconnexion aux frontières.
Par ailleurs, il n'y a pas lieu de dénoncer, comme l'a fait M. Daniel Paul, la stratégie financière de Suez. En effet, l'entreprise a connu une évolution inverse de celle qu'il a décrite : il y a dix ans, Suez était un groupe financier, avec les banques Indosuez, Sofinco, La Hénin. Il a décidé d'abandonner ce secteur pour devenir une entreprise industrielle. Aujourd'hui, après une mutation complète, c'est un groupe industriel à 100 % et la fusion avec GDF conforte cette vocation. Cette stratégie industrielle s'est accompagnée d'une stratégie sociale, puisque le changement a nécessité de nombreuses acquisitions et fusions.
S'agissant du nucléaire, le conseil d'administration de Suez a décidé en 2004, après avoir analysé les différentes filières de génération électrique, une augmentation des capacités de production nucléaire, et ce en utilisant la technologie des réacteurs de troisième génération (EPR). L'intention du groupe est donc bien de participer dans les prochaines années à la construction de centrales EPR en Europe. Les propos tenus par Mme Lagarde ce matin ouvrent une possibilité. Cependant, une décision ne devrait intervenir qu'aux alentours de 2009, étant donné que les besoins concernent la période 2015-2020.
Suez a également décidé de recruter sept cents ingénieurs nucléaires, afin que la transmission des compétences soit assurée avec la génération qui va bientôt partir à la retraite. Le groupe s'est en outre porté candidat aux projets nucléaires qui existent actuellement en Europe : en Roumanie, en Bulgarie et au Royaume-Uni.
En ce qui concerne Suez Environnement, qui a fait l'objet de beaucoup de questions, le système retenu est en effet différent du système envisagé initialement, lequel prévoyait que le groupe conserverait 100 % de cette entreprise. Les raisons pour lesquelles l'État souhaitait centrer fortement le projet sur le secteur énergétique ont cependant été comprises. Suez distribuera donc à ses actionnaires 65 % du capital de Suez Environnement. Le nouveau groupe conservera 35 %, car il existe des synergies avec l'environnement.
Ainsi, au Moyen-Orient, Suez est devenu à la fois le premier développeur de capacité électrique et le premier opérateur de dessalement d'eau de mer car le groupe a été à même de répondre à des appels d'offres portant sur les deux technologies. Avec Degrémont, Suez possède le leader mondial du dessalement par osmose inverse. Il n'aurait pu construire, en cinq ans, 8 200 MW de capacité au Moyen-Orient, l'équivalent de cinq réacteurs de type EPR, s'il ne lui avait pas été possible de combiner ce savoir-faire avec ses compétences dans l'environnement. Le maintien dans le capital à hauteur de 35 % permettra de maintenir ces synergies-là où elles existent.
Dans sa nouvelle configuration, l'entreprise Suez Environnement sera dirigée par M. Jean-Louis Chaussade, qui en est actuellement le directeur général exécutif.
Sur les 65 % du capital restants, les grands actionnaires de Suez – Crédit agricole, Caisse des dépôts, groupe Bruxelles Lambert, AREVA et Caisse nationale de prévoyance –, recevront un peu plus de 10 % et formeront avec Suez un pacte d'actionnaires qui représentera 45 à 47 % du capital et assurera la stabilité de l'entreprise. Il est en effet important que Suez Environnement puisse développer ses métiers dans la durée, sans s'exposer au risque d'une OPA hostile et d'un démantèlement. Les contrats de concession et les délégations de service public seront maintenus : la société, dont une part du capital sera désormais en bourse, continuera d'être l'interlocuteur des collectivités territoriales en France et dans de nombreux autres pays d'Europe et du monde (elle est numéro un en Espagne, numéro deux en Italie, et étend ses activités au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Chine).
Au regard des règles en vigueur aux États-Unis, personne n'acquiert le contrôle de Suez Environnement puisque la société est cotée en bourse. Il y aura certes des autorisations à demander au régulateur dans sept États, mais la présence de l'État français dans le capital – qui pourrait constituer un problème outre-Atlantique – est bien moindre que dans le schéma présenté auparavant, puisqu'il détiendra 35 % d'un groupe qui détiendra lui-même 35 % de Suez Environnement. Aucune difficulté n'est donc à prévoir de ce côté.
Au total, la solution retenue donnera de la visibilité à Suez Environnement. Cette très belle société devra se construire une image. Sa dette, qui est actuellement très raisonnable, ne sera pas augmentée d'un euro : ce sera donc une des sociétés les moins endettées de son secteur. Son périmètre sera intégralement maintenu. Elle bénéficiera tout à la fois l'accès au marché financier et de la protection du pacte d'actionnaires.
S'agissant enfin de la question du mariage des cultures de Suez et de Gaz de France, il faut insister sur les nombreux points communs qui réunissent les deux entreprises. Si GDF a été juridiquement en situation de monopole, c'est pourtant bien une démarche commerciale qui lui a permis de convaincre ses 11 millions de clients de se chauffer au gaz plutôt qu'au fioul ou à l'électricité. Le goût du service public facilitera également le mariage : Suez gère des services publics depuis cent cinquante ans. Enfin, les deux entreprises respecteront la règle majeure de toute fusion : le respect de l'autre.
a rappelé qu'il avait soutenu le projet de fusion lors du débat de 2006 et s'est réjoui de la solution adoptée, qui combine l'action spécifique, les 35 % de participation de l'État, les missions de service public, le tarif réglementé et la parité sur laquelle les conseils d'administration se sont prononcés. En outre, la continuité des concessions accordées à Suez Environnement est assurée.
En ce qui concerne le nouveau groupe, quelles capacités d'investissement envisage-t-on de dégager, et pour quelles priorités ?
a également insisté sur les perspectives d'investissement à long terme.
Le système énergétique français est fondé depuis une soixantaine d'années sur des entreprises publiques dont le champ stratégique a une portée considérable : en matière d'énergie, il faut raisonner au moins à une échelle de cinquante ans. Une entreprise comme GDF-Suez aura-t-elle la volonté et la capacité de réaliser les investissements qui seront nécessaires dans les années à venir, notamment au tournant des années 2020, où les besoins d'investissement seront gigantesques ? La perspective, évoquée par M. Mestrallet, de construire un réacteur nucléaire en France ne constitue qu'un élément minime et il conviendra certainement de diversifier la réponse.
Ce matin, Mme Lagarde a adopté une position purement idéologique en affirmant que le nouveau groupe était une entreprise solide et qu'elle faisait confiance au marché pour répondre à ces préoccupations de long terme. Il faut au contraire une volonté publique, ce que confirment d'ailleurs les responsables de Suez et GDF lorsqu'ils invoquent leur culture de service public. Quels seront donc les investissements sur le long terme ? Sur quelles bases seront-ils effectués ? Le système bancaire privé sera-t-il sollicité ? Attend-on un relais de la puissance publique ?
a relevé avec satisfaction l'ouverture d'esprit dont M. Mestrallet a fait preuve dans ses propos sur le mariage des cultures des deux entreprises et réitère la question, posée par M. Brottes, relative à la valorisation de Suez Environnement.
Au-delà de la synergie industrielle, qu'en est-il de la synergie fiscale entre les GDF et Suez ? Selon certains, la fusion dégagerait une économie fiscale d'environ un milliard d'euros ? Ce chiffre, s'il est confirmé, est intéressant, car Mme Lagarde a affirmé que notre pays était cette année à un milliard d'euros près.
En matière de management, on légitime des niveaux de rémunération souvent étonnants par les responsabilités importantes qu'exercent les intéressés et par la valeur qu'ils donnent aux groupes qu'ils dirigent. Quelle organisation est-elle prévue pour le nouveau groupe ? Choisira-t-on un conseil d'administration avec un président et un directeur général ou un président-directeur général ? Préférera-t-on des statuts avec directoire et conseil de surveillance ? Dans l'un ou l'autre cas, quelles sont les personnes pressenties pour exercer les fonctions direction ?
Par ailleurs, quel est le montant des stock options distribuées aujourd'hui au sein du groupe Suez ? Quel impact la fusion aura-t-elle sur ce montant ?
Enfin, un communiqué de la Communauté européenne précise aujourd'hui même que « la propriété et l'exploitation des réseaux doivent être dissociées ». Le souhait de la France et celui des dirigeants de Suez et de GDF sont connus. Il n'en reste pas moins que la Commission a manifestement l'intention de pousser les feux dans cette direction. Dans l'hypothèse d'une cession des activités de réseau – et sachant que cette opération serait neutre du point de vue des actifs –, le profit de Gaz de France se trouverait diminué : qu'en serait-il alors de l'accord de 21 à 22 conclu pour les actions échangées ?
s'est déclaré heureux de la clarification du paysage industriel et énergétique français qui résultera de cette fusion.
Chacun sait que les financements nécessaires seront considérables. Comment le nouveau groupe envisage-t-il de les mobiliser ? Compte-t-il s'inscrire dans une programmation publique ou décidera-t-il par lui-même, en tant qu'entreprise privée, de ses investissements ? Au-delà du nucléaire, continuera-t-il à développer l'hydraulique ? Quels sont ses projets pour prendre position sur les gisements gaziers si convoités sur le plan international ? De la réponse à ces questions dépendent sa compétitivité et le niveau de ses prix.
Dans un autre ordre d'idées, la Commission européenne a parfois critiqué les contrats de longue durée passés par Suez ou GDF avec des clients électro-intensifs ou gros consommateurs de gaz. La fusion modifiera-t-elle la donne ? Le nouveau groupe a-t-il déjà arrêté une stratégie à l'égard des règles de marché que la Commission veut imposer ?
a demandé à M. Mestrallet quelle était la réaction des actionnaires de Suez à l'entrée massive de l'État dans le capital du groupe. Cela aura-t-il véritablement les conséquences positives escomptées ?
En outre, quelles sont les assurances données sur le long terme aux salariés quant à leurs statuts respectifs, selon qu'ils appartiennent à un groupe public ou un groupe privé ?
a remarqué que le sujet des orientations communes en matière de recherche, très important dans le domaine énergétique, n'avait pas été abordé. Alors que s'engage le Grenelle de l'environnement, la question mérite d'être posée.
D'autre part, l'intérêt de la constitution d'un grand groupe est de garantir à la fois l'approvisionnement et la fourniture d'énergie à des prix abordable. La France reste un grand consommateur industriel d'énergie. Le consortium des entreprises électro-intensives, mis en place après un vote du Parlement, a lancé l'an dernier un appel d'offres auquel le groupe Suez, peut-être parce qu'il n'avait pas alors la taille requise, n'a pas répondu. Le nouveau groupe sera-t-il à même de répondre aux besoins des industriels gros consommateurs d'énergie, dans une logique de long terme et pour des marchés qui connaissent souvent une évolution cyclique ?
a demandé quelles seront les relations du nouveau groupe avec EDF. Combien de temps l'entité commune de distribution sera-t-elle maintenue ? Avec les partitions actuelles d'EDF, il est parfois difficile de trouver le bon interlocuteur. Si l'on y ajoute les partitions de GDF, la situation risque de tourner au casse-tête.
répondant tout d'abord aux questions sur les perspectives d'avenir, a fait valoir que les activités du groupe ne pouvaient s'inscrire que dans le long terme. Que l'entreprise soit publique ou privée, il s'agit d'une préoccupation constante dans le domaine de l'énergie. La semaine dernière, le comité exécutif de GDF a pris des décisions qui engagent l'entreprise jusqu'en 2032.
La stabilité à laquelle aspire le secteur énergétique relève cependant du voeu pieux : depuis 2006, le Parlement français a voté pas moins de six lois le concernant, et aujourd'hui une nouvelle directive se profile à l'horizon.
Il est à noter que les risques que l'entreprise endosse après les avoir appréciés financièrement sont de plus en plus forts, notamment dans des zones difficiles. Le rôle du régulateur est à cet égard essentiel : si celui-ci décide de réduire la rémunération de la société sur ses réseaux, on ne s'étonnera pas que le groupe décide de moins investir dans la distribution. Après une première baisse de la rémunération il y a un an, une nouvelle négociation va se tenir. Tous les parlementaires ont rencontré des cas de refus d'installation de desserte de gaz en raison d'un BI (bénéfice sur investissement) négatif : en effet, GDF doit être en mesure de prouver au régulateur français que ses investissements sont rentables. La prise en compte du couple risquerémunération est donc très importante.
Il n'en reste pas moins que le nouveau groupe, très peu endetté, aura une capacité d'investissement considérable. Il bénéficiera d'un cash flow très important, l'« EBITDA » résultant de l'addition des chiffres des deux sociétés s'élevant à plus de 11 milliards d'euros en 2006. Sa capacité annuelle d'investissement devrait évoluer entre 7 et 11 milliards par an.
Ces investissements concerneront d'abord la France et la Belgique. À titre d'exemple, les investissements actuels dans la distribution de gaz en France dépassent 800 millions d'euros par an. D'autres investissements seront consacrés aux centrales électriques. Les plus onéreux concernent l'exploration-production, où le plus petit ticket d'entrée coûte au minimum un ou deux milliards d'euros.
En dix ans, le groupe Gaz de France a réussi à devenir un interlocuteur reconnu dans l'exploration-production. Il est faux de dire que ce n'est qu'une entreprise de distribution. La production actuelle de GDF représente à peu près 10 % de celle de Total. L'entreprise travaille essentiellement pour le marché français mais elle est aussi opérateur en Norvège, seul pays européen où la production de gaz est assurée pendant au moins quinze ans. En Algérie, GDF a découvert un très grand gisement et espère pouvoir annoncer avant la fin de l'année la commercialité de ce gaz. Des explorations ont lieu en Égypte. D'autres projets visent le Kazakhstan, pays stratégique pour l'avenir. L'objectif est à chaque fois de trouver des hydrocarbures (le portefeuille de GDF étant composé aujourd'hui de 75 % de gaz et de 25 % de pétrole) pour alimenter le marché européen.
S'agissant des contrats à long terme, la Commission a tenté de s'y opposer par le passé, mais elle dirige désormais son tir, non pas vers les contrats d'approvisionnement avec des fournisseurs comme Gazprom ou Sonatrach, mais plutôt vers les contrats passés entre les entreprises et leurs Stadtwerke ou leurs grands clients, et ce essentiellement en Allemagne.
En ce qui concerne EDF-GDF Distribution, la multiplicité des interlocuteurs résulte d'une obligation légale. La quasi-intégralité des clients de GDF n'opèrent pas la distinction entre le contenu (les molécules) et le contenant (les tuyaux et le compteur), mais, de fait, le propriétaire du contenu ne peut plus avoir aucun contact avec le commerçant qui vend le contenu. Auparavant, le chef de centre EDF-GDF était l'interlocuteur unique au niveau du département.
Pour ce qui est du statut des personnels, le caractère public ou privé de l'entreprise est sans incidence juridique : les personnels de GDF comme ceux de Suez ont un statut de branche et ce statut sera conservé.
La recherche, évoquée par M. Michel Bouvard, est en effet un axe essentiel. Parmi les grands sujets figurent la capture et la séquestration du CO2, que GDF réalise pour l'instant aux Pays-Bas, les économies d'énergie et la maîtrise de l'énergie, ainsi que les nouvelles chaudières électrogènes.
revenant sur la question du long terme, a souligné que le caractère privé d'un groupe ne lui interdit nullement de s'inscrire dans la longue durée. Ainsi, Suez a signé en Chine des contrats de cinquante ans. Pour investir dans une centrale nucléaire, il faut prendre en compte dix ans de construction, soixante ans de durée de vie et vingt ans de démantèlement, soit près d'un siècle. Pour les barrages, la perspective est de deux ou trois siècles.
De ce point de vue, le mariage avec GDF apportera à Suez deux éléments importants et de stabilité et de visibilité : d'abord la participation de l'État à hauteur de 35 % (même si celle-ci n'est pas forcément bien perçue de tous les actionnaires) ; ensuite la dimension du nouveau groupe, qui lui confère une capacité d'investissement considérable sans avoir à recourir à l'État ni aux autres actionnaires. Les investissements dans les grandes infrastructures et les grands réseaux gaziers et dans les capacités de génération électriques, notamment nucléaires, s'en trouveront facilités. La capacité de négocier avec les pays producteurs de gaz des contrats portant sur des volumes très importants et sur des durées très longues sera également accrue.
Suez a conclu récemment avec le Yémen un accord par lequel le groupe s'engage à acquérir pendant vingt ans le tiers de toute la production de gaz liquéfié de ce pays. À l'avenir, les contrats pourront porter sur des volumes encore plus importants.
S'agissant de la valorisation de Suez Environnement, évoquée par M. Cahuzac, les éléments de calcul ont été intégralement communiqués. Ils ont permis d'aboutir à la parité retenue (0,95 action GDF pour une action Suez).
En ce qui concerne les réactions soulevées par la fusion en Belgique, il faut rappeler que l'annonce de cette opération a été annoncée quelques mois après que Suez eut pris le contrôle à 100 % d'Electrabel, au terme d'un accord (« Pax electrica I ») passé avec le gouvernement belge. Dès lors, l'État français devenait actionnaire d'un groupe contrôlant les centrales nucléaires de Belgique. Ces nouveaux éléments ont donné lieu à une nouvelle discussion et à un nouvel accord, « Pax electrica II », comportant une série d'engagements mutuels. Ces engagements restent valables, dans la mesure où les nouvelles modalités de la fusion ne changent rien pour la Belgique.
La situation en Espagne est très différente. Le partenariat engagé par Suez avec Gas natural n'en est qu'à ses débuts (le groupe ayant pris 11 % du capital) et n'est assorti d'aucune intention hostile. Il faut savoir qu'en cent cinquante ans Suez n'a jamais mené d'opération hostile. Au demeurant, dans un secteur aussi sensible que celui de l'énergie, de telles opérations n'ont pas lieu d'être : les échecs systématiques de ces dernières années l'attestent suffisamment. Le grand partenaire de Suez en Espagne est la Caixa de Barcelone et le groupe ne fera rien qui puisse gêner ce partenariat.
S'agissant maintenant des synergies fiscales, Suez a des reports fiscaux déficitaires résultant d'anciennes pertes immobilières des banques du groupe. Ces pertes seront récupérées par le nouveau groupe, qui les utilisera au fil du temps comme l'entité Suez projetait de le faire. Les reports fiscaux s'élèvent à 3 milliards, si bien que l'impôt représente environ 1 milliard. Mais il ne s'agit nullement d'un surplus généré par la fusion.
La nouvelle organisation managériale du groupe avait été mise au point et rendu publique l'année dernière : Suez-GDF sera dirigé par un conseil d'administration dont le président-directeur général sera l'actuel président-directeur général de Suez. M. Cirelli sera vice-président du conseil d'administration et directeur général délégué de la société. Il a été convenu qu'un certain nombre de décisions seraient prises d'un commun accord.
En matière de stock options, toutes les informations sont publiques. Suez distribue actuellement des stock options à 2 500 personnes et des actions dites « de performance » à 1 500 personnes supplémentaires. Dans le cadre d'un pacte social signé avec toutes les organisations syndicales européennes du groupe, la distribution d'environ quinze actions gratuites à chaque salarié dans le monde est prévue. Les sommes en jeu représentent 0,2 % du capital.
Le Président Didier Migaud a demandé à M. Mestrallet quelle était la valorisation de Suez Environnement.
a indiqué qu'il s'agissait d'une estimation intermédiaire qu'il n'avait pas le droit de divulguer : c'est au marché lui-même qu'il reviendra de déterminer la valorisation. Tout au plus peut-on dire que c'est ce calcul qui a permis d'aboutir à la proportion de 22 actions pour 21.
Les stock options, quant à elles, représentent environ 0,7 % du capital de Suez chaque année, soit environ 350 millions d'euros. Elles ne sont exerçables que de cinq à huit ans après leur distribution.
a estimé que cette question renvoyait directement à celle de l'impact de la fusion sur la valeur de l'action Suez. Or cet impact sera positif, comme il le sera sur l'action GDF, puisqu'il existe un milliard d'euros de synergies.
a répondu ensuite à M. Cahuzac au sujet des incidences que pourrait avoir la séparation du réseau de transport sur la valorisation du nouveau groupe.
En tout état de cause, l'hypothèse de la séparation ne saurait être envisagée avant deux ou trois ans, c'est-à-dire après la fusion. Cependant, quand bien même la séparation serait immédiate, on ne peut imaginer une expropriation : la valorisation sera donc inchangée.
a confirmé que les effets sur la valeur sont neutres. Ainsi, en Belgique, le réseau de transport d'électricité a été filialisé et introduit en bourse. Suez ne détient plus que 25 % du capital de cette société.
Par ailleurs, pour pouvoir répondre à la demande du consortium des industriels électro-intensifs, le nouveau groupe devra se doter de capacités de génération électrique supplémentaires, notamment en base. S'il construit un jour des centrales nucléaires en France, cela pourra être envisagé. Il existe en Belgique un consortium équivalent avec lequel Suez a conclu des contrats de long terme.
Le Président Didier Migaud a remercié MM. Mestrallet et Cirelli pour les réponses qu'ils ont apportées aux nombreuses questions formulées par les membres de la commission des Finances et de la commission des Affaires économiques.